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ASTROLOGICA

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Sur la véritable raison d’être des Dignités planétaires

par Jacques Halbronn

    Quand nous avons commencé à nous initier à l’astrologie, au milieu des années Soixante, nous avons été fascinés par le dispositif des trônes et des exaltations lequel articulait les planètes par rapport aux signes. Des recherches qui en découlèrent sortirent notamment deux ouvrages : Clefs pour l’astrologie, Paris, Seghers, 1976 et Mathématiques Divinatoires, Paris, Trédaniel, 1983. Depuis, nous avons pris beaucoup de distance par rapport à une telle présentation, du moins au niveau de la recherche fondamentale, et cela ne nous intéresse plus qu’au niveau historique.1

   Nombreux encore aujourd’hui sont ceux qui ne sauraient envisager la pratique de l’astrologie sans le recours à un tel système également appelé Maêtrises parce qu’il permet de relier un secteur du thème à un autre. Ce système, au fond, vient compléter le réseau constitué par les divers aspects entre planètes.

   La question que nous nous posons aujourd’hui est la suivante: à quoi était censé servir, à l’origine, un tel dispositif ? Nous pensons que l’usage qui en est fait actuellement ne correspond pas à sa vocation initiale.

   On pourrait en effet croire que le but de cette mise en relation zodiaco-planétaire aurait été de déterminer si une planète est placée au cours de son passage sur l’écliptique en position favorable / faste ou défavorable / néfaste. C’est encore ce que pensent la plupart de ceux qui y recourent - l’astrologie conditionaliste de J. P. Nicola étant une des rares à ne pas s’en servir.

   En réalité, un tel dispositif est ambigu: il peut signifier que l’on accorde de l’importance aux planètes ou au contraire que l’on cherche à s’en passer !

   Croit-on par exemple que la mise en rapport des jours de la semaine avec les planètes vise à employer les planètes, astronomiquement parlant, du point de vue de leur mouvement véritable ? Quel rapport entre le jour de la Lune et la position de la Lune dans le ciel ? Réponse : aucun.

   Mais alors pourquoi avoir attribué une planète à chaque jour de la semaine ? Réponse : pour pouvoir, quand même, s’y référer sur un plan symbolique, analogique.

   Or, il semble bien qu’il en ait été de même pour les Dignités Planétaires. Et la preuve d’ailleurs que cela ne correspondait à aucune réalité astronomique, c’est que deux signes, souvent fort éloignés l’un de l’autre, pouvaient correspondre à une seule et même planète. Par exemple, Vénus dominant le Taureau et la Balance.

   Autrement dit, on se trouve ici, avec les Dignités Planétaires, en face d’une astronomie en grande partie fictive, qui ne prend pas en compte la position réelle des astres, à une époque où cette observation était une affaire compliquée et exigeait de savants calculs qui nous sont épargnés de nos jours, grâce aux éphémérides papier et aux logiciels. On retrouvera d’ailleurs au XIXe siècle une telle tendance à ériger des thèmes astraux sans recours aux éphémérides.2

   Certes, les astrologues modernes utilisent-ils ce système en recourant à des astres réels mais cela n’empêche pas que celui-ci ait été conçu dans une autre optique. Et dès lors on comprend mal -ce qui donne raison aux astrologues conditionalistes orthodoxes, ceux de la ligne COMAC - pourquoi on devrait se servir d’un tel système, dans le contexte actuel.

   Puisque, en effet, désormais, on peut placer un astre dans le Zodiaque, à quoi bon utiliser un moyen de le placer sans savoir où il est réellement ? Il y a là une sorte de redondance et de syncrétisme entre une astrologie astronomiquement sophistiquée et une astrologie qui ne connaêt que le zodiaque et n’a pas les moyens de localiser les astres ? C’est probablement un des problèmes majeurs de l’astrologie actuelle de s’encombrer de techniques obsolètes et faisant double emploi, sans parler du fait qu’un tel dispositif a des fondements logiques assez douteux.

   Il serait peut-être temps de comprendre que le raisonnement analogique a vocation à remplacer un objet par un autre et pas seulement à en relier un à un autre. Si les astrologues “modernes” étaient plus au fait de tels stratagèmes, ils sauraient s’en protéger.

   Le plus étrange est que ceux qui utilisèrent au départ ce système savaient fort bien à quoi s’en tenir et ce n’est qu’avec le temps que sa raison d’être a été oubliée et qu’un malentendu s’est ainsi instaurée, plombant l’astrologie de correspondances dérisoires et combien inutiles.

   Car, qu’on y songe: à quoi peut sérieusement servir un tel système de rapports planétes-signes ? Certainement pas à déterminer à quel endroit se trouve une planète dans le zodiaque, du moins quand on dispose d’éphémérides. Les aspects planétaires sont parfaitement en mesure de déterminer des relations entre planètes, et celles-ci correspondent à une réalité astronomique. Le dispositif des Dignités s'avère donc tout à fait superflu dans le contexte de l’information astronomique accessible aux astrologues.

   Certes, on sait l’usage qu’un Alexandre Volguine (1904 - 1976) fera, en son temps, des Dignités planétaires pour le calcul du “maêtre de nativité”, c’est-à-dire la hiérarchisation des planètes dans le thème selon un certain nombre de critères, ce qui permet de dégager une “dominante”. Cette façon de multiplier les critères les plus hétéroclites, d’établir un chiffrage du thème, qui donne l’illusion d’une certaine rigueur, alors que l’on mélange les torchons et les serviettes, est assez pathétique, reconnaissons-le ! Cela fait penser à ces astrologues qui combinent divers systèmes prévisionnels de façon à retenir les dates où ceux-ci se recoupent les uns les autres. Politique de gribouille ! Comme on le dit pour le cochon, tout est bon en astrologie, il n’y a rien à jeter.

   Il est vrai que les Dignités Planétaires peuvent apparaêtre comme une contribution originale à la pensée astronomique. Car, ôtez- les de la tradition astrologique, qu’est-ce qu’il reste ? Une réalité astronomique qui fournit les configurations que forment les astres entre eux et encore cette réalité n’est-elle pas pas appréhendée dans sa globalité, comme c’est, regrettablement, une mode qui veut qu’on ne se serve même pas des étoiles fixes. Autrement dit, sans les D. P., l’astrologie n’aurait--elle pas l’impression de ne pas avoir de territoire qui lui soit propre ?

   On voit la pensée astrologique ainsi partagée entre l’alignement sur les seules réalités astronomiques et le maintien d’un système qui s’en émancipe en recourant à l’analogie. Et l’astrologue moderne - on songe au Manifeste de Patrice Guinard, Site Cura.free.fr - de vouloir combiner les deux approches, sans être d’ailleurs vraiment conscient de ce qui les rend incompatibles.

   Il est vrai que désormais les signes du zodiaque sont largement définis selon les planètes qui leur son attribuées: le bélier est décrit comme martien et ainsi de suite. Comment pourrait-on revenir en arrière au niveau de la représentation du signe, bien que celui-ci soit aussi cerné par l’Elément qui lui est attribué (feu, terre, air, eau) mais aussi par le fait qu’il est au début (signes cardinaux), au milieu (signes fixes) ou à la fin (signes mutables) d’une saison, du moins dans une astrologie solaire et non plus lunaire. Mais cette symbolique zodiacale est-elle bien nécessaire à l’édifice astrologique ? L’astrologie conditionaliste a évacué les DP mais pas le Zodiaque (zodiaque réflexologique).

   Un tel système - artefact- est certes attesté de longue date, nul ne le conteste. Mais c’est précisément dans les temps anciens qu’il avait sa raison d’être, quand l’astrologie avait du prendre ses distances par rapport à une astronomie réservée à quelques savants. Avec les D.P, on est en pleine extrapolation: on se contente de prendre les corps planétaires, les luminaires y compris, et de les placer dans le zodiaque, une fois pour toutes.

   Le passage de la Lune au travers du Zodiaque est probablement la clef des DP. Cet astre singulièrement rapide et aisément localisable est le vecteur qui déterminera l’influence planétaire, selon le lieu du zodiaque ainsi transité. A chaque degré de l’écliptique où la Lune se trouve, à un moment donné, l’astrologue est en mesure de faire référence à plusieurs planètes, s’il vient compléter les domiciles et exaltations par les décans, les termes etc. qui sont d’autres découpages, plus fins - les décans couvrent chacun un tiers de signe, les termes, en gros, un cinquième - fournissant également des correspondances planétaires. On est donc bien là dans le cadre d’une astrologie lunaire qui se suffit à elle-même, au prix de telles analogies, les planètes n’étant plus que des signifiants, des mots et non plus des signifiés, des corps; tout passe ici par le facteur Lune qui distribue les fiefs planétaires.

   Encore faudrait-il déterminer quel zodiaque était alors en vigueur. Il semble bien que les douze signes aient correspondu, au départ; aux douze mois lunaires, liés à la nouvelle lune, ce qui n’a plus rien à voir avec les signes “solaires” actuellement en usage chez les astrologues. Ainsi, même cet apport de l’astronomie, celui des rencontres soleil-lune, n’est-il pas à la base de la pratique astrologique actuelle dont on a dit qu’elle refusait par ailleurs les étoiles fixes. L’astrologie actuelle est donc restée au milieu du gué, elle n’a pas su renouer pleinement des liens avec la réalité astronomique telle que purent la connaêtre et l’instrumentaliser les Anciens car elle n’a pas su, le moment venu, évacuer des pratiques de substitution, pas plus d’ailleurs qu’elle ne s’est démarquée d’un certain discours divinatoire, comme on peut le voir avec la signification des maisons astrologiques sur lesquelles d’ailleurs s’articulent les DP (maêtre de VIII en V et ainsi de suite), ce qui montre bien que sans les DP, le propos divinatoire serait singulièrement appauvri.

   Curieusement, les DP transforment les planètes en points fixes, établis une fois pour toutes à un certain endroit du zodiaque, en quelque sorte les planètes jouaient ainsi le rôle des étoiles fixes. Seuls les luminaires étaient alors considérés du point de vue de leur mobilité. Mais quand les planètes ont été considérées en astrologie comme des facteurs mobiles, l'on n'a pas pour autant restitué leur rôle aux étoiles fixes.

   Nous pensons donc que l’on peut parler d’une pathologie d’une épistémé3 avec des modes de substitution, de contournement qui restent extrêmement prégnants et que l’astrologie moderne perpétue alors qu’elle n’en a plus besoin du fait de sa volonté affichée de s’ajuster sur la réalité astronomique la plus récente, ce qui est d’ailleurs une position discutable. Il est grand temps de psychanalyser l’astrologie avant que celle-ci ne s’occupe de psychanalyser les gens.

Jacques Halbronn
Paris, le 16 avril 2003

Notes

1 Cf. notre étude “Comparaison du Tétrabible attribué à Ptolémée et la Mathesis de Firmicus Maternus”, Colloque Homo Mathematicus, Actas del Congreso Internacional sobre astrologos griegos y romanos, Benalmadena, 2001, Malaga, 2002. Retour

2 Cf. notamment, sous le Second Empire, l’ouvrage de Paul Christian, Le petit homme rouge des Tuileries, réédition, Paris, Trédaniel, 1977. Retour

3 Cf. notre rubrique sous ce nom, sur le Site Faculte-anthropologie.fr. Retour



 

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