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ASTROLOGICA

43

Le procès de l’astrologie en superstition
Suite du débat avec Geoffrey Dean1

par Jacques Halbronn


    A la suite de notre dernière analyse concernant les travaux de Dean, qui nous précise que bien que vivant en Australie, il est britannique - ajoutons qu’il conduit ses travaux critiques depuis 1974 - nous avons reçu la mise au point suivante :

   “Thanks for your further comments on my ideas. Unfortunately when you say that my approach concerns only information in almanacs, this is not true. It is also concerned with looking at the sky. Also you say nothing about the situations that seem impossible to explain by hypno-savoir, such as the decrease in planetary effect with increasing birth time precision, but which are easily explained by my approach. Also more explanations have been proposed than the ones you list. Finaly I thought you knew I was British, not Australian !

   So I think your comments are misleading and should be corrected. Unfortunately the article I sent you from Skeptical Inquirer was only a brief popular account of my findings. If you wish I can send you a copy of the magazine Astrology Under Scrutiny containing the full article, which fills seventy A4 pages of small print. In it you will find detailed discussions of all the points you raise, such as looking at the sky, why Mercury is ignored, and so on, with many pages of test results and many pages of references. There are also many tables and figures. Without this full article you will not be able to properly criticise my work, and will be unable to properly correct your existing comments.”

   A la suite de cette lettre, nous avons parcouru d’autres documents de la plume de Geoffrey Dean, qu’il nous avait fait parvenir plus anciennement : un texte paru dans la revue néerlandaise citée par Dean, soit quelques pages de son travail susmentionné, “Attribution : a pervasive new artifact in the Gauquelin data”, Astrology in Scrutiny (Astrologie in Onderzoek), volume 13, Octobre 2000 et un article intitulé “Is the Mars Effect a Social Effect ?”, paru dans un précédent numéro du Skeptical Inquirer (Mai - juin 2002), et comportant une intéressante bibliographie, en attendant de recevoir un dossier plus épais qu’il doit nous faire parvenir. Bien entendu, ce genre de débat exige de prendre mieux connaissance des positions de l’interlocuteur, mais cela vaut pour les deux sens et il serait bon que Dean prenne connaissance, plus attentivement, de nos propres recherches.

   Nous poursuivons donc notre argumentation à partir de la réponse de Dean et de ces deux articles car il s’agit d’un débat de toute première importance qui nous interpelle depuis de longues années, ayant nous-même bien connu Michel et Françoise Gauquelin et ayant publié un livre de chacun : Problèmes de l’heure résolus en astrologie (1987 et 1991) pour Françoise et Personnalités Planétaires (1992) pour Michel, en coédition avec Guy Trédaniel, au lendemain de son décès inopiné (1991). On notera que les travaux de Dean, par delà la valeur de la thèse qu’il expose, montrent l’importance des croyances planétaires dans la France du XIXe siècle.

   Avec la thèse de l’hypno-savoir, on comprend pourquoi il n’y a pas de résultats statistiques concernant les signes du zodiaque, alors qu’il serait si facile de faire naître un enfant sous tel signe solaire voire sous tel ascendant ou de modifier, dans ce dernier cas, l’heure de naissance pour que cela “colle” avec le signe ascendant souhaité, puisque telle est en gros la position de Dean pour expliquer certains résultats “positifs”. Selon nous, en effet, les signes zodiacaux et les ascendants sont des découpages abstraits et l’hypno-savoir ne fonctionne que sur des corps célestes bien réels et repérables visuellement (par une hypno-vue), un hypno-savoir ne peut en effet s’encombrer d’une information purement livresque si celle-ci n’est pas corroborée, en la circonstance, par une expérience millénaire du ciel. En revanche, dans les cas de figure mis en avant par le responsable de Recent Advances, il importe somme toute assez peu que l’information soit ancienne ou nouvelle, du moment qu’elle est prise au sérieux. Certes une vieille superstition aura probablement un impact particulier mais en pratique, tout dépend de l’attitude, parfaitement délibérée et consciente, des parents. Le fait, donc, que les travaux Gauquelin n’aient fait apparaître aucun “effet” zodiacal, quand on sait l’importance de ce facteur dans l’astrologie populaire, véhiculée par une littérature de colportage (bibliothèque bleue), grâce aux progrès de l’imprimerie, nous semble davantage faire pencher la balance vers l’hypno-savoir et le modèle franco-allemand que vers le modèle anglo-australien (Dean), ces deux modèles projectifs ayant en commun, faut-il le rappeler, de faire du fait astrologique un artefact social et de ne supposer aucune faculté spécifique aux astres.

   Dean insiste à juste titre, dans ses écrits, sur le fait que l’astrologie qui apparaît à la lumière des résultats Gauquelin n’est pas l’astrologie traditionnelle laquelle n’aurait plus été pratiquée au XIXe siècle, période où les naissances des personnes examinées par Gauquelin se regrouperaient pour l’essentiel. A contrario, selon le même raisonnement, on devrait trouver des résultats positifs, de nos jours, pour le Zodiaque. Or, ce n’est pas le cas. Le raisonnement de Dean, en effet, doit pouvoir s’appliquer à des savoirs astrologiques successifs et non pas seulement aux résultats Gauquelin. Il lui faut en effet démontrer que tout savoir astrologique largement répandu, quel qu’il soit, et quel que soit son lien avec des positions astronomques réelles ou supposées, matérielles ou virtuelles, produit des résultats à la naissance des enfants.

   Quant à l’impuissance de Gauquelin à faire apparaître des résultats probants, après les années 1950, cela ne tient pas tant à un changement dans la croyance astrologique qu’aux accouchements provoqués, empêchant l’hypno-savoir cosmique de s’exercer de façon normale, faussant ainsi les statistiques.

   En ce qui concerne le fait que les travaux Gauquelin “marchent” mieux avec l’élite professionnelle, cela s’explique en ce que la société peut faire obstacle à une vocation médiocre mais non à un talent qui s’impose fortement. Le seul fait d’attribuer à un enfant, d’office, une certaine position planétaire ne suffirait pas à ce qu’il choisisse une voie professionnelle correspondante, bien des années plus tard, à moins, toutefois, de supposer une pression familiale qui sera d’autant plus forte qu’il y aurait eu ce choix planétaire à la naissance pour l’enfant, ce qui permettrait de supposer que les parents auraient également, par la suite, pesé sur le choix professionnel de leur progéniture. Cela impliquerait une double pression, à la naissance puis à l’adolescence.

   On ne peut exclure, cependant, que Gauquelin n’ait extrapolé à partir de l’effet Mars vers ceux d’autres planètes et on ne saurait exclure que pour certaines planètes, les résultats aient été biaisés par une certaine attente du ou des chercheurs, lesquels désormais n’abordaient plus la question sans certains a prioris.2 Autrement dit, nous ne sommes pas convaincus que des résultats valables soient à attendre pour l’ensemble des cinq astres donnant des résultats, selon Gauquelin.

   Insistons sur le fait que le double décalage entre les connaissances astronomiques, les connaissances astrologiques et les travaux Gauquelin tiendrait, selon nous, au fait que l’hypno-savoir se serait constitué sur la base de certains choix parmi tous les possibles astronomiques et cosmographiques. L’hypno-savoir est un choix - une sélection - parmi diverses données, opérés par une certaine société et il conduit lors de la naissance et au delà à opérer des choix en accord avec ce tri originel, il implique donc un filtrage, ce qui explique pourquoi on ne tient compte que de telle configuration et pas de telle autre.

   A l’approche de la naissance3, et la connaissance de cette échéance relève aussi peu ou prou d’un certain hypno-savoir, l’examen du ciel s’intensifie - vraisemblablement chez la mère - elle perçoit, de façon hypnologique, certaines informations qui joueront sur le moment de la naissance. Ce faisant, on pouvait ainsi savoir, dans les sociétés se servant de tels repères, lors de la naissance, à quel groupe appartient l’enfant et la fonction qui pourra lui être attribuée, ce qui implique un choix éducatif, et donc une utile prévision.4 La mère devait donc être capable de déterminer, hypnologiquement, à quelle catégorie planétaire appartenait l’enfant qu’elle portait et produire un signal lisible par tous, au ciel, du fait du moment choisi pour sa naissance. Nous pensons, en effet, que les femmes sont plus concernées par l’hypno-savoir que les hommes et qu’elles furent programmées, au cours de l’Histoire de l’Humanité, à fonctionner comme des machines capables d’enregistrer et de trier des données relativement simples, beaucoup plus simples que le corpus astronomico-astrologique généralement supposée par les astrologues, et ce tant biologiques qu’astronomiques et de les connecter entre elles.

   En fait, nous proposons l’explication anthropologique suivante : les femmes, dans la société concernée, constituaient une caste chargée de l’enfantement.. Elles pouvaient servir indifféremment à “porter” les enfants d’hommes appartenant aux diverses catégories socioprofessionnelles existantes. Pour distinguer ces enfants les uns des autres, on les faisait naître sous la planète totem correspondant à leur père. Par la suite, à la suite d’un glissement hypnologique (hypnological shift), le processus devint subconscient, c’est-à-dire que le corps de la mère identifiait la catégorie de l’enfant, sans que le père ait à être identifié et le faisait naître au moment planétairement signifiant.

   Comme on l’aura compris, et en cela nous sommes proches de Müller et de Dean, le fait astrologique s’inscrit dans des pratiques sociales et exige une certaine réflexion anthropologique de la part du chercheur en astrologie, lequel ne peut plus sérieusement se contenter de parler d’une programmation céleste s’imposant inconsciemment à l’Homme. Ce n’est que dans un deuxième temps que l’on bascule dans un processus subconscient.

   Paradoxalement, dans l’état actuel de notre connaissance encore lacunaire de ses thèses, le seul argument en faveur de la thèse de Dean est, nous semble-t-il, qu’il aurait démontré que les parents éviteraient de faire naître leurs enfants, à certains moments. Mais sa démonstration est discutable et fonctionne plutôt comme une présomption, un peu à la façon dont on procède devant un tribunal pénal. Le fait que les parents, à une certaine époque, aient modifié certaines données de naissance ou aient préfère certaines dates ne prouve pas automatiquement que les résultats Gauquelin soient dus à un tel phénomène. Le travail de Dean est certes intéressant au niveau de l’histoire des superstitions populaires, liées au calendrier et à tout ce qui peut se greffer dessus, mais son lien avec les résultats Gauquelin nous semble somme toute assez ténu. L’idée était certes brillante de situer ces résultats dans un tel contexte et en tout état de cause l’intuition était juste mais elle concernait une période beaucoup plus ancienne et lointaine que la France de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Par ailleurs, les travaux de Dean ne peuvent que passionner l’historien de l’astrologie moderne en mettant en évidence une certaine littérature quelque peu oubliée par les astrologues eux-mêmes, ce qui contribue à souligner le fait que l’astronomie n’avait pas été évacuée de la pratique astrologique de cette époque comme on l’a souvent soutenu. En conséquence, la “renaissance” de l’astrologie, à la fin du XIXe siècle ne se caractériserait pas par le retour vers l’astronomie. Face à l’astrologie de cabinet, établissant un thème “astral” en flirtant avec le tarot et la kabbale5, et qui traçait des thèmes n’ayant plus guère d’assise astronomique existait une astrologie populaire plus “scientifique”, ce qui est somme toute un paradoxe. Mais là encore, une telle redécouverte de la part de Geoffrey Dean, quel qu’en soit l’intérêt par ailleurs, ne saurait, selon nous être amalgamée avec la question des résultats Gauquelin.

   Quant à la question que Dean évoque dans sa dernière réponse (cf. supra) concernant l’absence de Mercure dans les résultats Gauquelin, nous attendons ses explications à venir. En ce qui concerne le problème de l’amélioration de la précision des données de naissance ayant une incidence sur le fléchissement des résultats Gauquelin, nous nous réservons également pour une autre occasion.

Jacques Halbronn
Paris, le 15 juillet 2003

Notes

1 Cf. sur ce Site nos deux études “L’astrologie comme hypno-savoir : en réponse aux travaux de Geoffrey Dean” et “Pour une archéologie des savoirs astrologiques”. Retour

2 Cf. sur les effets Mars et Saturne, notre étude sur la question des “classifications populaires”, Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr, rubrique Astrologica. Retour

3 Cf. notre étude sur “le rôle de la femme en astrologie”, Encyclopaedia Hermetica. Retour

4 Cf. nos études sur la prévisibilité sociale, sur E. H., rubrique Hypnologica. Retour

5 Cf. notre ouvrage, avec N. Campion et P. Curry, La vie astrologique, il y a cent ans, Paris, Trédaniel, 1992. Retour



 

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