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ASTROLOGICA

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Du syncrétisme
entre astrologie paysanne et astrologie citadine

par Jacques Halbronn

La présente étude vient compléter notre entreprise de classification des diverses formes d’astrologies (cf. sur E. H.).

    La tare principale de l’astrologie dominante contemporaine est certainement son absence de fixité et quelque part, on peut parler d’une astrologie sans étoile fixe comme on dit de quelqu’un qu’il est SDF.

   Cette astrologie SEF a tellement pris l’habitude de cette absence de fixité qu’elle n’est même plus consciente du problème et considère comme normal son mode de fonctionnement, à la dérive et qui est tout simplement déviant.

   L’astrologie SEF est construite sur un château de sable : que ce soit les avis du client sur la valeur du travail de l’astrologue et qui, pour diverses raisons, ne pèsent pas lourd ou que ce soit ce fameux zodiaque qui, par quelque bout qu’on le prenne, relève du monde virtuel et ne fait pas vraiment le poids face aux planètes.

   Or, ce devrait être l’inverse qui devrait se passer : la planète devrait avoir affaire à des points fixes aussi visibles qu’elle, selon une signalisation qui tient la route. C’est le cas de le dire: les feux de signalisation sont immuables et toujours à la même place alors que les voitures se meuvent, roulent, s’en éloignant ou au contraire s’en rapprochant.

   Comment en est-on arrivé à une telle aberration, remplaçant les étoiles fixes par des ersatz, passant successivement de l’étoile à la constellation et de la constellation au signe ?1

   Pendant longtemps, les étoiles fixes ont été le parent pauvre des planètes, on leur accorda un strapontin jusqu’au jour où elles passèrent, purement et simplement, à la trappe, sous le prétexte que de toute façon elles étaient trop éloignées pour avoir de l’effet !2

   Désormais, l’astrologie allait décrocher par rapport aux étoiles fixes et se trouver entraînée dans le lancinant débat sur la précession des équinoxes, conséquence du recours au zodiaque, sous toutes ses formes. Car l’astrologie n’y gagnait pas au change et se fragilisait.3 A partir du moment où les configurations stellaro-planétaires n’étaient plus prises en compte, cela impliquait la perte d’une structure chronologique et son remplacement par des repères non pertinents.

   L’astrologie SEF allait ainsi triompher avec une assise astronomique précarisée. La contribution arabe apparaît rétrospectivement comme singulièrement fâcheuse, autour de la théorie des Grandes Conjonctions, apparue au début du deuxième millénaire et qui se référait aux combinatoires entre deux planètes non pas en rapport avec les étoiles fixes mais avec le découpage de l’écliptique en douze.

   Tant que la société restait assez stable, il était facile de prévoir le cours des choses et l’astrologie SEF pouvait faire illusion, en profitant de certaines coïncidences heureuses, mais à partir de la fin du XVIe siècle, le monde commence sérieusement à s’ébranler et les carences prévisionnelles de l’astrologie s’étalent au grand jour. L’astrologie SEF est désarçonnée par les graves mutations politiques sur lesquelles un Jean Bodin (1530 - 1596), dès 1576, s’interroge (République, Livre IV, ch. II). C’est au moment même où l’astrologie aurait pu définitivement s’imposer face à une certaine débâcle environnante qu’elle se voit mise sur la touche, de par son inefficacité patente et ses fausses alertes, dues à une chronologie décalée.4

   Il est grand temps que l’astrologie se réapproprie sa véritable chronologie, articulée sur les rapports de Saturne à l’axe Aldébaran / Antarés.5 Contrairement à ce que d’aucuns affirment, avec ingénuité, les dates mises en avant ne sont pas les mêmes selon les combinatoires célestes prises en compte et l’astrologie SEF fournit un calendrier non adéquat, mal calé, fondé sur une astronomie bancale.

   Pourtant, quoi de plus simple que le recours aux étoiles fixes, puisque, par définition, elles ne bougent pas ? Pas besoin de complexes calculs à la différence de ce qui se passe pour les planètes, en mouvement perpétuel ! La polémique sur la précession des équinoxes qui s’accentue, précisément, tout au long du XVIIIe siècle, montre bien que le choix du zodiaque de préférence aux étoiles fixes majeures était malheureux et générait un divorce entre astrologues et astronomes.. En devenant SEF, l’astrologie décrochait par rapport à un certain étalon or, et devenait flottante.

   Il est vrai que l’astronomie moderne introduisait un hiatus entre le système solaire et la “sphère des fixes” alors que dans l’Antiquité, les deux niveaux étaient intimement intriqués. Il eut fallu pour résister à ce découplage que les astrologues se placent dans une perspective humaniste, anthropocentrique mais il fallut beaucoup de temps pour que l’on en arrivât là philosophiquement, épistémologiquement et d’ailleurs bien des chercheurs actuels en astrologie n’ont pas encore viré leur cuti et sont victimes d’un certain naturalisme selon lequel les hommes seraient façonnés par l’univers et non l’inverse.

   L’astrologie est comparable à un Yo-Yo. L’étoile est la main qui tient le fil et la planète l’élément qui parcoure le fil, en s’éloignant puis en se rapprochant. L’astrologie SEF ne comporte pas d’élément figé et concret à la fois, tout ce qui est stable chez elle est de l’ordre du virtuel à l’instar du point vernal, articulé sur le cycle des saisons. Au lieu de s’ouvrir vers la fixité du ciel lointain, l’astrologie SEF est devenue obsédée par ce qui se passait sur terre, en matière climatologique, agricole, pensant que les changements saisonniers étaient l’expression même de l’influence astrale.

   Autrement dit, un syncrétisme s’est produit entre une astrologie agricole, météorologique, fondée sur les influences réelles ou supposées du soleil et de la lune sur la vie quotidienne et le calendrier (solaire, lunaire ou soli-lunaire) et une astrologie politique qui, elle se situait à un tout autre plan et était à l’origine non pas le fait d’une influence mais d’une instrumentalisation du temps céleste au service de l’organisation de la Cité, d’ailleurs probablement inspirée de la première, et ce avant de passer à un stade subconscient, hypnologique.6

   Deux façons pour l’homme de gérer et de penser son environnement : d’un côté, une corrélation établie empiriquement entre les “mouvements” des luminaires, leur rencontre, et la vie des animaux et des végétaux, voire avec la mer et ses marées, ce qui est à l’origine du zodiaque, et de l’autre, la mise en oeuvre d’une sorte d’horloge saturno-stellaire qui, au départ, ne correspondait à aucun effet constatable en soi mais que certaines sociétés décidèrent d’adopter, de suivre. Autrement dit, deux approches fort différentes, l’une en quelque sorte paysanne (paganus, paysan en latin, a donné paganisme, païen), l’autre citadine et que l’on pourrait relier au monothéisme.

   Syncrétisme complexe et qui à terme devait conduire à une certaine confusion puis à cette astrologie SEF, chacune de ces astrologies se trouvant à terme détournée de sa vocation première et de sa spécificité. La théorie des Maîtrises7 est l’expression la plus remarquable d’un tel syncrétisme : on y trouve soleil, lune et planètes au sein d’un même ensemble zodiacal, chaque astre- luminaires inclus - se trouvant ainsi mis en rapport avec un ou plusieurs signes, à telle enseigne que les luminaires finirent par être désignés également comme des planètes, selon une seule et même terminologie.

   On retrouve constamment ce clivage, quand on parle d’influence astrale: nul ne conteste en effet, même chez les adversaires les plus acharnés de l’astrologie, le rôle du soleil sur notre vie et le cas de la lune est également, de par sa proximité, pris en considération, même si on attribue à la Lune des effets qu’elle n’a pas nécessairement. En revanche, l’astrologie planétaro-stellaire fait plus problème, elle se réfère à un tout autre niveau du ciel, dont la prégnance, a priori, est beaucoup moins palpable et somme tout singulièrement plus improbable. Il était dès lors tentant d’assimiler l’une à l’autre et de mettre sur le même pied influences soli-lunaires et influences planétaro-stellaires, puis de gommer, peu à peu, le stellarisme, aboutissant ainsi, selon un nouvel organigramme, découlant d’une telle “fusion” des deux “entreprises”, à l’astrologie SEF, somme toute assez bâtarde. En supprimant, en effet, le référentiel stellaire, l’astrologie “citadine” perdait sa spécificité et n'apparaîtrait plus dès lors que comme un prolongement, une extension de l’astrologie “paysanne”, celle du Kalendrier des Bergers.8

   Ce tour de passe-passe allait-il faire illusion ? Car, dans une telle alliance, l’astrologie “citadine” pouvait espérer que l’on assimilât l’influence des planètes avec celle des luminaires, ce qui fut probablement le cas pendant un certain temps. Mais, comme on l’a dit, à partir du milieu du XVIe siècle, la nouvelle astronomie, celle d’un Copernic, d’un Galilée notamment, allait séparer radicalement ces deux plans et mettre à bas cette savante architecture.

   Et depuis, qu’en a-t-il été de l’astrologie ? Les astrologues n’ont pas compris qu’il importait de renoncer à ce rêve unitaire d’une astrologie à la fois paysanne et citadine. Au lieu de couper avec l’astrologie paysanne, avec son zodiaque, avec ses raisonnements fondés sur une présence évidente des luminaires qui n’avait rien à voir avec celle des planètes et des étoiles, ces astrologues s’accrochèrent à une tradition éclectique et hétérogène et bradèrent, qui plus est, les étoiles fixes, pivot incontournable de l’astrologie citadine. Certains penseurs s’évertuèrent - citons récemment un Patrice Guinard9 - à sauvegarder une certaine unité de façade, tout en ignorant royalement les étoiles fixes, un semblant de cohérence, entreprise qui nous mobilisa, nous-même, quelque temps mais dont nous finîmes par comprendre l’inanité.

   En fait, le credo de cette astrologie SEF dominante est de privilégier le soleil, au demeurant, lui aussi, une étoile fixe, sur les autres étoiles : on assiste donc bien là à un hyper-héliocentrisme alors qu’il conviendrait de passer à une conception elliptique à deux foyers : d’un côté le soleil au coeur d’une astrologie paysanne, païenne, en couple avec la lune, et de l’autre l’axe stellaire Aldébaran-Antarés, au coeur d’une astrologie citadine, politique (de polis, en grec, la ville) en couple avec Saturne. Il est temps que chacun de ces pôles vive sa propre vie et se déleste de l’autre. Proposons un divorce à l’amiable, comme pour le couple israélo-palestinien : les temps s’y prêtent. Chacune de ces astrologies est un boulet, un handicap, pour l’autre, que chacune vole de ses propres ailes quitte à entretenir des relations cordiales mais non fusionnelles !

   Quant à l’astrologie SEF, elle ne peut qu’être la laissée pour compte de l’opération, elle ne peut qu’imploser . Rappelons, d’ailleurs, que les travaux de Michel Gauquelin (1929 - 1991) n’ont rien à voir avec l’astrologie paysanne, n’accordent aucune valeur aux positions zodiacales et que ceux d’André Barbault (né en 1921), du moins dans le domaine de l’astrologie mondiale10 ne créditent le zodiaque d’aucune importance au niveau de l’arsenal prévisionnel. Il semble que le grand perdant soit Jean-Pierre Nicola (né en 1929), un des maîtres à penser de l’astrologie contemporaine d’expression française - père de l’astrologie dite conditionaliste - qui a tenté11 de refonder l’astrologie SEF, en mettant l’accent sur le zodiaque (“réflexologique”) et sur le système solaire, sans oublier - dans son système RET - les planètes transsaturniennes, inconnues de l’Antiquité et donc très improbables dans le cadre d’une astrologie citadine, telle que nous l’avons décrite. Un Jean-Pierre Nicola dont P. Guinard est un émule, à ce détail près que ce dernier s’est attelé à la consolidation de la théorie des Maîtrises12, que Nicola avait sagement et salutairement mise de côté, suivant en cela l’intuition d’un Kepler.13

Jacques Halbronn
Paris, le 3 juillet 2003

Notes

1 Cf. notre étude “Les historiens de l’astrologie en quête de modèle”, Site Cura.free.fr. Retour

2 Cf. nos “Réflexions sur le manifeste de P. Guinard”, Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr. Retour

3 Cf. notre étude “Epistémologie des aspects astrologiques”, E. H.. Retour

4 Cf. notre étude sur Claude Duret, Cura.free.fr, n° 27. Retour

5 Cf. nos études sur l’astrologie axiale, E. H.. Retour

6 Cf. nos travaux sur ce sujet, dans l’E. H.. Retour

7 A laquelle nous avons consacré de nombreux travaux, dans Clefs pour l’astrologie, Paris, Seghers, 1976, Mathématiques Divinatoires, Paris, Trédaniel, 1983 et plus récemment in “Comparaison du Tétrabible attribué à Ptolémée et de la Mathesis de Firmicus Maternus”, Colloque Homo Mathematicus, Malaga, 2002. Retour

8 Cf. notre étude sur la fortune de cette encyclopédie pastorale, ainsi que sur les Prophéties Perpétuelles sur le Site du CURA. Retour

9 Cf. notre étude sur son Manifeste, in E. H.. Retour

10 Cf. notre étude “Heurs et malheurs de l’astrologie mondiale au XXe siècle”, sur le Site Cura.free.fr. Retour

11 Cf. son Pour une astrologie moderne, Paris, Seuil, 1977. Retour

12 Cf. notre étude sur les Dignités planétaires, sur E. H.. Retour

13 Cf. G. Simon, Kepler, astrologue, astronome, Paris, Gallimard, 1979. Retour



 

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