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ASTROLOGICA

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Contre une astrologie rachitique

par Jacques Halbronn

    Nous avons dans un autre texte (sur E. H.) dénoncé cette astrologie SEF (sans étoile fixe), mais plus généralement ce qui manque à l’astrologie généralement pratiquée est un cadre structurel. Non pas, certes, qu’il n’existe divers dispositifs, plus ou moins bien structurés, au sein du canon astrologique traditionnel, mais ceux-ci se situent en marge de ce que nous appellerons le cadre prédictif.

   De structures, en apparence, l’astrologie en dispose et cela peut faire illusion : dignités planétaires, cycles astronomiques divers et variés, maisons astrologiques, sans parler de la succession des signes zodiacaux. Mais, sur le terrain, le praticien dispose-t-il pour autant d’un cadre prédictif, c’est-à-dire d’une certaine assise chronologique globale ?

   Selon nous, un tel manque dont le praticien a fini par ne plus être conscient, l’insécurise et le conduit à gérer la consultation au moyen d’expédients, en bricolant ce qui lui vient sous la main. Une telle situation n’est nullement le propre de l’astrologie et une amie, spécialisée dans les problèmes de prévention de risques, nous signale le cas des anesthésistes, lesquels, dans certains hôpitaux, doivent se servir d’un matériel déficient, parce que non homogène, et dont les diverses combinaisons possibles entre tel et tel appareil sont quasiment imprévisibles et impliquent donc à chaque fois d’improviser, de bidouiller, ce qui peut mettre en danger la sécurité du patient, en bloc opératoire. L’astrologue n’est pas mieux loti et il est temps de veiller à ce qu’il ne soit plus contraint à toutes sortes d’acrobaties et de tâtonnements; autrement dit, l’ergonomie de l’astrologie traditionnelle est une affaire assez consternante.

   Mais, répétons-le, les astrologues ont tellement fini par se résigner à cet inconfort qu’ils en ont non seulement pris leur parti mais se sont finalement convaincu qu’il ne pouvait / pourrait en être autrement. Bien pis, pour remédier à cette carence de repères simples, certains astrologues n’hésitent pas à recourir à des procédés symboliques numériques ou numérologiques qui ont le mérite de la simplicité mais qui n’ont aucune valeur “scientifique” et surtout aucun fondement astronomique véritable. Ainsi, pour encadrer l’astrologie, on ferait appel à autre chose qu’à elle-même, du moins jusqu’à ce ces nouveaux apports ne soient intégrés, syncrétiquement, au sein d’un corpus astrologique en expansion. Cette stratégie de l’emprunt1 dénote une incapacité de l’astrologie à se restructurer, d’où le recours à des structures externes, au caractère astronomique factice.

   Il convient donc de rappeler que les bases astronomiques de l’astrologie n’assurent point à celle-ci un cadre solide, du fait que celle-ci multiplie à l’infini les combinatoires célestes possibles au lieu de s’en tenir à quelques unes sur lesquelles tabler en permanence.

   Une telle façon de procéder est déconcertante et caractérise cette astrologie sans fixité, sans cadre, qui fonctionne au coup par coup, tantôt avec tel facteur, tantôt avec tel autre, dès lors qu’il s’agit d’expliquer ou d’annoncer. L’astrologie de ce type ressemble à un kaléidoscope.

   En ce qui nous concerne, nous sommes en faveur d’un “modèle universel”2 qui vaut en toute circonstance et ne comporte qu’une cyclicité bien définie et parfaitement récurrente alors que l’astrologie classSque semble s’ingénier à croiser les cycles de façon à aboutir à une diversité incontrôlée et incontrôlable.

   Que la même configuration puisse produire des effets divers ne nous pose pas problème mais que l’on passe constamment d’une configuration à une autre est épuisant et ne favorise guère un travail statistique et une approche comparative.

   Si les combinatoires varient constamment, leur interprétation n’est pas en reste et là encore il y a un sérieux flottement, tant la synthèse prend en compte un nombre important de significations. Nous sommes là en présence d’une astrologie pléthorique qui a perdu la maîtrise de ses actes.

   Evidemment, l’astrologue n’a pas les mêmes responsabilités que l’anesthésiste et celles-ci sont en tout cas moins repérables. Ce qui ne l’encourage pas à changer de façon de faire. Si on demandait à un astrologue ce qui lui manque, que répondrait-il ? Il est peu probable qu’il réclamerait immédiatement sa simplification. Les chercheurs allemands ont cherché à améliorer l’ergonomie de l’activité astrologique. On pense notamment à l’Ecole Ebertin (Kosmobiologie) à laquelle nous nous initiâmes au début des années Soixante-dix, à Aalen (Allemagne), au contact de Reinhold Ebertin lui-même. Ils élaborèrent pour ce faire certains outils de travail mais sans reprendre le problème à la base, et notamment sans réussir à guérir l’astrologie de ses excès de poids, de sa boulimie, sans parvenir à la mettre au régime.

   Un cadre pour l’astrologie, c’est à la fois un modèle astronomique et un modèle anthropologique et en tout état de cause, il n’est de science que du général.3 Il faut que le discours astrologique de base soit connu à l’avance, prévisible, qu’on n’ait pas l’impression chaque fois que l’astrologue va arriver avec une nouvelle recette et surtout que chaque astrologue ait son langage à lui.

   D’où un certain quiproquo entre les astrologues et le public lequel se fait une idée somme toute assez simple de l’astrologie alors que les astrologues s’ingénient à tout compliquer, à tout embrouiller, croyant d’ailleurs bien faire.

   Au fond, à quoi servent les astrologues ? L’astrologue qui se respecte, comme on dit, veut du compliqué parce que cela fait, croit-il sérieux, que cela donne de son métier une image “scientifique” ; en fait, il y a là un côté quelque peu corporatif : plus l’astrologie est ardue et plus elle restera élitique, éloignant les voyants et autres engeances. Mais avec le développement de l’informatique, l’astrologie s’est démocratisée.

   Pour rester dans les comparaisons entre professions, l’astrologue nous fait penser à un professeur d’anglais, en France. La façon dont il enseigne l’anglais nous a depuis longtemps révolté.4 Au lieu de montrer comment l’on passe d’une langue à l’autre, en raison des parentés si nombreuses entre les deux langues, le professeur d’anglais de base s’échinera à présenter l’astrologie sous son jour le plus exotique, faisant ainsi perdre ses repères à l'élève. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

   Les astrologues croient que si l’astrologie était simplifiée ou plutôt élaguée de ses métastases, elle leur échapperait ; ils ont donc élaboré un système qui, de par sa complexité, exige l’intervention d’un professionnel. On songe à certains prêtres longtemps jaloux de leurs pouvoirs et de leurs savoirs (ne serait-ce que pour le latin dans la liturgie catholique).

   Il y a là un dilemme : si l’astrologie est trop simple, elle ne passe plus par les astrologues mais si elle est trop complexe, elle échappe à tout contrôle et bascule dans le bricolage et l’improvisation méthodologique. Il est clair, en effet; qu’il faut repenser le métier d’astrologue.

   Autant le cadre typologique est-il bien connu, qui répartit les gens en douze groupes voire en plus compte tenu des ascendants, autant l’astrologie ne fournit-elle aucun modèle prédictif compréhensible et qui vaudrait pour tous : opposition entre clivage synchronique et clivage diachronique. L’astrologue quand on l’interroge sur la structure cyclique du destin astral collectif n’a rien à dire de précis et bascule de la statistique à la casuistique, au cas par cas.

   Il y aurait donc un hiatus épistémologique entre l’aptitude de l’astrologie à discourir sur la typologie zodiacale et son incapacité à présenter le cours des choses selon des schémas aussi simples. L’horoscope de presse est typique d’un tel hiatus : d’un côté il se présente selon les 12 types, selon des descriptions peu ou prou familières et de l’autre, il comporte un texte oraculaire, dont le public ne perçoit aucunement le fondement et qui, par ailleurs, varie d’une publication à l’autre. Une conception bâtarde s’il en est mais qui est surtout révélatrice d’un grave dysfonctionnement structurel.

   Nous avons déjà relaté5 le croisement entre une astrologie agricole, zodiacale et une astrologie urbaine, constitutives de l’astrologie telle qu’on la connaît aujourd’hui. On peut dire que l’astrologie urbaine / citadine, qui relève d’une toute autre conception que l’astrologie rustique passe par une sévère crise d’identité.

   Cette astrologie urbaine est en miettes, elle n’a plus de colonne vertébrale, on dira qu’elle est rachitique et ne peut donc que se rapprocher d’une forme de divination. Curieusement, il semble bien que le nostradamisme offre les mêmes caractéristiques, ayant renoncé à tout cadre chronologique précis et évolué, en une sorte de déliquescence, vers du coup par coup au niveau exégétique6 initialement, pour Michel de Nostredame, les quatrains ou tout autre expression oraculaire, devaient nécessairement s’inscrire dans le cadre d’une chronologie, d’un calendrier, bien définis et obéissant à une cyclicité clairement établie et relevant de ce qu’on appelle les Prophéties Perpétuelles. Certes, une telle forme d’astrologie ne s’articulait-elle pas, dans un tel système, sur le cours réel des astres et ne relevait donc pas de ce que nous appelons l’astrologie urbaine mais elle avait au moins le mérite d’offrir un profil général bien dessiné.

   Il semble que l’astrologie mondiale ou en tout cas collective soit bien plus que l’astrologie individuelle susceptible de sortir l’astrologie de son marasme, de son inconsistance. Il n’y a d’astrologie individuelle que divinatoire et c’est probablement la tentation divinatoire qui a conduit l’astrologie où elle en est, lui assurant une certaine survie mais à quel prix ?

   On ne saurait confondre divination et prévision. La divination est affaire individuelle, elle est inductive tandis que toute prévision implique de relier un cas à un ensemble, elle est déductive. Toute approche inductive est au départ improvisée, puisque l’on par de l’inconnu pour aller vers le connu et c’est ce que fait la divination, elle ne prétend rien savoir au départ, ce qui convient à celui qui se sent isolé du monde. L’approche déductive, en revanche, s’appuie sur des structures déjà établies, plus ou moins bien tracées, à partir desquelles on va aller vers l’individu, en se servant d’une clef très générale, à l’instar de la psychanalyse qui s’appuie sur le complexe d’Oedipe. En ce sens, la psychanalyse s’oppose à la divination et il est étrange de voir certains astrologues parler d’une astro-psychanalyse7 alors que l’astrologie qu’ils utilisent ne repose sur aucun modèle anthropologique et donc ne saurait être déductive que par abus de langage.

   En effet, quand l’astrologue affirme qu’il “déduit” ceci ou cela du thème astral, étant donné que le dit thème astral est une structure spécifique et en quelque sorte propre à la personne concernée, on ne voit pas où il y aurait déduction, c’est-à-dire passage du général au particulier. Certes, dans l’absolu, l’astrologue aurait vocation à déduire, à condition de reconstituer une structure globale qui lui fait cruellement défaut, ce qui permettrait à l’astrologie de sortir d’un inductivisme chronique qui la conduit à se réinventer, en quelque sorte, avec chaque client. Or, l’astrologue actuel a intériorisé un tel inductivisme et s’imagine que c’est ce que son client attend de lui alors que, parallèlement, le dit client s’est forgé une représentation déductive de l’astrologie, certes à partir d’éléments douteux - les 12 signes - mais selon un profil théorique pertinent. Il est grand temps de psychanalyser l’astrologie.

Jacques Halbronn
Paris, le 21 juillet 2003

Notes

1 Cf. nos études de linguistique à la rubrique Gallica de E. H., sur le Site Ramkat.free.fr et sur Hommes & Faits, Faculte-anthropologie.fr. Retour

2 Cf. notre étude sur le Site Cura.free.fr. Retour

3 Cf. notre étude “du prévisible et de l’imprévisible”, E.H.. Retour

4 Cf. nos études linguistiques, sur Hommes & Faits, Faculte-anthropologie.fr. Retour

5 Cf. “astrologie champêtre, astrologie citadine”, sur E. H. Retour

6 Cf. nos travaux sur ce sujet, sur E. H.. Retour

7 Cf. André Barbault, De la psychanalyse à l’astrologie, Paris, Ed. Seuil, 1961. Retour



 

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