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ASTROLOGICA

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Contribution de l’astrologie à la documentation de la science

par Jacques Halbronn

    “L’expérience ne prouve pas qu’on ait veu plus de malheurs après l’apparition des cométes qu’en un autre temps & prétendre le contraire est une illusion toute pure. Il n’y a qu’à consulter les Annales du monde (...) pour se rendre compte de ce que je dis” 1

   Alors que les astrologues sont souvent enclins à voir la statistique d’un mauvais oeil, le paradoxe veut que probablement l’astrologie ait puissamment contribué au développement de la statistique ou en tout cas de la documentation à caractère scientifique. Sans l’incitation astrologique, les hommes auraient-ils pris, si tôt, autant de peine à tenir et à transmettre des chroniques historiques ?

   Il nous apparaît en effet que la principale raison conduisant, jusqu’à une certaine époque, à constituer des chroniques serait d’ordre astrologique ou plus précisément astro-historique.2 Et cela vaut tant dans le domaine social que dans le domaine astronomique, l’un n’étant longtemps pas allé sans l’autre.

   A quoi bon en effet noter la position des astres et s’informer ou informer de ce qu’elle fut, sans préoccupation astro-historique et à quoi bon recueillir toute une documentation historique sans objectif tout autant astro-historique, mais cette fois en sens inverse ? Autrement dit, nous ne pensons pas que pendant des millénaires on ait dissocié astronomie et Histoire, l’une n’allant pas sans l’autre. A quoi bon rassembler des données astronomiques sans application historique et à quoi bon une méthodologie historiographique sans chercher à établir des corrélations célestes ?

   A un certain moment, une autre logique va se substituer, l’astronomie pourra poursuivre sa route sans considérations astrologiques tandis que l’Histoire continuera à accumuler des informations sans pour autant se référer à autre chose qu’à elle-même ? Mais à quel prix ? En tout état de cause, la dette de la science cumulative à l’égard de l’astro-histoire est considérable et ce, quand bien même le projet astro-historique s’avérerait sans issue.

   Cela dit, on peut douter de l’inanité d’un tel projet dès lors qu’il aura marqué le psychisme humain, en profondeur et ce quand bien même on ignorerait le contenu spécifique d’un tel projet. Les multiples propositions et formulations témoignent, en effet, d’un certain tâtonnement. Car si croyance il y a eu ou plus simplement instrumentalisation de certaines configurations célestes, aussi arbitraire soit-elle, à la longue, le rapport de l’Homme au cosmos a probablement fini par constituer un phénomène objectif et peu ou prou irréversible, qui peut tout à fait être à l’oeuvre sans être conscientisé, la science précédant la conscience après en avoir été le prolongement: la science serait ainsi une conscience perdue et à retrouver, d’où le terme de subconscient, d’inconscient.

   Dans le cas de l’astrologie, ne pourrait-on plutôt parler d’une pseudo-conscience ? Par là nous entendrons la quête vaine d’une conscience insaisissable, ce qui est d’ailleurs peu ou prou la règle générale de toute quête conscientielle. Encore qu’une telle quête procède par étapes, pas à pas et peut sembler interminable.

   Dans le cas de l’astrologie, si elle fut une contribution à l’essor de l’épistémé, elle peut tout aussi bien servir à l’étude de sa pathologie tant elle semble incapable de trouver ses marques.3 C’est dire qu’elle offre un visage contrasté !

   L’abandon des étoiles fixes comme référence obligée de toute idée de configuration céleste constitue certainement un facteur considérable de perturbation et il conviendrait de comprendre ce qui a poussé à une telle évolution qui marque la pensée astrologique depuis plus de mille ans.

   Cet abandon a conduit l’astrologie sur des sables mouvants dont a profité l’anti-astrologie avec délectation: précession des équinoxes, critique de la théorie des grandes conjonctions articulée autour du changement de triplicité etc.4 Cette dérive a surtout condamné l’astrologie à privilégier des points non pertinents et à se trouver par conséquent déboussolée, ses bases mêmes allant à vau-l’eau.

   La théorie des Grandes Conjonctions est une contribution majeure de l’astrologie médiévale (Xe siècle) et singulièrement de l’astrologie arabo-juive, d’Albumsar à Abraham Bar Hiyya5 et elle sera au coeur de la polémique sur l’astrologie à la fin du XVe siècle, autour de Pic de la Mirandole (Disputationes adversus astrologiam divinatricem). C’est donc déjà il y a mille ans qu’il faudrait situer cette pathologie de l’épistémé astrologique.

   Rappelons que la dite théorie propose un modèle s’articulant sur les conjonctions de Jupiter et de Saturne à l’exclusion de tout repère stellaire, celui-ci étant remplacé par un certain découpage de l’écliptique selon des critères non stellaires, à savoir la présence de ces deux planètes dans tel ou tel signe zodiacal, calculé à partir du point vernal, selon l’approche dite tropicaliste. Car, ici, ce n’est pas seulement la conjonction planétaire qui importe et qui, en tant que telle, ne dépend pas de la localisation zodiacale mais la succession des conjonctions, se produisant tous les 20 ans, à environ 120° d’écart (aspect de trigone d’une configuration à l’autre), formant ainsi sur trois conjonctions un triangle. Or, cet angle de 120° ne respecte pas la référence soli-lunaire qui comporte entre deux configurations marquantes un écart de 90°.

   Bien plus, la théorie des Grandes Conjonctions s’efforce de couvrir la longue durée, ne se contentant pas d’un rythme de 20 ans, ce qui conduit à des sortes de super-conjonctions (conjonctions majeures) ayant lieu sur plusieurs siècles mais sans assise astronomique stricto sensu. Certes, le caractère fictif ne tient pas à la présence de la conjonction mais au traitement qu’on lui fait subir pour la “gonfler”, comme on le dirait d’une voiture. Il y aura ainsi des conjonctions qui auront un plus, parce qu’elles “tombent” sur un changement de triplicité, notion parfaitement abstraite sur le plan astronomique, fondée sur la répartition géométrique des douze signes du zodiaque en quatre triangles, marqués par un des quatre Eléments (feu, terre, air, eau). Au bout d’un certain temps, en effet, la conjonction va changer de triangle, du fait d’un léger décalage, dont le cycle était considéré au Moyen Age comme étant d’environ 960 ans puis a été réduit à la Renaissance à 800 ans, ce seul changement de durée ayant été problématique, comme on peut l’imaginer.6 Sans entrer dans le détail d’un tel système, il nous importe ici d’en dégager le principe, qui est celui d’un décrochage par rapport à la réalité proprement astronomique aux fins de conférer à l’astrologie un cycle beaucoup plus long que ne le permettait l’astronomie de l’époque, sauf à utiliser le cycle précessionnel, lié au décalage du point vernal - notion non fondée sur un point stellaire ou un point planétaire - lequel, en revanche, était trop long.

   Pourquoi, au demeurant, un tel besoin d’un cycle découpé en phases durant plusieurs siècles ? On peut y voir une influence de la civilisation hindoue7 mais plus largement une certaine préoccupation religieuse ou concernant l’histoire et la durée des religions. Et de fait, la Théorie des Grandes Conjonctions fut présentée, à l’origine, comme traitant des principales religions, à commencer par l’Islam. On peut penser qu’un tel usage de l’astrologie pour appréhender le long terme n’était pas pertinent par rapport à l’outil astronomique et aura ainsi conduit à des acrobaties.

   Ce que n’avaient pas compris les astrologues de l’époque, c’est que ce n’était pas la vocation de l’astrologie que de prévoir la fin d’un processus, précisément en raison de son caractère cyclique. Autrement dit, selon nous, l’astrologie n’est pas faite pour annoncer des bouleversements de façon certaine car elle dépend trop du libre-arbitre qui seul conduit au passage de la nécessité à la contingence : or la fin des choses est de l’ordre du contingent. L’astrologue ne peut “prévoir” de façon spécifique qu’à court terme, en s’appuyant sur diverses données événementielles récentes. En cas contraire, il doit se contenter de généralités et de probabilités qui n’en sont certes pas moins précieuses mais impliquent la mise en place d’une stratégie active et non une attente passive.

   On pourrait parler avec la théorie des Grandes Conjonctions d’un abandon de l’étalon astronomique lequel devient de plus en plus symbolique, comme on parlera au XXe siècle, du renoncement à l’étalon or. Avec cette théorie des Grandes Conjonctions, c’est l’inflation (au sens d’enflure), la planche à billets, le régime de l’assignat, le change flottant.

   Il importe donc que l’astrologie s’appuie, à nouveau, sur un étalon astronomique reconnu et ne comportant aucune surprise, ne justifiant aucune spéculation et cela signifie le retour à l’étalon stellaire, à savoir l’adoption de l’astrologie axiale.8

   Cette astrologie axiale ne repose sur aucun point vernal, sur aucun découpage zodiacal; elle combine systématiquement une planète avec une structure stellaire, à l’image d’un horloge comportant des aiguilles circulant sur un cadran (solaire) et refuse toute combinatoire n’incluant que des planètes.

   On dira donc que la pathologie de l’épistémé astrologique découle de cette perte du repère fixe, de ce passage constant sur un même point du ciel, immuable depuis des millénaires, à de très légères variations près (cycle de 26000 ans) mais même ces variations ne posent pas problème puisque la dialectique étoile / planéte n’est pas compromise. Ce qui est remarquable, d’un point de vue psyschalytique, c’est que la plupart des astrologues n’ont aucune conscience d’une telle décision, c’est-à-dire qu’ils ignorent même de quoi il peut s’agir tant ils considèrent la non stellarité comme la norme ou la stellarité comme un facteur parfaitement négligeable, nullement indispensable. La pathologie de l’épistémé astrologique est le fait d’une hérésie qui a refusé la référence stellaire en lui substituant une abstraction échappant désormais à la perception oculaire. Cela tient probablement à la démystification progressive de la voûte céleste, de la sphère des fixes : entre le domaine des planètes et celui des étoiles, une sorte de coupure épistémologique s’introduisit qui allait conduire l’astronomie moderne à se polariser sur les seules planètes (de Kepler à Newton) et à dé-considérer - au sens littéral- le firmament.

   Or, en pratique, seul un système aussi récurrent que celui formulé par l’astrologie axiale est susceptible d’exploiter la somme des données historiques accumulées à cette fin par l’Humanité et impliquant l’élaboration d’une chronologie, souvent d’ailleurs articulée sur des phénomènes cosmiques.9 En revanche, en ce qui concerne les données astronomiques, elles peuvent être reconstituées sans accéder aux archives et chroniques célestes des siècles passés. Encore faut-il distinguer la chronologie purement conventionnelle et linéaire - donc méta-astronomique- servant à situer les données historiques brutes et pouvant couvrir de longues périodes et la chronologie cyclique mettant en équation les dites données. Il est possible que se soit produit un syncrétisme entre la méta-astronomie et l’astronomie. De fait, le discours astrologique nous apparaît comme constitué en grande partie de notations d’ordre méta-astronomique, comme le zodiaque, qui sont des moyens arbitraires pour dater ou pour localiser la position des planètes. Et c’est probablement ce mélange entre le méta-astronomique et la réalité astronomique proprement dite, qui rend compte de la décadence et du déclin de l’astrologie.

Jacques Halbronn
Paris, le 20 mai 2003

Notes

1 Cf. Pierre Bayle, Lettre à M. L. A.D.C, docteur en Sorbonne où il est prouvé par plusieurs raisons tirées de la philosophie & de la théologie que les comètes ne sont point le présage d’aucun malheur, Cologne, P. Marteau (adresse factice) 1682, p. 568. Retour

2 Cf. notre étude “De l’astrologie à l’astro-histoire”, Site Cura.free.fr. Retour

3 Cf. notre étude sur le Site Faculte-anthropologie.fr. Retour

4 Cf. notamment Claude Duret, titre abrégé, Discours des changemens divers des Empires & Royaumes, Lyon, 1595. Retour

5 Cf. notre ouvrage Le Monde juif et l’astrologie, Milan, 1985. Retour

6 Cf. Le texte prophétique en France, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2002. Retour

7 Cf. notre étude sur astronomie et religion sur le Site Cura.free.fr. Retour

8 Cf. nos travaux sur ce sujet sur le Site Ramkat.free.fr et dans la revue Etoile & Planète, la revue en ligne du Mouvement Astrologique Unifié, en passant par www:// pages.jaunes.fr. Retour

9 Cf. notre étude sur la Chronologie d’Isaac Newton et l’école précessionnelle française, Site Cura.free.fr. Retour



 

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