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ASTROLOGICA

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Regards sur l’école française d’astrologie
au XXe siècle

par Jacques Halbronn

   Quand on observe avec quelque recul, désormais, le bilan de l’intelligentsia astrologique française et plus généralement francophone (notamment en Belgique), deux grands courants ressortent assez nettement. L’un est marqué par une tentative de reformulation de la tradition astrologique, l’autre par l’exploration de voies nouvelles en dehors de la dite tradition, en une sorte de tabula rasa.

   Cette dualité n’est nullement nouvelle et on pourrait en démontrer l’existence au moins déjà dans la seconde moitié du XVe siècle. L’Histoire de l’astrologie moderne et contemporaine s’articule autour de ces deux pôles. Force est de constater que c’est le pôle néo-traditionnel qui l’a emporté au XXe siècle - mais à quel prix ? - mais qu’en sera-t-il pour le siècle suivant ?

I - En quête de voies nouvelles

   Il y a donc eu ceux qui voulurent repartir “from scratch”, comme disent les anglo-saxons, c’est-à-dire à nouveaux frais et sans chercher absolument à reconstituer - comme par hasard - l’antique édifice astrologique. C’est en gros le mouvement dit d’ “astrologie scientifique” lancé par le polytechnicien Paul Choisnard (alias Flambart) dès les dernières années du XIXe siècle et qui, en principe, part du champ astronomique pour remonter vers un niveau astrologique, c’est-à-dire vers une corrélation même minimale entre certaines configurations astrales et certaines manifestations de l’activité sociale. Mais Choisnard resta quand même très proche des structures traditionnelles comme le seront, dans les années Trente, le Suisse Karl Ernst Krafft ou un Léon Lasson. Il met la statistique au service de la tradition et reste attaché au thème astral. Un Michel Gauquelin, dans les années 1950, s’en éloignera davantage et s’il reste axé sur le moment de la naissance, il ne s’embarrasse pas pour autant de tout ce qui s’est greffé autour. L’approche de Gauquelin n’est pas centrée sur des cas individuels mais sur une typologie des parcours professionnels (cf. notre étude en postface de ses Personnalités Planétaires, Paris, Trédaniel, 1992).

   En fait, le domaine où cette recherche se révélera la plus innovante fut celui de l’astrologie mondiale. Cette branche avait su, de longue date, se démarquer de la tradition astrologique stricto sensu. Et cela remonte au Moyen Age, quand certains astrologues arabo-musulmans édifièrent la théorie dite des Grandes Conjonctions, autour du retour périodique de la conjonction Jupiter- Saturne, tous les 20 ans. Certes, ce système accordait-il la plus grande importance aux signes zodiacaux mais uniquement quant aux Quatre Eléments (Triplicités) et non au niveau spécifique de chaque signe. Il faudrait également citer - pour aller vite - les travaux sur la précession des équinoxes, à la fin du XVIIIe siècle, d’un Charles-François Dupuis (Origine de tous les Cultes) encore plus éloignés de la tradition astrologique et ne s’intéressant pas aux planètes mais seulement au rapport point vernal / constellation, ce qui débouchera en 1937 sur L’Ere du Verseau d’un Paul Le Cour (cf. nos ouvrages, La vie astrologique il y a cent ans (1992) et La vie astrologique, années trente cinquante (1995), aux Editions Trédaniel).

   Après la Seconde Guerre Mondiale, André Barbault, dans les années Soixante, reprenant certaines idées dues à Henri Gouchon, élabore l’indice de concentration planétaire qui a le mérite de se situer en dehors des schémas astrologiques traditionnels (Les astres et l’Histoire, Paris, Jean Jacques Pauvert, 1967). Bien que Barbault, par ailleurs, soit un fervent défenseur de la tradition astrologique, il trouve avec l’astrologie mondiale un moyen de s’en démarquer en accordant de l’importance à la répartition des planètes “lentes” jusqu’à Pluton incluse sur l’écliptique. Egalement, son travail sur certains cycles planétaires s’inscrit dans une dé-zodiacalisation de l’astrologie, c’est à-dire à la non-référence à la symbolique zodiacale en tant que telle. Mais il faudrait aussi signaler les travaux du belge Gustave-Lambert Brahy, dans les années Trente-Quarante, recourant à un autre paramètre, celui de la courbe de déclinaison de certaines planètes comme base de l’astrologie mondiale. On ne jugera pas, dans cette étude, de la validité ou de la viabilité de telles entreprises mais on se contentera d’observer qu’il y a là un processus qui ne relève pas directement de la Tradition mais qui se ressource au niveau purement astronomique sans se référer à tout un édifice constitué par les aspects, les signes, les maisons, les domiciles etc.

   Il conviendrait de classer nos propres travaux de recherche dans cette mouvance non traditionnaliste (cf. Clefs pour l’astrologie, Paris, Seghers, 1976 et notre communication dans les Actes du Colloque “Frontières de l’astrologie”, sur le Site du CURA), en dehors de toute référence à l’astrologie horoscopique.

II - Le ravalement de la Tradition

   Face à ces tentatives de rebâtir une astrologie sur de nouvelles bases (et que nous qualifions d’astro-histoire, laissant de préférence le terme astrologie pour désigner la tradition, cf. “De l’astrologie à l’astro-histoire” sur le Site du CURA), l’école française d’astrologie s’est illustrée par une volonté de reformulation qui s’apparente en vérité à une entreprise de ravalement de la Tradition.

   Un des pionniers de ce cette mouvance est probablement l’ingénieur Maurice Rougie, plus connu sous le nom de Dom Néroman / Nécroman, qui, dans les années Trente-Quarante, a produit un certain nombre d’ouvrages (notamment son Traité d’Astrologie Rationnelle, réédité par la suite aux Ed. de la Table d’Emeraude). Le projet de cet auteur semble avoir été de démontrer que la tradition astrologique ne s’était pas fourvoyée, mais qu’elle avait pu se corrompre, en cours de route ou perdre certaines de ses clefs. Néroman invitait donc les astrologues à consolider et à restaurer l’édifice astrologique ancien , sans négliger cependant l’apport de la modernité, tant en astronomie qu’en biologie notamment.

   Un Jean Carteret (dont certains schémas figurent dans le Manuel pratique d’astrologie d’André Barbault, Ed. Du Seuil) et un Léon Lasson allaient ainsi, dans les années Cinquante, travailler sur les planètes supposées devoir rester à découvrir (Proserpine, Vulcain etc) selon l’idée que l’astronomie correspondant à la Tradition des 12 signes était encore en gestation, ce qui devrait permettre, à terme, de parachever le système existant. D’autres, comme Jean-Pierre Nicola (Nombres et formes du cosmos) considéraient, au contraire, que la liste des planètes à prendre en compte était close, évacuant d’ailleurs par la même occasion la théorie des maîtrises (domiciles, exaltations) chère à un Néroman. En dépit de ce rejet d’un pan de la Tradition, Nicola n’en faisait pas moins oeuvre de réformateur ou plutôt de re-formulateur des grandes notions: les douze signes (zodiaque réfléxologique), les dix “planètes” (RET), les aspects (SORI). Cette école, d’ailleurs, se caractérise par le recours à de nouvelles terminologies - ce que Néroman avait déjà initié (plexus, antenne, sensitif) et qu’un Patrice Guinard, dans les années 1990 (cf. son Manifeste, sur le Site du CURA) poursuivra, à sa façon (“dominion”, “planétaire”, entre autres), ce dernier ayant eu le mérite de faire connaître en pays anglophone et hispanophone, l’épistémologie propre à ce courant de l’école d’astrologie française.

   Nous avons, pour notre part, relevé de ce second courant (Mathématiques Divinatoires, Paris, Trédaniel, 1983) - ce qui n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Ainsi, en percevons-nous les attentes et les présupposés : l’idée d’un savoir révélé - peu importe ici de quelle façon - et qui aurait permis à l’astrologie de fonctionner par la suite, même en ayant perdu certaines de ses clefs. La connaissance des signes zodiacaux, même en l’absence de certaines planètes ne constituait-elle pas, en effet, une base synthétique suffisante, une constante au travers des âges ? En revanche, l’autre école que nous avons décrite n’avait que faire de ménager cette tradition rétrospectivement et elle ne cherchait pas non plus nécessairement à prendre en compte les nouvelles planètes (rappelons que les résultats de Gauquelin, très connus à l’étranger, s’arrêtent à Saturne).

   On ne peut en tout cas que considérer comme assez marquant le bilan de l’école astrologique française, tous courants confondus et précisément peut-être en raison de la coexistence de ceux-ci. Sans porter de jugement sur la valeur et la reconnaissance de ceux-ci au regard des milieux scientifiques, force est de constater que la dynamique qui existait au début du XVIIe siècle en Europe ne s’est pas éteinte en France, quatre siècles plus tard. Quel courant l’emportera sur l’autre au XXIe siècle ? La citadelle traditionnelle tient toujours bon, consolidée et actualisée alors que parallèlement d’autres chercheurs s’efforcent d’ouvrir de nouvelles voies ne tenant pas nécessairement compte de tout le potentiel astronomique dont l’astrologie semble parfois saturée (Cérés, Chiron, Lune Noire etc) et considérant la tradition astrologique, s’ancrant notamment sur le Tétrabible de Ptolémée (IIe siècle de notre ère) simplement comme un moment certes fort mais ayant fait son temps de l’Histoire des relations entre l’Homme et le Cosmos.

   Le “charme” de l’école néo-traditionelle française - et qui pourrait lui offrir des débouchés hors du monde francophone - tient à ce curieux mélange de tradition et de modernité qui présente la pensée astrologique comme suivant un processus de révélation progressif, comme l’exploration continue d’un environnement cosmique qui aurait été suffisamment et minimalement décodé empiriquement et expérimentalement dans un lointain passé et qui se verrait confirmer au fur et à mesure que nous connaîtrions mieux - en astronomie, en astrophysique, en biologie - les secrets du cosmos.

   En ce qui nous concerne, nous ne saurions adhérer à une telle vision des choses (cf. notre contribution à l’Histoire de l’astrologie, Paris, Artefact, 1986), car nous ne pensons pas que les hommes aient déchiffré les influences célestes mais qu’ils les ont instrumentalisées selon leurs besoins d’organisation sociale. Et en cela nous représentons aujourd’hui un courant non-traditionaliste à caractère anthropologique qui n’a cessé d’essayer de retrouver quelle avait pu être la nature de ce lien primordial, de cette “alliance”, pour les sociétés traditionnelles. Il y a là bel et bien plusieurs acceptions et usages du mot Tradition: il faudrait opposer “savoir traditionnel” et “société traditionnelle”. Le savoir traditionnel serait un certain corpusq, une littérature, une culture - un canon astrologique - comme l’on parle d’un canon biblique- qui auraient perduré en s’enrichissant jusqu’à nos jours y compris alors que le concept de société traditionnelle renverrait davantage à une transmission génétique se perpétuant, sans rapport avec le dit savoir traditionnel dont la dynamique cumulative aurait abouti à un ensemble hybride et syncrétique de plus en plus décalé d’avec la réalité du lien établi par nos ancêtres et qui se maintient vivace en nous envers et contre tout, en dépit de l’absence prolongée d’un véritable décryptage.

Conclusion

   Nous n’avons pas mentionné le nom de Daniel Chenevière alias Dane Rudhyar. Il nous semble que cet auteur qui émigra très jeune aux Etats Unis, dans l’Entre Deux Guerres, ne fut guère marqué par les deux courants que nous avons signalés. Son approche (astrologie dite “humaniste”) qui pose le thème astral comme un élément - parmi d’autres - au sein d’un ensemble plus vaste - la société ambiante - qui peut parfois en entraver la manifestation n’en a pas moins marqué l’astrologie conditionaliste d’un Jean-Pierre Nicola ou la pensée d‘un Alexander Ruperti, mais cela nous semble ici assez secondaire du point de vue du bilan que nous avons voulu tracer.

   Terminons par cette prière : on peut certes concevoir que les tenants des deux mouvances ainsi décrites soient en conflit, encore que certains astrologues participent des deux stratégies, notamment autour de l’astrologie mondiale qui apparaît comme un lieu de convergence des différentes sensibilités. Faut-il, dès lors que l’on puisse traiter d’anti-astrologue celui qui n’envisage pas l’astrologie de la même façon ? En mettant en évidence la dualité qui traverse depuis des siècles le milieu astrologique, nous aurons peut-être obtenu que chaque camp respecte l’autre.

Jacques Halbronn



 

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