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ASTROLOGICA

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Le savoir astrologique supposé du client

par Jacques Halbronn

    Ce qui fonde la consultation astrologique, ce n’est pas tant ni d’abord le savoir astrologique qu’est censé posséder l’astrologue praticien mais bien celui dont devrait disposer le client-consultant.

   Quand on pose ainsi la question, comme nous l’avons fait lors de l’un de nos séminaires du dimanche, il faut s’attendre à entendre des réponses plus ou moins pertinentes, restant en vérité assez loin de ce qui nous apparaît pourtant comme une évidence.

   Car, quelle que soit l’idée que l’on se fasse de l’influence astrale, il faut bien quelqu’un qui sache décoder le ciel, ce sans quoi on imagine mal qu’il puisse y avoir réaction significative. Pour donner un exemple trivial : si un médecin gastro-entérologue est en poste, c’est pour aider ceux qui ont un tropisme envers la nourriture et plus largement ceux qui développent l’agriculture, la cueillette, l’élevage, la chasse. Un médecin ne peut traiter de pathologie que parce que ses patients ont une certaine activité pouvant prendre une dimension pathologique.

   Si l’homme est indifférent aux astres, n’y est pas sensible, en quoi l’astrologue pourrait-il étudier les effets de cette sensibilité ? Or, cette sensibilité implique bel et bien ce qu’on peut appeler savoir mais sans qu’il s’agisse du savoir de l’astrologue.

   Prenons le cas des travaux de Gauquelin, peut-on concevoir que l’enfant qui ait ne dispose pas d’un certain savoir - à moins qu’il ne faille attribuer celui-ci à la mère - ce qui ne fait que déplacer le problème. Comment l’enfant repère-t-il les positions planétaires - par rapport à l’horizon et au méridien - puisque pour réagir à des signaux, encore faut-il les identifier !

   Mais le savoir de celui que nous appellerons désormais plutôt que client, natif, même si le dit savoir ne se réduit nullement au moment de la naissance - ne correspond pas au même niveau de conscience que chez le praticien. Nous avons là rencontre entre deux savoirs qui peuvent d’ailleurs différer considérablement et qu’il importe ici de préciser.

   Le savoir du client / natif - et bien entendu, le praticien est concerné, ipso facto en tant qu’humain, par celui-ci par delà le savoir qui lui est propre - est avant tout une capacité de repérage dans le ciel et non un savoir articulé comme celui de l’astrologue. Et il est plus probable, en tout état de cause, que le savoir du natif ait une part de vérité que ce soit le cas pour l’astrologue. En effet, on peut supposer que l’astrologue n’ait pas de savoir - en tout cas pas le “bon” savoir - sans que cela remette en question l’existence du savoir du natif. Mais la réciproque n’est pas vraie: si le natif n’a pas de savoir, l’astrologue ne peut en avoir un sinon un faux savoir. Le savoir du natif conditionne celui de l’astrologue. On peut également penser que l’astrologue va constituer introspectivement son savoir de praticien à partir de son savoir en tant qu’être humain (homo astrologicus).

   En réalité, le lien entre ces deux savoirs est fort improbable : si le savoir du natif est constant et guère voué aux changements sinon récurrents, en revanche, celui du praticien constitue un ensemble assez hétéroclite. En fait, le seul lien entre ces deux savoirs se situe au niveau du signifiant: dans un cas comme dans l’autre, il est question des astres et de ce qu’ils peuvent signifier / signaler pour les hommes. Mais il y a tant de façon de répondre à un tel questionnement, à une telle quête.

   En d’autres termes, si moi, en tant que natif, je ne sais pas où regarder, quelles configurations observer, le ciel ne me parlera pas, donc ne me fera pas agir, donc l’astrologue n’aura rien à dire à mon sujet.

   Mais, si le savoir en question était conscient, aurais-je besoin des services de l’astrologue ? Il s’agit donc de savoirs décalés l’un par rapport à l’autre, diachroniquement et synchroniquement. Diachroniquement parce que le savoir du natif précède celui de l’astrologue tout comme les astres ont commencé à tourner avant que les astronomes ne les observent ! Synchroniquement, parce que le savoir du natif correspond à un niveau de conscience propre à notre corps, à une perception “subconsciente” mais néanmoins consciente quelque part, à une mémoire que l’on pourrait qualifier, faute de mieux, de génétique et se transmettant d’une toute autre façon que le savoir proprement “astrologique” dont dispose le praticien.

   On nous objectera peut-être que nous exagérons en parlant de savoir. Tout dépend au demeurant de l’idée que l’on se fait de la façon dont les astres ont été reliés aux hommes. Si cela s’est fait à l’insu des hommes, et ce dès l’origine, accordons que l’on ne saurait tout à fait parler d’un savoir et que notre comparaison serait quelque peu boiteuse. Mais telle n’est point l’idée que nous nous faisons de la mise en place d’une telle corrélation 1.

   En effet, tout, ici, a commencé, selon nous, par un savoir nullement inconscient, par une instrumentalisation de certains éléments du Ciel susceptibles de marquer le Temps Social. Ce savoir ne consistait initialement qu’en quelques rudiments d’astronomie, à savoir la capacité à localiser un astre donné se déplaçant sur un fonds d’étoiles et en tirer certaines conséquences concernant le comportement des membres de la Cité. Mais encore une fois, s’il avait suffi qu’un tel savoir se transmît, point ne serait besoin de l’astrologue !

   Car le rôle de l’astrologue ne se justifie que par la présence / absence du savoir en question. Il faut en effet que ce savoir existe pour qu’il enclenche un comportement mais aussi qu’il ne soit pas pleinement conscient pour qu’il soit utile d’aider le natif à en connaître.

   On dira que le savoir du natif est devenu empirique mais cela ne rend nullement compte de la genèse du dit savoir laquelle relève, on l’a dit, d’un paradigme.

   Le savoir de l’astrologue ne saurait aider le natif que par delà le moment présent, tant de façon rétrospective que prospective. Par rapport au passé, le natif serait en quelque sorte amnésique sur ce qui l’a conduit à agir / réagir comme il l’a fait et par rapport au futur, le natif ne semble pas être en mesure de se projeter consciemment.

   Dès lors que l’astrologue possède la clef du savoir du natif, il peut aider celui-ci à mettre en équation son existence. Mais la question est justement de déterminer que c’est bien le cas.

   Or, tout nous porte à croire qu’il n’en est pas ainsi : que l’astrologie telle qu’elle est devenue et transmise, n’est pas le savoir en question, qu’elle ne fait que lui ressembler voire s’y substituer. Et c’est ce qui vient délégitimer l’astrologie actuelle.

   Ce n’est certes pas l’idée qu’il y ait un rapport entre hommes et astres mais que la clef de ce rapport a été perdue par le savoir astrologique ou qu’au mieux elle s’y trouve enfouie. Or que vaut l’astrologie tant qu’on n’a pas séparé le bon grain de l’ivraie ? Que vaut une chose juste mêlée à tout un lot d’erreurs dont on ne sait pas l’extraire ni la distinguer ?

   L’astrologie originelle, celle du natif, est fondée sur des signifiants qui sont aussi nécessairement des signifiés, par exemple tel arbre signifiera arbitrairement la chose x mais il sera aussi perçu comme l’arbre qu’il est aussi / d’abord. De nos jours, le signifiant n’est souvent qu’un mot écrit ou parlé qui n’existe pas en tant que signifié, sinon une forme passant par un alphabet ou par un système phonétique, s’il renvoie à du signifié.

   La différence n’est pas minime et c’est même là toute la différence : notre subconscient peut enregistrer un signifié donné et l’associer à un certain signifiant, dès lors que ce signifié est matérialisé et visualisable comme c’est notamment le cas d’un astre, à commencer par le soleil et la lune.

   Or, l’astrologie ne comporte, paradoxalement, que de façon exceptionnelle des signifiants de ce type. Prenons le cas des signes du zodiaque. En quoi cette division pourrait-elle être considérée comme “concrète” ? Tout au plus, ce serait le cas du point de départ de la série - telle étoile en ce qui concerne le zodiaque dit sidéral - mais non du passage d’un signe à l’autre. Peut-on considérer comme un repère matériel le passage du soleil en un certain point de l’espace lors du commencement du printemps (zodiaque tropique) ? Pas le moins du monde car un tel découpage est purement mathématique et le début du printemps n’est pas un phénomène palpable en soi.

   D’emblée, on peut mettre hors jeu toute la partie de l’astrologie qui est liée à des découpages abstraits. Il ne suffit pas en effet que ces découpages soient rigoureux et liés à une réalité indiscutable mais il faut en outre qu’ils soient balisés par des signifiés bien identifiables et bien distincts ; ce qui ne serait pas le cas d’une étoile parmi d’autres. Il faudrait que cette étoile soit éminemment perceptible, qu’elle sortît du lot. Ce qui explique pourquoi l’astrologie ne saurait englober un nombre illimité d’objets par trop semblables les uns aux autres, elle ne peut, pour fonctionner au niveau du savoir du natif, que les objets pertinents soient fortement distincts par les populations observant régulièrement le ciel, ce qui réduit sensiblement le choix. Beaucoup d’appelés et peu d’élus.

   Le caractère fictif ou abstrait d’un facteur est disqualifiant tout comme, par ailleurs, le caractère concret mais mal différencié d’un objet, comme un trop plein d’étoiles, d’astéroïdes etc. Les deux maux s’additionnent et recouvrent en grande partie l’astrologie traditionnelle laquelle plus elle englobe de données de toutes sortes, plus s’éloigne du savoir du natif dont elle est censée rendre compte.

   L’approche que nous prônons est anthropocentrique, c’est-à-dire qu’elle se place du point de vue de ce premier stade du savoir; encore conscient et se demande ce sur quoi les hommes d’autrefois ont pu se mettre d’accord, sur la base de variables bien visualisables. Il n’est évidemment pas question, dans ce cas, de prêter à ces populations un quelconque recours à des planètes transsaturniennes restées inconnues jusqu’à ces derniers siècles. Il y a là évidemment un critère éliminatoire de plus qui vient s’ajouter aux deux autres signalés plus haut.

   L’astrologie étant devenue ce qu’elle est, il nous semble que la seule méthodologie est celle d’un Gauquelin, à savoir partir du comportement du natif par rapport aux astres et ce sans chercher aucunement à justifier la tradition astrologique. Que par la suite, des recoupements puissent ressortir ne saurait pour autant justifier que la dite tradition puisse servir de base de travail. On refusera enfin toute extrapolation consistant à dire que si telle recherche peut converger avec certain chapitre de la tradition astrologique, cela signifie que toute la tradition astrologique est ipso facto viable !

   Encore faut-il préciser que l’on ne saurait adopter des travaux de Gauquelin que ce qui renvoie à des signifiés bien identifiables: qu’un astre donné - planète ou étoile - surgisse à l’horizon semble avoir été un repère apprécié. En revanche, le fait qu’un astre se situe au nadir, opposé au zénith, le sera beaucoup moins, puisque, par définition, on est dans l’invisible. Si des statistiques devaient conduire à accorder de l’importance au nadir, elles nous sembleraient suspectes car ce serait mélanger astronomie populaire et astronomie savante et on pourrait craindre l’application d’un paradigme pré-établi par le chercheur.

   En ce qui nous concerne, faut-il rappeler ce que nous avons exposé ailleurs, à savoir que nous n’avons gardé de l’astronomie antique - la seule au demeurant acceptable pour la question ici abordée - que l’axe des étoiles fixes Aldébaran / Antarés et les configurations basiques de Saturne avec le dit axe, ce qui constitue un système parallèle à celui du rapport soleil-lune (nouvelle lune, demi lune, quartier de lune - l’expression “quartier” est trompeuse car il s’agit bien non pas d’un quart de lune mais d’une demi-lune, à savoir d’un concept temporel, signifiant la fin du premier ou le début du dernier quart du parcours de la Lune). C’est à des données aussi simples que le savoir du client de l’astrologue se réduit et l’astrologue ne peut apporter à son client - non pas une surcharge divinatoire - mais la représentation globale d’un système vécu empiriquement.

Jacques Halbronn
Paris, le 10 février 2003

Note

1 Cf. notre contribution à L’Histoire de l’Astrologie, Paris, Artefact, 1986 et le commentaire qu’en fit Suzel Fuzeau-Braesch, L’Astrologie. La preuve par deux, Paris, R. Laffont, 1992. Retour



 

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