BIBLIOTHECA HERMETICA


Accueil ASTROLOGICA NOSTRADAMICA PROPHETICA

PALESTINICA JUDAICA ANTISEMITICA KABBALAH

AQUARICA HYPNOLOGICA GALLICA

Editions RAMKAT




AQUARICA

4

L’Ere du Verseau au regard de l’astro-histoire

par Jacques Halbronn

     Nous savons désormais, notamment grâce aux recherches, parues sur divers supports, de R. Amadou, dans la foulée de la publication par nos soins du collectif Aquarius ou la Nouvelle Ere du Verseau (Paris, Ed. Albatros, 1979) - auquel il avait d’ailleurs pris part - que le concept d’ère précessionnelle remonte à la fin du XVIIIe siècle, et qu’il est quelque part à rapprocher du climat qui régnait en France à la veille et au lendemain de la Révolution de 1789.

   Cela dit, un tel concept s’inscrit dans une Histoire plus globale qui est celle de ce que nous avons appelé l’Astro-histoire, dans un sens bien plus large que celui de Michel Lacroix.1 L’idée de base de l’astro-histoire2 est de relier, selon notre formulation, un facteur x (d’ordre astronomique) et un facteur y (d’ordre historique) et le nombre de propositions possibles est immense, dont celle des Eres précessionnelles n’est qu’un échantillon, pas forcément plus convaincant que d’autres.

   Nous avons déjà souligné le fait que nombre de ces propositions qui s’échelonnent sur plusieurs siècles, n’entretiennent qu’un rapport assez lointain avec la tradition astrologique, stricto sensu, et c’est probablement leur mérite principal que de tenter de déborder le “canon” voire le catéchisme astrologique tel qu’il apparaît encore, avec des retouches et des ajustements de détail, dans la plupart des manuels et autres présentations de l’astrologie, jusqu’à ce jour.

   La faiblesse du système précessionnel est de ne pas comporter un “curseur” matériel, puisqu’il ne recourt pas à un quelconque corps céleste pour jouer le rôle des aiguilles d’une montre. Le curseur précessionnel, en effet, est constitué par le point vernal, ce qui est une donnée pertinente sur le plan mathématique ou cosmographique, mais qui n’est pas en soi visualisable. Savoir que le point vernal correspond à la position du soleil, chaque année, dans l’hémisphère nord, lors de l’équinoxe de printemps n’est pas, anthropologiquement parlant, très concluant. Ainsi, selon ce système, le point vernal serait le curseur qui désignerait, à un moment donné, une certaine étoile fixe, laquelle appartiendrait à un certain ensemble d’étoiles (appelé con-stellation), s’étant vu affecté le nom d’un signe zodiacal, étant entendu que l’on peut appliquer l’ordre zodiacal à n’importe quel support, à la façon dont on peut numéroter n’importe quelle série d’objets, sans parler de l’alpha-numérique. L’histoire des alphabets, liés eux-mêmes à l’apparition des nombres3 montre que les lettres portaient les noms d’objets ou d’animaux, par exemple, la lettre hébraïque Beith - qui a donné le bêta grec - et le bet du mot alphabet - signifie, en hébreu et dans d’autres langues sémitiques, la “maison”).

   Le lent déplacement du point vernal sur un arrière-plan d’étoiles n’a guère pu influencer les sociétés antiques en raison d’un principe qui nous paraît essentiel pour l’épistémologie de l’astrologie : la visibilité et la matérialité. Or, la conjonction du point vernal n’est pas visible, c’est une abstraction et elle ne correspond pas à une réalité matérielle. Ces deux conditions nous semblent incontournables pour envisager l’amorce d’une quelconque relation entre les hommes et un phénomène cosmique, ce qui nous conduit à éliminer les planètes invisibles au delà de Saturne et en tout cas au delà d’Uranus, puisque, paraît-il, cette dernière planète pourrait être aperçue à l’oeil nu. Si une société ne peut localiser visuellement un phénomène astronomique donné et ne peut4 en quelque sorte le percevoir physiquement, il est peu probable que le dit phénomène puisse s’enraciner dans la psyché sociale.

   Il en est ainsi pour d’autres constructions astro-historiques qui ont précédé la formulation de la théorie des Eres. Mais dans certains cas, le plus connu étant celui des Grandes Conjonctions Jupiter-Saturne, on dispose bien d’une visibilité et d’une matérialité mais avec un manque, qui relève d’une condition supplémentaire, à savoir, le respect d’un rapport entre le fixe et le mobile, dualité qui est d’ailleurs rappelée dans la classification bien connu, en quadruplicités de signes fixes, qui est d’ailleurs évoquée dans la vision figurant dans le Livre d’Ezéchiel (taureau, lion, scorpion (aigle), verseau (homme, Adam) et mutables (les signes suivants).

   En effet, un événement est d’autant mieux perçu qu’il se déroule dans un espace bien balisé et familier. Par exemple, dans la rue que j’arpente chaque jour depuis des années, je fais attention à une voiture qui passe. En revanche, si je change constamment de lieu de passage, comment prendrai-je conscience que quelque chose d’inhabituel s’est produit ? Or, ces deux planètes (les voitures, dans notre exemple) ne se croisent jamais au même endroit du ciel, sur un même fonds stellaire qui jouerait le rôle d’un repère fixe (la rue, dans notre exemple). Bien plus, c’est le changement d’arrière plan qui fait l’objet ici d’une interprétation.

   Pour en revenir à la théorie des Eres, il nous semble que l’idée que l’humanité change de mentalité, de valeurs, selon la constellation où se situe, durant une période donnée, le point vernal est irrecevable, du fait précisément qu’il ne s’agit pas d’une approche répétitive et cyclique. Comme pour la théorie des Grandes Conjonctions, c’est le changement d’arrière plan stellaire - alors que celui-ci devrait rester fixe - qui est au coeur du système.

   Ce qui nous conduit à poser un autre principe en astro-histoire à savoir l’importance d’une vraie cyclicité. La théorie précessionnelle n’est en effet cyclique que de façon tout à fait abstraite: puisque le point vernal ne repasse au même endroit que tous les 26000 ans environ. Bien plus, ce que ses partisans mettent en avant n’est nullement sa cyclicité mais les changements qui s'opèrent lorsque le point vernal change de constellation, c’est-à-dire passe en un lieu où il n’est pas passé de puis plus de 250 siècles, ce qui fait quand même beaucoup à l’échelle de l’Histoire connue. On ne peut donc démontrer, avec ce système, que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

   Une faiblesse supplémentaire de la théorie précessionnelle est la symbolique zodiacale elle-même. Si l’univers est structuré ou l’a été par les sociétés humaines, ce qui nous semble infiniment plus probable5, c’est dans un but fonctionnel, qui fasse sens au niveau de l’organisation sociale et pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple, il nous semble qu’un système à deux phases en alternance est bien suffisant et que point n’était nécessaire d’envisager quatre et encore moins douze phases différentes.

   En ce qui concerne le système dit des Grandes Conjonctions, qui remonte environ au Xe siècle après JC, une conjonction Jupiter-Saturne se produit tous les 20 ans à 120° (un tiers de cercle) de distance de la précédente. La faille du système, c’est d’être fondé également, comme pour le système précessionnel, sur le point vernal, puisque l’on y tient compte du changement de signe (et de triplicité / Elément). Il y a donc là rencontre des deux planètes non pas avec une ou plusieurs étoiles fixes mais avec un point purement mathématique et parfaitement invisible, puisque le zodiaque de 12 signes utilisé est construit à partir du dit point vernal. Bien plus, si un astre peut revenir à un point fixe de façon régulière, en revanche, deux astres errants (planètes) se rencontrent/rejoignent chaque fois en des lieux différents.

   Un autre problème se pose, c’est la fascination pour les longues périodicités et qui est selon nous d’inspiration indienne / hindoue6 : plus de 2000 ans pour chaque ère précessionnelle, environ 800 ans pour qu’une grande conjonction change de triplicité.

   Faut-il donc, impérativement, que l’astro-histoire brasse des périodes aussi étendues ? Nous ne le pensons pas. Il nous semble préférable de considérer deux types de phase alternant tous les sept ans mais ayant existé depuis des millénaires - sorte de yin yang - correspondant à une sorte d’hélice de type ADN, que l’on retrouve d’ailleurs dans la théorie des domiciles et exaltations, léguée par le Tétrabiblos de Ptolémée.7

   Comment expliquer qu’un paradigme aussi simple - du moins est-ce notre analyse comme on peut le lire concernant l’astrologie axiale - que les relations entre une planète et des étoiles fixes - qui permettent de calculer avec précision une date aient laissé la place à des modèles aussi étranges que ceux de la théorie des Grandes Conjonctions et des Eres précessionnelles qui fonctionnent non plus sur des points fixes mais sur des subdivisions du Ciel, parfaitement abstraite qui ont pour noms signes ou constellations, dont la distinction évoque celle de la peste et du choléra ? Cette zodiacalisation qui a pris la place d’un repérage purement stellaire - auquel la technique des aspects s’appliquait sans problème, dans la mesure où elle convient mieux à relier des points que des espaces. C’est selon nous le résultat de la rencontre de deux astrologies, l’une fondée sur les planètes et les étoiles fixes et l’autre, plus ancienne, plus archaïque, antérieure à la découverte du phénomène planétaire, sur les mois (articulés autour du rapport soleil / lune et les saisons, d’où l’importance du point vernal.

   Il conviendrait également de signaler un autre système apparu au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale et qui est connu sous le nom d’indice de concentration des planètes lentes.8 Son principe consiste à observer les distances maximales séparant les planètes lentes, c’est-à-dire au delà de Mars, à savoir Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune (auquel Pluton sera ajouté par la suite). Ici, plus question d’aucun référentiel zodiacal, ce qui est effectivement une bonne chose, plus aucun rapport avec le système saisonnier / mensuel mais aucune référence non plus aux étoiles fixes : on est dans un système qui ne fonctionne plus qu’avec les planètes, alors que le zodiaque (notamment celui que l’on nomme sidéral), jusqu’alors, renvoyait encore, bien qu’indirectement, aux étoiles fixes. On a donc ici affaire à une sorte de bouquet planétaire, marqué par un principe de binarité bienvenu, mais dont les fondements sont fort discutables : soit les dites planètes sont bien réparties, soit, au contraire, elles sont concentrées sur un espace étroit. On peut en effet douter du bien -fondé de prendre en compte des planètes au delà de Saturne et notamment Neptune et Pluton invisibles à l’oeil nu et inconnus de l’Antiquité. Faut-il rappeler que les travaux statistiques de Gauquelin ne donnent pas de résultat significatif pour les astres au delà de Saturne9 ? Il est pour le moins étrange qu’au lieu de recourir à des étoiles fixes, connues de l’Antiquité, on ait ainsi préféré se servir, à la place, en quelque sorte, de planètes très lentes (Pluton, dont d’ailleurs le statut de planète est désormais fortement contesté par les astronomes, a une révolution de près de 250 ans) mais qui étaient alors inconnues.

   Nous avons ainsi voulu resituer les recherches précessionnelles dans le cadre d’un ensemble de travaux, échappant peu ou prou au corpus de l’horoscopie ordinaire, et de mettre en évidence les différentes combinatoires / martingales - et il en est bien d’autres que l’on pourrait inventorier, de Kepler à Boulainvilliers - qui ont été proposées successivement par les uns et les autres. L’existence même de tels travaux, hors du canon astrologique, a pu susciter les sarcasmes de certains mais il nous semble bien qu’à terme cela devrait aboutir à évacuer le dit canon astrologique au profit d’un nouveau paradigme dont nous avons tenté ici de définir les conditions d’élaboration.10 La théorie précessionnelle nous apparaît ainsi, en dépit de ses faiblesses, comme la manifestation d’une alternative à l’astrologie traditionnelle, ce qu’avait bien compris un Paul Le Cour11, mais elle ne constitue qu’une étape - certainement pas la dernière - sur une longue route.

Jacques Halbronn
Paris, le 27 février 2003

Notes

1 Cf. L’idéologie du New Age, Paris, Flammarion, 1998. Retour

2 Cf. notre étude sur “La question et les réponses”, rubrique Astrologica, sur le Site Ramkat.free.fr. Retour

3 Cf. notre étude in Mathématiques Divinatoires, préface de J. Ch. Pichon, Paris, Trédaniel, 1983, pp. 153 et seq. Retour

4 Cf. notre article sur l’Inconscient collectif. Retour

5 Cf. notre ouvrage avec S. Hutin, Histoire de l’astrologie, Paris, Artefact, 1986. Retour

6 Cf. notre étude sur le site du Cura.free.fr, consacrée à astrologie et religion. Retour

7 Cf. Clefs pour l’astrologie, Paris, Seghers, 1976, p. 85 ; “Comparaison du Tétrabible attribué à Ptolémée et la Mathesis de Formicus Maternus”, Colloque Homo Mathematicus, Actas del Congreso Internacional sobre astrologos griegos y romanos, Benalmadena, 2001, dir. Perez Jimenez & R. Caballero, Malaga, 2002. Retour

8 Cf. A. Barbault, Les astres et l’Histoire, Paris, J. J. Pauvert, 1967. Retour

9 Cf. nos études en postface aux Personnalités Planétaires, Paris, Trédaniel, 1992. Retour

10 Cf. notre étude sur le site du Cura,free.fr, “le modèle universel”. Retour

11 Cf. L’ère du verseau. L’avénement de Ganyméde, Vincennes, Atlantis, 1937. Retour



 

Retour Aquarica



Tous droits réservés © 2003 Jacques Halbronn