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ASTROLOGICA

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Musique et Poésie comme inconscient collectif
et clef de l’astrologie

par Jacques Halbronn

    Ce qui caractérise selon nous l’expression musicale, face notamment aux arts plastiques, c’est son rapport au Temps. La musique occidentale dite classique comporte en général une alternance de mouvements rapides (allegro, presto) et lents (adagio, andante), ce qui fait ressortir une dualité. La musique nous confronte par conséquent à un temps duel, ce qui n’est pas sans évoquer le temps astrologique qui est, lui aussi, marqué par une telle structure. L’astrologie mondiale de la seconde moitié du XXe siècle s’est articulée autour d’un tel rythme binaire.1

   Mais pour que cette dualité émerge du cosmos, il importe de faire des choix et de ne pas tout mélanger. On sait qu’à multiplier et à croiser les cycles, on risque fort de ne plus percevoir de cyclicité. Or, le chercheur en astrologie mondiale est conduit dans sa volonté d’appréhender la longue durée à ménager une certaine dualité. Celui qui se contente d’expliciter un événement ponctuel - une élection, une catastrophe - ne fait pas, stricto sensu, de l’astrologie mondiale mais plutôt de l’horoscopie appliquée à un événement, ce qui relève en quelque sorte de l’astrologie questionnaire ou de l’astrologie horaire.

   Il nous semble bien que la musique témoigne d’un rythme ancré dans l’Inconscient Collectif et qu’elle constitue une clef essentielle pour appréhender la véritable astrologie, celle que nous portons en nous et non pas celle d’une tradition astrologique tardive, décalée et tellement alambiquée.

   La musique tend à être répétitive, ce qui n’est pas le cas du roman ou du cinéma, sauf dans certaines situations marquées par l’obsession ou le genre du serial killer (tueur en série). On n’imagine pas dans un roman qu’une scène réapparaisse à l’identique périodiquement alors que cela est parfaitement admis en musique, dans le chant, mais aussi en poésie, voire en architecture, laquelle cultive souvent la symétrie.

   Le mélomane, à la différence du lecteur de roman, vit une dualité qui passe par un retour, à l’instar de ces leitmotive chers à Richard Wagner ou dans les refrains des chansons.2 Si l’astrologie mondiale évoque la poésie par ses retours, le roman, lui, nous ferait plutôt songer à l’astrologie individuelle dominante qui gomme les récurrences. Comme nous le disions plus haut, on risque fort de ne plus percevoir la trame cyclique à force de complexifier le modèle au point de le rendre carrément illisible.

   Si on prend le cas des Centuries de Nostradamus, peut-on parler de poésie, dès lors que l’on n’y trouve aucune récurrence ? Ce qui constitue l’âme de la poésie, ce ne seraient pas tant les rimes que de tels retours encore qu’en effet, chaque quatrain comporte son propre cycle, du fait précisément de la rime (rime est à rapprocher de rythme), laquelle fonctionne plus au niveau du signifiant que du signifié, à l’instar de la musique. Le simple fait que l’on retrouve à la fin de plusieurs versets le même son, à intervalles réguliers, nous inscrit dans la temporalité.

   La temporalité, tant en musique que dans le chant, passe par le retour de certaines paroles, de certains airs. C’est ce retour même qui est la marque du Temps.

   Mais c’est aussi ce retour qui fait sens sur le plan scientifique encore que dans la réalité, le dit retour soit de toute façon moins repérable qu’en musique ou dans la poésie. Ce serait trop beau, trop facile ! L’Histoire ne s’offre pas si facilement à l’analyse et ne révèle pas si vite ses structures sous-jacentes encore que les commentaires qu’en font les hommes tendent à se répéter. Mais faut-il fonder l’astrologie mondiale sur des notions comme celles de guerre et de paix, de calme et de crise ? Nous ne le pensons pas car il y aurait là une vision manichéenne des choses qui nous chagrine en ce que l’autre se voit ipso facto diabolisé.3 Il semble préférable de parler d’alternance ou de changement de rythme plutôt que d’obstacle étant entendu que toute phase fait, de toute façon, obstacle par rapport à la précédente.

   Le chercheur en astrologie mondiale, c’est-à-dire quelqu’un qui s’intéresse aux processus collectifs, ne saurait donc ignorer ni les expressions artistiques majeures avec leur structure interne ni la manifestation de certaines phases au cours desquelles certains événements d’un certain type tendent à s’accumuler et à se multiplier et surtout quand de telles phases sont récurrentes, c’est-à-dire reviennent après une pause/parenthèse d’une certaine durée.

   Il est en effet urgent que la pensée astrologique retrouve ses marques au niveau anthropologique. Cette pensée, de nos jours, en effet, nous semble vouloir avant tout “penser” l’aléatoire, l’accidentel, l’individuel en dehors de tout référentiel socio-économique globale dont on sait pourtant à quel point il pèse sur nos destinées personnelles.4

   Celui, donc, qui se plonge dans le monde musical, exprime par là un besoin fondamental de cyclicité et de dualité, de retour et de répétition. Sans musique, sans poésie, l’homme est désespéré car l’espoir est fait d’attentes et de recommencements. Le thème qui revient après s’être éclipsé est une promesse que le passé n’est jamais complètement révolu, qu’il refait tôt ou tard surface, un peu comme en ce qui concerne le cycle des saisons.5 D’où l’importance du souvenir, du revival.

   De nos jours, la technologie multiplie à l’infini les occasions de répétition, comme dans le cas de ces informations transmises en boucle, indéfiniment. Et là encore l’astrologie traditionnelle est en décalage avec ce monde technologique uniformisant, synchronisant, qui fait que des millions de gens regardent la même émission de télévision au même moment. Les automatismes rassurent : savoir que demain ressemblera à aujourd’hui réconforte. Mais s’il est vrai que nous avons des pauses entre les repas et que nous passons par des phases de sommeil et d’éveil, notre représentation du monde reste souvent assez chaotique.

   Notons qu’un des atouts majeurs des démocraties parlementaires est de gérer le changement et l’alternance, d’éviter de générer un sentiment de statisme, sauf notamment dans le cas de la cohabitation, de l’union sacrée qui bloque la dynamique cyclique.

   La crise du couple parental, en ses diverses manifestations, est également susceptible de frustrer l’enfant d’une dualité dont il a besoin. Il faut que passant de son père à sa mère, il éprouve un climat différent. Or, si les deux parents sont trop proches l’un de l’autre - l’un par trop absent ou trop soumis à l’autre - et n’offrent pas une réelle alternative, l’enfant tend à se décourager face à la vie. D’où à nouveau, le rôle de la musique comme élément salvateur de réconciliation avec le monde.

   Que dit-on finalement quand on dit que quelque chose est poétique ? N’est-ce pas une sensation de déjà vu ou qui nous marque au point de vouloir la revivre tôt ou tard ? En fait, il y a là quelque chose de la réminiscence.

   On parle d’ailleurs de la musique des sphères (chez Kepler notamment), il y a probablement dans la musique une dimension, une résonance cosmique car c’est au ciel que nous devons tout ce qui fait rythme en nous et dans notre environnement si bien que la musique et tout ce qui se répète, nous révèle à notre être cosmique. Mais pour qu’il y ait répétition, il faut qu’il y ait suspension aussi minime soit-elle, d’où le rôle des silences dans les partitions musicales. Dans un quatuor ou dans un orchestre, dans un concerto notamment, chaque instrument a ses moments de retrait, où il laisse l’autre se faire entendre même si la symphonie signifie, en grec, ensemble de sons. Quand on écoute de la musique, du jazz par exemple, il y a des solos qui permettent à chaque membre de l’orchestre de sortir du rang à tour de rôle puis d’y rentrer. Il y a là aussi un ordre des choses assez encourageant qui correspond à un profond besoin, millénaire, de l’humanité, du fait de son lien aux astres.

   Il conviendrait que l’astrologie servît à instaurer ou à renforcer un tel déroulement au niveau des mécanismes sociopolitiques. Cela ne saurait venir d’une astrologie individuelle attrape tout, embourbée dans un processus divinatoire, étouffée par une pléthore de recettes, victime de divers syncrétismes qui la boursouflent et la défigurent. Seule l’astrologie mondiale ou ce que nous appelons astro-histoire a quelque chance d’accomplir un tel objectif.

   L’être humain a besoin de faire jouer sa mémoire - d’où en psychanalyse le rôle de l'anamnèse - et notre société le conduit souvent à vivre au jour le jour. On préférera aller voir un film qui vient de sortir pour ne pas courir le risque de “revoir” un film. Généralement, dire “j’ai déjà vu ce film” signifie qu’il ne nous intéresse plus. Personne n’aurait l’idée de dire “j’ai déjà entendu ce concerto pour violon de Tchaikovsky” pour signifier qu’il n’est pas question de l’entendre à nouveau. L’ignorance, d’une façon générale, empêche de discerner ce qui revient, ce qui se répète tant au niveau individuel que collectif.

   C’est dire que la musique est porteuse d’une grande valeur pédagogique, qu’elle éveille à une éthique de l’alternance, qu’elle développe le besoin d’une vraie dualité dans la relation à l’autre, faite de complémentarité, de relais, où chacun garde la conscience de sa différence, de sa place. En ce sens, il conviendrait d’étudier le rôle de le musique souvent d’ailleurs associée à de la poésie, au sein de diverses sociétés et notamment quant à la dialectique Orient / Occident. On observe notamment que les musulmans vivant en France n’apprécient que modérément la musique dite classique si importante dans la formation du psychisme occidental. Qui sait s’il n’y a pas un lien entre musique et politique ?

   Un des enseignements de la musique pour l’astrologue - et rappelons que Dane Rudhyar composait - est qu’il ne faut pas nécessairement penser en termes de moments mais de périodes. Le mouvement d’une pièce musicale couvre, s’étend, se déploie, sur une certaine durée pour laisser la place au mouvement suivant. L’aspect ne détermine pas tant un événement spécifique que le commencement d’une nouvelle phase, laquelle peut s’amorcer alors mais s’amplifiera par la suite, dans les mois voire dans les années suivantes, tant et si bien que le point culminant, son apogée, ont de fortes chances d’être en milieu de phase plutôt qu’au début, soit 45° plus loin si l’on fonctionne sur la base d’un découpage en quatre secteurs de 90°.

   La musique est aussi une école de simplicité, d’économie de moyens. Avec un vecteur astronomique très modeste, une société peut fonctionner et trouver son rythme. D’où l’importance de faire des hommes les créateurs du lien, entre l’humanité et le cosmos et de ne pas croire que le cosmos s’impose de lui-même à nous. Dans le premier cas, qui correspond à nos positions, on peut raisonnablement supposer que ce lien soit des plus simples, fonction des besoins politiques et des connaissances astronomiques des sociétés anciennes, c’est là une approche que nous qualifierions volontiers d’humaniste au sens de la Renaissance. Dans le second cas, qui est le point de vue d’une majorité de chercheurs en astrologie de nos jours, c’est le ciel qui imprime sa marque sur nous, quelle qu’elle soit, tant le ciel que nous connaissons que celui que nous ne connaissons pas, ce qui inclut les planètes transsaturniennes. Or, la musique sur laquelle danse l’humanité n’est pas une réalité qui préexiste à l’humanité mais elle en est l’oeuvre. Certes, les astres sont ils apparus avant l’homme mais, à part le soleil et la lune, ils n’auraient exercé aucune influence, n’auraient rien signifié, si certaines sociétés ne les avait instrumentalisés, se mettant en quelque sorte à danser sur une cyclicité inventée par les hommes. Car si les astres ont des cycles, le découpage de tout cycle à partir de certains aspects, est une convention humaine qui n’a pas de réalité en soi, sans parler du fait que le début d’un cycle lui-même est arbitraire et repose sur une conjonction avec un autre facteur céleste voire un point fictif. Affirmer donc que les astres impriment en nous leur propre structure cyclique est inacceptable puisqu’ils n’en ont pas sans l’intervention de l’Homme. Ce n’est que peu à peu que du fait de l’inconscientisation du processus que l’homme, apprenti sorcier, s’aperçoit qu’il est devenu prisonnier de ces astres auxquels il a conféré tant de pouvoir sur lui-même. En continuant à composer de la musique, les hommes n’auront cessé de prouver qu’ils sont en fait les vrais donneurs de rythme et que les astres n’ont le statut qui est le leur que par l’entremise des hommes. Les astres au fond sont comme des tambours sur lesquels on tape en rythme, le tambour en lui-même ne génère pas de rythme.

Jacques Halbronn
Paris, le 15 novembre 2003

Notes

1 Cf. les travaux d’André Barbault, de Charles Ridoux, de Luc Bigé et les nôtres sur Encyclopaedia Hermetica, rubrique Astrologica, Site Ramkat.free.fr. Retour

2 Cf. Y’a d’la France en chansons, dir. P. Saka, Paris, Larousse, 2001. Retour

3 Cf. notre étude sur E. H. concernant le conflit au Moyen Orient. Retour

4 Cf. notre étude sur le Colloque Astrologie et Destinées, sur E. H.. Retour

5 Cf. la musique des Quatre Saisons de Vivaldi. Retour



 

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