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ASTROLOGICA

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L’Astrologie et son relais divinatoire

par Jacques Halbronn

   Quel rapport les sciences humaines - et notamment la psychologie et l’Histoire - entretiennent-elles et ont, dans le passé, entretenu, avec la divination ? Il nous semble important de clarifier cette relation qui passe, de fait, par une certaine complémentarité entre le nécessaire et le contingent.

   La divination complète et prolonge en effet les approches dites scientifiques et leur épargne surtout certaines dérives. En disant cela, nous avons le sentiment de revaloriser le statut de l’approche divinatoire qui n’est pas en concurrence avec la science mais qui marque la frontière - on pourrait parler d’une barrière divinatoire - entre le certain et l’aléatoire.

   Or, quand un domaine n’a pas conscience de l’existence d’une telle barrière divinatoire, il est menacé. C’est le cas de l’astrologie qui n’a pas - ou plus - su distinguer entre ce que nous appellerons astro-histoire et astromancie. Et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé.

   Que l’on prenne le cas Nostradamus (cf. notre ouvrage, Documents inexploités sur le phénomène Nostradamus, Feyzin, Ramkat, 2002) ; on peut se demander pourquoi cet astrologue a basculé vers une forme de prophétie, les Centuries de quatrains, devenant ainsi un astro-prophète. Tout s’éclaire, dès lors que l’on comprend que les quatrains de Nostradamus viennent compléter le travail proprement astrologique.

   En effet, l’astrologie, fondée sur les configurations astronomiques, est a priori tout à fait incapable d’accéder à l’individu et à l'événement dans sa spécificité unique, résultat de tout un ensemble de paramètres de tous ordres qui se combinent. Il convient donc qu’elle donne le relais à un « savoir » plus adapté à refléter le monde tel qu’il apparaît au bout du compte. Et ce savoir, c’est tel ou tel art divinatoire, ce que n’est précisément pas une astrologie digne de ce nom.

   Il y a là une intéressante et indispensable division du travail entre une science qui traite du général et du « normal » et un art qui aborde tout ce qui relève de l’exceptionnel, de l’accident.

   Il semble que les Anciens avaient parfaitement saisi et établi une telle dichotomie : le devin avait sa place là où le savant s’arrêtait. Prenons un exemple : on achète une voiture, celle-ci obéit à certaines normes de fabrication qui sont a priori les mêmes pour chaque exemplaire du même modèle. Maintenant, si l’on veut savoir ce qu’il arrivera à cette voiture en particulier, il faudra passer par la divination. Pour en savoir plus.

   On peut certes concevoir des sociétés qui évacuent la « phase » divinatoire et qui souhaitent rester en deçà de cette barrière, de ce seuil, que nous avons évoqués. Mais ce faisant, elles courent le risque de contraindre leurs sciences à assumer une dimension divinatoire. L’astrologie, telle que nous la connaissons de nos jours, incarne le rêve d’un savoir total qui ne respecterait plus la dite barrière et voudrait être à la fois, en quelque sorte, yang et yin, masculin et féminin.

   Ainsi, paradoxalement, plus l’astrologue se refuse à recourir, par ailleurs, à un art divinatoire, plus il court le risque de faire de l’astrologie elle-même un mode de divinisation. Ce refus de la dualité, a, en toutes choses, des aspects pervers. Comme la mère qui veut aussi jouer le rôle du père ou vice versa.

   En ce qui concerne les sciences humaines, en général - et nous y incluons une certaine astrologie débarrassée de sa dimension divinatoire, ce qui exige un sérieux inventaire - celles-ci se doivent avant tout de se déployer dans le champ du nécessaire et non pas dans celui du contingent, sans pouvoir donc entrer dans un certain luxe de détails qui l'amènerait à passer la fameuse barrière.

   Et cela vaut notamment quand il s’agit de décrire la vie d’une personne, au moyen du thème natal. L’astrologue qui prétend faire de l’astrologie véritablement individuelle s’engage inévitablement sur la pente de la divination. Et comme l’astrologie, au cours des siècles, a intégré, dans ses propres méthodes des éléments divinatoires - c’est le cas du thème natal ! - l’astrologue risque fort de ne pas se rendre compte qu’il passe un seuil à ne pas franchir. En revanche, si l’astrologue, une fois son travail accompli, dans les limites du raisonnable, recourait à un art divinatoire bien distinct, se servant d’un autre langage, d’un autre support, il aurait plus nettement conscience de cette différence.

   L’apport de l’astrologue à son client n’est pas celui du voyant : l’astrologue engage son client sur une voie et l’action ainsi suscitée ne saurait déboucher immédiatement; il s’agit littéralement pour l’astrologue de fixer un agenda (« ce qui est à faire », en latin) tout au long d’une phase de plusieurs années. A contrario, le voyant est surtout en prise avec le « résultat des courses », c’est un « inspecteur des travaux finis », en quelque sorte. Pour l’astrologue, selon l’adage, « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer », autrement dit, l’issue du processus importe moins pour l’astrologue que la qualité de l’activité, du projet alors que le voyant risque de déconseiller de suivre une direction sous prétexte que cela va mal se terminer, ce qui est la seule chose qui compte pour lui, qui fonctionne dans l’a posteriori. A ce compte là, on aurait déconseillé à Napoléon la carrière des armes parce qu’à la fin il y aurait Waterloo ou bien on n’encouragerait pas quelqu’un à se marier parce que par la suite il y aura divorce. On peut sérieusement se demander si des voyants par trop zélés ne risquent pas d'empêcher leur client de mener leur vie en essayant de leur éviter des risques d’échec. L’avantage de l’astrologue, selon nos souhaits, c’est qu’il est en phase avec la vie et que la vie ne se réduit pas à un « jugement dernier », même s’il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus ; l’astrologue ne doit pas être obnubilé par la réussite finale de son client mais par une certaine poursuite du bonheur, grâce à une vie bien remplie et il revient à l’astrologue d’aider son client à bien la rempli en le resituant dans la dynamique de son temps.

   Pour l’Historien, plutôt que de s’obnubiler sur des événements aussi frappants soient-ils mais foncièrement imprévisibles selon les seules lois qui peuvent être dégagées, il vaudrait infiniment mieux qu’il sache s’arrêter à temps et reconnaître que ce n’est pas son rôle que de rentrer dans une description par trop précise de ce qui va se passer voire de ce qui s’est passé. Dans ce cas, pourquoi, en effet, ne passerait-il pas le relais à des formes de divination, comme le sont les quatrains attribués à Nostradamus ? C’est ce que les hommes de la Renaissance avaient compris - cette alliance entre science et divination. Peu à peu, il semble que ce distinguo ait disparu et qu’on ait tout mélangé en un seul tenant.

   On conçoit mieux, désormais, la coopération à envisager entre l’astrologue et le voyant, voire entre le psychologue et le cartomancien. Plutôt que l’astrologue ou le psychologue jouent au voyant, il vaut beaucoup mieux qu’ils connaissent leurs limites et renoncent à toutes sortes de palliatifs qui parasitent leur discipline. Inversement, on ne vas pas chez un voyant pour qu’ils nous sorte des généralités !

   Bien entendu, la personne qui va consulter le devin pour en savoir plus ne doit le faire qu’après avoir déjà balisé et cerné les grandes lignes, avec le spécialiste compétent. Ce ne sera donc que dans un deuxième temps que l’on pourra aller voir le devin pour qu’il parachève le travail. Et en sachant, qu’aussi habile que soit le devin, il n’est pas infaillible et que son propos est toujours à prendre avec précaution tant ce qui est aléatoire est... aléatoire. Quant à l’historien qui arrive à cerner une époque, dans ses grandes lignes, pourquoi n’aurait-il pas le droit de compléter son travail en recourant à la divination ?

   Comment fonctionne un art divinatoire ? Alors que la démarche scientifique fonctionne selon un nombre limité de catégories, l’approche divinatoire, pour sa part, comporte un ensemble de cas sensiblement plus vaste, ce qui est susceptible d’assez bien recouvrir la diversité des situations possibles et imaginables. De ce point de vue, même les douze signes du zodiaque constituent un support divinatoire alors qu’une vraie typologie astrologique sera plus dépouillée, plus sobre. En revanche, la typologie planétaire, plus fonctionnelle, constituerait un matériau astrologique plus scientifique. Car, grosso modo, nous dirons que le général traite de ce qui est fonctionnel tandis que le particulier conduit à des traits qui n’ont rien de vraiment obligatoire.

   Mais il se trouve que les êtres humains sont plus frappés par ce qui leur arrive de marquant que par le cours normal des choses : on se souvient d’une mauvaise nuit plutôt que d’une bonne nuit, si l’on dort bien d’habitude. Les peuples heureux, dit-on, n’ont pas d’Histoire. Or, l’important, d’un point de vue scientifique, le fonctionnel, c’est ce qui est régulier et non ce qui est inhabituel ! Pour l'espèce humaine, il est essentiel que les femmes remplissent certaines fonctions que ne remplissent pas les hommes, comme d’accoucher. Mais au delà de cela, si l’on veut en savoir plus sur une femme en particulier, on bascule dans le divinatoire. Encore est-il préférable de passer, préalablement, par un psychologue.

   Il est urgent pour l’avenir des sciences humaines de faire la part de la divination comme un domaine qui leur est connexe mais qui relève d’un autre ordre, plus en aval. On pourrait dès lors parler d’un triptyque : sciences « dures », sciences humaines, arts divinatoires, chacune devant se situer aussi nettement que possible par rapport aux deux autres.

   Le trio astronomie / astrologie / astromancie est concerné par ces trois strates: on passe de l’astronomie à l’astrologie du fait de l’instrumentalisation qu’ont fait les êtres vivants, en tant qu'espèce, de leur environnement céleste et on passe de l’astrologie à l’astromancie quand on veut connaître la spécificité d’un individu donné, c’est-à-dire ce que tel être est devenu au travers de tous les possibles existants. Paradoxalement, les arts divinatoires tendent à démontrer que ce qui pourrait sembler le fait du hasard correspond en réalité à une nécessité - selon l’opposition rendue célèbre par l’ouvrage de Jacques Monod, paru en 1970. Ainsi, grâce aux arts divinatoires, la société peut se donner l’impression ou l’illusion que tout ce qui arrive à chacun de nous, quoi que ce soit pour qui que ce soit, relève d’un système « clos » de signes. C’est ainsi que l’on dira que tout ce qui peut se passer dans le monde a un rapport à trouver avec les Centuries de Nostradamus. Sans la divination, il y aurait une sorte de no man’s land entre le plan scientifique et celui des réalités individuelles ou événementielles qui, pour le commun des mortels, apparaissent comme ce qu’il y a de plus réel. En revanche, le « vrai » savant, pour sa part, doit prendre du recul par rapport à ce monde des apparences et veiller à ce que le plan scientifique ne soit pas bousculé par ces « faits », résultats de tout un ensemble de combinaisons, auxquels les gens sont si sensibles, mais qui n’ont pas pour autant à être légitimés par la science mais seulement par la divination. Non pas que ce qui survient n’appartient pas au domaine possible, mais ce n’est qu’un possible parmi bien d’autres. Si quelqu’un entre dans un restaurant, je sais qu’il mangera un plat qui est à la carte, mais je ne sais pas lequel sauf à pratiquer une forme de divination.

   L’astrologie, notamment, à tout à gagner à une telle clarification, elle qui est trop souvent marquée par ce qui est aléatoire et qu’elle s’efforce inlassablement de faire entrer dans son système à moins que ce ne soit l’inverse, à savoir qu’elle cherche à faire coller son système avec des faits fortuits. Elle devrait prendre modèle sur la psychanalyse et distinguer un savoir théorique (comportant par exemple le complexe d’Oedipe) et le cas de chaque patient (cf. André Barbault, De la psychanalyse à l’astrologie, Paris, Le Seuil, 1961). Non pas que le psychanalyste soit un devin, mais c’est un homme de terrain comme l’est un plombier qui applique des processus généraux à des situations particulières ; au coup par coup, séance après séance. L’aptitude à s’adapter à chaque situation ne relève pas de la même démarche intellectuelle que celle qui consiste à généraliser sur un très grand nombre de cas, en laissant de côté les éléments anecdotiques dont la divination est friande. Le scientifique agit dans le quantitatif, le devin ou le praticien est concerné par le qualitatif.

   Si l’on fait l’inventaire du savoir astrologique, on observe que certains facteurs relèvent à l’évidence de la divination et qu’ils n’ont rien à y faire sauf si on les considère comme de l’astromancie. Autrement dit, l’outil astrologique ne parvient pas à distinguer le général et le particulier, même s’il distingue l’astrologie mondiale et l’astrologie horoscopique. L’astrologue nous parle de l’extraordinaire sans avoir pris la peine de définir - en est-il capable d’ailleurs ? - l’ordinaire. Il lui revient de décrire, autant que faire se peut ; les virtualités d’une personne ou d’une situation sans prétendre déterminer laquelle finira par se réaliser, ce qui est le rôle du devin. Mais lorsqu’il prétend parler de ce que sera un nouveau-né, il bascule dans la sphère de la divination, ce qui tend à faire penser que le thème natal appartiendrait au domaine de l’astromancie. En revanche, face à une personne d’un certain âge, fournissant de nombreuses données sur sa vie, la prévision reste dans le domaine des sciences humaines.

   Nous avons ainsi voulu montrer, en ce début du XXIe siècle, que l’on pouvait revaloriser l’acte divinatoire. La divination est un troisième niveau tout comme les événements qui se produisent viennent introduire un processus supplémentaire qui n’est nullement négligeable. Il est certain que si quelqu’un meurt accidentellement, même si cela n’était pas « nécessaire », cela a lieu et cela a des conséquences. Mais cela dit, on ne saurait pour autant renoncer à distinguer le plan du nécessaire, du banal, du normal et celui du contingent, de l’extraordinaire, de l’imprévisible. D’ailleurs, quand on dit que quelque chose était imprévisible, on veut dire par là que cela n’obéissait pas aux lois de la probabilité mais cela ne signifie pas que cela n’était pas prévisible par la divination laquelle tend à prévoir l’imprévisible, à rendre le contingent nécessaire. De même, la façon dont les sociétés humaines se sont organisées dans un passé très lointain était - elle aussi - imprévisible mais avec le temps leur mode de fonctionnement s’est peu à peu figé, automatisé et apparaît désormais comme un déterminisme supplémentaire.

   La dignité du devin passe par une meilleure conscience de son rôle, il utilise tout un ensemble de descriptions - comme dans le Yi King avec ses 64 hexagrammes (cf. notre ouvrage, Mathématiques Divinatoires, Paris, Trédaniel, 1983), et il devra déterminer laquelle convient pour une situation donnée par un mode de tirage. Grâce au devin, l’humanité a le sentiment de constituer un tout dans la mesure où les savoirs divinatoires se présentent comme des livres où tout serait déjà écrit et décrit (tarot, Centuries, Yi King etc.). Au lieu que chacun se perçoive comme un électron libre, il a ainsi le sentiment - l’illusion - que ses actes entrent dans certains schémas préétablis. Face à l’infinité des résultats, le savoir divinatoire se présente comme un système clos - un texte est forcément relativement limité - où tout serait prévisible ou réductible à des règles, à des catégories, connues à l’avance.

   Dans la société de demain, il nous semble que le devin aura un rôle éminent à jouer, à condition que l’on définisse correctement sa fonction qui est celle de nous apprendre à gérer ce que l’on pourrait appeler notre karma, c’est-à-dire toutes les scories qui se sont accumulé et qui interfèrent plus ou moins avec le cours, le cycle, normal des choses. Car le devin a pour mission de nous dire quand les choses ne se dérouleront pas tout à fait comme prévu par l’astrologue. L’astrologue et le devin ne prévoient pas au même niveau, pas plus d’ailleurs qu’un astronome ne prévoit la course d’un astre de la même façon que l’historien étudierait l’Histoire d’une cité ou un devin celle d’un de ses habitants. Avouons que ceux qui sont les plus concernés par la divination sont ceux qui rencontrent constamment des obstacles par rapport à leurs projets et qui ne savent les protéger des aléas. A terme, il conviendra de leur apprendre à mettre toutes leurs chances de leur côté en limitant au maximum les risques d’échec par rapport au projet annoncé de façon à réintroduire la normalité dans leur existence. En ce sens, la divination serait plutôt concernée par ce qui met des bâtons dans les roues, par le grain de sable qui fait capoter une opération.

   Les sciences humaines ont emprunté tant au monde des sciences dures qu’à celui de la divination. En effet, la notion de cyclicité n’est-elle pas une instrumentalisation de l’accident, de ce qui fait que les choses s’interrompent mais cet accident même s’en trouve systématisé, programmé et cesse donc d’être accident pour devenir seuil, changement de phase. Si les sciences sont de l’ordre du signifié, la divination fonctionne dans le signifiant et la psychanalyse a appris, au niveau de sa pratique de terrain, à gérer le langage des rêves. Entre les sciences dures qui traitent de phénoménes éminemment prévisibles et les arts divinatoires qui narrent précisément ce qui a eu lieu, les sciences humaines ont donc une position pour le moins délicate puisqu’elles ne peuvent ni se prévaloir des avantages des uns ni de ceux des autres. Replacer la divination au niveau de l’étude des contingences existentielles - alors que l’astrologie traiterait des contingences essentielles ou essentialisées - devrait aboutir à recentrer les sciences humaines et notamment l’Histoire, dans une situation d’interface entre réalité physique et réalité événementielle.

Jacques Halbronn
Paris, le 29 janvier 2003



 

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