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ASTROLOGICA

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Epistémologie des aspects astrologiques

par Jacques Halbronn

    Il est des notions, en astrologie, qui ont été progressivement détournées de leur raison d’être originelle, c’est notamment le cas des aspects. Inversement, en réfléchissant sur la vocation première de pareilles notions, n’a-t-on pas ainsi la possibilité de remonter vers les sources de ce savoir ?

   Qu’est ce en effet qu’un aspect, au départ ? L’aspect relève d’une approche astronomique, d’une volonté de se repérer dans le ciel, avant de servir (à) l’astrologie. On a d’ailleurs là une interface remarquable entre astronomie et astrologie et l’occasion de réfléchir sur le passage de l’une à l’autre de ces connaissances.

   On notera pour commencer que l’aspect est une notion qui peut être appliquée tant dans la synchronie que dans la diachronie ; autrement dit, elle est spatiale autant que temporelle, elle sert à décrire à un moment donné l’état du ciel mais elle permet également de mettre en place une cyclicité.

   La tradition astrologique, y compris de nos jours, a surtout insisté sur la dimension synchronique de l’aspect, notamment à propos du thème natal dont on étudie les intervalles, en particulier, entre planètes.

   Toutefois l’astrologie mondiale, pour sa part, a développé une autre épistémologie des aspects, à caractère, cette fois, diachronique et ayant vocation à traiter des mutations historiques au moyen de configurations entre au moins deux planètes.1

   Mais quand peut-on parler d’aspect, faut-il qu’il y ait planète pour ce faire, la notion d’aspect est-elle, par essence, d’ordre planétaire ? Nous ne le pensons pas; au vrai, tout dépend de la définition que l’on veut bien en donner. Par exemple, y a-t-il “aspect” quand le soleil passe d’un signe zodiacal à un autre ? Est-ce que le fait de franchir la frontière d’un signe constitue une situation aspectale ? A n’en pas douter, le soleil, ce faisant, à en croire les astrologues, change de tonalité, ce qui est bien le propre d’un aspect, dont le processus est interactif. Cependant, le passage d’un signe à un autre n’est pas directement fonction de la rencontre, ne serait- elle qu’apparente, du soleil avec un autre corps céleste. Ce qui nous conduit à nous demander si l’aspect n’implique pas la présence de deux réalités matérielles, en tout cas visibles, visualisables. Mais certains astrologues n’hésitent pas à parler d’un aspect entre une planète et la pointe / cuspide d’une maison astrologique, et notamment de l’Ascendant / horoscope, alors que le découpage en secteurs de ce type n’implique nullement la présence d’un astre.

   Qu’en pense l’astronome ? Pour lui, un aspect est un mode de repérage céleste, de localisation, ce qui implique a priori le recours à des points fixes par rapport auxquels on situera des facteurs mobiles. Cela ne ferait donc guère sens que de déterminer un aspect entre deux points en mouvement l’un par rapport à l’autre, comme c’est le cas pour deux planètes, lesquelles, comme leur nom grec (planeta) l’indique, sont dans une errance incessante. C’est là qu’un certain divorce intervient entre astrologues et astronomes.2

   C’est que pour l’astrologue, l’important est la combinaison de signifiants plus que celle de signifiés, autrement dit, peu importe qu’un terme astrologique ait ou non une réalité astronomique du moment qu’il signifie, qu’il évoque quelque chose, qu’il génère du logos. C’est pourquoi, combiner du signe zodiacal et de la planète est faisable en astrologie mais aussi une planète à la présence réelle avec une planète à la présence fictive. Par présence fictive, nous entendons qu’elle n’est là où elle se trouve que par le jeu / biais de conventions, de correspondances3, dont un des cas les plus connus est l’attribution arbitraire de chaque jour de la semaine à une planète. En cela, nous différons radicalement de Patrice Guinard4 lequel privilégie, comme nous l’avions d’ailleurs fait, il y a quelques décennies, un dispositif sinon un subterfuge qui consiste à trouver des planètes là où il n’y en a pas5, de produire un ciel fictif mais bien plus accessible et commodément calculable, sans avoir à passer par de fastidieuses opérations et observations.

   P. Guinard statue ainsi : “La théorie des maîtrises n’illustre pas de simples correspondances sémantiques entre signes zodiacaux et planètes, elle est la théorie unifiante de l’astrologie en tant que les structures zodiacale, planétaire et sectorielle sont des différenciations d’une même matrice archétypale” (“L’argumentation technique”), ce qui équivaut à légitimer par avance toutes les dérives, hypostases et métastases et à ne jamais pouvoir parler d’un cancer, d’une pathologie de l’épistémé.6

   Mais il ne s’agit là que l’un des avatars de cette théorie des aspects dont le principe était pourtant bien simple, à savoir la configuration reliant une planète et une étoile fixe, cette dernière, comme son nom l’indique étant censée ne pas se mouvoir tandis que la planète - ou étoile errante - dansait comme une sorte de ballet autour d’elle. Pour qu’un tel système fonctionnât, il ne fallait pas grand chose : quelques étoiles fixes suffisaient et également quelques planètes et certainement pas toutes les étoiles fixes ni toutes les planètes. A partir du moment où l’on choisit un repère fixe, à quoi bon en multiplier le nombre, au risque de ne plus pouvoir s’entendre sur le repérage ?

   Or, force est de constater que la mauvaise monnaie a chassé la bonne, que les Dignités planétaires ont contribué à évacuer les étoiles fixes, substituant ainsi la fiction à la réalité, sauf à supposer que les astrologues ont découvert une réalité qui leur serait propre. Au vrai, les choses sont plus simples que cela: pour éviter d’avoir à examiner le ciel ou à calculer laborieusement des positions anciennes, on aura préféré élaborer un système fonctionnant sur d’autres bases, garantissant ainsi une répartition régulière des données symboliques sur tout le parcours des planètes et des luminaires (soleil, lune) au moyen de décans, de termes, de joies, d’exaltations, de trônes, de domiciles planétaires, réduisant la réalité astronomique à la portion congrue et presque à l’exception, au prétexte et en même temps ne cessant de traiter des planètes ou plutôt des dieux qui leur sont assignés7, la mythologie constituant ainsi, pour l’astrologue, un champ poétique de premier ordre se substituant à une astronomie stérile, tournant en rond.. Mais précisément, ne serions-nous pas en présence d’une luxuriante astro-mythologie prenant la place d’une astronomie dépouillée, simplifiée, pour se mettre au service des sociétés ?

   Car à quoi bon utiliser toutes les planètes, les plus rapides comme les plus lentes ? Les sociétés ont besoin d’une rythmicité allant au delà de l’année, sinon elles pourraient se contenter du cycle des saisons. Or, tant le soleil que les astres Mercure ou Vénus se situent dans le cadre annuel. Mais, d’un point de vue mythologique, ne serait-ce pas un sacrilège que de ne pas leur accorder quelque importance ?

   Il reste que si l’on fait abstraction de telles considérations mythologiques, l’équation à résoudre devient des plus simples : quelques repères fixes, immuables d’une part, et de l’autre un facteur doué d’une cyclicité relativement longue, Saturne étant l’astre le plus lent connu de l’Antiquité. Et il s’agirait donc bien d’étudier les principaux aspects entre la dite planète et les dites étoiles, à savoir la conjonction, la quadrature et l’opposition, sur le modèle des quartiers de Lune, c’est-à-dire des quarts de cycle - le quart de lune correspondant en pratique à une demi-lune, montante ou descendante.

   Nul ne contestera, en tout cas, que le passage d’un astre, tel Saturne, en conjonction, en opposition ou en quadrature (même racine que carré, quartier, à savoir le nombre 4) ne soit une donné astronomique clairement définie et non moins clairement observable par le public, par les citoyens et qu’en comparaison le passage de cet astre sur une division zodiacale apparaît comme une aimable plaisanterie car qui peut percevoir dans le ciel une telle frontière qui n’est même pas calculée à partir d’un point fixe et visuellement repérable ?

   L’astrologie moderne a non seulement évacué, la plupart du temps, les étoiles fixes mais également les constellations ou ensembles d’étoiles fixes. Il est vrai que depuis belle lurette, on ne tenait point tant compte des étoiles propres à chacune d’entre elles qu’à un point de départ, éventuellement représenté par une étoile fixe. Mais là encore, c’est le passage d’un astre sur un secteur du ciel dûment relié analogiquement à un bouquet de divinités, et non sur une étoile précise, qui s’imposerait. Et dans ce cas, l’idée d’aspect propre à la rencontre entre une étoile et une planète se trouverait bafouée au profit de rencontres purement symboliques avec des astres absents de corps mais présents en esprit.

   Le recours aux aspects, dans le thème natal, allait conduire à d’autres procédés creusant encore plus le fossé entre astrologues et astronomes. Comme dans bien des cas, dans le thème natal, aucun aspect ou fort peu n’existaient, il fallut introduire la notion d’orbe, permettant de faire apparaître le sacro-saint aspect, sans lequel l’astrologie ne serait que l’ombre d’elle-même, là où il n’y en avait point ! Dans ce cas, ce n’était point tant que l’on annonçait un astre en un lieu où il ne se trouvait pas que le fait de faire comme si l’astre considéré était déjà là ou encore là, ce qui relevait d’une certaine forme de tricherie, du moins perçue comme telle par les astronomes au fait du savoir astrologique et qui, d’ailleurs, fréquentèrent longtemps celle-ci, du fait de certaines contraintes professionnelles voire alimentaires.

   C’est ainsi que l’aspect qui devait être l’épine dorsale de tout le système astrologique s’est trouvé comme dévalué, galvaudé, délayé, démultiplié et surtout perdit toute lisibilité / visibilité, puisque tout devenait aspect à tout, le nombre d’intervalles significatifs entre deux astres augmentant, Kepler lui-même en ayant proposé de nouveaux. Car, à la limite, tout angle peut faire l’affaire, toutes les divisions du cercle ont droit de cité.

   Pour notre part, nous pensons au contraire qu’il n’y avait aspect qu’en cas de conjonction, quadrature (90°) et opposition, selon la structure du cycle soli-lunaire, fondement de certains calendriers.

   Nous pensons surtout que s’il faut admettre que les hommes perçoivent les mouvements du cosmos, il conviendrait de ne pas trop leur en demander, il importe que le message, le signal soient clairs et compris de tous, à un niveau certes subconscient mais néanmoins précis, temporellement univoque8, et non pas seulement par l’initié à une astrologie sophistiquée, individuelle, faisant écran entre le Ciel et la Cité, et invitant à ce que l’on vienne le rejoindre dans son cabinet, bien loin de la voûte céleste. Car, au bout du compte, les aspects, comme le propose un André Barbault9 ne vont-ils pas représenter la conflictualité du psychisme humain, eux qui sont classés en “bons” et “mauvais”, harmonieux et dissonants ? Or, est-ce vraiment là le langage des aspects ?

   Nous ne pensons pas qu’une telle terminologie manichéenne soit adéquate, nous avons proposé d’y voir plutôt une dialectique de l’ouverture et de la fermeture, en accord même avec le dessin que les aspects suscitent, évoquent, dans le ballet stellaro-planétaire.10

   Au fond, une seule planète nous semble suffire et on pourrait parler d’une position monoplanétariste : une planète et deux repères fixes, de façon à ce que chaque période soit d’une durée raisonnable, en gros une semaine d’années, sept ans, ce qui convient amplement pour la structuration du psychisme humain.

   En faisant le tri dans le monde aspectal de l’astrologie, nous sommes parvenu, du moins nous l’espérons, à isoler un noyau dur permettant une rencontre plus saine entre astrologues et astronomes, une fois la dite astrologie débarrassée de ses scories, de ses subterfuges, de ses simulacres. L’histoire des aspects n’est-elle pas emblématique d’une certaine errance, d’une incurie conduisant à la pléthore et à la confusion ?

Jacques Halbronn
Paris, le 20 juin 2003

Notes

1 Cf. par exemple les travaux d’André Barbault, analysés dans notre étude “Heurs et malheurs de l’astrologie mondiale”, Site du Cura.free.fr. Retour

2 Cf. notre article sur le Dialogue entre ces deux populations, Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr. Retour

3 Cf. notre étude sur les Dignités planétaires, in Etoile & Planète, Site Astrofred.com/mouvement/article.html. Retour

4 Cf. Manifeste 4 / 4, Le Manifeste, Site du Cura.free.fr. Retour

5 Cf. “Comparaison du Tétrabible attribué à Ptolémée et de la Mathesis de Firmicus Maternus”, Colloque Homo Mathematicus, Malaga, 2002. Retour

6 Cf. notre rubrique sous ce nom, sur le Site Faculte-anthropologie.fr. Retour

7 Cf. notre étude sur “Astronomie et culture, culture des astrologues”, Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr. Retour

8 Cf. nos études sur la notion d’hypno-savoir, Encyclopaedia Hermetica. Retour

9 Cf. De la psychanalyse à l’astrologie, Paris, Ed. Seuil, 1961. Retour

10 Cf. nos travaux sur l’astrologie axiale, sur la revue en ligne Etoile et Planète. Retour



 

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