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ASTROLOGICA

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Les astrologues comme secte

par Jacques Halbronn

    A partir de quand peut-on parler de secte concernant un phénomène donné ? Il semble bien que les sectes aient à voir avec la marginalité et que leur appartenance conduise, à terme, ceux qui se laissent entraîner à une impasse.

   La secte impliquerait un certain déracinement, elle ferait fi de nos attaches anciennes, elle correspondrait à une tentation de se délier, de se détacher par rapport à ses engagements antérieurs, elle serait assimilable à une conversion à distinguer d’une initiation.1

   Se convertir consiste à basculer vers un autre espace pour lequel on n’est pas préparé tandis que s’initier constituerait un seuil temporel : “l’homme qui était bambara de naissance deviendra du fait de l‘initiation un homme bambara et rien d’autre qu’un Bambara”.2 S’initier consisterait à réaliser son potentiel et non pas à en changer, ce serait une étape, un seuil à franchir au sein d’une société donnée et non un passage d’une société vers une autre.

   Encore, en ce qui concerne les sectes, ne peut-on parler d’un changement de société car elles n’ont de la société que certaines apparences. Prenons le cas de l’astrologie, on y apprend une langue que personne ne parle et par conséquent on ne peut pas dire qu’on la parle bien ou mal. C’est une pseudo-langue mais dont l’apprentissage n’en est pas moins coûteux en temps et souvent en argent, quand on s’engage dans une formation.

   Les sectes promettent d’accéder à un savoir, à des pouvoirs, que la société “normale” n’offre pas. Dans le cas de l’astrologie, il s’agit d’un outil de connaissance de soi, de l’autre, éventuellement de l’avenir mais en fait cet outil ne fonctionne que lorsqu’il se nourrit de notre expérience antérieure, un peu comme une voiture qui n’avancerait que si on la pousse mais avec la satisfaction, tout de même, de faire croire qu’elle marche par ses propres moyens et que nous en disposons. Le côté secte vient quand ce n’est pas un exercice solitaire mais que d’autres sont complices d’un tel subterfuge et nous font croire que c’est arrivé.

   Comment sort-on de la “secte” astrologique ? Il y a certainement difficulté à renoncer à certaines illusions, à un certain investissement ; on est souvent tenté d’y croire encore et il y a des rechutes comme cet ancien témoin de Jéhovah, ébranlé par les événements du 11 septembre 2001 et se demandant si ce n’était pas la fin du monde annoncée par cette mouvance.

   Beaucoup de sectes font appel à une forme de thérapie, d’amélioration, voire de transformation, de libération. Il semble que leur spécialité, ce en quoi elles excellent, ce soit le dépaysement pour ne pas dire l’exotisme. On pourrait parler d’un certain type de tourisme : ce qui peut d’ailleurs impliquer l’apprentissage d’un nouveau langage voire un certain déguisement, un changement de look. L’idée essentielle, c’est celle que nous n’avons pas à être tributaires du passé, du notre ni de celui de notre famille : tout serait à construire, à inventer, on ferait table rase, quitte à détruire pour reconstruire. Avec l’astrologie, on change de repères, on ne s’appuie plus sur les mêmes informations : le regard de l’autre est remplacé par celui de l’astrologue voire de cet outil que l’on apprend à faire parler et qui est le thème astral / natal et qui fait penser au miroir que l’on interroge, dans le conte de Blanche Neige.

   Ce qui nous semble caractériser l’astrologie, c’est aussi le sentiment qui se développe d’un savoir incompris, injustement méconnu, et auquel on a la chance insigne d’avoir accès. Or, il y a bien là risque de décalage d’avec les valeurs et les repères de la société dominante. Certes, il y a dans toute société des pionniers mais il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus.

   Les sectes tiennent souvent le discours suivant : il faut dépasser le cadre de son petit moi, accepter de se dissoudre dans le groupe, de s’oublier et d’oublier son passé. Or, il y a probablement beaucoup de gens qui se sentent en effet enfermés en eux-mêmes, prisonniers de leur coquille. Surtout les femmes, selon nous.3 Et l’on sait combien les femmes sont nombreuses à vouloir apprendre l’astrologie. Par l’astrologie, elles pensent pouvoir mieux comprendre le monde, l’autre, qui n’est plus un inconnu puisqu’on a “son” thème. Grâce à l’astrologie, les frontières s’estompent. Le thème nous fournit la clef tant de nous que de ce qui n’est pas nous, ce qui nous confère un certain pouvoir / savoir, une certaine prise sur le monde. Certes, mais cette société sectaire ne va, en réalité, qu’exacerber le moi car cette société parallèle n’existe que par notre bon vouloir, n’est à la limite que fonction de nos fantasmes.

   Mais apprendre l’astrologie, ce n’est pas comme apprendre la médecine ou le droit, parce que cette activité ne fait pas partie intégrante de la société occidentale contemporaine, elle ne se situe pas dans le cursus honorum reconnu. Sa méthodologie, en dépit des apparences, est différente, elle n’est pas transposable. Et c’est en ce sens que nous disons que l’astrologie mène à une impasse. On sort de Polytechnique pour entrer dans la société, on ne “sort” pas de l’astrologie parce que cela ne conduit, n’aboutit nulle part.

   Et c’est aussi pour cela qu’il est si difficile de “sortir” d’une secte, parce que sortir cela signifie entrer ailleurs et la secte ne prépare pas à cet ailleurs qu’elle-même ; elle est autoréferencée, tout comme l’est l’astrologie.

   La société est en effet ainsi faite qu’en dépit de sa diversité, il y a de multiples passerelles et l’on passe d’un créneau à l’autre dans la mesure où existe une certaine unité, une certaine convertibilité des activités. Etre dans une secte, c’est comme quelqu’un qui aurait une monnaie qui n’a pas cours en dehors de la dite secte. C’est ainsi d’ailleurs que certains pays retiennent leurs ressortissants en refusant que leur monnaie puisse être changée, transmu(t)ée en une autre. On a là un bagage qui ne permet pas de partir, d’aller voir ailleurs, sauf à devoir repartir à zéro et encore ce n’est pas si simple car dans la secte on a pris de mauvaises habitudes. Et c’est bien aussi le cas de l’astrologie qui désapprend certaines choses, qui encourage certaines illusions, qui, somme toute, n’est pas forcément une bonne école pour tirer / obtenir le meilleur de soi-même, tant on y prend souvent des vessies pour des lanternes.

   Souvent, ceux qui viennent de l’astrologie, qui y ont fait de la “recherche”, qui en “sortent”, et qui tentent de s’exprimer dans un autre domaine se sentent démunis, “pas à la hauteur”, trop “exposés” parce que l’astrologie leur a fait croire qu’ils étaient compétents et que cette compétence serait un jour transférable sur un autre créneau. La “compétence” au niveau d’une secte se situe sur un plan différent du monde “réel”, elle consiste à permettre à la secte à se perpétuer et à s’étendre, à faire de nouvelles recrues. Il ne s’agit pas tant d’aller vers le monde mais de faire venir le monde à soi ! La secte devient la référence, la matrice.

   Certaines écoles d’astrologie s’articulent autour d’une sorte de gourou, au sein d’une chapelle qui aura son propre langage différent de celui de l’astrologie traditionnelle. En fait, si membres de sectes, il y a, dans le domaine astrologique, cela concerne avant tout les étudiants qui suivent des formations supposées les conduire à la maîtriser d’un certain savoir astrologique repensé par l’astrologue maître à penser, un peu comme dans d’autres domaines où sévissent les sectes, il s’agit de certaines dérives de la psychothérapie.4 La différence, dans le cas de l’astrologie, c’est qu’il est difficile de parler de dérive dans la mesure où aucune norme n’a pu / su s’imposer. En revanche, le client occasionnel ne saurait être considéré comme membre de la secte ou des sectes astrologiques, mais il apparaît comme un appât pour l’étudiant, celui dont un jour il devra être capable de s’occuper en sa qualité à venir d’astrologue. Mais précisément, cet étudiant est le plus souvent maintenu dans un état d’apprentissage et continuera à participer notamment à des séminaires de perfectionnement sans accéder à un stade professionnel. Encore que l’astrologie apparaisse comme une relation d’aide, de consultation, de conseil, en concurrence avec la psychothérapie dont on sait les liens qui sont noués avec le phénomène sectes.

   Comment sortir de l’emprise de l’astrologie ? Il faut prendre conscience de ce qu’elle offre, à savoir littéralement une sorte d’alter ego, un moi de rechange, tout neuf, celui que l’on reçoit à la naissance, non souillé par une société aliénante : le thème natal, celui du nouveau-né, ce qui correspond en quelque sorte à une sorte de projet de retour aux origines du moi. Ce thème qui en quelque sorte présente un moi qui peut s’imprimer sur une feuille de papier, grâce à un ordinateur et qui est bien moins glauque que le moi qui est le lot de celui qui n’est pas initié à l’astrologie. Utopie, donc, d’un monde où notre rapport à autrui et d’autrui à nous passera par le truchement de cette algèbre cosmique. L’astrologie permettrait ainsi de substituer au faux moi un vrai moi. Mais précisément, à un moment donné, on se demande lequel est le “bon” moi.

   Ceux qui sont prédisposés à être victimes de l’astrologie, au point d’y consacrer beaucoup d’énergie, substituant ainsi à l’étude de “vrais” savoirs celle d’un pseudo-savoir, ce qui contribuera durablement à les marginaliser socialement, vu que le monde astrologique ne saurait constituer une société de rechange, à part entière; sont souvent, à l’origine, en délicatesse avec leur milieu familial, lequel, pour quelque raison, ne les reconnaît pas pour ce qu’ils pensent être. L’astrologie serait donc un mode de reconnaissance de substitution qui, lui, serait objectif et ne mentirait pas. En outre, les problèmes de reconnaissance qui sont ceux de l’astrologie apparaissent à certains comme une motivation supplémentaire, symbolisant une forme de brimade subie avec laquelle ils s’identifient et en laquelle ils se reconnaissent. L’exclusion subie par l’astrologie fait écho à un certain sentiment personnel d’exclusion.

   Les tentatives de sortir l’astrologie de son ghetto, notamment au niveau statistique, avec ce que cela peut avoir de réducteur et de limitatif, sont d’ailleurs fort mal perçues par le milieu astrologique lequel ne souhaitent pas être récupéré par la société dominante. En effet, tout véritable processus de contrôle est perçu comme une menace émanant de cette société dont on a voulu se démarquer. D’où une certaine fuite en avant.

   Il fut un temps où être astrologue n’était pas un signe, une marque de marginalisation mais l’astrologie a fini par être rejetée. Mais on pourrait en dire autant de la croyance dans le diable qui faisait partie de la pensée dominante et qui a fini, elle aussi, par mettre ceux qui y croient de nos jours en porte à faux. Il est donc tentant de chercher à assimiler le statut actuel de l’astrologie avec celui qui était le sien au Moyen Age. Cela n’a plus rien à voir. Car aujourd’hui, l’astrologie est un savoir de rechange, alternatif et en fait protestataire qui exprime la douleur liée à un sentiment d’incompréhension lequel est projeté sur elle. Bien plus, cette fragilité de l’astrologie est essentielle pour alimenter la croyance car si l’astrologie existait en soi, elle n’aurait pas besoin de l’astrologue pour exister. En fait, on sait très bien que l’astrologie n’existe que par la grâce de ceux qui ont décidé qu’elle serait et aussi longtemps qu’ils le jugeront bon. Le sort de l’astrologie dépend de ceux qui lui confèrent un certain crédit. En ce sens, l’astrologie assouvit une certaine blessure narcissique qu’elle est supposée compenser: elle nous parle inlassablement de nous et en outre elle n’existe que par nous. Quelle revanche contre ceux qui ont voulu nous écraser ou du moins que nous avons perçu comme tels !

   Certes, on ne trouve peut-être pas avec les groupes astrologiques des phénomènes de renoncement et d’abandon comme on a pu le constater pour certaines sectes. On a l’impression que l’astrologie n’implique pas totalement ceux qui s’y adonnent. Mais l’astrologie n’en impose pas moins à ses adeptes un certain mode de pensée qui a ses exigences et ses contraintes sur le plan mental. Son caractère aseptisé, voire déshumanisé qui suppose que l’astrologue n’ait pas de relation directe avec autrui mais uniquement par la médiation du thème natal, pourrait expliquer qu’elle ne connaît pas certains débordements sexuels, des attouchements, qui peuvent caractériser certaines formes de thérapie. Mais n’en est-elle pas ce faisant plus desséchante ? Cela dit, l’astrologie se présente comme une relation d’aide.

   Il est probable que si l’astrologie changeait de statut, elle n’attirerait plus le même type de population. En Inde, l’astrologie ne saurait jouer le même rôle qu’en Occident, elle y est encore trop intégrée dans la vie sociale. En ce sens, on peut dire que l’astrologie est instrumentalisée, c’est à dire qu’on ne s’intéresse pas à ce qu’elle est en soi mais à son image. L’astrologie cristallise un refus un peu comme le fait l'extrême droite en politique et peu importe que son vote ne soit pas utile.

   Alors que le mimétisme est centripète, conformiste, les sectes sont centrifuges, anticonformistes. Deux processus en dialectique D’un côté, l‘on veut entrer dans la norme, et de l’autre, on veut y échapper. Dans les deux cas, de façon assez dérisoire et superficielle. Au demeurant, celui qui s’est déraciné est celui qui se condamne à vivre une situation mimétique et le membre de la secte est dans le mimétisme mais c’est un mimétisme qui ne s’inscrit pas dans une véritable dynamique sociale, au sens où le serait l’immigration / émigration. Même le sionisme, nous semble-t-il, pourrait être assimilé à une secte, du moins dans ses manifestations diasporiques, par la double appartenance, encourageant une forme de schizoïdie, qu’il induit ou qu’il suppose.

   En fait, comme nous l’avons laissé entendre, le phénomène secte serait une réaction du féminin contre le masculin ou si l’on préfère un compromis entre les deux sensibilités, cela permet la résolution de contradictions entre le moi et le social5, c’est une sorte de jardin secret que l’on se constituerait et qui n’existerait pas du fait des autres mais de notre seul fait, selon et à notre volonté, tant que nous en aurons le désir. En ce sens, on pourrait y voir une dimension psychotique. La secte permet de savoir des choses que les autres ne savent pas; le prosélytisme, qui en est fréquemment sinon toujours, le corollaire, permet à l’adepte d’avoir quelque chose à dire, voire à enseigner, lui qui, auparavant, était plutôt à la traîne culturellement, il acquiert une sorte de magistère. Quel retournement de situation! Il est désormais titulaire d’un message, il peut guider, initier. On va devoir enfin l’écouter, ce qui comble certaines frustrations. C’est par lui que l’autre va accéder à la vérité, au bonheur, lui devant ainsi, dans tous les sens du terme, reconnaissance : à la fois pour avoir eu la générosité de l’informer et par la qualité même de l’enseignement qui sera ainsi transmis. Dans le cas de l’astrologie, le bagage ainsi acquis permet à la fois de mieux se connaître et de mieux savoir parler de l’autre mais aussi fournit un certain bagage intellectuel, une expertise. Souvent, on entend dans la bouche d’un astrologue : je connais le sujet, pas vous, ce qui constitue un certain renversement des rôles chez des laissés pour compte de la culture dominante. Au lieu de chercher à s’affirmer au sein de la culture commune, on fait ainsi l’école buissonnière, empruntant des chemins de traverse, des raccourcis, permettant de rattraper son retard; il y a là littéralement une forme de déviation, de déviance, d’égarement. La secte peut certainement apparaître comme une chance, comme une promotion / compensation que la vie nous offre providentiellement, nous évitant la désespérance.

   Somme toute, le monde actuel génère des personnalités clivées, du fait des émigrations, des déracinements, des expulsions, des sectes. Notre moi, au lieu de s’affirmer au sein de la société dominante, d’en mieux maîtriser les codes, se réfugie dans les cultures, les langages, refoulés, mal aimés, rejetés, déclassés. Ce sont là des échappatoires, de fausses solutions qui génèrent à terme une aggravation de la marginalisation. Le remède est pire que le mal. Mais, en même temps, cette seconde culture ouvre une position de repli, tel le recours à une langue différente de celle de la société dominante, c’est un “plus”, un supplément d’âme. Mais cet “en plus” peut devenir un “en moins”. En conclusion, les sectes correspondent à une certaine féminisation du monde, elles constituent, en quelque sorte, des provocations, un pied de nez à l’encontre du qu’en dira-t-on - il faut savoir résister à la pression sociale - et finalement elles apparaissent comme une victoire de notre ego face à la société creuset, dans la mesure où cet ego s’invente en quelque sorte une sociabilité parallèle. Mais cet ego est dès lors livré à ses propres démons et à ses propres constructions, sans soupape de sécurité.

   Disons les choses carrément : les sectes sont des mangeuses d’énergie, de temps, de motivation. Ceux qui se sont laissés entraînés par leurs sirènes l’ont souvent payé cher, socialement parlant, quand bien même n’auraient-ils pas été dépossédés directement par celles-ci. Il nous semble important de protéger les gens et surtout les jeunes hommes, contre une certaine forme de démobilisation, de pseudo-alternative, qui conduit bien des gens à être des ratés.

Jacques Halbronn
Paris, le 31 août 2003

Notes

1 Cf. Tobie Nathan et J. L. Swertvaegher, Sortir d’une secte, Paris, Le Seuil, 2003, pp. 122 - 123. Retour

2 Cf. Sortir d’une secte, op. cit. Retour

3 Cf. nos études dans Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr. Retour

4 Cf. Sortir d’une secte, op. cit. Retour

5 Cf. nos études sur Encyclopaedia Hermetica, rubrique Hypnologica. Retour



 

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