BIBLIOTHECA HERMETICA


Accueil ASTROLOGICA NOSTRADAMICA PROPHETICA

PALESTINICA JUDAICA ANTISEMITICA KABBALAH

AQUARICA HYPNOLOGICA GALLICA

Editions RAMKAT




AQUARICA

7

Les effets du précessionalisme
sur la tradition astrologique ancienne

par Jacques Halbronn

     La précession des équinoxes est un phénomène qui a interpellé sinon perturbé l’astrologie sur toute une partie de son Histoire et cela n’est probablement pas terminé. On sait que les astrologues se divisent sur le point de départ du Zodiaque, entre tropicalistes et sidéralistes, ces derniers dominant en Inde.1 Tout cela ne serait pas arrivé si l’on s’en était tenu une fois pour toutes à une certaine étoile fixe servant de référence pour structurer le cycle des planètes, selon les aspects ainsi formés. D’ailleurs, dans quelle mesure l’astrologie doit-elle se référer aux équinoxes ? Selon nous, cette prise en compte des équinoxes est le fait d’un syncrétisme entre une astrologie des planètes et une astrologie des luminaires, axée sur les saisons. On sait d’ailleurs à quel point le débat sur le Zodiaque dans l’hémisphère sud - faut-il l’inverser ? - n’a pas été résolu, même si un consensus existe chez les astrologues pour s’aligner sur l’hémisphère nord. L’astrologie des planètes n’a nul besoin des équinoxes et des solstices pour fonctionner, elle dispose d’équivalents qui lui sont propres qui sont les conjonctions, carrés et oppositions, à Aldébaran (cf. infra), constituant avec Antarès un axe remarquable qui impressionna certainement les Anciens et dont la coïncidence, à un certain moment, avec l’axe équinoxial a généré bien des confusions et des dérives.

Sommaire :

1 - L’annonce de l’ère du Verseau
2 - L’exaltation du soleil


1

L’annonce de l’ère du Verseau

    On peut très bien imaginer une astrologie qui n’aurait jamais été confrontée à la question des ères précessionnelles. Il s’agit là d’une théorie relativement récente même si paradoxalement elle couvre des périodes des plus éloignées et l’on peut se demander comment elle s’est intégrée dans le corpus astrologique ou plutôt comment le dit corpus s’est laissé pénétrer par elle, alors que son assise astronomique est si singulière. Non seulement, cette théorie est récente (fin XVIIIe siècle) mais elle n’est entrée qu’encore plus tardivement dans le corpus astrologique. Elle fut longtemps exposée par des auteurs qui n’étaient et ne se voulaient point astrologues stricto sensu, tel que Paul Le Cour et en fait il faudra véritablement attendre le colloque du MAU de 1977 pour que la communauté astrologique l’intègre pleinement, comme en témoigne le volume collectif, Aquarius ou la Nouvelle Ere du Verseau que nous avons dirigé (Paris, Albatros, 1979), compte tenu du fait que les bases mêmes de cette théorie étaient peu compatibles avec l’anti-sidéralisme dominant, lequel rejetait le recours aux constellations. Cet apport fut, avec le recul, un signe de dysfonctionnement du savoir astrologique plutôt qu’un signe de santé mais les avis sont évidemment partagés sur ce point. Le même cas de conscience se pose concernant les Centuries de Nostradamus dont l’appartenance à la littérature astrologique fait également problème en dépit de la présence de quelques éléments relatifs à l’influence des astres. Force est de constater qu’à la fin du XXe siècle, ce sont ces formes douteuses d’astrologie - les Centuries, les Eres - les conjonctions des transsaturniennes - qui occupèrent le devant de la scène astrologique.2 Cette accusation de syncrétisme pourrait également être prononcée contre l’adoption en astrologie des nouvelles planètes découvertes depuis la fin du XVIII siècle - on notera le parallèle chronologique avec l’émergence de la théorie des ères associée à L’Origine des cultes, notamment chez un Charles-François Dupuis, auteur d’un ouvrage sous ce titre - par les astronomes.3 C’est dire que l’astrologie moderne est beaucoup plus éclectique que celle qui existait au XVIIe siècle, elle accorde en outre une grande importance aux références mythologiques et symboliques, notamment en ce qui concerne l’imagerie zodiacale, sans parler de son rapport avec le Tarot, chez nombre de praticiens, surtout au XIXe siècle.4 L’astrologie du XVIIe siècle ne semble pas avoir su se défendre et se protéger contre certaines tentations et c’est peut être là le péché originel de l’astrologie moderne.

   Au départ, la dimension astrologique du système était en effet fort ténue voire nulle, ce qui était le plus familier concernait le recours à la terminologie zodiacale encore que renvoyant à un autre zodiaque que celui habituellement pratiqué par les astrologues occidentaux mais conforme à celui des astrologues indiens.5 Il s’agissait surtout d’esquisser une histoire des religions et plus précisément une tentative de classement et de périodisation des religions se fondant tout à fait consciemment sur un culte zodiacal et nullement d’affirmer que le phénomène précessionnel agissait sur quelque Inconscient Collectif.6 L’argument précessionnel était d’ailleurs utilisé au XVIIe siècle notamment contre l’astrologie pour montrer que les signes du zodiaque étaient décalés par rapport aux constellations. Et l’on comprend que cette théorie des ère soit née hors des cercles astrologiques et d’ailleurs sans aucune prétention prédictive au départ avant d’être utilisés par des mouvements à caractère religieux voire messianique, ne se situant pas pour autant dans une nette problématique astrologique.

   Ce qui nous intéresse ici, c’est de pouvoir assister à l’époque moderne, en quelque sorte sous nos yeux, à la mise en oeuvre d’un syncrétisme conduisant progressivement l’astrologie à intégrer de nouvelles données - sous prétexte qu’elles sont en rapport avec le ciel - phénomène qui s’est selon nous produit tout au long de l’Histoire de ce savoir et dont les dernières manifestations concernent les Centuries de Nostradamus et les nouvelles planètes, certains d’ailleurs, comme le roumain V. Ionescu et P. Guinard (dans des articles parus dans la revue Atlantis) ayant tenté de relier quatrains et planètes transsaturniennes.

   La question des ères précessionnnelles nous semble relever d’une déviance prophétique de l’astrologie. Est-ce que l’astrologie a vocation à déterminer le terme des choses et notamment celui des religions ? Tout au plus, l’astrologie, à notre sens, est-elle en mesure de fixer un terme à une phase mais en sachant que cette phase reviendra à plus ou moins court terme, selon le principe d’une alternance périodique. Or, dans le cas des ères, il n’en est rien sauf à considérer le retour d’une ère tous les 26 000 ans environ. Est-ce que l’astrologie fonctionne à une telle échelle gigantesque ? Nous ne le pensons pas. La périodicité astrologique nous semble devoir rester dans des proportions infiniment plus modestes, à l’échelle d’une vie d’homme. Car, si nous ne prônons pas une astrologie individuelle, s’articulant autour du thème astral, sinon sur les bases définies par Gauquelin, en revanche, nous pensons que l’astrologie se conforme aux dimensions d’une vie normale avec des phases se répétant et alternant au cours d’une vie. Une durée de 7 ans pour une phase nous semble une norme correcte, on est donc bien loin des phases de plus de 20 siècles ! Précisons que ce rapport entre l’astrologie et religion - et cela était déjà vrai avec l’usage des grandes conjonctions Jupiter-Saturne - a toujours été peu ou prou polémique, il s’agissait de montrer que telle religion était vouée à se terminer sous peu, notamment l’Islam qui aurait fait son temps ou le christianisme pour d’autres. L’astrologie aurait intérêt à rester à l’écart de telles computations, elle qui se situe plutôt dans une sorte de mouvement perpétuel et qui ne peut parler que d’interruptions, de parenthèses mais certainement pas de fin de cycle ou de fin des Temps, ni de mort, dès lors que la mort est perçu comme un événement définitif. En ce sens, le fait que les hommes meurent vient interférer avec la dimension astrologique et se situe en dialectique avec elle

Retour sommaire

2

L’exaltation du soleil

    Or, si la théorie des ères est récente, ce n’est pas le cas de la connaissance de la précession des équinoxes et il conviendrait de ne pas confondre les deux questions et extrapoler de l’une vers l’autre. Nous disposons en effet de traces de précessionalisme dans un dispositif astrologique fort ancien et bien connu des astrologues, celui dit des exaltations.7 Ce système absent du Tétrabible de Ptolémée (IIe siècle de notre ère) est pourtant attesté bien avant celui des domiciles. Le dispositif en question attribue chaque astre du septénaire à un signe et à un seul, en précisant en outre, un certain degré du zodiaque). C’est ainsi que le soleil est assigné au bélier et la lune au taureau, Mercure à la Vierge, Vénus aux Poissons, Mars au Capricorne, Jupiter au Cancer, Saturne à la Balance.

   Or, il nous semble assez évident qu’un tel dispositif est déjà marqué par une évolution et que le soleil initialement devait être associé non pas au bélier mais au taureau. Le dispositif des domiciles nous renseigne à ce sujet, puisque le soleil s’y trouve en lion soit au carré du Taureau et la Lune en cancer soit au carré du Bélier. L’aspect de quadrature est probablement l’aspect le plus important hormis la conjonction et l’opposition et son caractère traditionnellement jugé dissonant tient essentiellement au fait qu’il marque un changement de phase. Nous ne pensons pas pour notre part que les aspects doivent être utilisés en astrologie individuelle pour l’étude du thème astral mais qu’ils valent uniquement en astrologie cyclique. Rappelons que les axes équinoxiaux et solsticiaux sont en carré. Les autres aspects, comme ceux de trigone et de sextile sont selon nous bien plus tardifs bien que déjà attestés dans le Tétrabible, ouvrage déjà cité, qui recueille des documents très divers; ils servent essentiellement au départ à classer les signes par élément, “triplicité” (feu, terre, air, eau) et par genre, pair/impair.(masculin/féminin).

   Il nous semble donc que seul le carré pouvait faire sens dans le rapport domicile/exaltation et cela tant pour le soleil que pour le lune, les deux luminaires, associés aux axes saisonniers, la lune précédant le soleil en domicile comme elle devait le faire à l’origine, en exaltation. D’ailleurs, ce qui montre que le système a été perturbé par la prise en compte du précessionalisme, tient notamment au fait que la lune est en chute, l’opposé de l’exaltation, dans un signe d’eau, le scorpion alors qu’elle est domiciliée dans un autre signe d’eau, le cancer. Est-il par ailleurs normal que l’exaltation et le domicile du soleil soient l’un et l’autre en signe de feu, bélier et lion, alors que pour les planètes proprement dites (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne), on n’a jamais ces deux positions dans des signes de même élément ni d’ailleurs de même genre : quand l’exaltation est en signe masculin, le domicile est en signe féminin et inversement.

   Le fait de placer les quatre positions du soleil, à savoir les positives (domicile et exaltation) et les négatives (exil et chute) dans quatre signes fixes: taureau, lion, scorpion, verseau, nous semble bien rejoindre l’importance qui leur est accordée dans le Livre d’Ezéchiel ou dans l’arcane 21 “Le Monde”, ou dans la symbolique des quatre évangélistes, où le scorpion est remplacé par l’Aigle.8 On ne saurait s’étonner que l’exaltation du soleil ait été modifiée et qu’elle l’ait été en sens inverse du zodiaque. En effet, le point vernal, lié à la position du soleil au début du printemps, s’est longtemps trouvé dans la constellation du taureau puis est passé dans celle du Bélier. Il ne semble pas que l’on puisse parler de coïncidence dans le fait que l’exaltation en question ait suivi le même mouvement. Les astrologues auront ainsi cru bon de modifier la position de référence du soleil, sans d’ailleurs intervenir sur son domicile, qui resta en Lion. Ce qui montre que l’exaltation, articulée autour de l’axe des équinoxes était la matrice par rapport à laquelle les domiciles se sont constitué. Le précessionalisme aura ainsi perturbé le dispositif des Dignités Planétaires non seulement en le modifiant mais en le rendant bancal. Il s’agit probablement d’un emprunt ponctuel d’une astrologie déjà décadente à des données astronomiques nouvelles, lors de la découverte de la précession des équinoxes. Par la suite, d’ailleurs, les astrologues s’efforcèrent d’intégrer les nouvelles planètes au sein du dispositif des domiciles, au XIXe siècle pour ce qui est du moins d’Uranus et de Neptune et au XXe siècle pour ce qui est de Pluton. En revanche, pour les exaltations, on ne parvint pas à un consensus général encore que l’on parle de l’exaltation d’Uranus en scorpion et de Neptune en Lion et que l’on hésite encore pour ce qui est de Pluton.

   On voit donc à quel point la constellation du Taureau était importante puisque le point vernal y demeura sur plus de deux millénaires. Dans cette constellation, une étoile de première grandeur faisait référence, connue aujourd’hui sous le nom probablement arabe d’Aldébaran. Mais fallait-il ou non tenir compte de la précession et ainsi abandonner Aldébaran au profit des étoiles moins brillantes de la constellation du Bélier ? Nous pensons, suivant en cela l’astrologue sidéraliste Cyril Fagan, que ce fut là une erreur car Aldébaran était bel et bien le point gamma auquel l’humanité s’était accoutumée pour déterminer le cycle d’une planète comme Saturne, en aspect de conjonction, carré et oppositions. L’Inconscient Collectif est programmé, une fois pour toutes, par rapport à Aldébaran et non par rapport à quelque point vernal invisible et qui d’ailleurs n’a cessé de changer. Car le point vernal n’étant plus dans la constellation du Bélier, aucun point de repère céleste fixe n’est concevable et rappelons que le point vernal est désormais peu ou prou dans la constellation du Verseau, ce qui nourrit précisément les spéculations astrologiques sur le début de l’Ere du Verseau. Pour bien faire, il faudrait placer l’exaltation du soleil en verseau et ne pas la laisser, comme on le fait, en bélier. Mais quand on parle du bélier tropical, on se réfère en réalité de nos jours à une position du Soleil aux approches de la constellation du... Verseau. En effet, le dispositif des exaltations est au départ conçu par rapport aux constellations puis, du fait de la précession des équinoxes, les constellations laissèrent la place aux signes - ce qui conduisit à l’abandon des étoiles fixes - puisqu’elles avaient le tort de ne pas changer de place au fur et à mesure de la progression du point vernal, elles furent détrônées par les signes. En fait, il aurait été préférable de basculer des constellations vers les signes à partir de la constellation du Taureau et non pas de celle du Bélier et de considérer le Taureau comme le premier signe.

   La permutation Soleil-Lune, dans le seul dispositif des exaltations, est une formule bâtarde et qui pourtant s’est perpétuée au sein du savoir astrologique jusqu’à nos jours. Autrement dit, le bélier ne serait pas le premier mais bien le dernier signe du zodiaque. Il était certes lié au point gamma/vernal puisque celui-ci est déterminé par sa frontière avec le taureau.

   Pour revenir sur la théorie des ères, peut-on véritablement affirmer que les religions changèrent lorsque le point vernal passa de la constellation du Taureau à celle du Bélier ? On ne contestera pas que ce changement fut remarqué alors, comme l’attestent les exaltations du soleil qui portent la marque du dit décalage entre la constellation du Taureau et le début du printemps. Il est en outre très probable que l’astrologie exerça une forte influence, intellectuellement parlant, sur la formation des religions : problème du monothéisme lié au monoplanétarisme, problème du détrônement d’une constellation par une autre qui pourrait expliquer la dialectique judaïsme/christianisme. De là à croire que le précessionalisme puisse déterminer un changement religieux, l’émergence d’une nouvelle civilistion; il nous semble que ce serait bien abusif: ces changements ont été opérés en pleine conscience. Tout au plus, les astrologues - rejoignant d’autres mouvances - peuvent-ils essayer d’étayer une nouvelle religion chez ceux qui sont prêts à y adhérer mais le précessionalisme n’a nullement la prégnance dans l’Inconscient Collectif qui est celle de Saturne; il se situe à un niveau bien plus superficiel de la Conscience.

   En revanche, le lien de l’Humanité avec la constellation du Taureau reste, selon nous, très puissant et le précessionalisme n’y peut rien. La fixation du point gamma sur le Taureau n’a rien à voir selon nous avec le passage du point vernal dans cette région du ciel, elle lui est certainement antérieur. Mais par la suite quand le point vernal coïncida avec certaines étoiles de la constellation du Taureau, on crut que le choix d’Aldébaran était lié à ce critère et donc que l’on pouvait changer d’étoile au fur et à mesure que le point gamma se déplaçait. En réalité, le choix d’Aldébaran était du à la présence d’un axe remarquable avec Antarés et l’existence d’un tel axe ne saurait coïncider fortuitement avec la présence du point vernal, notion d’ailleurs qui ne devait pas être pertinente à l’époque.

   Or, selon nous, nous sommes ancrés, une fois pour toutes, dans l’ère du Taureau et sommes sensibles aux aspects de Saturne avec l’Oeil du Taureau, Aldébaran. Quant à ceux qui restent fidèles au zodiaque des signes, articulé sur le point vernal, il conviendrait, pour le moins, qu’ils considèrent le taureau comme le premier signe de leur zodiaque. Or, même les astrologues indiens accordent au Bélier un rôle premier alors que les astérismes (nakshatras) du Taureau sont considérés comme initiaux, c’est dire qu’eux aussi, probablement sous l’influence de la Grèce, ont été victimes du précessionalisme sans en tirer toutefois les mêmes conséquences et en conservant le référentiel des constellations. Il conviendrait enfin que l’on restituât au Taureau l’exaltation du Soleil et la Lune l’exaltation en Bélier. La rencontre de la Lune et du Soleil doit encadrer le point vernal, comme l’ouroboros, le soleil débutant le zodiaque et la lune le terminant. Qui ne voit que le dispositif actuel est bancal avec les deux luminaires occupant les deux premiers signes du zodiaque plutôt que d’occuper le premier et le dernier ? Or, un même décalage existe pour les domiciles : la lune au lieu d’être assignée au dernier signe du printemps l’est au premier signe de l’été, reléguant le soleil en seconde position. Il est clair, en effet, que si l’on place le taureau en tête du zodiaque, l’on rétablit le bélier à la fin de l’hiver et le cancer à la fin du printemps. Les signes dit fixes sont en fait ceux qui amorcent les saisons et il faudrait donc les appeler cardinaux et les signes actuellement dits cardinaux sont en fait ceux qui terminent les saisons et il faudrait les appeler mutables.

   Certains nous objectent que l’astrologie marche très bien sur la base des exaltations “classiques”. On voudrait bien savoir comment ils s’y prennent pour “valider” ainsi les facteurs en question, lesquels viennent se combiner avec une infinité d’autres facteurs de tous acabits, dans le cadre du théme natal: quelles statistiques peuvent-ils présenter ? Bien plus, quel usage faire du dispositif des exaltations et plus généralement des Dignités planétaires, qui constituent, les unes et les autres, un balisage de l’écliptique, en s’articulant notamment sur le Zodiaque ? Selon nous, ce dispositif n’était pas à l’origine conçu pour appréhender la situation à la naissance d’un individu mais pour suivre la course des astres tout au long de leurs révolutions respectives, c’est donc au niveau prévisionnel qu’il faudrait “tester” le dispositif en question. Il nous semble tout à fait logique que le soleil soit attribué aux deux “belles” saisons, le printemps et l’Eté et qu’il soit jugé déficient pour les “mauvaises” saisons que sont l’automne et l’hiver. C’est probablement selon un tel modéle solaire que l’on a attribué au départ les exaltations aux autres astres du septénaire. Le rapport Soleil-Lune semble lui aussi avoir joué un rôle important dans la mise en place d’un tel dispositif. Or, ce rapport ne s’articule-t-il point sur les aspects de conjonction (nouvelle lune), d’opposition (pleine lune) et de quadratures (demi-lune). Or, si l’on rétablit la situation avant cette malheureuse interférence précessionnelle, l’on aura observé que les aspects qui régissent les diverses positions des luminaires sont effectivement de carré et d’opposition. Le cas des luminaires est particulièrement important du fait que le dispositif des domiciles a fait l’objet d’un dédoublement des positions - comme on peut le voir dans le Tétrabiblos - ce qui constitue un autre type d’interférence. Si les luminaires n’ont qu’un domicile, les cinq planétes stricto sensu en ont deux, d’ailleurs distribués symétriquement par rapport au groupe soleil-lune.

   Il conviendrait donc, pour neutraliser les effets du précessionalisme - lequel ne s’est exercé que ponctuellement puisque l’on s’est arrêté au bélier au niveau de l’ordre des signes au lieu de continuer à tout décaler au fur et à mesure de la précession des équinoxes - placer sous le signe du taureau les personnes nées au début du printemps et ainsi de suite, tout se trouvant décalé d’un signe. Selon cette nouvelle structure du zodiaque, le verseau devient le signe qui ouvre l’Hiver à la place du capricorne9 tout comme c’est le scorpion qui ouvre l’automne et non la balance, devenu dernier signe de l’Eté. Nous rejoignons ainsi les positions des astrologues sidéralistes à ce détail près que nous ne prenons pas en compte l’ayanamsa mais que nous déplaçons tous les signes d’un cran.10 En ce qui nous concerne, tout cela n’a qu’un intérêt relatif étant donné que nous privilégions les aspects de Saturne à Aldébaran, une des quatre étoiles royales, à laquelle Cyril Fagan accordait la plus grande importance, et que pour nous le zodiaque démarre avec cette étoile fixe et non à partir du point vernal. Mais pour les tenants du zodiaque sidéral, qui se référent à une étoile de la constellation du bélier alors que le point vernal ne s’y trouve plus depuis belle lurette, ils sont dans une situation mal commode, puisque ne se situant ni par rapport au point vernal ni par rapport à une étoile fixe royale de la constellation du Taureau ; ce sont eux en réalité les victimes les plus évidentes du précessionalisme déjà daté avec ceux qui continuent à se servir d’un dispositif faussé des exaltations mais aussi des domiciles, qui place mal les luminaires en ne les faisant pas encadrer les axes équinoxiaux et solsticiaux. Rappelons enfin que le signe du bélier était représenté par un mouton, sinon par un agneau - dont on connaît l’importance dans le rite de la Pâque Juive et chez les Chrétiens avec l’agneau pascal ainsi que dans l’Aïd el Kebir faisant un bélier, dont certains traits sont dès lors redondants avec ceux du taureau. Selon nous, la seule approche acceptable de l’astrologie consiste à déterminer les diverses interférences qu’elle a subies au cours de son Histoire. En réalité, il y a plusieurs astrologies qui cohabitent et qui ont une certaine valeur en soi mais qui ont le tort de se mélanger et de se confondre.

   La précession des équinoxes illustre bien, selon nous, à quel point il importe pour l’astrologie de ne pas se laisser envahir par les données astronomiques de toutes sortes et qui ne sont pas le plus souvent pertinentes et l’on sait à quel point le problème, qui ne date pas d’hier, se repose de nos jours avec acuité. La théorie précessionnelle contribue ainsi à survaloriser le symbolisme du Zodiaque : alors que l’astrologie savante avait pris ses distances par rapport à un tel symbolisme, l’astrologie populaire et donc profane, en revanche, en était friande. Or c’est bien cette astrologie profane qui est à la base de la dite théorie puisque la symbolique zodiacale y est prise au pied de la lettre, c’est à dire sans interprétation ou réinterprétation, puisque l’on nous y parle de sacrifices des animaux correspondants (culte du taureau puis du bélier).

   Avec la précession, nous avons affaire à un phénomène qui parasite l’astrologie tant sur le plan astronomique que philosophique, introduisant des développements en porte à faux avec celle-ci. De la même façon que l’astronomie se plaint de l’instrumentalisation qu’elle a subie de la part de l’astrologie, l’astrologie, à son tour, est en droit de se plaindre de l’instrumentalisation qu’elle subit de la part des écoles théosophiques qui en font une astrosophie et dans la foulée une astromancie : l’astrologie est dès lors contaminée par le monde au lieu d’imposer son propre regard sur le monde. Si l’astronomie n’a pas trop eu à souffrir du traitement que lui a fait subir l’astrologie et si elles est parvenue à faire respecter ce qu’elle est en soi, en revanche, l’astrologie a fini, dans bien des cas, par être confondue avec l’astrosophie qui s’est greffée sur un corpus truffé d’incohérences structurelles. Pour rester sur le plan de l’histoire des religions, qui est au coeur de la théorie des ères, nous dirons que ces substitutions en chaîne ne sont pas sans nous faire penser au rapport du christianisme au judaïsme et de l’Islam aux deux réunis.

Jacques Halbronn
Paris, le 30 septembre 2004

Notes

1 Cf. notre article sur l’astrologie en Inde, dans la revue Ayanamsa en ligne. Retour

2 Cf. Elizabeth Teissier, Le passage de tous les dangers. 1999-2004 à l’aube du 3e millénaire etc, Paris; R. Laffont, 1999, pp. 31-109. Retour

3 Cf. nos études sur la précession : Sites CURA.free.fr et Encyclopaedia Hermetica en ligne. Retour

4 Cf. notre étude sur L’astrologie du Livre de Toth (1785) d’Etteilla, Paris, Ed. Trédaniel, 1993. Retour

5 Cf. notre étude sur l’influence de l’astrologie indienne sur l’astrologie médiévale arabe et sur l’astrochronologie occidentale, sur le Site CURA.free.fr. Retour

6 Cf. nos études sur Encyclopaedia Hermetica en ligne, rubrique Astrologica et Aquarica. Retour

7 Cf. nos recherches in Clefs pour l’astrologie, Paris, Seghers, 1976 et 1993. Retour

8 Cf. A.Volguine, Le symbolisme de l’aigle. Retour

9 Sur les liens entre le verseau et les Livres d’Heures, voir notre récente étude “Tarot, Zodiaque, Planètes, quatrains centuriques : des miettes de savoir” à la rubrique Tarotica, in Encyclopaedia Hermetica en ligne, Site ramkat.free.fr. Retour

10 Voir le débat sur ce texte dans le forum géré par Marie-Christine Sciflet : Salon-astro@yahoo.groupes.fr. Retour



 

Retour Aquarica



Tous droits réservés © 2004 Jacques Halbronn