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Editions RAMKAT




AQUARICA

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L’Ere du Verseau en question

par Jacques Halbronn

    Le XXIe siècle dans lequel nous nous trouvons depuis peu est associé avec certaines attentes alimentées par l’astrologie. Pas l’astrologie des horoscopes, mais celle dite des ères couvrant chacune plusieurs siècles, thèse qui appartient désormais au domaine qu’on appelle volontiers le « New Age »
(le Nouvel Age).

   C’est à la fin du XVIIIe siècle, en France, il y a donc plus de deux cents ans, que cette idée trouve la formulation qui est la sienne de nos jours (cf. sur le Site du C.U.R.A., notre étude "Isaac Newton et l’école précessionnelle française"). Cette idée est la suivante : il y aurait une succession des religions selon certains intervalles de temps.

   Le rythme d’une telle succession correspondrait, selon quelques historiens écrivant sous la Révolution (Charles François Dupuis, notamment, auteur de l’ouvrage intitulé L’Origine de tous les cultes) à un processus cosmique connu depuis l’Antiquité sous le nom de « précession des équinoxes » (précession - contraire de succession - signifiant que le monde avance à reculons, en sens inverse du Zodiaque).

   Il s’agissait avant tout d’une tentative pour montrer que l’on pouvait trouver des clefs pour comprendre l’Histoire des hommes et notamment de leurs cultures, en se référant à certaines données astronomiques assez particulières puisqu’il ne s’agissait pas des planètes mais de ce que l’on pourrait qualifier - sans entrer dans les détails - d’un mouvement général du Ciel de près de 26 siècles (25920 ans), parfois appelé « Grande Année ». On était donc bien loin des schémas de l’astrologie traditionnelle et nous préférons parler, plus généralement, à ce sujet d’ « Astro-Histoire ».

   L’argument utilisé par ces auteurs d’il y a 2 siècles (cf. les études bibliographiques sur Nostradamica) était le suivant : les animaux faisant l’objet d’un culte changent périodiquement. On serait ainsi passé d’un culte du taureau à un culte du bélier, puis d’un culte du bélier à un culte du poisson, soit trois signes zodiacaux se faisant suite mais à l’envers. A cette époque, les chercheurs ne semblent pas avoir imaginé qu’un tel changement se serait fait inconsciemment et encore moins que tel totem, par delà son symbole, correspondait à une ambiance psychologique différente. On ne parlait pas encore, en cette fin du XVIIIe siècle, d’un « esprit » bélier ou taureau, en rapport avec une typologie zodiacale.

   Toutefois, on était assez d’accord, d’un auteur à l’autre, pour reconnaître que l’on s’approchait d’un nouveau tournant « historique », tant et si bien qu’il est quand même assez douteux que l’on n’ait pas été alors, parfois, tenté de rapprocher la perspective d’un nouveau changement religieux du contexte révolutionnaire et ce d’autant que cela permettait ainsi de mettre fin à l’ère des Poissons, associée avec le christianisme dont le poisson fut un signe de reconnaissance parmi les premiers adeptes.

C’est ainsi que peu à peu, au cours du XIXe siècle, la conviction de vivre des temps nouveaux - ou du moins leur commencement - notamment sur le plan technologique mais aussi politique, allait s’articuler sur le paramètre astronomique gérant les ères successives. La nouvelle ère serait donc celle du Verseau, signe / constellation - on n’entrera pas ici dans les détails - précédant les Poissons.

   On peut donc parler d’un mouvement aquarien (d’Aquarius, en latin, le verse-eau) qui correspond à une sorte de messianisme attendant l’émergence d’un nouveau monde, telle que programmée de longue date dans le Ciel.

   Les références astronomique et symboliques n’en restaient pas moins assez floues : le passage d’un signe à l’autre n’était pas quelque chose de vraiment bien fixé au niveau zodiacal, et quant au passage d’un culte vers un autre, plusieurs lectures coexistaient.

   Restait le critère historique : est-ce que les gens avaient le sentiment que les temps avaient changé ? Mais une telle sensation n’est-elle pas illusoire et relative ? On peut toujours privilégier un événement et puis s’apercevoir que des phénomènes beaucoup plus graves se manifesteront plus tard et minimiseront, rétrospectivement, ce qui au départ avait semblé déterminant. A telle enseigne qu’un chercheur, comme l’Allemand Sepp, comme l’a montré Christian Lazaride (Cf. Vivons-nous les commencements de l’Ere des Poissons ? Recherche sur la chronologie précessionnelle indiquée par Rudolph Steiner, E.A.R, 1989), annonçait en plein milieu du XIXe siècle l’avènement non pas de l’ère du Verseau mais de celle des Poissons, accordant ainsi à un signe ce que d’autres accordaient au suivant !

Lazaridès

   En entrant dans le XXe siècle, on aurait en ligne de mire l’An 2000, l’entrée dans le Troisième Millénaire. Peu à peu l’idée d’une ère de 2000 ans allait faire son chemin, ce qui ferait coïncider, dans les esprits, le début de l’ère chrétienne avec le passage d’une ère dans une nouvelle.

   Le piège, dans lequel les aquarologues se devaient éviter de tomber, était de voir du verseau partout et en toute circonstance. Tout cela pourrait paraître assez innocent, mais ne risquait-on pas à l’occasion de mettre cette « astro-histoire » au service de tel pays ou de telle idéologie en conférant à tel ou tel camp, à tel moment de l’Histoire, une signification démesurée ?

   Si déjà les astrologues se discréditent parfois en expliquant tel événement insignifiant par telle conjonction planétaire, que dire des aquarologues, utilisant une unité de temps beaucoup plus longue (de plus de 2000 ans !) et n’hésitant pas à voir dans leur propre époque le début d’une ère nouvelle ?

   Or, les XIXe et XXe siècles se révélèrent singulièrement riches en révolutions et en guerres d’une grande ampleur, frappant les imaginations de ceux qui en furent les témoins (cf. notre étude sur le Site du C.U.R.A., "De l’astrologie à l’astro-histoire").

   Le cas des années 1930 - 1940 nous interpelle tout particulièrement et fait pendant, d’une certaine façon, à la Révolution Française, époque où la théorie des Eres avait pris tournure. Rappelons que sous la Révolution, mettant fin à l’ « Ancien Régime » (à rapprocher d’Ancien Testament), on débattit du sort des Juifs comme on le fera dans l’Allemagne nazie, que les victoires de Hitler ne sont pas sans évoquer celle de Napoléon Bonaparte, par leur ampleur. Il nous semble ainsi que les années Trente-Quarante constituent un nouveau « lancement » du processus et de fait, on trouvera en Paul Le Cour (1871 - 1954) un équivalent, toutes proportions gardées, d’un Dupuis (1742 - 1809) déjà mentionné.

   En 1937, Le Cour publie L’Ere du Verseau. L’avènement de Ganyméde. En Allemagne, Adolf Hitler est au pouvoir depuis quatre ans et ses idées politiques commencent à se concrétiser. Cela faisait déjà plusieurs années que Le Cour publiait sur ce sujet, dans sa revue, Atlantis, mais il semble qu’il ait jugé bon en 1937 de prendre plus nettement position sur ce qui se passait. Certains astrologues s’intéressant à la découverte, en 1930, d’une nouvelle planète, au delà de Neptune, baptisée Pluton, se focaliseraient également sur l’Allemagne (cf. notre ouvrage, L’Astrologie. Années Trente-cinquante, Paris, Trédaniel, 1995).

L’é du Verseau

   En 1940, l’Occupation éclair de la France et notamment de Paris apparaît comme un événement inouï et Paul Le Cour y voit la confirmation éclatante de son système et en 1943, alors que la France est intégralement occupée par l’Allemagne, cet auteur y publie un autre ouvrage, Hellénisme et Christianisme, dont la dimension antisémitique est assez évidente et dans lequel il précise certaines idées de son livre de 1937 dont d’ailleurs une nouvelle édition, revue et corrigée, était parue en 1942.

Hellénisme et Christianisme

   Dans Hellénisme et Christianisme, Le Cour annonce en quelque sorte la fin d’une aberration concernant la place accordée aux Juifs et qu’il souhaite ardemment minimiser. Au judéo-christianisme, il convient de substituer, selon lui, un helléno-christianisme. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce faisant, non sans recourir à l’argument précessionnel, aquarien, Le Cour encourage objectivement une certaine politique antijuive, en un temps où les camps d’extermination étaient en pleine activité.

   Par la suite, et nous pensons aux années 1970 (cf. le collectif Aquarius ou la Nouvelle Ere du Verseau, Paris, Albatros, 1979), cette collusion entre l’aquarisme et le nazisme sera oubliée et refoulée. L’Ere du Verseau de Le Cour continuera à paraître comme si de rien n’était, avec des remises à jour régulières. En 1971, d’ailleurs, la revue Atlantis célébrera le centenaire de la mort de Le Cour en estompant ses accointances avec l’épisode nazi. Certains aquarologues, d’ailleurs, n’hésitent pas à nier vigoureusement certains faits compromettants.

   Il nous semble acquis que l’aquarisme est un mouvement anti-pontifical et il est à rapprocher - comme le propose d’ailleurs Le Cour - de la Prophétie des Papes attribuée à Saint Malachie (cf. notre article dans la revue INAD Consommateurs) et dont les dernières devises s’épuisent, en dépit de la longévité de Jean Paul II, en place depuis 1978, c’est-à-dire depuis un quart de siècle.

   En ce sens, l’aquarisme est bien l’enfant de la Révolution Française, laquelle - ne l’oublions pas - tenta d’instaurer un nouveau calendrier dont 1792 était l’an I d’une nouvelle ère, mettant ainsi fin, pour un temps, à l’Ere Chrétienne. Les nazis, pour leur part, voyaient grand, voulant fonder un empire pour 1000 ans.

   Il faut certes reconnaître qu’il est légitime que les sociétés éprouvent périodiquement le besoin de changements majeurs et l’astrologie - ou plus largement l’astro-histoire - semble avoir servi, plus souvent qu’à son tour, à annoncer, du fait de sa dimension chronologique, liée aux horloges astronomiques, la fin de certaines institutions : la royauté, la papauté notamment.

   Il y a donc une « révolution aquarienne » qui personnifie toutes les attentes de changement de nos sociétés. Mais au lieu que ces sociétés assument leurs responsabilités, on met les transformations sur le compte d’un programme millénaire, lancé de longue date, qui les déculpabilise. Et on peut se demander, notamment au regard du génocide juif (Shoa), si les hommes qui ont agi dans ce sens ne furent pas déresponsabilisés par certains discours à vocation cosmique prétendant indiquer le « sens » irréversible de l’Histoire.

Jacques Halbronn
Paris, décembre 2002



 

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