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ASTROLOGICA

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De la cyclicité longue en astrologie mondiale

par Jacques Halbronn

    Cela fait des siècles que l’astro-histoire - ou l’astro-sociologie, selon la formule de Methodi Konstantinov1 - se complaît en de vastes perspectives, couvrant des siècles (cycle des “grandes” conjonctions Jupiter-Saturne) voire des millénaires (avec la précession des équinoxes), et l’astrologie mondiale moderne avec les planètes transsaturniennes suit la même pente.

   Yves Lenoble écrit :

   “A quel niveau situer l’astrologie ? Au niveau de l’événementiel à court terme ou bien au niveau plus fondamental du moyen et long terme ? (...) L’astrologue sait que s’il lui est possible de repérer les grands rythmes et les grandes structures qui régissent une personne ou un groupe, il lui est en revanche très difficile sinon impossible d’être précis au niveau anecdotique. Si nous reprenons la terminologie de Fernand Braudel, il est évident que l’astrologie se situe au niveau du permanent.”2

   Lenoble entend par là que l’astrologie mondiale, ici radicalement séparée de l’astrologie individuelle par une toute autre temporalité, a vocation à couvrir des pans entiers de l’Histoire des civilisations et à découper ainsi le monde en périodes de plusieurs décennies voire de plusieurs siècles. Les exemples abondent de telles tentatives ambitieuses (de Jean Carigand à Daniel Cobbi), ce qui conduit d’ailleurs à comparer des époques fort distantes.

   C’est ainsi qu’un Albumasar, au Xe siècle, pour accéder à la “longue durée” va utiliser les conjonctions Jupiter-Saturne lesquelles ont lieu tous les 20 ans, pour constituer un cycle de 960 ans (en réalité 800 ans environ), en tenant compte des signes zodiacaux accueillant successivement les dites conjonctions, sur la base notamment des triplicités, c’est-à-dire de la répartition des dits signes en triangles de feu, de terre, d’air et d’eau. Son but est d’appréhender ainsi la durée des religions et singulièrement de l’Islam voire même d’en fixer le terme, selon la formule du film Matrix Revolutions : ce qui a commencé doit finir.

   Or, pour notre part, nous ne pensons pas que l’astrologie mondiale ait vocation à fixer des dates “importantes” pour l’Histoire de l’Humanité et notamment à annoncer une nouvelle guerre mondiale.

   Quand André Barbault stigmatise les astrologues de l’Entre Deux Guerres, traumatisés par la boucherie, la saignée, de la Grande Guerre, qui n’ont pas su voir venir un nouveau conflit mondial, il nous semble qu’il fait fausse route. Certes, en 1937, un Léon Lasson annonçait-il “Quinze ans de paix sur l’Europe”.3 Mais était-ce, pour autant, une raison pour chercher à cerner après coup un tel événement, notamment au moyen de l’indice cyclique.4 Comment fallait-il que les astrologues de l’époque abordent la question du futur de l’Europe, au lendemain des Accords de Munich (1938) ?

   Il ne s’agit nullement de renoncer à prévoir mais de déterminer ce dont l’astrologue peut traiter et des conditions dans lesquelles son discours peut s’avérer utile pour l’appréhension de l’avenir de l’Humanité.

   La vocation de l’astro-histoire n’est pas de se lancer dans de grandes perspectives, dans d’ambitieuses enjambées, chassée de bottes de sept lieues, par dessus les siècles, ce qui ne signifie pas pour autant que la recherche en ce domaine ne doive embrasser de longues périodes mais elle doit le faire dans une optique plus quantitative que qualitative, c’est-à-dire se constituer un corpus aussi considérable que possible, dans le temps et dans l’espace, relatif aux sociétés et aux cultures les plus diverses et non pas prétendre pointer on ne sait quelle date jugée importante à plusieurs siècles d’intervalle. Cette façon de télescoper l’Histoire, d’écraser la chronologie en fixant ainsi des étapes qui se voudraient décisives ne nous paraît pas convenir.

   Nous sommes en faveur d’une astrologie à échelle humaine, conçue par l’Homme, pour l’Homme, au quotidien, et ce n’est pas vraiment ainsi que le virent la plupart des spécialistes de la question au XXe siècle, notamment en Belgique de Gustave-Lambert Brahy5 à L. Horicks & H. Michaut.6

   Nous ne pensons pas que les astres puissent agir à notre insu sans qu’il y eut, au moins, à un moment donné de l’Histoire, un rapport conscient, nécessairement articulé sur un certain savoir et quand bien même par la suite ce lien serait-il devenu inconscient. On ne saurait donc concevoir que des planètes transsaturniennes aient pu participer à une quelconque autoprogrammation astrale, sauf à admettre l’existence d’un savoir astronomique perdu. De même, les astres n’agissent qu’à travers les hommes et ce sont ces derniers qui déterminent les effets produits au final et c’est pourquoi il n’est pas davantage question pour nous d’expliquer tout par les astres y compris la fatalité d’une guerre, fut-elle mondiale. L’idée donc d’un modèle constitué d’une combinatoire de planètes transsaturniennes et produisant un phénomène aussi spécifique qu’une guerre ou inversement qu’une paix nous apparaît comme irrecevable pour la pensée astrologique du XXIe siècle.

   Il est vrai que pour nous il n’y a qu’une seule astrologie et non ce clivage entre astrologie individuelle et astrologie mondiale; nous sommes en faveur d’un moyen terme, qui ne se perdrait ni dans les méandres intimes d’une seule personne, ni dans les distances séculaires propres aux civilisations. C’est à un autre regard sur le monde que nous pensons que l’astrologie doit inviter et qui relève au fond de la gestion rationnelle des sociétés, lesquelles planifient leur devenir sur quelques années, si l’on en juge par la durée des mandats électoraux. (quatre, cinq, sept ans ).

   L’astrologie propose et les homme disposent. Les mêmes configurations astrales peuvent être vécues fort diversement, parfois de façon dramatique et sanglante, et parfois dans la concertation, la diplomatie et il faut éviter, en tout cas, de présenter l’issue d’une situation comme inévitable. C’est pourquoi, nous pensons que l’astrologie mondiale ne doit pas chercher à tout prix à dissimuler son caractère récurrent dans le court terme, comme si c’était là quelque chose de honteux. Il est clair qu’avec des phases de sept ans, il ne faut pas s’attendre chaque fois à des événements mémorables et inoubliables, des siècles plus tard. Or, certains astrologues ont tenté de se constituer de tels outils permettant de présenter une époque donnée comme exceptionnelle tant astronomiquement qu’historiquement, accueillant avec enthousiasme les nouvelles planètes lentes aux révolutions approchant ou dépassant le siècle voire les deux siècles, les ères précessionnelles (chacune de 2160 ans !).

   L’idée selon laquelle nous vivrions des phases de sept ans est largement ressenti de façon empirique par les uns et les autres, et il est souhaitable que l’astrologie s’appuie sur une telle expérience non influencée par une quelconque culture astrologique. Or, quel est le modèle astronomique qui pourrait correspondre à une telle structuration du Temps ? Les astrologues répondent volontiers, comme le fait un Yves Lenoble, parlant alors d’un cycle “simple”, qu’il faut s’appuyer sur les aspects de Saturne à la position de cet astre à la naissance, donc en transit avec lui-même. L’inconvénient d’un tel procédé tient au fait que chaque personne aura une chronologie saturnienne différente de celle du voisin, puisque les sept ans sont comptés à partir de la naissance. Une autre formule - celle du cycle “composé”, selon la formulation de Lenoble, consiste à combiner le cycle de Saturne avec un autre astre mais dans ce cas, on n’obtient plus un découpage en quatre phases de sept ans vu que le cycle qui ressortira sera la résultante des cycles des deux astres ainsi mis en rapport. Autrement dit, dans ce second cas, on ne rendra pas compte astronomiquement de l’existence de phases de sept ans puisque la “pureté” du cycle saturnien est entachée par la combinatoire avec une autre planète comme Jupiter, Uranus, Neptune, Pluton etc. On voit donc que la seule solution est d’associer Saturne avec un facteur neutre sur le plan de son propre cycle, à savoir une étoile fixe. Ce n’est, en effet, que dans ce cas, que le processus astronomique peut rendre compte des expériences faisant ressortir des phases de sept ans, soit un quart du cycle de Saturne, sur la base de la conjonction, du carré et de l’opposition de Saturne avec l’étoile fixe de référence. Ainsi, nous ne suivrons nullement Y. Lenoble quand il écrit :

   “Les cycles n’existent pas isolément. En réalité, ils sont en interaction et s’imbriquent les uns dans les autres.”7

   L’argument de Geoffrey Dean8, selon lequel les gens conformeraient leur comportement à un certain bagage de connaissance astrologico-astronomique ne tiendrait donc guère ici dans la mesure où depuis des siècles déjà l’astrologie ne permet plus de suivre un cycle constitué de phases de sept ans, ce qui implique que nous restons marqués, dans notre inconscient collectif, par un savoir beaucoup plus ancien que celui des manuels d’astrologie modernes, lequel continue à nous sensibiliser à certaines configurations entre Saturne et des étoiles fixes, ces dernières constituant un arrière-plan quasiment immuable depuis des millénaires.

   On nous objectera que n’importe quelle étoile fixe pourrait faire l’affaire. En principe, oui, il y a au départ un certain arbitraire et nous avons souligné à quel point toute influence cosmique passait par le filtre de l’interprétation, de l’encodage des sociétés humaines. En fait, il n’y a pas de décodage sans encodage préalable. Ce qui importe, encore une fois empiriquement, est de déterminer de quelle étoile il pourrait s’agir. Or, si l’on constate, on l’a dit, une cyclicité articulée sur le 7, on est aussi conduit à découper ainsi une chronologie au niveau de l’Histoire événementielle. Le choix des étoiles fixes royales, Aldébaran, Régulus et Antarés - astre dont Daniel Cobbi nous rappelle qu’il se situe, du moins en apparence, sur l’écliptique - soit trois étoiles séparées grosso modo de 90° (début gémeaux, début vierge, début sagittaire) - le quatrième facteur étant l’étoile Fomalhaut - nous paraît en effet expliquer assez bien certains phénomènes cycliques à l’échelle de l’Histoire et notamment l’alternance conquête / décolonisation9, ce qui correspond en fait au croisement de deux logiques qui s’intercalent l’une par rapport à l’autre, l’une de type féminin, androgynal10 de type masculin, qui implique un retour aux sources. Un tel clivage n’est d’ailleurs pas sans recouper la division en Droite et Gauche et là encore il convient que l’astrologie recoupe un certain vécu empirique des sociétés.

   Pour en revenir aux relations entre astrologie mondiale et Nouvelle Histoire, “longue durée”, selon Fernand Braudel, auxquelles tant Y. Lenoble (1994) que Maurice Charvet, dans sa préface à la réédition du Traité d’Horicks et Michaux (1990) font référence, nous pensons que le projet est en soi le bienvenu, puisque la science historique est en quête de paramètres qui puissent recouper son domaine tels qu’économie, démographie, météorologie etc. Pourquoi pas, en effet, astrologie ? On sait d’ailleurs que c’est un vieux rêve de l’astro-histoire que de mettre l’astronomie au service de l’Histoire.11 Encore ne faudrait-il pas oublier la méfiance des “nouveaux historiens” à l’égard du culte de l’événement, ce qui recouvre aussi bien celle de date ponctuelle. L’approche quantitative que nous préconisons nous paraît donc être plus compatible avec une pareille approche. Cette approche ne met pas tant l’accent sur le moment où l’on change de phase que sur le contenu de la phase, non pas sur une année donnée mais sur un “bouquet” d’années, elle se situe dans la continuité et non la rupture, même si, en effet, le changement de phase provoque un certain basculement. En d’autres termes, il convient de privilégier ce qui se passe au cours de la vie et non la fin de la vie, la mort, l’enracinement qui peut durer des années plutôt que le déracinement qui peut se produire en très peu de temps.

   On notera le décalage qui existe entre la perception des contemporains et celle de ceux qui approchent une époque de façon rétrospective. Si l’on prend le XXe siècle, seuls déjà quelques repères surnagent que l’on tend à considérer comme des moments essentiels, de même en ce qui concerne les personnages célèbres. Et il semble bien que c’est à ce niveau de mémoire que se rattachent, en pratique, la plupart des astrologues s’essayant à la mondiale. Or, c’est là l’expression d’un savoir plus populaire que savant. En tant qu’historien des textes, nous savons, pour notre part, ce qu’il peut y avoir de schématique à procéder par raccourcis en cherchant à relier quelques connaissances éparses. Plus que le culte des grands événements ou des grands hommes, importe, pour l’historien, les tendances lourdes, qui n’apparaissent que lorsque l’on gère des corpus autrement plus vastes que ceux de l’homme de la rue. D’ailleurs, à l’écoute de certains exposés en astrologie mondiale, nous avons souvent été amusé de voir l’orateur s’adresser à un public de personnes disposant d’un très médiocre bagage historique et s’efforçant de faire coller sa démonstration avec le dit bagage. Qu’il mentionne des faits moins connus ou des figures oubliées, et il ne rencontrerait plus que de la perplexité !

   On nous objectera que les phases que nous découpons sont brèves, à savoir de sept ans environ mais sept ans c’est très long; que l’on en juge pour les deux guerres mondiales du XXe siècle. Et c’est ce temps à l’échelle humaine qui nous importe et non celui de la sécheresse des manuels scolaires.

   En outre, si ces phases sont brèves, chacune d’entre elle n’est en fait qu’un avatar d’une longue suite de phases du même ordre. Pour prendre une image : quand on parle de la vie de quelqu’un, on ne pense pas nécessairement au temps durant lequel il dort. Cette interruption du fait du sommeil découpe-t-elle pour autant sa vie en autant de journées coupées les unes des autres ? De la même façon, nous considérons que chaque phase n’est que suspendue par l’émergence de la phase opposée et qu’elle se poursuit en fait indéfiniment et vice versa. C’est dire que la brièveté des phases n’est nullement contraire au principe de la longue durée. Tout processus a besoin de se recharger et l’alternance avec un autre processus est nécessaire ; c’est pourquoi nous disons que tout cycle est duel, non point parce qu’il associe deux planètes, comme le voudrait Y. Lenoble, à la suite d’A. Barbault ; mais parce qu’il est nécessairement porteur en lui-même d’une structure binaire, bipolaire. De même, tout cycle est porteur de significations opposées ou complémentaires, non point, encore une fois, parce qu’il est constitué de deux valeurs planétaires mais parce qu’il a besoin de se scinder en deux phases, ayant chacune leur spécificité, ce que d’ailleurs les astrologues ont bien compris par l’usage qu’ils font des aspects, à ce détail près que les aspects ne doivent pas relier deux planètes entre elles mais une planète et une étoile, comme sur un cadran solaire, où l’ombre portée évolue tandis que le cadran lui-même est immuable.

Jacques Halbronn
Paris, le 29 novembre 2003

Notes

1 Cf. L’humanité nouvelle dans la lumière de l’astrosociologie cosmique, Paris, Omnium Littéraire, 1972. Retour

2 Cf. Initiation à la pratique des cycles planétaires, Poissy, Ed de l’ARRC, 1994, p. 95. Retour

3 Cf. Astrologie Mondiale, ses bases rationnelles. La loi des grands événements historiques. Pour servir à des prévisions localisées dans le temps et dans l’espace, Bruxelles, Ed. De la Revue Demain. Retour

4 Cf. notre étude sur la tentation localisante, sur l’Encyclopaedia Hermetica. Retour

5 Cf. rééd. La clef de la prévision des événements mondiaux et des fluctuations économiques boursières, Paris, Ed. Traditionnelles, 1989. Retour

6 Cf. Rééd. Traité pratique d’astrologie mondiale, CEDRA, Lyon, 1990. Retour

7 Cf. Initiation à la pratique des cycles planétaires, op. cit., p. 59. Retour

8 Cf. le débat sur Encyclopaedia Hermetica, rubrique Astrologica. Retour

9 Cf. nos études sur ce sujet, sur E. H. Retour

10 Cf. nos travaux sur ce sujet, sur E. H., rubrique Hypnologica Retour

11 Cf. notre étude “De l’astrologie à l’astro-histoire”, Cura.free.fr. Retour



 

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