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ASTROLOGICA

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L’astrologie moderne et les signalisations

par Jacques Halbronn

    Contemplons le ciel : les étoiles, la pleine lune ! Et voilà l’astrologue d’aujourd’hui qui vient nous dire qu’il n’a cure des étoiles et de la pleine lune pour nous parler des grands clivages qui structurent le monde, dans le temps et dans l’espace. De qui se moque-t-on ?

   Qu’on y songe : quand on se dit de tel ou tel signe, est-ce que cela à voir de près ou de loin avec le ballet du soleil et de la lune ? Demandons à l’astrologue de nous dire quand on change de signe zodiacal, il ne nous désignera pas un point dans le ciel, pas même une étoile mais il regardera dans ses livres. Mais insistera-t-on, vous ne tenez vraiment aucun compte de la nouvelle lune ou de la pleine lune ? Il nous parlera d’une astrologie individuelle sophistiquée qui daigne s’en servir mais non, en effet, on n’en tient pas compte dans les grandes classifications dont il paraît que 90% des gens ont une certaine connaissance, à savoir les douze signes du zodiaque.

   Non pas qu’il serait impossible d'articuler une telle classification en douze sur les rapports qui se nouent et se dénouent entre les deux luminaires mais cela s’est, n’est-ce pas, décidé autrement et nos luminaires sont mis au placard au profit d’un découpage parfaitement invisible.

   Ce faisant, d’ailleurs, l’astrologie moderne ne correspond même pas aux mois du calendrier civil qui au demeurant ne correspond à rien de céleste ni au calendrier luni-solaire des juifs et des musulmans, où les mois effectivement commencent avec la nouvelle lune, c’est-à-dire la conjonction mensuel du soleil et de la lune.

   Quand on nous parle du cycle féminin, c’est bien entendu par rapport à ce cycle soli-lunaire que l’on se situe et non par rapport aux douze signes du zodiaque traditionnels, encore que rien n’empêcherait d’associer ceux-ci aux mois soli-lunaires, puisque le zodiaque n’est, a priori, qu’un alphabet qui peut se fixer sur n’importe quelle série.

   Et quand on veut parler des étoiles qui pourraient, au moins, servir de repères aisément accessibles à tous ceux qui veulent bien lever les yeux au ciel, l’astrologue moderne nous rappelle qu’il n’a que faire des étoiles dites fixes pour faire son travail et que les constellations ou ensembles d’étoiles ne coïncident même pas ou même plus avec “ses” douze signes zodiacaux.

   On a quand même du mal à croire que lorsque les hommes ont voulu baliser leur temps, ils ne se soient pas servi des rencontres soli-lunaires et leur aient préféré le cycle des saisons et l’axe des équinoxes et des solstices, d’autant que comme l’ont montré les juifs, on peut combiner les lunaisons avec les saisons pour constituer un calendrier où les fêtes reviennent chaque année à la même époque, ce qui n’est pas le cas des Musulmans.

   Les étoiles fixes sont aussi les mal aimées de l’astrologie moderne, on les ignore royalement. On pourrait croire naïvement que les astrologues vont s’intéresser au passage d’une planète sur une étoile mais pas du tout, il n’en est rien, on a tout faux ! Les étoiles comme les nouvelles lunes ne sont que des gadgets dont on peut fort bien se passer, aux yeux de l’astrologie moderne.

   Au fond, le message que l’on veut nous faire passer est le suivant : ne nous fions pas aux apparences, ce serait trop simple, constituons une astrologie décalée, différente, s’articulant sur quelques planètes visibles mais aussi, pour faire bonne mesure, sur d’autres parfaitement invisibles à l’oeil nu, telles Neptune, Pluton, les astéroïdes entre Mars et Jupiter etc.

   Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi a-t-on, en astrologie, substitué à un ciel qui s’offrait à nous un ciel occulte ? Pourquoi n’en est-on pas revenu, entre temps, à ce ciel familier ?

   Il est possible que l’astronomie ait montré que les apparences étaient trompeuses, que par exemple le soleil ne tournait pas vraiment autour de la Terre. Il est vrai également que les rencontres périodiques - les conjonctions - entre planètes n’exigent pas de connaître les signes du zodiaque, encore que la théorie dite des Grandes Conjonctions - qui concerne le cycle Jupiter-Saturne - leur accorde une grande importance. Mais ces rencontres n’ont nullement le caractère spectaculaire offert par l’opposition de la Lune au Soleil, qui donne la Pleine lune.

   On a certes le droit de porter en sautoir son signe zodiacal, mais on avouera que cela n’est pas appréhendé de la même façon que le ciel au dessus de nos têtes. C’est une célestialité abstraite, voire livresque ; on n’apprend plus à ciel ouvert. Au demeurant, les statistiques les plus sérieuses, au niveau astrologique, ne viennent nullement confirmer la division en 12 signes zodiacaux telle qu’elle est en vigueur actuellement.

   En vérité, il n’y a pas que les astrologues qui seraient dans la négation du signe puisque de nos jours on nous explique doctement que l’homme et la femme, pourtant bien distincts, sont aptes à accomplir les mêmes tâches et qu’il est désormais indifférent, sauf sur des segments très spécifiques bien connus, de faire appel à un homme ou à une femme, au niveau professionnel. Circulez, il n’y a rien à voir ! Etonnamment, il se publie beaucoup plus de textes sur les signes zodiacaux que sur le masculin et le féminin, en dépit du succès actuel des ouvrages, traduits de l’anglais, de John Gray : les hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus !

   Si l’on prend la communauté juive, on entend des propos assez confus sur la femme. A la fois, elle est très nettement séparée de l’homme dans le champ du religieux et du liturgique, elle ne peut constituer un minian, une assemblée, pour la prière et à la fois dans la vie sociale, on considère que tous ces dispositifs sont plus ou moins caducs et qu’il ne faut pas vraiment en tenir compte, tout en respectant toutefois la filiation juive par la mère et non par le père. D’ailleurs, c’est ce décalage qui a facilité l’émergence du judaïsme laïque.

   Et là encore, on nous explique que les vraies différences, les vrais clivages sont ailleurs, que ceux qui nous frappent par leur évidence, leur présence, sont tout à fait dépassés.

   Quant aux signes distinctifs liés à des pratiques religieuses, ils sont souvent assez mal vus, on se rappelle l’affaire du foulard islamique dans les écoles de la République.

   En revanche, on nous apprend à veiller à respecter les feux dits de signalisation, les divers icônes du paysage urbain pour ne pas parler du paysage virtuel de nos ordinateurs. On ne plaisante pas avec la signalisation. Comment donc expliquer un tel paradoxe ?

   Pourtant, avec l’essor de la génétique contemporaine, on devrait commencer à comprendre que la sensibilité à l’environnement se transmet et que cela implique de prendre en compte, à un niveau inconscient, l’environnement qui a été celui de nos ancêtres et qui, lui, n’a guère bougé, depuis des millénaires, pas plus d’ailleurs que n’ont encore changé les marques de la sexuation. Mais rien n’y fait !

   Qu’on ne s’y trompe pas : les “vrais” clivages perdurent quand bien même ne seraient-ils pas reconnus comme tels, alors que les “nouveaux” clivages constituent une bulle purement spéculative. En fait, nous frôlons ainsi la schizophrénie et le psychisme de nos sociétés est bel et bien clivé mais d’une toute autre façon : notre mental nous dit une chose alors qu’autre chose se joue plus en profondeur qui ne correspond pas. Il y a là un grave échec cognitif de la part de notre civilisation. L’astrologue nous apparaît ainsi comme un pompier pyromane qui aggrave le mal qu’il est censé prévenir ou guérir.

   En fait, se pose là un problème épistémologique et sémiologique de première importance : peut-on inventer de nouveaux clivages - c’est-à-dire une nouvelle signalisation - se substituant aux anciens, en ce qui concerne le découpage spatio-temporel de la Cité ? Nous sommes, pour notre part, très sceptiques quant à une telle possibilité. Certes, ces clivages anciens sont peu ou prou arbitraires, à l’origine, mais ils ont perduré pendant des millénaires et sont devenus des faits irréversibles en comparaison desquels les nouvelles signalisations ne pèsent pas lourd, si bien qu’il convient que les Sciences de l’Homme se rapprochent méthodologiquement des sciences dures, c’est-à-dire essaient de comprendre ce qui se passe vraiment au lieu de transformer leur objet d’étude. On confond apparemment science et technique : la science appréhende ce qui est, tandis que la technique, à partir de la science, peut évoluer et générer des artefacts. Or, actuellement, on veut changer l’ordre des choses obvie pour le remplacer par des abstractions qui n’ont qu’un impact superficiel mais néanmoins perturbateur : c’est du bricolage !

   Il conviendrait également de ne pas croire que tout en gardant l’ancienne signalisation, on puisse en modifier le contenu à volonté. L'exégèse a ses limites. Les anciens clivages concernent aussi bien le signifiant que le signifié, aussi bien la femme en tant qu'icône reconnaissable que le psychisme féminin lié à une certaine fonctionnalité.

   On nous objectera qu’il est bien difficile de conduire une telle investigation et de retrouver par exemple la “vraie” fonctionnalité des juifs, lesquels, eux aussi - l’Histoire du XXe siècle l’a suffisamment montré et démontré - sont bel et bien repérables et ce au sein des cultures les plus diverses.

   C’est là qu’intervient l’anthropologie fonctionnelle, dont l’objet est de restituer les anciennes logiques que les sociétés ont pu élaborer, en un temps fort éloigné car il est clair, pour nous, que les clivages d’autrefois correspondent à des fonctions toujours en œuvre, alors que la division en 12 signes nous renvoie l’image d’une humanité assez étrange, très féminine au demeurant : moi je suis comme ceci, toi tu es comme cela, avec un peu de ceci et un peu de cela, mais tout cela n’est strictement d’aucune utilité pour nos sociétés et ne concerne en fait que la sphère du sujet en résistance par rapport au monde, d’un certain narcissisme se complaisant et s’appropriant, à sa façon, une part du butin psychologique commun. Au fond, le zodiaque serait au coeur d’une contre-culture.

   On aurait ainsi une sémiologie de l’objet et une sémiologie du sujet. La première se caractérise par sa fonctionnalité, son incidence sur la vie des sociétés, le macrocosme, elle s’appuierait sur une signalisation visible, reconnaissable et établie depuis un temps immémorial. La seconde, qui se voudrait moderne, est liée au culte de l’individu, considéré comme un monde, un microcosme, en soi, le sujet transcendant et transfigurant, donnant réalité à tout ce qu’il touche et auquel il s’identifie indexicalement. Le thème natal - autre élément de l’arsenal astrologique - est l’outil par excellence, le miroir dans lequel le sujet peut se refléter et se projeter contre le monde extérieur. L’astrologue Dane Rudhyar (1895 - 1985), père de l’astrologie humaniste, ne disait pas autre chose, dès les années Trente, présentait le thème comme un moyen de se découvrir et de se protéger contre les influences de son milieu, la société étant perçue comme parasitaire et comme ne faisant pas sens au niveau cosmique. L’astrologie conditionnaliste de Jean-Pierre Nicola (né en 1929) ne dit pas autre chose : l’astrologue doit détecter les interférences non astrologiques pour dégager le vrai moi. Or, il nous semble, tout au contraire, que les astres ont justement à voir avec le fonctionnement de cette société (ce qui rejoint les préoccupations de l’astrologie mondiale) et avec notre fonctionnement au sein de cette société bien plus qu’avec la structure de notre individualité. Le statisticien Michel Gauquelin (1929 - 1991) n’a-t-il pas montré que l’astrologie, au niveau des données de naissance, était surtout perceptible, pour le calcul des probabilités, en ce qui touchait aux grands axes professionnels, c’est-à-dire ce qui concerne notre engagement social ?

   Il convient donc que l’astrologie renonce à ce tonneau des Danaïdes qu’est le thème astral, au service d’un sujet à l’appétit féroce, et qui se nourrit inlassablement, insatiablement, de tout ce qui traîne, dans les livres, pour le sublimer, le digérer et l’absorber, s’y reconnaissant forcément du fait de sa relecture, ce qui rend assez futile l’argument selon lequel les gens se retrouvent dans les descriptions des astrologues, lesquels ne se rendent pas compte qu’ils sont manipulés et qu’on leur demande seulement de produire une matière première - celle notamment générée par l’ordinateur - que l’on aménagera à sa guise. Mais même en restant au niveau, plus primaire, des douze signes, ne voit-on pas que ce discours est instrumentalisé par chacun d’entre nous, pour en faire sa chose, selon un processus indexical de réinterprétation des mots ?

   On se demandera ainsi dans quelle mesure ce rapport entre anciens et nouveaux clivages ne s’apparente pas à une sorte de cancer, et il n’est peut-être pas fortuit qu’un des signes du zodiaque porte ce nom. Pour notre part1, nous parlerons d’une pathologie de l’épistémé. Le visage de notre humanité actuelle, s’il fallait le représenter serait assez effrayant et assez méconnaissable, avec des boursouflures empêchant presque de deviner les traits d’origine, à l’instar du Portrait de Dorian Gray, d’Oscar Wilde. Comment, dans ce cas, ne pas comprendre - avouons-le - la défiance des esprits les plus éclairés à l’encontre de l’astrologie actuellement dominante ?

Jacques Halbronn
Paris, le 6 avril 2003

Note

1 Cf. notre rubrique sur le Site Faculte-anthropologie.fr. Retour



 

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