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Astronomie et culture. Culture des astrologues |
Congrès Astrology and the Academy, Bath Spa University College, 13 & 14 juin 2003.
La vocation de ce Colloque inaugural du Sophia Center était, semble-t-il, de faire le point sur les relations Astrologie / Université, à un moment où l’astrologie semble avoir trouvé une posture acceptable au regard de l’Académie et où, comme l’annonça, en son temps, Carl Jung, certaines portes s’ouvrent, notamment en Angleterre, à Bath Spa et à Canterbury, notamment puisque l’on peut désormais préparer un master en Cultural Astronomy and Astrology, suivant ainsi un cursus adéquat, avec un nombre d’heures considérable, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici pour les mémoires passés dans des cadres extérieurs à l’astrologie (philosophie, Histoire, Littérature etc) même dans le cas d’une chaire des courants ésotériques, comme celle d’Antoine Faivre, ne comportant en effet que deux heures hebdomadaires.
Les mots Culture, cultural, sont importants1, et c’est à une réflexion autour de cette thématique que le colloque de Bath nous conduira.
I - Astronomie et Culture
Plusieurs orateurs, dont Ronald Hutton, Université de Bristol, - Astral Magic : the acceptable Face of Paganism et Joanne Pearson, Cardiff, Astrology, Magic and the Academy - soulignèrent l’appartenance de l’astrologie à la culture chrétienne et notamment le caractère païen du monde dans lequel nous vivons.
Si, en effet, l’astrologie a pu continuer à exister dans un monde chrétien, cela ne tient-il pas à certaines convergences, plus ou moins conscientes ? Comment en effet a-t-on pu y tolérer le recours à un savoir véhiculant les noms des divinités du Panthéon gréco-romain ?
Au fond, pourquoi n’existerait-il pas une continuité entre paganisme et christianisme mais aussi entre mythologie et astrologie ?
A - Paganisme et Christianisme
Pierre Bayle, dans ses Pensées sur la Comète (1681) - qui fut le thème de notre intervention - avait avancé contre l’idée que les comètes pouvaient être un signe envoyé par Dieu, le fait que les comètes avaient existé avant le Christianisme et qu’on pouvait les observer dans des pays non chrétiens. Or, le dieu des Chrétiens pouvait-il s’adresser aux non Chrétiens et ipso facto les encourager dans leurs cultes aberrants ?
Il est ainsi répondu à Bayle qu’il n’y a pas de solution de continuité entre christianisme et paganisme, ce qui nous conduit à nous demander si le christianisme ne serait pas un paganisme judaïsé, dont la filiation avec le judaïsme serait finalement en trompe l’œil ?
En ce sens, la pratique d’une astrologie mythologisée, en monde chrétien, prendrait tout son sens, tout comme d’ailleurs le rejet de la dite astrologie par le monde juif.2
Le judaïsme, en effet, n’aurait pas les mêmes raisons de tolérer, de pactiser avec cette astrologie là que le christianisme, et le penchant du monde chrétien pour l’astrologie serait le signe de son principe païen et de sa judéité de surface.3
B - Mythologie et Astrologie
Dès lors, on est conduit à s’interroger sur les relations que l’astrologie entretient avec la mythologie et singulièrement avec le système solaire.
En effet, on ne peut que constater l’attachement du monde astrologique aux planètes et ce au détriment d’autres facteurs stellaires comme les étoiles fixes, dont le caractère mythologique est sensiblement plus vague et qui ne relèvent pas, stricto sensu, du Panthéon gréco-romain.
Est-ce que sous couvert d’orthodoxie scientifique, cette prédilection exclusive pour le système solaire ne dissimulerait pas en réalité un attachement pour les dieux païens ? Un tel processus fut d’ailleurs renforcé par la coutume chez les astronomes modernes de nommer les astres nouvellement découverts en puisant dans le vivier des divinités gréco-romaines, comme ce fut le cas, entre autres, avec Neptune, en 1846.
On peut se demander si l’astrologie n’a pas été l’objet, à un certain moment de son histoire, d’un syncrétisme avec la mythologie, d’où l’attribution aux planètes de noms empruntés à un polythéisme (Panthéon, en grec, signifiant, ensemble des dieux) et si elle n’exista pas précédemment dans une autre optique qui n’impliquait pas le recours systématique à l’ensemble du septénaire.4
Cette mise en évidence des rapports entre christianisme et mythologie fut un thème important de la Réforme et il n’est pas étonnant que dans un pays comme l’Angleterre, fortement marqué par le protestantisme et l’anglicanisme, une telle problématique soit plus radicalement posée qu’en France, pays de tradition catholique plus affirmée, où nous serions victimes d’une certaine langue de bois, nous interdisant un tel rapprochement sacrilège, précisément - et paradoxalement - du fait d’une certaine proximité entre catholicisme et paganisme.
II - Culture de l’Astrologie
Un autre grand axe du Colloque fut la question des relations entre le monde astrologique et le monde académique.5
Il convient de souligner la présence numérique assez considérable d’astrologues au sein du public - au demeurant massivement féminine, ce qui n’est nullement neutre - et l’influence exercée par eux sur le cours des débats. Il est vrai que le milieu astrologique anglais entretient des relations particulières avec l’Histoire de l’astrologie, qui n’a pas d’équivalent en France.
Une intervention dans la salle nous frappa particulièrement : une astrologue prit la parole pour comparer le regard du monde académique sur l’astrologie avec celui des critiques d’art sur le monde artistique; comme s’il ne pouvait y avoir d’interaction entre les uns et les autres. Il nous semble qu’une telle conception n’est pas envisageable en France, où il est vrai, à la fin des années Cinquante, la Nouvelle Vague a montré que les critiques de cinéma pouvaient aussi se révéler des cinéastes à part entière.
Une autre intervenante n’hésita pas, dans une approche ethnologique, à comparer les astrologues à quelque tribu africaine, comme si on était astrologue de père en fils et comme si les astrologues vivaient au sein d’une société spécifique, au delà de leurs appartenances associatives.
Cela dit, force est de constater que l’astrologie trouve sa verity, pour parler comme Cornelius, dans une certaine pratique sociale impliquant les astrologues, leurs clients, leurs éléves. La question est de savoir à quels besoins correspond l’astrologie ou comment elle est instrumentalisée par ceux qui la consomment.
Lors de la discussion finale du Colloque, nous avons développé ce thème : prenant à titre comparatif le milieu des aveugles, nous nous sommes demandé si ceux-ci ne s’organisent pas en fonction de leurs déficiences et si les solutions qu’ils trouvent ne constituent pas leur verity, celle-ci ne valant pas pour les personnes n’ayant pas de problème de vue. On pourrait aussi s’intéresser au rôle du tatouage, si cher aux Anglo-saxons, ce que cela apporte à ceux qui l’exercent et ceux qui le subissent, sans que cela signifie que le tatouage ait valeur universelle.
Quel serait, dans ce cas, le handicap des praticiens de l’astrologie, professionnels ou amateurs, à divers titres ? Faisant référence à l’exposé de Mike Harding (Regents College, Londres), Astrology as a Language Game. A Wittgensteinian Challenge, nous avons souligné le caractère prédictif du langage, l’effet d’annonce que cela implique, nous demandant, dès lors, si les astrologues ne sont pas ceux qui ont du mal à prévoir, faisant preuve d’une certaine cécité / myopie psychique. Dans ce sens, les solutions trouvées par ces personnes, tant en tant que producteurs que consommateurs - avec leurs intérêts respectifs - ne tourneraient-elles pas autour d’une telle carence et ne vaudraient que pour ceux qui seraient victime de cette déficience, les conduisant à fréquenter ou à se présenter comme voyants ?
A contrario, n’existerait pas une autre modalité astrologique ne s’inscrivant pas, elle, dans un tel contexte spécifique et qui correspondrait à ce que nous appelons l’Astro-histoire6, ayant, elle, une portée plus universelle, comme par exemple cette astrologie des comètes, à laquelle Bayle consacra de longs développements critiques ? Cette Astro-histoire impliquerait l’ensemble de l’Humanité et non pas des cercles spécifiques de non voyants, ne parlant de prédiction qu’en fonction de leur propre dysfonctionnement prédictif, inhérent à tout être humain, doué de langage ?
Pour notre part7, la crise des appartenances sociales aboutissant à ne pas savoir se situer ou situer l’autre serait cause du recours à l’astrologie chez ceux qui seraient le plus touchés existentiellement par un certain dysfonctionnement identitaire. En Inde, pays de castes, l’astrologie fait certes partie, peu ou prou, des structures sociales mais précisément, ce faisant, elle n’a pas le même statut qu’en Occident.
Paradoxalement, dans son introduction au Colloque, Michael York, le directeur du Sophia Center, mettait en cause la problématique prédictive de l’astrologie. Mais quand commence la prédiction ? Il nous semble que toute vie sociale passe par une forme de prédiction, toute rencontre avec l’autre implique de savoir à qui l’on a affaire. On ne veut connaître l’autre, en astro-psychologie, que pour prévoir ses réactions, pour ne plus être surpris par elles. On admettra cependant que la prédiction concernerait plus spécifiquement une parole qui ne peut que s’incarner, un signifiant qui est irreversiblement associé à un signifié, où l’intervalle de temps entre ce qui se dit et se fait, entre la promesse et sa réalisation, serait réduit à presque rien.
Mais on peut aussi se demander si l’astrologie en se mythologisant, en se polythéisant (cf supra) n’aurait pas, ce faisant, porté atteinte à ses aptitudes à parler du cours des choses ou plutôt si une astro-mythologie n’aurait pas récupéré une astrologie plus ancienne, plus vouée et mieux équipée pour la prévision pour aboutir à un ensemble bâtard, aux aptitudes prédictives sensiblement diminuées.
Le même Michael York désigna les statistiques comme la plaie (plague) de l’astrologie. Or, il nous semble que la prévision astrologique, sous une forme ou sous une autre, ne peut qu’être statistique, sinon c’est de la voyance, de la divination axée sur un individu donné, de façon exclusive. Il est temps que l’on comprenne que la prévision astrologique n’est pas une affaire de coups mais une question quantitative car l’approche qualitative8 ne saurait être prédictive puisque nous ne savons rien sur l’autre, pris comme individu sans appartenance. Même le fait de savoir qu’Un Tel est Sagittaire ou Taureau est une information générique permettant de se faire une idée, a priori, à l’avance, sur tel individu né sous un certain signe, ce qui renvoie au calcul des probabilités.
Quelle Astrologie ?
Ce Colloque n’aura guère posé la question des astrologies, au pluriel. Le singulier est caractéristique d’une approche syncrétique où l’on mettrait tout dans le même sac et, pour le moins, relativise les clivages tant diachroniques que synchroniques. Or, dès lors que l’ensemble étudié est hétérogène, on ne saurait aboutir à des analyses pertinentes mais à une sorte de consensus mou et des représentations très vagues. En revanche, la prise en compte de certaines différences radicales, au sein de l’ensemble astrologique - et l’adjectif ici nous semble plus adéquat que le nom - nous semble plus féconde.
Le praticien de l’astrologie est-il en mesure de parler de l’astrologie ? On peut, pour notre part, en douter. Il conviendrait d’ailleurs de distinguer l’astrologue de son client, ce qui n’a pas été abordé et qui constitue de fait un point aveugle du Congrès. L’astrologue qui reçoit son client a-t-il les mêmes motivations et les mêmes problèmes que lui ? Il serait heureux qu’il sache précisément instinctivement prévoir les choses, quitte à les présenter par le truchement du thème natal.
Le travail d’explicitation de l’entretien astrologique a-t-il quoi que ce soit à voir avec la question des modèles permettant de rendre compte de la possibilité d’un lien entre la Cité et le Ciel ? Comme Bayle le disait (cf. supra), nul ne conteste que l’astrologue puisse travailler même en l’absence d’une véritable astrologie mais il était également conscient des prétentions de l’astrologie à cerner les mutations politiques. Vouloir fonder tout l’édifice astrologique sur le seul fait social qu’est la croyance en l’astrologie, en tant que culture propre à notre civilisation, nous semble problématique et confondre processus conscients (apprentissage de l’astrologie, de son langage, dans les livres, dans les écoles) et inconscients / subconscients et qui concernent un monde beaucoup plus vaste que les seuls initiés à un certain savoir astrologique qui n’a pas grand chose à voir avec ce que l’astrologie a pu être à l’origine et ce qu’elle continue à être en dépit plutôt que grâce aux astrologues et à leurs adeptes.9 La question de la présence très forte des femmes dans le public de ce Colloque n’a évidemment jamais été abordée : elle est pourtant révélatrice à la fois de ce que sont les femmes et de ce qu’est une certaine image de l’astrologie.10 Il semble que pour les femmes, on ait l’expression d’un certain malaise tenant aux situations nouvelles dans lesquelles elles se trouvent, en raison des mutations sociales, au sein d’une société dont elles ne saisissent parfois les codes qu’imparfaitement, avec le coôt qui en résulte en terme de surprises et d’imprévisions / imprévoyances.
C’est dire que les raisons qui conduisent les uns et les autres vers l’astrologie ne sont pas les mêmes et que l’astrologie qui est revendiquée n’est pas non plus la même. Il nous semble, en tout cas, qu’en France, on ait échappé à cette prise de pouvoir du public astrologique et que les chercheurs ne se donnent pas pour seule vocation de satisfaire à ses fantasmes, nous maîtrisons mieux, apparemment, le contre-transfert et ne confondons pas l’astrologie en soi et l’astrologie pour soi. Hiatus qui tient au fait que l’astrologie actuelle ne s’ancre que sur une certaine frange de population aux besoins spécifiques alors qu’elle a virtuellement une toute autre dimension à assumer. Le Congrès de Bath a démontré, parfois de façon caricaturale, la prégnance d’une telle alliance syncrétique entre l’Astrologie et l’Académie.
Jacques Halbronn
Paris, le 18 juin 2003
Notes
1 Cf. le nom de la revue Culture and Cosmos dirigée par la même équipe, à savoir Patrick Curry et Nicholas Campion. Retour
2 Cf. notre ouvrage Le monde juif et l’astrologie, Milan, Arché, 1985, et notre bibliographie de l’astrologie juive, CURA n°27. Retour
3 Cf nos études dans l’Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr, rubrique Judaica. Retour
4 Cf nos travaux dans la revue Etoile & Planète, sur le Site Astrofred.com/mouvement/article.html. Retour
5 Cf. notamment Geoffrey Cornelius, Université du Kent, Canterbury, Astrology besieged. Perils of Occult Mentality. Retour
6 Cf. notre étude De l’astrologie à l’astro-histoire, sur le Site du CURA. Retour
7 Cf. notre Débat entre astrologues et astronomes, Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr, rubrique Astrologica. Retour
8 Cf. Maarit Laurento, Finlande, Is Astrology a Science ?. Retour
9 Sur l’approche jungienne, cf Jean Lall, Light from Dark Matter; The Burden and the Gift of Astrology’s Shadow Position in Academe. Retour
10 Cf. nos études in Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr, rubrique Hypnologica. Retour
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