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ASTROLOGICA

49

La recherche astrologique :
de la maîtrise des traces et des prémisses

par Jacques Halbronn

    Comment peut-on prévoir si on n’a pas un certain talent d’historien ? Etre historien ne consiste pas simplement à prendre connaissance des traces mais aussi à savoir les interpréter de façon à restituer ce qui s’est passé. Or, les traces du passé ne sont pas le passé mais du passé, des éléments permettant d’y accéder. C’est aussi peu le passé que n’est l’avenir un propos qui concerne le futur et qui ne s’appuierait que sur des éléments certes à venir mais dont la signifiance resterait à apprécier. Opposition entre traces et prémisses : pour appréhender le passé, on a l’avantage de connaître le présent qui en découle peu ou prou tandis que pour appréhender le futur, on a l’avantage de connaître également un présent qui est celui où l’on amorce notre investigation et qui le précède et le prépare ipso facto.

   Il est remarquable que de nos jours, les astrologues se veuillent aussi bien historiens que prophètes et cela s’entend certes en ce que tout prévision astrologique se doit de s’articuler sur un modèle qui aura été peu ou prou éprouvé pour des périodes déjà connues ou du moins que l’on suppose telles mais aussi en ce que le débat tourne de nos jours autour de la représentation du passé de l’astrologie, elle-même. Nous sommes donc aujourd’hui en présence de chercheurs ayant des ambitions à la fois historiennes mais qui considèrent aussi que leur discours doit se valider dans la mesure même où leurs prévisions seront confirmées, ce qui est, au demeurant, propre à la démarche scientifique laquelle s’intéresse aux invariants, aux récurrences.

   Or, dans le domaine stricto sensu de l’Histoire de l’astrologie, il nous semble devoir constater certaines carences chez des chercheurs ayant des prétentions à nous relater son passé et cela comporte éventuellement des périodes relativement récentes, ce qui signifie que cela va de l’Antiquité jusqu’aux années Soixante-dix du XXe siècle en passant par la Renaissance. Il est à craindre, en effet, que celui qui n’a pas su y voir clair au sujet de Nostradamus1 et de ce qu’on lui attribue risque fort de se fourvoyer en parlant de Ptolémée et de ce qu’on lui attribue.2

   C’est que la notion d’attribution est en soi problématique, elle consiste souvent à faire passer une chose pour une autre, à se placer sous un patronage flatteur alors que ce qui est proposé n’en a que les apparences. Il faut ainsi se défier de la pseudo-astronomie tout comme des textes qui seraient l’œuvre de Michel de Nostredame et qui ne le sont pas.

   Dans le premier cas, nous pensons aux études intéressantes d’Yves Lenoble3 et dont nous avons pris connaissance à l’occasion d’un exposé donné lors des Cinquièmes Journées de l’Astrologie (23 - 24 septembre 2003, Librairie Astres). Il s’agirait pour Y. Lenoble de faire connaître au public actuel ce que fut autrefois l’astrologie de façon à réintégrer éventuellement dans le canon astrologique des éléments qui en auraient été évacués plus ou moins arbitrairement.

   Lenoble nous présente notamment un document rassemblant en cercles concentriques les décans, les termes, les maîtrises en nous expliquant comment un astrologue se servait d’un tel dispositif. Il ne nous semble pas qu’il ait compris qu’une telle astrologie était un système de substitution qui permettait de parler des planètes sans connaître leurs véritables positions, qu’il s’agissait au fond d’une astronomie du pauvre et plus précisément d’un ersatz d’aspects planétaires dans la mesure où à partir d’une seule donnée réelle (ascendant, lune) on pouvait ainsi envisager toutes sortes de combinaisons célestes parfaitement fictives. On n’est guère loin ce faisant de l’onomancie qui était encore fort en vogue à la fin du XIXe siècle, en France, laquelle permettait de dresser des thèmes sans éphémérides.

   Le problème vient en vérité des Maîtrises lesquelles ont été conservées au sein de l’astrologie moderne et qui risquent fort d’être le cheval de Trois de cette astrologie au rabais. Voilà donc nos modernes astrologues, dotés d’ordinateurs et de logiciels leur permettant de connaître sans efforts la position réelle des astres s’entichant de procédés hérités de ceux qui n'avaient guère les moyens de faire autrement, vu l’équipement qui était alors le leur.

    Syncrétisme donc entre astrologie savante et astrologie populaire qui caractérise l’astrologie en ce début du XXIe siècle et qui marie allègrement tout ce qui se réfère aux astres, quelle qu’en soit l’origine. En tout état de cause, le document présenté par Y. Lenoble correspond à un état décadent de l’astrologie que normalement l’astrologie scientifique d’un Choisnard était supposé évacuer. Mais bien pis, il nous donne une image déformée de ce que fut l’astrologie d’antan, laquelle fut d’abord marquée par l’observation du ciel et non point par un document évitant précisément la dite observation. Nous sommes avec un tel document au stade où l’astrologie collective bascule dans l’astrologie individuelle, et où émerge le thème natal. Et avec le thème natal des exigences difficiles à satisfaire au niveau des connaissances astronomiques, non seulement pour le moment de la naissance mais pour effectuer à partir de celui-ci des prévisions ou pour revenir sur le passé. Que l’astrologie individuelle ait longtemps fonctionné sur de telles bases ne saurait être contesté mais c’était là un pis aller qui aurait du disparaître lorsque d’autres solutions furent trouvées, plus fidèles à la réalité astronomique.

   Il ne faudrait tout de même pas oublier que l’astrologie individuelle, elle -même, correspond à un certain stade de la pratique astrologique, et qu’en aucune façon elle n’en constitue le premier stade. Tant que l’astrologie était collective, point n’était en effet besoin de tels subterfuges. Quelques astrologues pouvaient satisfaire à la demander sans être submergés par la demande de thèmes individuels, correspondant à une démultiplication de leur tâche. C’est bien le passage d’une astrologie du collectif à une astrologie de l’individu qui généra le recours à une astronomie fictive.

   Quant à la question plus spécifique du zodiaque, s’agit-il vraiment là d’un élément central pour l’astrologie des origines ? Nous ne le pensons pas : celle-ci s’intéressait avant tout aux aspects formés entre planètes et étoiles fixes et l’appartenance de ces dernières aux constellations n’est que secondaire. Il est bien plus probable que le zodiaque, lui-même, soit assimilable à un calendrier uniquement concerné par le soleil et la lune voire quelque autre astre rapide alors que l’astrologie savante, elle, s’intéressait aux planètes les plus lentes, à savoir Mars, Jupiter et Saturne, dont le cycle non annuel (entre 2 et 28 ans environ) permettait précisément de dépasser le cadre saisonnier. Là encore, à un certain moment, ces différentes approches du ciel furent rassemblées en un seul et même corpus de connaissance. Que les problèmes épistémologiques de l’astrologie soient en grande partie dus à un tel amalgame ne devrait pas trop surprendre car comment rendre compte d’un tel bric à brac et lui conférer une cohérence globale au prix d’acrobaties intellectuelles dans lesquelles la recherche astrologique s’épuisa et s’épuise encore trop souvent ?

   En ce qui concerne un autre grand thème d’investigation chez les chercheurs en astrologie, il convient d’accorder quelque importance à l’affaire Nostradamus dont on célèbre présentement le cinquième centenaire de la naissance. Longtemps mal aimé des astrologues, Nostradamus tend à présent à faire l’objet d’une sorte de culte mâtiné de recherche historique. Mais là encore, et de façon peut-être encore plus criante, quelle représentation du passé est-on en train de nous offrir ? Il s’agit là en réalité de nous démontrer que certains sont capables de prévoir l’avenir sans se préoccuper outre mesure de prophéties réalisées après coup et adjointes, agrégées à l’œuvre authentique de Michel de Nostredame. Peu importe d’ailleurs pour ces chercheurs si de telles prévisions avaient ou non un véritable contenu astrologique pour peu qu'elles émanent de notre astrophile. On voit que dans les deux cas, on a affaire à des “canons” hybrides et à un certain culte du Livre, le Tétrabible ou les Centuries, constituant ainsi comme un parallèle avec la Bible et les Evangiles.

   Pour en revenir à la recherche astrologique, mais cette fois plus largement consacrée à l’Histoire de l’Humanité et non plus de tel ou tel corpus traditionnel, nous pensons, à la lecture d’un ouvrage comme celui de Luc Bigé4 que le débat entre chercheurs doit être avant tout, une fois encore, dans le domaine de l’astrologie collective et notamment tourner autour de l’appréhension de l’Histoire d’un pays ou d’une région donnés. Non point que nous pensions que l’astrologie ait à respecter de telles frontières mais parce que si débat il y a, il se doit d’être assez pointu et ne pas en rester au niveau des généralités de niveau scolaire, ce qui force à embrasser un champ par trop considérable et de façon ô combien superficielle. Il est donc bon que l’on confronte les méthodes des uns et des autres face à un domaine aussi spécifique que celui des juifs au cours des XIXe et XXe siècles et notamment autour de l’Histoire et de la préhistoire de l’Etat d’Israël, et ce tant en ce qui concerne la mise en équation du passé que pour les projections sur le futur. En tout état de cause, le chercheur, ici, se doit véritablement d’être historien et de connaître le sujet aussi bien ou peu s’en faut que les spécialistes de la question, non astrologues. Car c’est ainsi qu’un dialogue interdisciplinaire est susceptible de prendre vraiment forme. Il existe bien entendu d’autres champs de recherche astro-historiques comme la formation de l’Europe.

   Cela dit, le fait de la part de M. Bigé de proposer d’étudier la question juive contemporaine à la lumière du cycle Saturne-Pluton nous paraît problématique, même si nous apprécions son formalisme et l’évacuation des trigones, aspect longtemps trop prisé des astrologues et qui n’a qu’une bien douteuse légitimé au regard des carrés, conjonctions et oppositions. Le fait de conférer une telle importance pivotale à Pluton nous chagrine, en effet. Car Pluton est un astre invisible, inconnu des anciens, à la différence des étoiles fixes avec lesquelles il partage une fixité toute relative, étant à peu près dix fois plus lent que Saturne. Luc Bigé, faisant en cela suite à André Barbault, nous explique que précisément la découverte de Pluton, en 1930, correspondrait à une nouvelle étape de l’Humanité. Cela nous renvoie à un autre débat, celui de la genèse du phénomène astrologique, en soi, de son émergence, ce qui fait également partie de la réflexion historique, on en conviendra. Car, au bout du compte, il revient aussi à la recherche astrologique de soumettre des modèles quant à la façon dont les hommes seraient ainsi connectés aux astres. Le fait d’adjoindre aux astres visibles et connus de l’Antiquité des planètes qui ne l’étaient point appartient à ce même type d’amalgame que nous dénoncions plus haut et qui grève la représentation de l’astrologie. Nous ne pensons pas que quoi que ce soit de nouveau soit apparu dans l’histoire de l’Humanité au cours des derniers millénaires et quant à la question juive, elle ne date certainement pas d’hier. De même, nous ne pensons pas que telle planète puisse servir pour appréhender telle région du globe ou telle population et point d’autres, comme tenta de le montrer un André Barbault associant tel autre aspect avec l’histoire du communisme.

   Il reste que, par delà ces différences méthodologiques et épistémologiques, il est fructueux de se confronter sur le terrain historico-politique entre astrologues et, plus largement, entre historiens car si, en effet, un modèle nous semble vicié à la base, il conviendra de montrer dans la foulée qu’il n’est pas satisfaisant non plus dans son application. Dans ce dialogue à espérer entre historiens et politologues de tous bords, la question de la nécessité de l’approche astrologique, sous quelque forme que ce soit, c’est-à-dire recourant à une forme de cyclicité s’articulant sur au moins deux corps célestes de vitesse sensiblement différente, devra être mise en évidence et ce n’est pas là chose facile. Ne s’agit-il pas, en effet, de démontrer que sans tel modèle astrologique, le cours de l’Histoire, en une région donnée, ne peut être appréhendé de manière satisfaisante ? Ne s’agit-il pas de démontrer que l’astrologie et l’Histoire ont partie liée, ont des destins solidaires et que l’Histoire - et notamment la Nouvelle Histoire - sans le paramètre astrologique n’est pas grand chose et que l’astrologie sans une forte assise historique est contrainte à errer dans la galère de la gestion des thèmes individuels ?

   L’avenir de l’astrologie au XXIe siècle passe très probablement par la recherche astro-historique, astro-politique et il conviendra de se démarquer de plus en plus de l’astrologie individuelle qui porte en elle-même les syndromes et les stigmates de la divination. L’école française d’astrologie mondiale est assez prometteuse, il faudrait citer un Roger Hecquet et son Astro-chrono-biologie (à paraître chez Dervy), un Daniel Cobbi, qui prépare une réédition d’Aquarius ou la Nouvelle Ere du Verseau que nous avions fait paraître aux Ed. Albatros, Paris, en 1979, mais il importe qu’elle se détache des techniques de l’astrologie individuelle, tant il est vrai que l’astrologie en s’acoquinant avec la divination a fait un bien mauvais choix. C’est ainsi que la mort n’existe qu’au niveau individuel, elle n’est nullement une fatalité au niveau collectif. A la base, l’astrologie n’a rien à voir avec le mal, elle n’est concernée que par l’alternance des principes. L’astrologie est l’oeuvre des hommes, elle correspond à un ordre idéal.

   Encore conviendrait-il que les idées circulassent en milieu astrologique et que chacun ne reste point sur ses positions. C’est probablement le rôle des colloques de contribuer à ériger une certaine cité astrologique, axée sur l’astrologie mondiale. On lira avec intérêt l’étude qu’Y. Lenoble a consacré à la question des “congrès”.5 Examinons les propos de Lenoble à propos de l’astrologie au XXe siècle. Il nous présente Morin de Villefranche comme “astrologue à la Cour de Louis XIV” (p. 163) alors que l’astrologue français meurt en 1656, avant sa “prise de pouvoir” en 1661, à la mort de Mazarin, Louis XIV étant né en 1638. Quand Morin meurt, il a à peine 18 ans ! Puis Y. L. se lance dans une étrange chronologie des événements concernant les années Soixante-dix - quatre vingts qui trahit un travail bâclé, ni fait ni à faire. On ne compte plus, en l’espace de quelques pages, les erreurs de date, les affirmations à l’emporte pièce alors qu’il avait tout loisir de compléter ses souvenirs et de se renseigner sur des points qui ne lui étaient pas familiers sur une période aussi récente, somme toute. Mélange de précisions incongrues et qu’on ne lui demandait pas - où il nous explique année par année le fil des événements selon une chronologie fantaisiste - et de formules creuses et vagues. Il nous parle de la dissolution d’une association (le C. I. A.) qui n’a jamais été dissoute mais a simplement changé de nom (p. 168).

   Il nous faut reproduire un paragraphe de cet “arbre généalogique du milieu astrologique français” :

   “Jacques Halbronn en 1976 (sic) démissionne du CIA, crée le Mouvement Astrologique Universitaire (M.A.U.) et organise chaque année un congrès. En 1977 (sic), le CIA décide de sa dissolution (sic) et certains des membres de l’équipe restante décide (sic) de reprendre le nom de SAF. Mais Jacques Halbronn profite de la maladie de Paul Colombet pour déclarer avant lui la SAF à la Préfecture. L’association (...) est obligée de renoncer à s’appeler la SAF pour s’appeler la SFA (la Société Française d’Astrologie).”

   Le MAU fut en réalité fondé en juin 1975 et non en 1976 et son premier congrès date d’ailleurs de décembre 1975. La fondation du CIA ne fut nullement précédée d’une démission de notre part du CIA et nous restâmes en son Conseil d’administration. Il n’y eut pas de dissolution du CIA en 1977, ni avant ni après et la SAF fut déclarée en préfecture par nos soins en 1976. Y. L. ne semble pas savoir que c’est nous qui avions proposé de relancer la SAF dont personne ne se souciait plus guère depuis une trentaine d’années, c’était notre idée. La dégradation des relations entre le MAU et le CIA nous conduisit à vouloir réaliser ce projet indépendamment.

   Certes, Y. Lenoble a raison de souligner qu’à partir de 1974, commence une “série ininterrompue de congrès astrologiques” en France. Il nous accorde généreusement quelque mérite dans la réalisation du premier congrès.

   “L’ISAR une association américaine et Jacques Halbronn, vice-président du CIA organisent en 1974 à Paris à l’Hôtel Méridien un congrès qui fera date.”

   Mais lors du dit congrès, nous n’étions déjà plus Vice-président du CIA mais seulement rédacteur en chef de la revue Trigone. En réalité, ce n’était pas en cette qualité que nous avons organisé ce congrès mais en tant que responsable d’une première fédération ou confédération d’associations ayant déjà alors pris leur distance avec le CIA, à savoir le CEFA de J. P. Nicola, dont Y. L. faisait alors partie, et le GERASH de Patrice Louaisel, ce qui permit ainsi de maintenir une certaine synergie des associations françaises, en dépit des tiraillements. Si Y. L. a raison de présenter le Mouvement Astrologique Universitaire (MAU) comme une scission par rapport au CIA, on pourrait en dire autant du GERASH mais aussi de la revue L’Astrologue d’André Barbault. Cette revue échappa très vite en effet au CIA qui dut créer une autre revue, Trigone, à la place. Il nous semble que contrairement à ce que note Y. L. ces deux scissions ont pesé, à terme, beaucoup plus lourdement sur le destin du milieu astrologique français que les dissensions entre Barbault, Nicola ou Berthon (p. 167). Cela peut sembler aujourd’hui inimaginable mais ce sont en fait deux jeunes leaders alors âgés de moins de trente ans - lors du congrès de 1974 qu’il anime, Halbronn n’a pas encore 27 ans - qui bousculèrent le CIA qui ne sut pas les retenir en son sein. On était au lendemain de Mai 68. Imagine-t-on de nos jours des garçons de cet âge jouer un tel rôle dans ce milieu ? A l’époque, Y. L. avait le même âge que Louaisel et Halbronn mais il lui fallut attendre d’entrer dans la quarantaine - en 1990, il a 43 ans - pour jouer un rôle équivalent.

   Et puis Y. L. passe à la décennie suivante :

   “En 1986, le GERASH traverse une grave crise qui aboutit à sa dissolution. Maurice Charvet qui était un des piliers du GERASH fonde le “Centre de documentation et de recherches en astrologie” (CEDRA). Il poursuit la publication de la revue Astralis.” (p. 169)

   Bien moins de détails cette fois pour une période pourtant plus récente. En réalité, Charvet constitua le CEDRA pour pouvoir récupérer les biens du GERASH en obtenant que la dissolution de cette association se fasse au bénéfice de la nouvelle association, créée juste avant la dite dissolution.

   Puis Y. L. aborde la question des Fédérations :

   “On notera autour de 1985 deux tentatives de fédération. Danièle Rousseau regroupe en 1984 au sein de la Fédération Francophone d’Astrologie (FFA) (...) tandis qu’un groupe concurrent se crée en 1985 autour de Denise Daprey, la Fédération des Enseignants en Astrologie (FEA).”

   Y. L. semble ignorer que la “crise” du GERASH est directement liée - la chronologie le montre - à la formation de la FEA dont nombre des membres étaient issus. Son arbre généalogique ne restitue donc que très imparfaitement le processus des filiations. Il nous accorde pour les années Soixante-dix un rôle non négligeable mais donne l’impression que nous nous sommes marginalisés dans les années Quatre-vingt pour lesquelles notre nom n’apparaît plus. Or, il est bien connu que nous avons été un des acteurs principaux de la crise du GERASH et de la formation de la FEA et d’ailleurs que c’est en raison de notre rôle à l’époque que certaines tensions existent encore actuellement entre nous et le CEDRA. En outre, la formation de la FEA fut un obstacle majeur à l’essor de la FFA qui fit long feu.

   Ces quelques notations pour montrer que même pour une période récente dont certains, encore en vie, ont été les témoins, il n’est pas si aisé de restituer le déroulement des faits et de les mettre correctement en perspective.6 Y. L. a en tout cas raison de relever le fait que le passé du milieu astrologique explique son présent et probablement son futur. Mais encore faut-il pour prétendre parler du futur que l’on est capable de reconstituer le passé et qu’on s’en donne les moyens.

   C’est dire que l’on n’a pas fini d’associer à plus d’un titre recherche astrologique et recherche historique, gestion des traces et des prémisses. Comment à partir des traces, des vestiges qui nous sont parvenus et au regard de ce que le monde est devenu, reconstituer le passé et comment en se servant de ce qui se passe de nos jours pressentir ce qui nous attend, en recourant à un certain nombre de constantes qui relèvent de l’anthropologie. Car il ne saurait y avoir de “bonne” Histoire sans une solide réflexion anthropologique, dont l’astrologie est, selon nous, un élément constitutif. En définitive, c’est en tant qu’anthropologie que l’astrologie peut servir l’Histoire.

   En ce sens, nous dirons que les traces astrologiques les plus anciennes ne sont pas à chercher dans les livres d’astrologie mais dans la mémoire, dans ce que nous avons appelé hypno-savoir et que les recherches statistiques sont dans certains cas susceptibles de dévoiler. Ce décalage entre le savoir astrologique en vigueur et la réalité du lien existant est assez pathétique; il est en effet probable que par instinct nous ressentions un tropisme qui nous attire vers les astres mais au lieu de parvenir au but, beaucoup d’entre nous se satisfont d’une pseudo-astrologie véhiculée par une tradition trahissante qui ne correspond nullement à nos rythmes intérieurs. Comme disait André Breton, dans les années Cinquante du siècle précédent : “l’astrologie est une grande dame, dommage qu’à sa place trône une putain.” Il n’est en effet nullement exclus que les hommes puissent prévoir et qu’ils le fassent d’ailleurs plus ou moins consciemment mais ce qui est présenté comme preuve de cette aptitude est le plus souvent le fait d’une falsification ou d’une coïncidence.

   Il semble bien qu’à partir du moment où l’on prend conscience, dans la ligne d’un Jean-Pierre Changeux7 d’une transmission des structures morales par la voie héréditaire, génétique, l’on ne se sent plus obligé d’accorder quelque infaillibilité à la transmission “en surface”, au sens d’un Pierre Bourdieu, et l’on devient plus disposé à admettre qu’il puisse y avoir corruption, dans la mesure où tout ne se joue plus à ce niveau, ce qui ne peut que libérer davantage l’approche critique des textes mais aussi des langues.8 L’importance accordée au subconscient ou au génétique ne peut qu’aboutir, à terme, à une certaine dévaluation des modes de transmission par le biais de l’éducation et de la tradition orale ou écrite, ce qui revient à privilégier le signifié sur le signifiant et à découpler l’un par rapport à l’autre. On peut en effet poser les processus “souterrains” comme relevant du signifié et les processus “en surface” comme relevant du signifiant et constituant, en quelque sorte, un épiphénomène. Les choses se passent le plus souvent sans que nous ayons besoin désormais de faire quoi que ce soit pour cela. Ceux qui veulent nous faire croire le contraire ont avant tout en tête de changer le cours des choses à leur avantage en ce que le signifiant est bien plus facile à retoucher que le signifié.9

Jacques Halbronn
Paris, le 29 septembre 2003

Notes

1 Cf. la rubrique Nostradamica sur le Site Ramkat.free.fr et sur Cura.free.fr. Retour

2 Cf. notre étude “Comparaison du Tétrabible attribué à Ptolémée et de la Mathesis de Firmicus Maternus”, Actas del congreso internacional sobre Astrologos griegos y romanos, 2001, Malaga 2002 et sur le Site du CURA, “les historiens de l’astrologie en quête de modèle”. Voir aussi Ptolémée, Le Livre unique de l’astrologie, le Tétrabible de Ptolémée etc, présenté par Pascal Charvet, avec la collaboration scientifique de R. Nadal, Y. Lenoble et J. M. Kowalski, Paris, NIL Editions, 2000. Retour

3 A paraître dans les Actes du Colloque de Rouen de 2002. Retour

4 Cf. Les sept jours de la création d’Israël. Le Droit et la Force inachevée d’Israël, Paris, Ed. du Janus, 2003. Retour

5 Cf. “L’arbre généalogique du milieu astrologique français”, Congrès astrologique Sep Hermés, Filiations et transmissions familiales en astrologie et psychologie, 2003. Retour

6 Cf. J. Halbronn, La vie astrologique, il y a cent ans, Paris, Trédaniel, 1992, et La vie astrologique, années trente-cinquante, Paris, Trédaniel, 1995 ; Le Guide de la vie astrologique, Paris Trédaniel, 1984 et Le guide Astrologique, Paris, Ed.. Olivier Laurens, 1997. Voir aussi “Le milieu astrologique”, Site Cura.free.fr. Retour

7 Cf. notre étude sur les “caractères acquis”, sur E. H. Rubrique Hypnologica. Retour

8 Cf. la rubrique Gallica, sur E. H. Retour

9 Cf. notre étude sur “les juifs et les concepts de Dieu et d’Etat”, sur E. H. Retour



 

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