BIBLIOTHECA HERMETICA


Accueil ASTROLOGICA NOSTRADAMICA PROPHETICA

PALESTINICA JUDAICA ANTISEMITICA KABBALAH

AQUARICA HYPNOLOGICA GALLICA

Editions RAMKAT




ASTROLOGICA

58

L’idée d’empire :
approches quantitative et qualitative en astrologie

par Jacques Halbronn

    La conception actuelle des astrologues tend à introduire des antagonismes et une telle approche empêche, selon nous, de mettre en évidence l’influence des astres sur le destin des hommes. On sait qu’un des arguments récurrents contre l’astrologie concernait le fait que lors d’une bataille il y avait des vainqueurs et des vaincus. Et certains astrologues se sont mis en tête de conférer à chaque camp un astre spécifique de façon à pouvoir déterminer lequel des adversaires l’emporterait. Or, selon nous, tel n’est pas l’objet de l’astrologie. Non pas qu’il n’y ait en effet en toute circonstance gagnants et perdants, mais est-ce que cette question relève bien de l’astrologie ?

   Prenons le cas d’une guerre, en apparence, on pourrait présenter les choses en terme de rapport de force entre camps en présence. En réalité, s’il y a guerre, c’est que dans chaque camp, ceux qui prônaient la guerre l’ont emporté sur ceux qui ne souhaitaient pas la faire. Autre exemple: si tel empire se défait, en quelque sorte de lui-même, sans menace extérieure, il s’agit d’une crise de l’idée d’empire et si c’est un empire qui l’emporte sur un autre, ne serait-ce pas alors tout à fait autre chose ? Dans un cas, on aurait une phase de faiblesse du concept d’empire, dans l’autre, une phase de force.

   Autrement dit, il faut bien poser les problèmes et si l’on prévoit, il faut que l’on se fasse bien comprendre, faute de quoi on risque de formuler un pronostic singulièrement et parfois délibérément ambigu. Si un concept mobilise beaucoup d’énergies de tous les côtés, c’est qu’il marque beaucoup de monde, qu’il est devenu consensuel. Si en revanche, il laisse largement indifférent ou réticent, c’est que son heure n’est pas encore arrivée ou que ce n’est plus son heure.

   Prenons le cas de la Seconde Guerre Mondiale. Il semble que l’idée de constituer un empire sur le continent européen fut, quelque temps, assez bien accueillie, ce qui expliquerait le peu de résistance aux armées allemandes voire une certaine coopération / collaboration et d’ailleurs au cours de la seconde moitié du XXe siècle, l’idée d’un couple franco-allemand ne fera-t-elle pas son chemin ? Peu importait que telle ou telle armée se chargea de procéder à l’unification, l’essentiel était que ce fût fait. Lorsqu’un empire laisse la place à un autre, cède devant un autre, on ne saurait donc parler de crise de l’idée d’empire. Les uns vivent la situation activement, d’autres passivement. Bien entendu, si deux empires s’affrontent, chacun ayant vocation à conquérir ses voisins, c’est l’idée d’empire qui culmine et que le meilleur gagne ! En revanche, si le conflit est de type guerre civile ou guerre d’indépendance, c’est une toute autre affaire car l’adversaire de la puissance impériale s’oppose à l’idée d’empire, sans la reprendre à son compte.

   L’hebdomadaire Marianne a consacré en décembre 2003 un numéro spécial à “Comment vivent et meurent les Empires”, dans lequel il nous semble que l’on mélange le remplacement d’un empire par un autre et la crise de l’idée d’empire. L’astrologie doit éviter de prendre en compte des événements si peu semblables entre eux et d’essayer de leur trouver des configurations similaires, sous prétexte qu’un même mot sert à décrire une série d’événements portant le même signifiant, comme empire, comme guerre etc. Chacun sait que toutes les guerres ne sont pas du même ordre. Il y a des astrologues qui se paient de mots qu’ils ne prennent surtout pas la peine de préciser.

   A cette philosophie de l’astrologie doit correspondre une certaine technique en adéquation. Non pas une pratique brouillonne où tous les astres de la palette de l’astrologue se heurtent comme des couleurs dans un kaléidoscope mais un point de vue selon lequel le cycle d’un astre est porteur de ses propres crises et qu’il n’a pas à affronter un autre astre qui lui serait antagoniste. Autrement dit, l’astrologie doit se structurer diachroniquement et non synchroniquement.

   Il y a deux types de confrontation: celle de ceux qui se battent autour d’un même objectif et pour de mêmes valeurs et celle de ceux qui s’opposent, sont en désaccord, sur les valeurs à mettre en avant comme dans le cas d’un pays qui veut se rendre indépendant d’un empire, ce dernier s’y refusant, comme ce fut le cas, grosso modo, pour les guerres d’Indochine et d’Algérie, dans les années 1950.

   On distinguera donc radicalement ces deux cas de figure : celle d’un combat pour savoir qui est le plus fort sur un créneau donné et celle d’un combat où les deux parties ne sont pas sur la même longueur d’onde et où il s’agit de déterminer celle des deux qui est le plus dans la logique de l’Histoire, à un moment donné. On se demandera comment l’étude de la configuration astrale joue dans les deux cas.

I - La confrontation sur le même créneau

   On pourrait parler ici de compétition entre candidats se battant pour l’obtention d’un même poste. L’astrologie ne peut déterminer qui va l’emporter car ce qui compte à l’échelle des sociétés, c’est que les choses se fassent et que quelqu’un, peu importe qui, les mène à bien, dans la direction appropriée, requise par l’ordre du monde.

   Quand les parties en présence sont d’accord pour se séparer, il n’y a guère de problème sinon sur les modalités. Quand, en revanche, l’une souhaite la séparation et pas l’autre, on tombe dans le cas II étudié plus bas.

   Quand les parties en présence souhaitent dépasser certaines frontières pour parvenir à un ensemble plus vaste, la seule question qui se pose vraiment est : au profit de qui ou aux dépens de qui ? Mais là encore, on peut se mettre d’accord sur une formule de libre échange, de confédération qui ne soit pas trop mal vécue par les uns ou par les autres. Au pire, la confrontation fera apparaître tôt ou tard un pôle dominant qui sera accepté par les parties en présence. Ce fut probablement le cas pour l’empire napoléonien du moins jusqu’à ce que la phase permettant cet état de choses ait été épuisée, le temps qui lui était imparti étant épuisé et l’on bascule alors dans le second cas de figure, lorsque un revirement s’avère nécessaire.

II - La confrontation sur la question du concept dominant

   Si dans le premier cas de figure, l’astrologie, du moins celle que nous prônons1 doit se contenter d’examiner celle des parties qui a le meilleur profil par rapport au modèle cyclique, et cela sans essayer de codifier astralement les parties en présence mais en confrontant celles-ci, telles qu’on peut les appréhender au regard de la science politique, économique ou autre, en revanche, dans le second cas, il s’agit, pour l’astrologie, de préciser quelle attitude est porteuse et quelle attitude est révolue, celle qui a de l’avenir et celle qui, présentement, n’en a guère et mène un combat d’arrière-garde. Si on entre en phase de fermeture, selon les catégories de l’astrologie axiale, il est temps de renoncer à une attitude propre à la phase d’ouverture et vice versa.

   On ne parviendra pas à faire la preuve que les astres agissent sur le destin des hommes tant que l’on ne raisonnera pas de façon conceptuelle. Entendons par là qu’à un moment donné, un concept doit s’imposer sans rencontrer son contraire. Nous excluons donc, a priori, la possibilité que deux logiques opposées puissent durablement se confronter. Nous pensons que l’astrologie est en mesure dans ce cas de déterminer celui qui aura l’avantage, du moins durant un certain temps, puisque tout est cyclique. En revanche, lorsque deux adversaires luttent dans le même sens, l’issue échappera plus souvent à l’examen astrologique, puisque chaque partie est portée par le même mouvement et qu’au demeurant, il importe peu, vu de Sirius, qui l’emportera, le résultat global étant le même, à l’échelle anthropologique, à savoir que l’humanité passe ainsi par une certaine expérience nécessaire à la bonne marche des choses.

   On voit donc que le champ de l’astrologie stricto sensu est assez limité, en tout cas circonscrit. On distinguera approche quantitative et approche qualitative :

      1 - Il est possible d’annoncer pour une période à venir mais aussi passée, quels en seront les enjeux - en termes d’ouverture et de fermeture - et de prévoir que les énergies sociales seront mobilisées dans un certain sens : il s’agit là d’une approche avant tout statistique et quantitative. On ne sait pas qui va gagner mais on sait qu’il y aura beaucoup d’appelés sinon beaucoup d’élus.

      2 - Il est possible d’annoncer que tel camp l’emportera sur l’autre - et c’est là une approche qualitative - quand on peut désigner nettement deux parties en présence et qui ont des logiques opposées. On pourra déterminer quelle est la logique la plus appropriée pour un temps x. Il y aura nécessairement un camp qui aura anticipé d’un changement des mentalités et l’autre qui en restera à une analyse dépassée et qui rencontrera de moins en moins d’appui, au fur et à mesure que le temps passera et ce, bien sûr, jusqu’à nouvel ordre, ce qui est fonction de la structure du temps social selon laquelle l’Humanité s’est auto-programmée.

   Si l’on considère la question des empires, il convient de distinguer si ce qui contribue à la chute d’un empire donné tient à ce qu’il soit confronté à un autre projet impérial plus performant, et dans ce cas, le résultat global, on l’a dit, ne serait pas sensiblement significatif ou bien si cela tient à une dislocation interne, à une implosion, du dit empire conduisant à l’émergence d’une multiplication d’entités à la place du dit empire et dans ce cas, le changement sera plus déterminant au regard de l’anthropologie sociale. C’est ainsi que l’écroulement, la fragmentation, de l’empire soviétique, à la fin des années 1980, ne fut pas due à l’intervention d’un autre empire mais à la déliquescence de l’idée même d’empire, en un temps donné. On pouvait alors penser que “l’empire est désormais un carcan insupportable que seule la passion nationale peut briser. Autour d’Eltsine l’emporte l’idée de la dernière chance : sauver la Russie d’abord, en la délivrant du poids de l’empire.”2

   Il faut donc radicalement distinguer les empires qui se démolissent d’eux-mêmes, qui s’effritent sans être les victimes du plus grand dynamisme d’un autre empire et ceux qui passent sous la coupe d’un empire encore plus puissant, pris à leur propre jeu, sur leur propre créneau. Selon notre modèle, la phase de fermeture implique que l’Empire perd de son tonus, qu’en fait c’est l’idée même d’empire qui ne passe plus. L’Empire alors se décompose. Il en est tout autrement quand un empire se constitue aux dépends d’un autre car dans ce cas là il y a une prise de relais. Tel empire décline mais pas pour autant l’idée d’empire ! Inversement, quand un empire se démembre, c’est une victoire pour la phase de fermeture qui a tout autant sa raison d’être et peu importe qui a pris l’initiative de la séparation puisqu’au final elle sera vécue, subie, par l’ensemble des parties.

   Il importe peu donc, du point de vue de l’astrologie (axiale), que l’emporte celui-ci ou celui là du moment que cela revient globalement au même du point de vue de la physionomie générale de la structuration étatique. Dans un cas, en phase de fermeture, le nombre d’entités augmente, dans l’autre, il diminue : c’est ce mouvement général qui importe ici. Une telle dialectique est d’ailleurs propre à toute recherche intellectuelle : à certains moments une théorie générale semble tenir la route et rencontrer un certain consensus et à d’autres, on bascule vers un processus de déconstruction lequel, à son tour, donnera lieu à une nouvelle synthèse et ainsi de suite.

   Il convient donc de déterminer les conditions de falsifiabilité - pour recourir à la terminologie de Popper - propres à l’épistémologie de l’astrologie telle que nous l’entendons. Si en pleine phase de fermeture, on assiste à une percée significative et connaissant une réussite certaine, dans le sens de l’ouverture, alors il y a problème et vice versa. Car il s’agit bien ici de réussite et d’échec. On ne peut pas empêcher quelqu’un d’aller à contretemps mais on peut estimer ses faibles ou fortes probabilités ou chances de réussite, à un moment donné. Bien plus, si à un moment donné, les tendances à l’ouverture sont nettement plus nombreuses que les tendances à la fermeture, alors qu’on est en phase de fermeture, ou vice versa, là encore il y aura problème et remise en cause du modèle astrologique utilisé. Un test significatif consiste à baliser les revirements de tendance, à montrer qu’un processus, quel qu’il soit, a un terme et qu’il laisse la place à un processus en sens inverse - thèse / antithèse. On le voit bien notamment avec l’épopée napoléonienne laquelle à partir de 1812 passe par une phase involutive, une tendance lourde, où l’idée d’empire passe de moins en moins bien : cette phase coïncide avec l’entrée dans une phase de fermeture, de cloisonnement, de repli sur les racines et finalement sur le rejet de la présence étrangère, quand bien même se présenterait-elle sous les traits ou le masque de la modernité et du progrès. A nouveau, la carte de l’Europe va se morceler. Comme le note Dominique de Villepin3, lors de son entrevue avec Metternich, Napoléon n’a pas su comprendre que le vent avait tourné et qu’il fallait pour le moins faire une pause avant, éventuellement, de reprendre son envolée impériale, dans un second souffle. L’astrologie peut apprendre à quel moment négocier au mieux en sachant ce qui se profile à l’horizon, comme à la Bourse.

   Si l’on prend le cas de la fin du Second Empire, on notera que ce fut à la suite d’une défaite militaire et que cela conduisit à la mise en place de l’Empire allemand, du Second Reich, c’est-à-dire au parachèvement d’un processus unitaire, à Versailles, au début de 1871, au profit du roi de Prusse devenant Empereur. Ce qui compte ici ce n’est pas tant la fin du Second Empire que l'avènement d’un nouvel Empire, ce n’est nullement alors l’idée d’empire qui est en crise.4 On ne peut donc parler d’un phénomène propre à une phase de fermeture : le Second Empire n’a pas été victime de la résistance des populations qu’il contrôlait, comme ce fut, peu ou prou, le cas du Premier Empire. Il s’agissait là d’une confrontation qui tourna au profit d’un des camps en présence et que chaque camp d’une certaine manière avait suscitée. C’est le camp le mieux armé, le plus puissant qui l’emporta, ce qui d’ailleurs se solda par une occupation d’une partie de la France qui ne fut résorbée qu’à la suite du paiement d’une somme énorme et par l’intégration de l’Alsace et d’une partie de Lorraine dans le nouvel ensemble lequel ne prit forme qu’alors et donc profita pleinement de la dynamique existante pour unifier cet espace depuis longtemps morcelé qu’était l’Allemagne, autour de la Prusse. En revanche, dans le cas de l’Autriche Hongrie ou de l’empire ottoman, on a affaire à un problème de nationalités qui ne souhaitent plus cohabiter au sein d’une même structure. Dans le cas de la Russie, cela a débouché sur une guerre civile qui aurait fort bien pu conduire à une sécession, notamment en Ukraine. Il faut insister sur le fait que tous les processus de démembrement n’aboutissent pas aux mêmes extrémités et qu’ils restent de toute façon relatifs. Imaginons un monde où dès qu’une phase de fermeture se présente, toutes les entités se retrouvent disloquées ! Il y a des situations qui sont sauvées par le gong, c’est-à-dire par le fait que la phase concernée arrive à sa fin. Tous les empires ne périssent pas simultanément mais tous sont peu ou prou menacés, certains ne survivent pas à une phase de fermeture et d’autres disparaîtront lors d’une phase de fermeture ultérieure. Il y a aussi une façon plus ou moins heureuse de gérer une crise. Il est clair que la Russie était globalement plus homogène en ses composantes que l’Autriche-Hongrie ou l’Empire Ottoman. Il faudrait aussi se demander pourquoi et comment d’autres empires ont mieux résisté alors comme les empires coloniaux britanniques et français. Quant à la fin de l’empire allemand, dont traite aussi l’étude de Jacques Becker5 consacrée aux conséquences de la Première Guerre Mondiale, il n’y a pas eu démembrement même si alors l’Autriche n’est pas rattachée à l’Allemagne : le fait que le nom de l’entité ait changé est assez secondaire, de notre point de vue et la preuve en est que la puissance allemande ne fut pas anéantie définitivement comme le montra la Seconde Guerre Mondiale pas plus d’ailleurs que la puissance russe. Les deux principales victimes de la phase de fermeture furent donc l’Autriche Hongrie et la Turquie qui perdirent une grande partie de leurs fiefs, ce qui conduisit à l’émergence d’entités plus réduites respectivement en Europe Centrale et au Moyen Orient. Mais même l’empire tsariste donna naissance à une Union des Républiques Socialistes soviétiques, introduisant, quand bien même de façon plus ou moins fictive, une certaine multiplicité et c’est d’ailleurs cette multiplicité qui prendra une forme plus radicale en 1991, lorsque les anciennes républiques de l’URSS deviendront indépendantes. En tout cas, le passage vers l’URSS était d’un point de vue formelle la reconnaissance d’un minimum d’autonomie des éléments constituants l’empire des tsars; tout est relatif. Si l’on prend Byzance, le sac de Constantinople par les Croisés en 1204 ou la chute de 1453 se situent sur un même axe cosmique, celui de la pression étrangère, celui du dépassement des limites.6

   En 888, toujours dans ce même numéro spécial de Marianne, dont nous n’avons pas choisi les données, on assiste à l'émiettement de l’Occident, en phase de fermeture.7 Déjà en 843, au traité de Verdun, 45 ans plus tôt, la configuration était la même puisque celle-ci se représente tous les 15 ans - soit un demi-cycle de Saturne - et donc tous les multiples de 15. En 881, sept ans plus tôt, Charles le Gros était devenu empereur sous les auspices d’une phase d’ouverture. La fin des empires en 1917-1918 correspond également à ce que nous appelons une phase de fermeture, fatale pour les empires russe, turc, allemand et austro-hongrois.8 Coïncidence ? Certes, ce n’est que l’approche quantitative à grande échelle qui peut apporter la preuve de la validité du modèle et non pas quelques coups au but et inversement, quelques échecs corrélatifs autour de tel ou tel événement ne sont pas davantage déterminants, c’est l’ensemble qui compte. Avec la Nouvelle Histoire, nous ne nous polarisons pas sur un événement mais sur un ensemble d’événements. Fragilité des événements, au demeurant, dont chacun pris en particulier, n’est inévitable mais qui relève d’une mauvaise gestion d’un temps cyclique dont on n’a pas su prendre la mesure. On rappellera que l’alternance entre phases contradictoires ou en tout cas complémentaires dans les moeurs puisque un héritage est voué à être divisé, réparti, entre les héritiers, donc à se scinder. Tel le rocher poussé inlassablement par Sysiphe, tout est toujours à recommencer et c’est ce qui probablement empêche l’Humanité de se scléroser, rien n’étant définitivement acquis et qui plus est, jamais définitivement au profit d’un seul et même individu. Il faut chaque fois que quelqu’un parvienne à s’imposer, sorte du rang, montre qu’il est le meilleur, il faut remporter la victoire et cette victoire est nécessaire au bon ordre du monde.

   Si l’on prend le cas de la Seconde Guerre Mondiale, il est clair que la ligne de démarcation ne correspondait nullement à une quelconque revendication des populations concernées et voulant faire sécession mais était le résultat d’une invasion étrangère. En revanche, le démembrement de l’empire colonial français, au début de la Cinquième République, ne fut nullement causé par l’intervention d’une puissance étrangère mais était du à l’hétérogénéité de l’ensemble et au poids économique que cela représentait pour la métropole.

   L’empire ait de la conquête mais aussi de la colonisation - qui en est une forme particulière s’adressant à des peuples jugés sous développés - de l’exploration de nouvelles terres, de l’ingérence au delà des frontières “naturelles”, c’est dire que son idée peut se manifester de bien des façons: on pourrait parler d’un besoin ressenti d’ailleurs par toutes les parties, qu’elles le vivent activement ou passivement, de s’ouvrir à l’autre. C’est comme dans un rapport sexuel, peu importe à la limite qui est le mâle et qui la femelle, c’est le coït qui compte.

   Le seul résultat qui nous intéresse est l’accroissement du nombre d’ entités plus ou moins spécifiques ou leur disparition et leur résorption. Il s’agit là d’un critère quantitatif, comparatif et donc relatif au regard de périodes d’ouverture qui tendent à aplanir certains reliefs. Notre démarche exige au contraire de renoncer à ces regards à distance et de se colleter avec une temporalité brève, en gros de sept ans en sept ans, à l’échelle des individus, certes emportés par une même dynamique, et non pas à celle, abstraite, de la longue durée chère à la Nouvelle Histoire et qui veut mettre l’Humanité en phase avec des cycles qui ne sont pas les siens. Or, une fausse représentation du passé conditionne une fausse représentation du présent et de l’avenir, l’incurie des historiens explique et agit sur l’impréparation et l’incompétence des politologues.

   Le terme Empire selon nous devrait être réservé à des ensembles offrant une certaine hétérogénéité. L’empereur est celui règne sur des populations linguistiquement disparates et à terme il est voué à se scinder - ce qui se produisit avec l’empire de Charlemagne. La notion d’Etat ressort davantage dans le cas d’un empire en ce qu’il s’agit d’administrer des entités qui ne seraient pas liées autrement et qui ne constituent pas une seule et même nation. Que certains s’approprient le titre d’empereur en dehors de ce contexte doit donc être pris en compte, cela tient généralement à une référence historique plus ou moins décalée; ce qui importe, c’est le signifié plus que le signifiant.

   Que dire des entreprises visant à regrouper des populations ethniquement, historiquement ou / et linguistiquement proches dans le genre pangermanique, panslave, panarabe etc ? Il y a là une volonté de gommer des frontières, comme avec l’Anschluss, c’est-à-dire l’annexion de l’Autriche au sein de l’Allemagne nazie. On a vu qu’une telle politique pouvait concerner des populations non allemandes au nom de l’espace vital (Lebensraum) quitte à déporter des populations “étrangères” ou qui sont décrétées telles.

   Il importe bien entendu de penser la notion d’empire qui comporte en elle-même ses propres contradictions et est souvent issue d’une politique d’annexions et de conquêtes mais peut aussi être le fait d’une politique d’immigration, laquelle est porteuse à terme de conflits internes. La notion d’empire nous apparaît par certains côtés comme progressiste par rapport à celle de monarchie; elle vise à créer une nouvelle structure dépassant les anciennes divisions, elle relève peu ou prou d’une forme d’utopie et passe périodiquement par des crises dont l’astrologie peut rendre compte et que l’on pourrait qualifier, en recourant à une terminologie médicale, de phases de rejet d’éléments extérieurs, greffés avec plus ou moins de bonheur. Une annexion en période d’ouverture se passe mieux, sur le moment qu’une telle tentative en phase de fermeture. Le problème des empires est intimement lié, on le conçoit, à la question des étrangers, de ceux qui sont perçus comme tels, de leur intégration, qu’ils soient en situation d’immigrés en métropole ou de colonisés, ancrés dans leur pays conquis. Bien entendu, nous sommes tous l’étranger de quelqu’un.

   Appliquer un modèle comme le nôtre exige, on le voit, un certain doigté et de développer une expérience aussi large que possible dans le temps et dans l’espace socio-historiques, en fait il ne s’agit de rien moins que de renouveler la méthode historique et quelque part de réécrire et de relire l’Histoire.

   Notre modèle refuse les progressions continues sur des décennies, il implique des pauses, des reculs et c’est probablement en cela que tient sa valeur heuristique au niveau d’une recherche rétrospective, à savoir substituer à une description par trop linéaire une représentation cyclique -impliquant d’affronter à un moment donné un mouvement en sens inverse et de pouvoir le subir pour reprendre ensuite, une fois le choc passé. Le tort de bien des recherches astro-historiques est d’utiliser une unité de mesure inadéquate, beaucoup trop ample et qui noie le relief historique. Non pas que parfois, les hommes ne parviennent à poursuivre leurs efforts sur le long terme, mais cela n’est jamais gagné d’avance et cela ne se fait que si l’on sait affronter l’adversité. Ne confondons pas ce qu’est le cycle en soi et ce qu’en font les hommes. L’approche rétrospective de l’Histoire a ses pièges et ses mirages, elle confond les potentialités avec les réalisations, elle sous estime les obstacles dès lors qu’ils ont été franchis par les uns en laissant à tort supposer qu’ils le seront par les autres. Le libre-arbitre ne résiderait-il pas précisément dans le reflux qui fait suite au flux et qu’il nous faut affronter avec plus ou moins de bonheur ? Il est un temps pour avancer et un temps pour s’arrêter et consolider les acquis. Si l’on prend le cas de Fachoda (1898) ou de Yalta (1945), nous avons affaire à des logiques impériales sous tendues par des protagonistes différents au service d’un même élan, qui cessent de s’affronter pour se partager le monde. Souvent, il nous apparaît qu’il eut suffi d’attendre un peu plus ou au contraire de s’arrêter un peu plus tôt pour que les choses aient pu changer du tout au tout et que l’impossible redevienne possible et vice versa. Ce qui manque le plus cruellement aux dirigeants sans recours à l’astrologie c’est de ne pas savoir combien de temps la tendance qui les porte va durer ou quand les choses vont prendre une autre tournure, selon que l’on craint ou que l’on espère le changement. N’est-il pas pathétique de voir des dirigeants dresser des plans sur la comète, fixer des échéances lointaines, projeter le présent sur le futur, engageant des processus qui seront caducs au moment où ils commenceront à se mettre en place, ce qui conduit à terme à agir à contretemps ? Tant et si bien que telle action ne s’explique souvent que par le climat qui l’a précédée des années auparavant mais ne convient plus au moment où elle s’accomplit enfin.

   Avec notre modèle, il est possible de tenter des rapprochements au départ surprenants, c’est ainsi que la chute du IIIe Reich se produit quasiment en même temps que celle de l’Empire des Indes9 à deux ans d’intervalle, et sous la même configuration. Faut-il également rappeler que c’est aussi à cette époque que l’Angleterre renonce à son mandat sur la Palestine et qu’il est statué sur sa partition entre un Etat juif et un Etat arabe tout comme l’Inde verra la sécession de ce qui va devenir le Pakistan (occidental et oriental) selon des critères religieux et ethniques ? Les deux adversaires basculent à peu près simultanément : la seule différence, c’est que l’Empire des Indes existait depuis bien plus longtemps que le régime nazi ! Il n’y avait pas de fatalité à ce que le premier soit atteint mortellement lors de cette phase et non pas lors d’une phase antérieure ou ultérieure et ce n’est certainement pas à l’astrologie de déterminer quelle phase sera décisive pour un pays donné. Mais la chute de l’Union Soviétique en 1991 obéit au même schéma, 45 ans plus tard tout comme celle de l’empire colonial français trente ans plus tôt avant celle de la dite URSS. Il conviendrait, en tout état de cause, de bien comprendre que le fait de mettre fin à un empire n’émane pas nécessairement de la volonté de ceux qui s’y trouveraient comme aliénés mais bien souvent d’un désir de se débarrasser du poids, du boulet, des peuples ainsi soumis et pris en charge et que l’on préfère émanciper comme le font parfois les familles envers leurs enfants.

   Un contexte impérial peut être observé à petite échelle, c’est notamment le cas de toute situation d’occupation, comme en Israël, la première Intifada est contemporaine de la dislocation du bloc communiste. En tout état de cause, même les entités les plus modestes ont pu à l’origine connaître de sérieux problème d’intégration et d’hétérogénéité. Des pays comme l’Italie ou Allemagne n’ont trouvé leur “unité” qu’au XIXe siècle et ce en dépit du recours à une même langue au niveau de leurs composantes respectives.

   L’astrologie n’a pas vocation à porter des jugements définitifs et irrévocables mais elle peut annoncer que des événements comparables peuvent se produire dans des lieux éloignés et affecter aussi bien les vainqueurs que les vaincus, dès lors que les uns et les autres servent la même idée impériale.

   Insistons sur le fait que de tels processus d’ouverture ou de fermeture sont fonction d’évolutions individuelles qui se cumulent: il ne s’agit pas d’on ne sait quelle influence qui tomberait du ciel sur les sociétés mais bien de millions d’évolutions personnelles qui vont à un moment donné dans le même sens et qui modifient périodiquement le climat général du monde sur le plan socio-politique. En ce sens, on peut dire que les gens se reconnaissent dans tel ou tel comportement et qu’ils vivent peu ou prou par procuration à travers leurs représentants ou ceux auxquels ils s’identifient.

Jacques Halbronn
Paris, le 11 janvier 2004

Notes

1 Cf. la rubrique Astrologica. Retour

2 Cf. J. P. Roux, “Du tricolore sur le Kremlin”, Marianne, décembre 2003, p. 99. Retour

3 Cf. “Napoléon ou l’empire impossible”, Marianne, décembre 2003, p. 74. Retour

4 Cf. S. Audoin-Rouzeau, “Coup double pour Bismarck”, Marianne, p. 79. Retour

5 Cf. “Quatre géants achevés par la Grande Guerre”, Marianne, décembre 2003, pp. 84 et seq. Retour

6 Cf. A. Rowley, “Byzance, l’empire méprisé”, Marianne, déc. 2003, pp. 56 - 57. Retour

7 Cf. L. Theis, “Et l’empire des Francs s’effondra”, Marianne, p. 52. Retour

8 Cf. J. J. Becker, “Quatre géants achevés par la Grande Guerre”, Marianne, n° spécial. Retour

9 Cf. J. P. Azéma, “Mountbatten, le fossoyeur de l’Empire des Indes”, Marianne. Retour



 

Retour Astrologica



Tous droits réservés © 2004 Jacques Halbronn