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Des obstacles épistémologiques en Astrologie Mondiale |
Even a dated appointment that does not specify exactly what treatment it is for is not necessarily a prediction of the treatment that you actually receive, even though you may think so after the event.1
Il faut toujours du temps pour qu’(un) système de pensée apparaisse comme un instrument de compréhension - ou de lutte - et pour qu’il se diffuse, d’un petit cercle de fidèles, d’initiés, à de larges masses.2
Il importe que la pensée astrologique soit en phase avec la pensée anthropologique et l’on peut penser que la progression de l’une peut bénéficier à l’autre, ce qui nous conduit à considérer que les anciennes représentations socio-politiques ne convenaient pas pour appréhender et cerner le fait astrologique. Non pas qu’il faille percevoir le fait astrologique comme un fait en soi car la nature même de ce qui constitue un tel fait est sujet de recherche. Autrement dit, il reste à définir de quoi traite l’astrologie, dans la mesure même où ce dont elle traite est fonction de notre représentation du monde et des outils conceptuels dont nous disposons. Une nouvelle anthropologie peut donc s’avérer nécessaire pour intégrer l’astrologie au sein du savoir reconnu, au prix bien entendu d’une redéfinition, d’une reformulation de ce qu’est l’astrologie, celle-ci ne se réduisant nullement à son Histoire ou à ce qu’elle est devenue de nos jours. Il y a ceux qui croient que la Science de demain viendra consolider la pratique astrologique en vigueur et ceux qui soutiennent que l’astrologie qui émergera d’une avancée d’autres disciplines n’aura plus grand chose à voir avec l’astrologie telle qu’elle s’est cristallisée de nos jours. Au fond, l’essentiel pour ceux qui militent en faveur de l’idée astrologique n’est-il pas moins la consolidation d’une certaine tradition astrologique que la mise en évidence d’un lien entre hommes et astres ? En vérité, il est probable que trop d’astrologues ne se situent pas sur le seul plan philosophique, épistémologique et sont fortement impliqués par une certaine façon de vivre (de) l’astrologie, à laquelle ils ne semblent pas disposés à renoncer, ce qui vient miner le débat du fait d’un surcroît d’arrières-pensées. Etre trop impliqué individuellement dans un rapport personnel à l’astrologie, en tant que support du moi, ou l’être trop du fait du recours à un certain outil astrologique propre à la consultation, à la thérapie, tout cela ne peut que faire obstacle à l’émergence de l’astrologie du XXIe siècle.
C’est pourquoi, nous pensons éminemment souhaitable que le chercheur en astrologie couvre d’autres domaines que la seule astrologie ou qu’il n’appréhende le monde qu’au travers de lunettes astrologiques. Il nous semble indispensable que le chercheur en astrologie soit d’abord un anthropologue avant d’être un astrologue.
Ce sont nos travaux consacrés à l’immigration mais aussi aux révolutions3, et ce sans aucun rapport a priori avec une quelconque théorie astrologique qui nous conduisent, dans la présente étude, à reformuler nos précédentes définitions, liées aux idées d’ouverture et de fermeture4 et à la remplacer par la dialectique de l’ingurgiter et du dégurgiter. Car il ne s’agit ni de réfléchir sur des symboles planétaires ou mythologiques ni de recourir à une anthropologie simpliste du type guerre et paix mais bien de saisir une véritable dynamique pour laquelle chaque phase est complémentaire et nécessaire à l’autre. Et ce selon le postulat suivant : à savoir que le fonctionnement social est au départ voulu par les hommes et non subi par eux et donc qu’il ne saurait légitimer des phases proprement pathologiques ; s’il y a du pathologique, il peut exister à tous les niveaux et pour toutes les phases.
Or, il importe de faire le constat suivant : l’Astrologie Mondiale, celle qui aurait le plus d’atouts pour se faire respecter, qui traite d’un matériau noble, le politique, n’est pas prise au sérieux dans les milieux avertis, ni à notre connaissance, enseignée dans les Instituts d’Etudes Politiques du monde occidental et ce, en dépit d’un certain marasme de la prévision en général sur le plan social, économique, politique, militaire. Pourquoi ? Force est de constater un échec de la part de ceux qui représentent, qui incarnent une telle recherche de mise en relation des astres et de l’Histoire des hommes et notamment chez un André Barbault, qui vient de publier un dernier ouvrage sur le sujet, en cette année 2004, Introduction à l’Astrologie mondiale. La prévision historique par la connaissance des rythmes du cosmos, aux Editions du Rocher, reprenant mot pour mot une partie du sous-titre de son ouvrage L’Astrologie Mondiale, Paris, Fayard, 1979, dont d’ailleurs il est indiqué en quatrième de couverture qu’il s’agit d’une version révisée et actualisée par l’auteur.
On étudiera ici cet ouvrage d’A. B., du point de vue d’un universitaire qui serait formé à l’Histoire, à la Science Politique, et on tentera d’exprimer ce qui est susceptible de lui faire problème puis nous proposerons notre nouvelle grille en réfléchissant sur les conditions dans lesquelles celle-ci pourrait être mieux acceptée dans le cadre politologique et non pas au sein du seul ghetto astrologique. Dans l’état actuel des choses, l’astrologie mondiale ne semble intéresser que quelques astrologues alors que le domaine étudié, lui à savoir l’ avenir du monde - pour reprendre une expression d’Armand Barbault, le frère aîné - est constamment abordé par ailleurs, notamment dans les médias.
1 - Critique de la notion d’événement en Astrologie Mondiale
2 - Approche anthropologique de l’Astrologie Mondiale
3 - L’Astrologie appliquée aux problèmes de société
4 - Pour un commentaire astrologique de l’Histoire
Critique de la notion d’événement
en Astrologie Mondiale |
Il semble qu’A. B. raisonne comme un voyant qui veut absolument accrocher un événement propre à un pays donné et réaliser la prévision du siècle (p. 341), mais est-ce bien ainsi qu’il faut défendre et illustrer - pour reprendre un titre de cet auteur de 1955 - la cause astrologique ?
Ce qui intéresse la science, quel qu’en soit le domaine, c’est la répétition et le nombre, tout ce qui est unique est ipso facto suspect. Il ne s’agit pas de prévoir un événement mais une série d’événements survenant durant un laps de temps relativement bref et de préférence en des lieux extrêmement divers. Et surtout, il faut définir à l’avance le type d’événements dont il s’agit en donnant des exemples empruntés à l’Histoire, correspondant au même cas de figure ou au cas de figure inverse.
Or, l’inconnue dans le pronostic de Barbault, c’est précisément ce qui va se passer : il sait quand, il sait où mais il ne sait pas quoi si ce n’est que ce sera un tournant. Or, a priori, dans une approche cyclique, il y a toujours deux tournants : dans un sens et puis dans l’autre. Le propre de l’astrologie n’est précisément pas de donner l’année exacte, ni le pays précis où quelque chose de grave aura lieu mais de nous indiquer grosso modo ce qui va se passer du même ordre sur une certaine période de temps.
A. B. écrit : Tout événement mondial est d’abord inscrit au ciel, c’est-à-dire porté par une configuration astrale qui se déroule dans le temps où survient cet événement. (p. 161)
Entendons par là que si l’on peut relier un événement à une configuration cyclique, eh bien l’on est alors en mesure d’en déterminer le devenir par l’observation des phases successives du dit cycle. Est-on vraiment certain qu’existe un tel lien ? Il nous semble que l’on puisse tout à fait envisager qu’un certain processus connaisse un retentissement à un moment donné d’un cycle en tel lieu, sur telle population et s’exerce, à un autre moment du dit cycle, en un autre lieu, sur une autre population ou que cela englobe cette fois encore d’autres lieux et d’autres populations faiblement impliquées ou en tout cas dans une mesure plus faible, précédemment. D’ailleurs, une fois qu’un processus a exercé ses effets quelque part, il ne nous semble pas concevable qu’il puisse de sitôt se poursuivre au même endroit. Prenons l’exemple de la décolonisation : une fois celle-ci amorcée en un point A, elle ne pourra plus être et avoir été ; il faudra qu’elle s’applique par la suite à un point B et ainsi de suite. A moins de comparer les hommes à Sisyphe et à son rocher.
Il nous semble qu’A. B. n’ait pas développé une approche comparative, synchronique. Pourquoi se cantonne-t-il à l’Union Soviétique et au bloc communiste ? Qu’est ce que les astres ont à faire de cette région du monde plus particulièrement ? Certes, on nous répondra, que les astres sont spécialisés et que certains sont davantage concernés par tel espace géographique que par tel autre.
A. B. considère Uranus, Neptune et Pluton comme le socle de l’astrologie mondiale (p. 355), astres parfaitement inconnus des Anciens, savoir qui n’a pu se constituer qu’après la découverte de Pluton en 1930, astre par ailleurs au statut astronomique problématique. Cela signifie bien que les hommes auraient, durant des millénaires, subi ces influences, sans avoir joué le moindre rôle dans la détermination de leur signification. En revanche, A. B. élimine de son modèle les étoiles fixes connues de toute éternité sous le prétexte qu’elles sont trop éloignées, comme si on l’avait su il y a dix mille ans (cf. pp. 175 et seq). Pour l’anthropologie, ce qui compte, ce sont les représentations sociales, consensuelles, plus que les réalités intrinsèques quelque peu anachroniques.
Ce faisant, A. B. projette sur les astres une volonté s’imposant périodiquement à l’Humanité ou plutôt, selon son système, aux populations régies par tel ou tel cycle et là où le bât blesse, c’est qu’il nous en parle un peu à la façon d’un météorologue et ce n’est peut-être pas par hasard qu’il fut l’auteur d’une Astrologie météorologique (cf. p. 342) dans laquelle il plaça d’ailleurs des développements d’astrologie mondiale. Parfois, cosmiquement, il ferait bon, parfois il ferait mauvais. L’astrologue, selon A. B.; annoncerait ainsi le bon et le mauvais temps, dans tous les sens du terme.
Il nous semble, bien au contraire, que si les hommes se sont encombré du référentiel céleste, ce n’est pas pour planifier des tempêtes et autres crises mais bien pour programmer une forme d’alternance : non pas celle de la pluie et du beau temps mais celle d’une politique en deux volets certes contrastés mais nullement formulables en termes de bien et de mal. D’ailleurs, les termes catastrophe ou désastre ne signifient-ils pas plutôt la perte de l’orbite comme on parle de déraillement pour sortir des rails ?
En tout état de cause, on l’a dit, une astrologie qui se serait exercé sur l’Humanité, à son insu, a quelque chose d’opaque. Anthropologiquement, il semble bien plus probable que les hommes ont construit une astrologie et lui ont conféré, au fil de temps, une réalité certaine. La vraie astrologie, à entendre Barbault, serait née - celle du socle des planètes transsaturniennes - en gros dans la seconde moitié du XIXe siècle, lorsque Neptune vint rejoindre Uranus sur le tableau de chasse de l’astronomie moderne.
A. B. recommande de recourir, en astrologie mondiale, à un modèle dépouillé, il se méfie d’une astrologie bazar, sans inventaire, où l’astrologue aurait toujours quelque chose de nouveau à sortir de derrière les fagots. Il prône certes la lisibilité d’un seul indice (p. 15), des variations autour d’une unique configuration (p. 160) tout en restant fidèle à une corrélation cosmico-géographique, lui permettant de savoir ce qui est susceptible de se produire en telle région du globe et pas dans une autre :
S’il est maintenant assuré que nous savons convenablement traiter les cycles planétaires (...) la maîtrise d’autres matériaux nous échappe encore en particulier ceux permettant l’ancrage de la localisation géographique des phénomènes. (p. 14)
Mais, en même temps, son indice de concentration planétaire, combinant les planètes à partir de Jupiter et au delà, donc jusqu’à Pluton, n’en a pas moins valeur universelle. Ainsi, à la fois A. B. s’intéresse-t-il à des phénomènes à l’échelle mondiale et à la fois reste fasciné par une localisation déterminée à partir de données cosmiques.
De fait, l’ouvrage de Barbault semble quelque peu écartelé entre deux approches entre lesquelles il ne parviendrait pas à choisir. C’est ainsi que dans Histoire d’une prévision (pp. 341 et seq), il n’est jamais question de cet indice qui est pourtant longuement décrit au chapitre intitulé La technique de l’interprétation (pp. 291 et seq). Or, quand A. B. affirme que sa prévision (sur la base du cycle Saturne-Neptune) concernant l’avenir de l’URSS est toujours restée au centre de ses réflexions, il semble oublier précisément l’importance qu’il allait accorder, à partir notamment de 19675 à l’indice cyclique, lequel correspond à une logique, à un concept, sensiblement différents à telle enseigne que lorsque A. B. se mit à traiter des années Quatre Vingt, au regard de l’indice en question, il n’était plus guère alors question du cycle Saturne-Neptune du communisme. En vérité, il semble que A. B. ait été successivement déçu par les deux systèmes, par une sorte d’effet de balance, peut-être lié à son signe de naissance (!) : les années Soixante voient en effet échouer sa prévision selon laquelle l’URSS - c’est l’effet spoutnik (1957), l’effet Gagarine (1961) - rejoindrait les Etats Unis voire les dépasserait.6 Gageons qu’alors Barbault voyait des échéances plus proches pour l’URSS que 1989 ! Comme l’écrit Max Gallo, ces années 1958-1960 représentent l’apogée du khrouchtchévisme (ce qui fait) croire que l’avance du système soviétique sur le système capitaliste est un fait et est irréversible, qu’elle vaut dans tous les domaine, que le communisme va l’emporter.7 L’ironie du sort voudra que cette URSS qui aura tant déçu Barbault, à la fin des années Soixante, se rachètera, à ses yeux, vingt ans après.
Puis les années Quatre Vingt déçoivent également avec cette troisième guerre mondiale qui tarde à venir. Et c’est alors que A. B. revient à ses amours de jeunesse et à ses spéculations sur l’avenir de l’URSS.8 Qu’aurait en effet pesé la prévision sur des bouleversements en URSS, si la décennie avait été traversé par une guerre mondiale impliquant nécessairement la dite URSS ? A. B. ne se permet pas moins de parler de prévision systématiquement répétée (p. 12) à propos de 1989.
Certes, A. B. a-t-il l’honnêteté de faire la part des coïncidences : On peut incriminer une part de chance ou d’heureux hasard pour un résultat d’occasion : objection déplacée, rétorque-t-il, dans la répétition du même exercice au résultat semblable : c’est alors que la prévision réussie apparaît comme un fruit de l’arbre du savoir acquis le plus saisissable (p. 11). Or, A. B. ne propose pas d’explication alternative pour ce qui s’est passé dans les années 1989 - 1991 alors qu’il en existe, qui relèvent éventuellement d’un autre cycle que celui qu’il affectionne.9 En effet, A. B. ne nous indique pas à quelle catégorie d’événement se rattache ce qui s’est passé dans les dites années ; il ne répond pas à la question suivante : quelle est la rareté d’un tel phénomène au niveau historique ? S’il nous répond que cette rareté est fonction de la périodicité du cycle planétaire, on bascule dans une sorte de tautologie. Il y a précisément décalage, nous semble-t-il entre la dramatisation propre à un événement survenant ici et pas ailleurs et la banalité intrinsèque du dit événement. Prenons le cas d’une mort ; elle est à la fois une chose terrible pour ceux qui en sont les victimes directes et indirectes et à la fois une chose parfaitement ordinaire à l’échelle de la condition humaine. On connaît cette interrogation lancinante : pourquoi moi ? Pourquoi cela m’est-il arrivé à moi, pourquoi est-ce que c’est tombé sur nous ? Or, pour la science, une telle problématique subjective se situe hors de son champ lequel reste marqué par le quantitatif et les probabilités et l’on retombe, il faut bien l’avouer, dans une logique divinatoire, celle du client qui veut savoir ce qu’il va lui arriver, à lui et pas au voisin.
Car pourquoi va-t-on voir un voyant si ce n’est pour savoir comment ça va se passer, comment ce qui est le lot de tous va nous incomber à nous en particulier en sachant qu’un événement peut être démesurément amplifié quand il nous implique. Faut-il pour autant que l’astrologie cherche à être en mesure de rendre compte d’un tel grossissement, de l’objectiver ?
Il ne faudrait pas, en outre oublier, que comparaison n’est pas raison, l’événement astrologique ne s’apparentant pas à la mort, n’offrant aucun caractère de fatalité irréductible et ne prenant une dimension catastrophique que dans les cas extrêmes, bien au delà du déterminisme astral. C’est ainsi d’ailleurs que ce qui se produisit en Europe de l’Est n’était pas nécessairement inévitable avec l’ampleur que cela a connu. André Barbault n’envisage pas une seconde que le déroulement aurait pu être autre tout comme il reproche aux astrologues de ne pas avoir prévu la Seconde Guerre Mondiale du XXe siècle (cf. pp. 95 - 96) partant du postulat selon lequel il relevait impérativement de la mission de l’astrologie d’annoncer ce qui va réellement avoir lieu, in fine. Déontologie du bon artisan de la divination qui veut être en empathie complète avec son client.
Autrement dit, pour André Barbault, et il ne semble pas avoir changé d’avis au cours de sa longue carrière, ce sont les faits historiques qui vont devoir arbitrer, ce qui va aux antipodes de la Nouvelle Histoire. On est bien loin de l’adage les astres déterminent mais n’influencent pas. Or, précisément, un homme averti en valant deux, selon un autre adage, on ne voit pas pourquoi l’astrologie parierait sur des événements jugées inévitables, et surtout s’ils ont été annoncés longtemps à l’avance. Voilà donc un André Barbault et tous ceux qui sont censés l’avoir entendu, criant dans le désert que 1989 sera une date fatidique pour l’URSS et qui n’est pas entendu, des décennies durant ! On est loin d’un prophète Jonas annonçant, prévoyant mais aussi prévenant, la destruction de Ninive ! Il ne semble pas qu’on ait là un exemple édifiant de la place de l’astrologue dans la Cité. Dilemme certes chez celui qui annonce un événement et qui craint qu’il ne se produise pas du fait de son annonce à moins qu’au contraire il ne se demande si son annonce ne vas pas contribuer à le déclencher.
Mais supposons que l’on ait interrogé, en haut lieu, Monsieur Barbault sur ce pronostic constamment, du moins à ses dires, réitéré et mis en avant : qu’aurait-il alors déclaré qui eut pu être d’une quelconque utilité, à part que ce serait certainement important pour l’URSS ? Notons que Barbault était prêt pour tous les scénarios : aussi bien genre effondrement, catastrophe nucléaire, que style apothéose ou nouveau souffle. Autrement dit, tout en laissant l’Histoire arbitrer, A. B. ne se mouillait pas tant que cela, il attendait un signe de sa part et le miracle eut lieu. Il se passa bien quelque chose de spectaculaire, de mémorable. Mais, tout de même, pas un semblant de guerre, ce dont, selon nous, il n’avait à l’avance aucune assurance. Bien entendu, à mesure que l’on se rapprochait de l’échéance, il devenait plus facile de cerner l’évolution des choses mais en était-il ainsi au début des années Cinquante, quand le pronostic fut formulé ? Or, c’est bien cela qui importait à A. B. : la distance : dans le souffle interrogatif d’une configuration du plus haut niveau, formulée dans une anticipation enjambant des décennies et campant un tableau prévisionnel grandiose de l’humanité, le phénomène astrologique étant posé souverainement. (p. 11)
On devra également se demande si un tel événement n’aurait pas pu avoir lieu plus tôt, ce qui aurait vidé, ipso facto, la date annoncée de son contenu, les jeux étant faits depuis longtemps. Il conviendrait de classer :
- d’un côté les situations prévues par le modèle et qui correspondent à une dialectique fonctionnelle d’alternances, de flux et de reflux : pour reprendre la présentation d’A. B. Rythme binaire: croissance-décroissance, flux-reflux, dilatation-rétraction, anabolisme-catabolisme (pp. 12 - 13)
- de l’autre, les situations relevant de certains dérapages et qui ne présentent aucun caractère de fonctionnalité, aux effets pouvant et devant être autant que possible évitées ou en tout cas optimalisées comme par exemple un accident de voiture, lors des 24 heures du Mans, compétition dont la raison d’être n’est quand même de provoquer mort d’homme mais qui peut néanmoins en être le théâtre. Il y a évidemment des cas extrêmes où un camp de concentration peut devenir sciemment un camp d’extermination, ou la plupart des guerres, où la confrontation provoque presque inévitablement des pertes humaines, civiles ou /et militaires.
Mais pour discerner entre le normal et le pathologique, encore faudrait-il définir la norme. Dans le cas des événements de la fin des années Quatre Vingt, la norme aurait été (cf. le second volet de la présente étude, infra) un certain élagage concernant des dysfonctionnements du système soviético-communiste, ce qui était d’ailleurs l’objet affiché de la piériéstroïka de Gorbatchev. Cela ne devait pas pour autant, automatiquement, déboucher sur la débâcle à laquelle on a assisté et cette débâcle qui précarisa considérablement la puissance du camp en question n’était pas obligatoirement à l’ordre du jour et donc les effets historiques des événements auraient pu se révéler sensiblement moindres, tout comme, exactement trente ans plus tôt, la décolonisation française et notamment la situation en Algérie auraient pu évoluer autrement et avoir d’autres conséquences, moins dramatiques et moins coûteuses. Quant à ce qui se passa en 1953, avec la mort de Joseph Staline, elle échappe encore plus au cycle planétaire, de par son caractère éminemment contingent - Staline aurait fort bien pu ne pas mourir à ce moment là et que se serait-il passé à part cela ? Barbault ne répond pas à cette question: il n’aborde que les effets de cette mort et non les autres aspects induits par la configuration considérée et non par la disparition du dictateur. La comparaison entre les événements de 1953 et ceux de 1989 en est rendue d’autant plus bancale. Le changement politique ne se produisit d’ailleurs qu’en 1956 avec le rapport Khrouchtchev au XXe Congrès du PCUS et même si Staline n’était pas mort en 1953, un tournant aurait certainement eu lieu un peu plus tard, qui eut été contemporain de la décolonisation française et n’aurait donc pas été spécifique à l’URSS. Faut-il ajouter que dans un processus cyclique rien n’est, par définition, absolument irréversible : à la décolonisation peut faire suite un néocolonialisme, un impérialisme, à une révolution peut succéder une restauration, comme on l’a vu en Angleterre dans la seconde partie du XVIIe siècle et en France dans la première moitié du XIXe.
Autrement dit, la recherche en astrologie mondiale n’a nullement vocation à coller aux événements. Que dire ainsi de cette observation d’A. B. au sujet de la Seconde Guerre Mondiale ? Ce n’est pas sans surprise que (Pierre Julien) vit cette transversale couper la ligne de l’indice cyclique en 1914 même, en 1929 et en 1939 même. Poussant l’exploration dans le détail, il obtint ces intersections aux dates mensuelles d’août 1914, le mois même de l’éclatement de la Première Guerre mondiale et de juin 1939 à un trimestre de celui de la Seconde Guerre mondiale (p. 304). Est-ce que l’astrologie mondiale a vocation à recouper de telles dates parfaitement contingentes ? Il nous semble bien au contraire qu’elle fixe des tendances événementielles, c’est-à-dire qu’un certain tropisme va s’accentuer, en des lieux fort divers, sur une certaine période de temps avant que la tendance ne commence à s’inverser, ce qui implique ipso facto une démarche statistique et non pas fondée sur un événement aussi dramatique soit-il ni sur un moment quelque marquant qu’il fut.
Ne pas comprendre cela, c’est se condamner à relier entre eux des événements contingents et ne relevant en vérité d’aucun modèle sous-jacent, sinon par hasard ou du fait du nombre extrême de modelés disponibles dans l’arsenal des aspects et transits astrologiques.
On voudrait aborder, en passant, la façon assez étonnante dont A. B. aborde la question de l’Histoire de l’Astrologie après avoir examinés son idée de l’Astrologie de l’Histoire. Nous voulons parler de son Panorama historique (pp. 31 et seq) repris texto de l’édition de 1979 (pp. 19 et seq) et qu’il ne jugea pas bon de revoir, 25 ans après. A. B. a raison (p. 41) de signaler que la seule échéance astrologique pertinente pour la fin du XVIIIe siècle est 1782 mais il est vrai que les données astronomiques dont se servait un Pierre d’Ailly, au début du Xve siècle, étaient fautives. Par ailleurs, comme nous l’avons montré dans une étude sur Nostradamus (cf. Espace Nostradamus), 1792 qui figure dans une version de l’Epître à Henri II est une corruption de cette année 1782 susmentionnée. En revanche, il est dommage que Barbault n’ait pas corrigé une référence bibliographique qui n’est pas de son cru et vraisemblablement reprise d’un ouvrage paru en 1906 chez Chacornac, de Vanki (alias Trioullaire), Histoire de l’Astrologie, concernant Regiomontanus. A. Barbault semble ignorer que le pronostic concernait initialement l’an 1588 et qu’il fut retouché pour viser 1788. Il signale que ce pronostic fut rapporté comme ayant annoncé la Révolution Française : par le Journal artistique et littéraire dans ses numéros des 15 octobre 1687 (sic, page 283) et Ier février 1792 (page 234), il nous donne donc même les pages du dit Journal, recopiant en fait une erreur figurant chez Vanki (p. 70) concernant la date invraisemblable de 1687 ! En fait, Vanki (alias Trioullaire) avait déjà répercuté cette coquille en copiant un recueil datant de 1871, La Fin des temps confirmée par des prophéties authentiques nouvellement recueillies par J. Collin de Plancy, Paris, H. Plon.(p. 64), dont Vanki s’était largement inspiré.10 Il est assez attristant de voir une erreur se glisser, sans être repérée, dans la littérature astrologique française pendant plus de 130 ans ! Quant à ce qu’écrit André Barbault des recherches sur l’histoire de la Précession des Equinoxes, cela date aussi sensiblement et il ne prononce pas le nom de Charles Dupuis et de L’Origine de tous les Cultes, parue à la fin du XVIIIe siècle11 mais seulement celui de l’Allemand Sepp, au milieu du XIXe siècle (cf. p. 208). En tout état de cause, le malaise dû au regard de Barbault sur le passé de l’astrologie tient au fait que jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, on ignorait l’existence de ces transsaturniennes - et on s’intéressait probablement encore un peu trop aux étoiles fixes - lesquelles transsaturniennes jouent un rôle si crucial dans l’indice de concentration planétaire Gouchon-Barbault mais aussi dans le cycle Saturne-Neptune, base de sa prévision pour 1989, qui fait, en quelque sorte, à en croire d’aucuns, pendant à celle de Pierre d’Ailly pour 1789; et cela de façon tout aussi aléatoire au regard d’une pensée astrologique de bon aloi et qui n’est pas d’ailleurs sans évoquer le statut du nostradamisme centurique. Une telle astrologie modernisante tend à présenter - ce qui n’est nullement notre avis - les astrologues - et plus généralement les hommes - de l’Antiquité comme ayant passé leur temps à emplir, vainement, le tonneau des Danaïdes en s’acharnant sur un ciel qui leur refusait ses secrets.
Pourtant, dans son Avant-propos, A. B. insistait, à juste titre (p. 11), pour démarquer l’astrologie mondiale d’une astrologie individuelle : Avec l’astrologie mondiale, la projection de l’esprit, son objectif étant à plus grande distance et ayant la plus vaste ampleur, conditions propices pour une meilleure saisie alors qu’en astrologie individuelle (...) l’humain est au coeur du sujet, l’oeuvre d’interprétation s’opérant dans une certaine pénombre (...), c’est le lieu de découvrir l’importance première du milieu qui diffère de l’un à l’autre (...), c’est dire que la configuration natale n’offre qu’un éclairage relatif : le destin astral n’est que virtuel etc.
Or, tout se passe comme si A. B. n’avait pas vraiment respecté une telle approche, comme cet astrologue qui ayant touché au but voudrait non seulement s’en glorifier à titre personnel mais en créditer son savoir astrologique stricto sensu. Il semble bien qu’A. B. n’ait pas su résoudre un certain dilemme qui tient aux publics auxquels il s’adresse : ce qui peut convaincre les uns déplaira aux autres ; le grand public a une certaine attente envers l’astrologie qui reste marquée par l’annonce d’une date précise et vérifiée par les faits tandis que le monde universitaire - et cela vaut aussi pour les travaux de Gauquelin par opposition aux pratiques de l’astrologue - a d’autres exigences au niveau méthodologique, telles que celles que nous venons d’exposer. Que l’on songe à quel point un certain public pourrait être déconcerté, si au lieu de 1914, on trouvait 1913, si au lieu de 1939, on avait 1937, cela ne collerait plus avec les souvenirs scolaires, on retomberait dans la grisaille d’événements sans grand relief, dans le quantitatif et non plus dans le qualitatif.
Il importe de distinguer un modèle astrologique et ses applications, on passe ainsi nécessairement du singulier au pluriel et l’on remonte du pluriel vers le singulier. C’est dire qu’un même modèle autorise plusieurs lectures et qu’il revient à l’astrologue d’en énumérer un certain nombre en précisant leur degré de probabilité, dans un contexte donné. Il convient aussi de prendre en compte le facteur temps: l’humanité ne s’est pas programmée autour de dates distantes les unes des autres mais en phases successives d’une certaine durée, car les choses doivent mûrir, tout comme on ne passe pas brusquement d’une saison à la suivante. On comprend mal cette focalisation sur une date et sur un lieu, ce qui, d’ailleurs, génère inutilement une certaine précarité ; l’astrologue n’est pas dans un casino, à une table de jeu. Son champ d’étude est vaste tant dans le temps que dans l’espace et il n’a pas à être à la merci d’un cas ou d’un coup car une hirondelle ne fait pas le printemps, selon l’adage.
Approche anthropologique de l’Astrologie Mondiale |
En fait, l’astrologie fait bel et bien problème pour la science occidentale et fait l’objet depuis longtemps d’un processus de rejet, terme employé dans le titre de la thèse d’Elisabeth Tessier.12 L’ironie du sort veut que la notion même de rejet soit au coeur, selon nous, de la problématique astrologique.
Car le phénomène du rejet nous apparaît, en soi, comme parfaitement fonctionnel, au regard d’une pensée anthropologique. Il est souhaitable, en effet, qu’une société, périodiquement, procède à un certain nettoyage, à un élagage de ses branches les moins porteuses, c’est d’ailleurs parfois ce qu’on appelle une révolution, c’est-à-dire une façon de mettre les choses à plat pour voir ce qui est vraiment utile et ce qui ne l’est pas ou plus. Et il semble bien que l’astrologie ait été, plus souvent qu’à son tour, sur la sellette ou si l’on préfère sur un siège éjectable de par son caractère jugé douteux.
Nos travaux dans le domaine anthropologique - et répétons-le sans lien obvie avec l’astrologie - nous ont fait rencontré un tel questionnement : quid de tout ce qui est redondant, qui fait double-emploi, qui prête à confusion, qui pénalise le besoin de rationalité ?
Ainsi, affirmer que l’astrologie, en tant que domaine de recherche, a à voir avec le rejet nous apparaît comme une étape importante pour son devenir. Surtout, si avec une phase de rejet, on fait alterner une phase inverse d’ouverture, d’ingurgitation, par opposition à la dégurgitation.
On décrira brièvement ces deux temps dont nous pensons qu’ils concernent, au premier chef, la configurationalité astrologique.
Phase ingurgitante :
On conquiert/acquiert de nouvelles possessions, de nouveaux territoires, on procède à un recrutement, on tente de nouvelles combinaisons. C’est le temps des migrations, des brassages de populations. Politique de colonisation, de satellisation, d’ingérence, d’intervention, présence étrangère acceptée sans trop de problème. Formation de systèmes supranationaux.
Cette phase se caractérise par une philosophie égalitaire qui ne prend pas en compte les spécificités, les clivages mais place tout le monde sur le même pied, au sein d’un seul et même creuset - ce fut l’esprit de la Révolution Française et des Droits de l’Homme - il n’y a plus alors que des individus, des citoyens et les différences entre les uns et les autres appartiennent à un passé révolu dont il faut faire table rase.
Phase dégurgitante :
On dégraisse, on purge, on se débarrasse de bouches inutiles, des poids morts, des éléments indésirables; qui ont fait leur temps, on opère un tri, une sélection, gardant le meilleur. On met à l’épreuve certains éléments pour tester leur résistance, leur compétence.. Il est possible que dans les sociétés antiques, on décidait de la mort ou du bannissement de certains membres du groupe ne servant plus à rien.
Cette phase prend en compte les différences irréductibles lesquelles tendent à se manifester lorsque cette phase se développe et dès lors l’on doit se demander quels sont les clivages utiles, fonctionnels, et ceux qui ne le sont pas et qui gênent plus qu’autre chose, comment gérer au mieux un monde qui n’est pas fait d’une seule pièce. On raisonne alors plus en terme de groupes que d’individus.
Ceux qui connaissent nos travaux savent que nous relions ces phases avec les aspects de conjonction et de quadrature de Saturne avec l’axe des étoiles fixes Aldébaran/Antarés, d’où le nom d’astrologie axiale que nous avons adopté, ce qui donne des phases de 7 ans environ et un retour à la même phase tous les 14/15 ans.
L’entrée de l’humanité - car nous refusons toute corrélation géographique quelle qu’elle soit, qui serait fonction d’une configuration astrale donnée - dans une de ces deux phases n’est nullement, en soi, présage de guerre ou de paix, de crise ou de détente, pour reprendre la terminologie d’André Barbault. La guerre ou la crise peuvent venir de n’importe quelle phase, c’est un problème de gestion sociétal plus ou moins bien résolu et cela peut tout aussi bien se produire en phase ingurgitante - guerre de conquête, d’annexion (Anschluss) - qu’en phase dégurgitante - guerre civile, intestine. C’est pourquoi annoncer la paix ou la guerre, à partir d’une configuration astrale ne fait pas sens. Quelque part, la Seconde Guerre Mondiale, en son début, a été une guerre chirurgicale, où la résistance a été assez facilement balayée, conduisant à des armistices. La Seconde Guerre Mondiale ne constitue pas nécessairement un ensemble d’un seul tenant, elle a connu des tournants qui peuvent être dus à un changement de phase. Il se trouve qu’en son milieu, elle a précisément été parcourue par un passage d’une phase ingurgitante vers une phase dégurgitante.
Quarante cinq (3 x15) ans après ce passage en phase dégurgitante, nous avons une nouvelle phase dégurgitante, à savoir la décomposition de l’empire soviétique, faisant ainsi pendant à celle de l’empire hitlérien. A chaque passage en phase dégurgitante, le système dominant est mis en cause: ce sera le cas du choc pétrolier faisant suite à la Guerre du Kippour (1973), qui conduit à un nouvel ordre économique, en ce qui concerne le prix de l’énergie - le précédent ayant fait long feu. Mais encore convient-il de resituer cet événement dans son époque et d’étudier s’il n’est pas en résonance avec d’autres événements contemporains ou survenus sous une même configuration. En 1975, les Américains quittent Saigon - c’est la fin de leur Guerre du Vietnam - on est toujours dans la même phase dégurgitante. Quant à Nixon, en 1972, il est confronté au contre-pouvoir de la Presse, dans l’Affaire du Watergate et va devoir démissionner. Comme le note Max Gallo, il y a la volonté du Congrès de Washington de résister à la “présidence impériale13 ; tout cela se situe dans la fourchette 1971-1978 qui circonscrit une phase dégurgitante, de cloisonnement (cf. infra). Mais trente ans plus tôt, c’était le reflux nazi en Europe (1942-1945), la Résistance, la volonté de la France de préserver son indépendance face aux Alliés, de l’Europe Occidentale face aux Russes14, alors que quinze ans plus tôt (1956-1962), c’était la fin de l’empire colonial français - après un refus, en 1954, en phase de décloisonnement, de la part de Pierre Mendés-France de voir les départements d’Algérie se détacher de la France15 - et quinze ans plus tard (1989-1991), ce sera la débâcle russe, laquelle aura permis à A. B. son succès prévisionnel, lequel ne doit pas grand chose à une science astrologique digne de ce nom. L’Histoire se répète sans nécessairement bégayer car cette répétition n’est pas un simple mimétisme, elle correspond à une exigence profonde de ce que par commodité on pourrait appeler l’Inconscient Collectif.
André Barbault n’a pas appréhendé une telle cyclicité laquelle d’ailleurs peut recouper le cycle Saturne-Neptune, dans la mesure où Neptune, en tant que planète lente (165 ans pour faire le tour du zodiaque) peut, jusqu’à un certain point, jouer le rôle de l’axe Aldébaran/Antarés, selon les aspects qu’il entretient avec celui-ci. Neptune est passé sur Antarès en 1971 et en 1989, il était au milieu du signe du capricorne, donc en pleine phase dégurgitante, laquelle se poursuit jusqu’à la fin du signe du verseau. Or, en 1989, Saturne se conjoignait à Neptune, au début du Capricorne, ce qui équivalait à une conjonction axiale. Pour Pluton, qui est encore plus lent (248 ans environ pour faire le tour du zodiaque), l’assimilation avec une étoile fixe est encore plus aisée. Pluton, enfant chéri des astrologues modernes qui ne jurent que par cette planète, sa révolution elliptique de 248, 6 ans, la place parfois brièvement entre Neptune et la Terre (...) petite rocheuse parmi les géants de gaz, (qui) est sans doute le plus gros sujet d’une ceinture de débris cernant le systéme solaire.16
Nous pensons donc que ce ne sont pas les transsaturniennes qui agissent dans le processus de l’astrologie mondiale mais bien les étoiles fixes. Cela tient au fait que l’humanité, de très longue date, s’est programmée pour vivre une certaine alternance sociale, ayant des incidences sur le statut des populations, sur certains configurations saturno-stellaires, ce qui ne signifie nullement que les astres agissent sur les hommes mais que ceux-ci ont été instrumentalisés par l’humanité, à partir d’un premier noyau de population.
Si un cycle Saturne-planète lente peut fonctionner, grosso modo, en revanche qu’en est-il de l’indice de concentration planétaire lequel combine les diverses planètes lentes aux fins de parvenir à un coefficient qui croit ou décroît selon que les astres se rassemblent sur un espace zodiacal étroit ou au contraire se répartissent aux quatre coins du zodiaque.
Le phénomène de rejet joue également, soulignons-le, pour ce qui est à garder ou à rejeter du savoir astrologique et bien entendu les avis divergent radicalement à ce sujet, tout comme en phase ingurgitante, à propos des nouveaux éléments à considérer, comme ce fut, à un certain moment le cas, pour l’insertion des nouvelles planètes, venant s’ajouter au septénaire traditionnel. C’est dire que les dites nouvelles planètes ont une présence relativement récente au sein du dispositif astrologique et qu’il est temps de se demander si leur intégration a été ou non une bonne chose.
La phase dégurgitante est bien illustrée par un autre adage : il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Que dans certains cas, cet adage ne soit pas respecté et que tout le système soit démantelé peut en effet se produire ici ou là, de temps à autre mais ce n’est nullement une fatalité et il revient, au demeurant, à l’astrologue de jouer le rôle de garde-fou à moins bien entendu de profiter de cette information, de ce passage, pour déstabiliser complètement l’adversaire.
Tout dépend aussi de l’audience de l’astrologue et de l’astrologie et il semble bien que le pronostic de Barbault n’ait été d’aucune utilité, vu son caractère extrêmement vague et son manque total de manque d’emploi. Comme dans le cas d’une épidémie ou d’une crise économique, on peut apprécier le degré de fragilité des individus comme des sociétés ou des Etats et en ce sens prévoir de quelle façon chaque cas considéré pourra être affecté par un seul et même processus cosmique, en tenant compte également de l’habileté des responsables impliqués. La crise algérienne, par exemple, n’aurait pas été vécue pareillement avec ou sans De Gaulle.
L’astrologue n’est pas là pour empêcher un événement de se produire mais au contraire pour aider à vivre au mieux une phase ainsi que pour éviter des actions intempestives, à contretemps. Il n’y a donc pas de dilemme épistémologique comme dans le cas Jonas où le prophète doit saboter en quelque sorte son propre travail. Il est donc temps que l’astrologie ne serve plus de repoussoir en annonçant des catastrophes, des apocalypses et qu’elle soit au contraire articulée sur le fonctionnement normal des sociétés, renonçant ainsi à une conception flamboyante de l’événementialité.
Pour information, signalons que nous sommes présentement en plein milieu de phase dégurgitante, ce qui correspond à une volonté de réviser un certain nombre de systèmes, à commencer par l’ONU, organisation internationale qui a été fortement secouée par la crise irakienne. On s’interroge actuellement sur son rôle, son fonctionnement et sa viabilité. Ne sommes-nous pas d’ailleurs, quinze ans après la chute du Mur de Berlin (1989) et de la fameuse échéance barbaultienne ? Les années 2004 - 2006 devraient poursuivre cette tendance sous divers aspects, de par le monde, visant à évacuer ce qui est caduc: on songe au système de la laïcité à la française mais aussi à la place de la population d’origine maghrébine en France, ou encore à la place des nouveaux Etats arrivant au sein de l’Union Européenne, au siégé de la France au Conseil de Sécurité de l’ONU, ce ne sont pas les questions qui manquent. Au delà de 2006, avec la formation du carré d’un Saturne, qui sera alors (au début du signe de la Vierge) sis à mi chemin entre Aldébaran et Antarés, l’humanité pénétrera dans une phase ingurgitante comme elle en connaît tous les quinze ans, en alternance avec la phase opposée. Ce sera une période favorable aux empires, à la formation de blocs considérables, et quelque peu hétérogènes. On songe à une évolution de la situation au Moyen Orient et à la possibilité d’une meilleure intégration d’Israël dans la région, encore que celle-ci puisse se faire dans des conditions extrêmement variées, allant de la conquête militaire de la part de l’Etat Hébreu ou du monde arabe à la formation d’une sorte de marché commun ou de structure fédérale. André Barbault met en avant dans son ouvrage17 la crise mondiale de l’année 2010. C’est en effet une année importante en ce qu’elle correspond au milieu d’une phase ingurgitante. Que ce soit par la guerre ou par la diplomatie (de type Munich), il y aura des extensions et des expansions mais cela pourra tout aussi bien se produire avant et après cette date, dans une fourchette allant de 2007 à 2014 et cela pourra affecter, peu ou prou, toutes les régions du globe.
Qu’annonce A. B. - avec un grand luxe de cycles qui rend son propos extraordinairement touffu - pour 2010 alors que nous ne nous appuyons, pour notre part que sur un seul et unique modèle ? Il y voit notamment une crise intereuropéenne (laquelle) ne peut venir que de la douloureuse reformulation de notre communauté, résultant de l’intégration des pays de l’Europe de l’Est. (p. 366). Encore une fois, le terme crise ne nous satisfait pas car tout peut être sujet à crise et donc en annonçant une crise on ne risque guère de se tromper. Que peut-il se passer en Europe, entre 2007 et 2014 ? La même chose qu’au Moyen Orient, à savoir un processus unificateur qui peut être économique, culturel, militaire, diplomatique, soit sous la domination des uns (Etats Unis) ou des autres (Russie), en passant bien entendu par une solution découlant de l’actuelle Union Européenne. Les exemples et les formules dans le passé ne manquent pas, de la conquête napoléonienne ou hitlérienne au Marché Commun en passant par le glacis stalinien. Tous les scénarios sont possibles avec un résultat - du moins vu de Sirius - assez comparable, à savoir une occasion de secouer une certaine sclérose, un certain cloisonnement, au fond une certaine constipation. Mais n’oublions pas qu’au delà de 2014, la tendance se renversera et générera elle aussi des crises d’un autre genre, pouvant être tout aussi redoutables comme tout aussi pacifiques, dont le but, cette fois, sera de faire le bilan de la viabilité des nouvelles structures en place, non sans un certain dégraissage, une élimination, au sens quasi organique du terme, qui peut lui aussi prendre des formes épouvantables, comme ce fut le cas avec l’application de la solution finale à partir de 1942, conduisant notamment à l’extermination de six millions de Juifs, jugés indésirables, et dont on pouvait se passer, dans les deux cas Saturne se trouvant conjoint à l’axe Aldébaran/Antarés (début Taureau / début Scorpion).
Il convient, nous apparaît-il, de recourir à une terminologie rigoureuse, renonçant à des formulations par trop brouillonnes ; chaque phase comporte ses menaces, ses dangers. Si l’on revient sur la situation au Moyen Orient18, la Guerre des Six Jours (1967) n’est pas la Guerre du Kippour (1973), séparées l’une de l’autre par seulement six années. On peut épiloguer sur ce qui aurait pu se passer en dehors de ce qui s’est réellement passé et c’est le rôle de l’astrologue de formuler les différents scénarios en insistant sur le facteur temps qui fait que chaque phase déclenche un compte à rebours. Comme dit l’Ecclésiaste, il y a un temps pour chaque chose, ce qui vaut pour un temps x ne vaudra pas pour un temps y., les postures, les stratégies changent, alternent. La victoire de l’Etat Hébreu en 1967 n’était pas inscrite dans les astres, mais cette guerre ne pouvait que modifier les frontières et les rapports de force, ce qui en soi était un progrès si on admet que l’humanité a besoin périodiquement de secousses, d’électrochocs pour ne pas stagner. Cette guerre ingurgitante mit en contact des populations qui ne se fréquentaient pas, à savoir les Israéliens et les arabes de Cisjordanie. En cas de victoire arabe, le contact aurait d’ailleurs également eu lieu, bien entendu dans des conditions tout autres mais tout de même. En 1973, la nouvelle guerre, cette fois, dégurgitante - on pense à Saturne recrachant ses enfants qu’il avait avalés - impliquait une révision de la situation, un certain délestage de territoires mais aussi de comportements dépassés. Dans le cas de l’Irak, l’action s’est déroulée en phase dégurgitante, tout comme pour l’Afghanistan, il s’agissait de se débarrasser des talibans ou de Saddam Hussein ; on en avait raz le bol, leur présence, leur existence devenaient chose insupportable, intenable. On ne devra donc pas confondre des entreprises d’évacuation - phase dégurgitante - de tel élément au sein d’un ensemble, en l’occurrence la scène mondiale et celles qui visent à faire partager - phase ingurgitante - à un plus grand nombre les bienfaits d’une société donnée, en favorisant notamment l’immigration et la colonisation. C’est dire que les interventions, les guerres peuvent avoir des raisons fort diverses : supprimer un facteur jugé nocif ou perturbateur, ou envahir une région pour l’inscrire dans un certain espace et lui appliquer un certain traitement socio-politique ou autre, au nom d’une certaine idéologie.
Il convient de se méfier de certains rapprochements superficiels : la chute du Mur de Berlin n’a pas le même sens que la construction, dans les années 2003/2004 du Mur séparant Israël de la Cisjordanie, alors que la configuration astrale est la même, du moins selon l’astrologie axiale. Dans les deux cas, le rapport au Mur est marqué par le rejet (phase dégurgitante). Rejet actuellement par les Israéliens de l’entité arabo-palestinienne et de ses manifestations terroristes qui l’emporte sur d’autres considérations plus ou moins expansionnistes qui avaient prévalu jusqu’alors et rejet, en 1989, quinze ans plus tôt, d’un symbole séparant inutilement, au nom de clivages idéologiques jugés dépassés, un même peuple allemand en deux. On notera que la politique actuelle de la Russie est bien différente aujourd’hui de celle qui prévalut, il y a un demi-cycle de Saturne, on le voit avec le traitement de la Tchétchénie, région russe qui est entrée dans un processus de sécession. On peut tout à fait considérer qu’il y a quinze ans, les choses auraient pu se dérouler tout à fait autrement que ce ne fut le cas ; il ne faudrait pas oublier que ces mouvements indépendantistes ne parviennent généralement à leurs fins que du fait d’un raz le bol de la part de la puissance impériale, laquelle jugé bon de se défaire ainsi d’un boulet. Mais un phénomène de ce type est universel et récurrent : personne n’y a échappé, personne, tôt ou tard, n’y échappe: les Etats Unis ont bien connu leur Guerre de Sécession. La question n’est pas tant de savoir si ce rejet, qui peut prendre différentes formes et avoir différents degrés, parvient à ses fins ultimes, s’il est ou non contrecarré par une poigne suffisamment forte, mais si un processus de ce type a bien eu lieu. C’est dire qu’il faut inclure dans nos statistiques des mouvements qui firent long feu mais qui connurent un commencement d’exécution et pas seulement ceux qui réussirent de façon plus ou moins spectaculaire. En ce sens, l’Astrologie Mondiale ne se situerait pas à la traîne de l’Histoire mais pourrait en constituer un moteur d’investigation, en quête d’un certain type d’événements qui auraient pu être peu ou prou négligés.
On pourrait multiplier les exemples pour montrer que l’astrologie peut avoir sa façon à elle d’écrire l’Histoire passée, présente et avenir et qu’elle n’a pas à chercher, comme le croit un André Barbault, à correspondre avec ce qui résultera en fin de compte sur le plan événementiel et qui ne sera jamais qu’une réalisation parmi d’autres possibles, partant dans tous les sens; on ne raisonne pas sur l’aléatoire sauf à l’inscrire dans un ensemble d’éventualités Il revient à l’astrologue de pratiquer un pronostic envisageant ces différents possibles, sans qu’on puisse pour autant lui reprocher d’annoncer une chose et son contraire. A lui de bien savoir se faire entendre. Insistons enfin sur un point : ce qu’annonce l’astrologie n’est pas original, et somme toute banal : dire qu’il va (re)pleuvoir tôt ou tard n’intéresse personne, dire quand cela se produira et combien de temps cela durera est sensiblement plus précieux. C’est pourquoi il n’est pas de travail astrologique digne de ce nom qui ne s’inscrive dans une chronologie, dans un calendrier; ôter ce référentiel à l’astrologie, c’est la châtrer, ce qui est probablement ce qui s’est passé avec le discours nostradamique, déraciné, déconnecté de toute connexion temporelle et évoluant dans une sorte de vide historique. Mais, pour garder cet exemple qui vaut ce qu’il vaut, affirmer qu’il pleuvra ici plutôt qu’ailleurs, que la pluie aura des effets plus ou moins heureux en tel ou tel endroit - dans le désert ou dans les marais - exige de connaître le terrain et relève plus du travail de l’astrologue en situation que du modèle astrologique proprement dit. A force de vouloir rendre compte de la diversité des situations, on se voir obliger de segmenter le modèle, de le diversifier en multipliant les combinatoires célestes, pour en arriver finalement au thème astral qui est l’aboutissement délirant de ce processus de segmentation. Il importe, en ce qui nous concerne, de désegmentiser, de décloisonner le modèle astrologique pour en revenir à un modèle universel, valant pour l’ensemble de l’Humanité, pour la totalité des personnes et de distinguer astrologie fondamentale et astrologie appliquée.
Peter Lemesurier parle de l’effet Janus Cf. Nostradamus in the 21st Century, Piatkus, 2001, p. 3) :
Nostradamus would have arrived at his major prophecies by looking back at significant ancient events (or even relatively minor recent ones), then establishing in which signs or houses the various planets were at the time and finally working out when some at least of these would be in the same position again in the future.
Mais qu’est ce qu’un événement important, est-ce que cette importance que nous lui accordons s’inscrit ipso facto dans les astres ? Prenons quelqu’un qui prend sa voiture tous les jours et un beau jour a un accident : en quoi ce jour là diffère des autres jours, n’est-ce point là un épiphénomène, quand bien même ce jour resterait-il mémorable pour l’intéressé ? Il ne faudrait pas transposer à l’échelle de l’astrologie mondiale, la mentalité de l’astrologue de cabinet19 l’astrologie authentique, non pas celle qui est instrumentalisée par une certaine clientèle, se situe au dessus de la mêlée ! Imaginons que l’on veuille ainsi rendre compte de tous les jours où quelque chose de grave s’est produit, croit-on que l’on parviendrait ainsi à on ne sait quelle loi ? En revanche, le fait que durant telle période, la personne en question n’ait plus voulu utiliser sa voiture pourrait davantage interpeller le chercheur au niveau cyclique. Il y a là comme une opposition entre une approche qui s’arrêterait aux symptômes et une autre qui appréhenderait les causes plus profondes; notre démarche nous semble davantage s’inscrire dans une sorte de logique homéopathique plutôt qu’allopathique, du fait qu’elle considère l’ensemble du corps social dans son fonctionnement normal et qu’elle ne se polarise pas sur les seules crises, lesquelles il convient absolument de distinguer des stades et des seuils, les crises ne sont pas stricto sensu nécessaires au système sociopolitique, même si elles sont peu ou prou inévitables - il y a toujours des victimes, des laissés pour compte, du changement quel qu’il soit - alors que les stades ponctuent une rythmique aussi vitale que l’alternance du sommeil et de l’éveil. Ce qui nous semble devoir prévaloir en astrologie, c’est de ne plus penser le temps humain, sociétal, comme marqué périodiquement par des dates clefs mais comme constitué de phases qui s’enchaînent les unes dans les autres, selon un certain continuum, qui ne saurait être entrecoupé de vides. Si l’on peut éventuellement fournir des dates, ce ne sont pas celles où des événements marquants auront nécessairement lieu, mais celles où un revirement est à prévoir dont les implications vont s’étaler sur plusieurs années, jusqu’à la date suivante. Les dates que l’astrologie est susceptible de fournir concernent plus le contenant que le contenu, c’est ce qui se passe entre ces dates qui compte, tout comme un pays ne se réduit pas à ses frontières.
Notre diagnostic, c’est que l’astrologie aura trop longtemps refusé cette dualité entre la théorie et la pratique et tenté de modéliser ce qui ne pouvait l’être : le concept astrologique aura ainsi conduit à des hypostases aux cycles divers et variés du type Saturne-Neptune, Saturne-Uranus, Uranus-Neptune et j’en passe, et à des métastases horoscopiques dont il s’agit désormais de le débarrasser, de le libérer, en cette phase dégurgitante (cf. supra) que nous traversons présentement.
L’avenir de l’astrologie n’est pas d’être en redondance avec la psychologie ou avec l’Histoire en utilisant des outils faisant problème, par leur étrangeté. Car avant tout, reconnaissons-le, l’astrologie apparaît bel et bien, en Occident, comme un corps étranger, appartenant à une autre civilisation ; on serait prêt à l’intégrer au sein de la Cité Scientifique à condition qu’elle démontre son utilité et qu’elle ne se contente pas de se succéder à elle-même, en fonctionnant dans un univers parallèle.20
La comparaison avec la situation des Musulmans en France nous semble avoir une certaine valeur heuristique.21 Une société peut certes penser qu’ il faut de tout pour faire un monde mais à certains moments, elle en vient à s’interroger sur l’intérêt qu’elle peut avoir à laisser s’instaurer des structures distinctes mais revendiquant le même objet, le même rôle. Ce que ne semble pas avoir compris André Barbault, tant au niveau de la psychanalyse22 que de la politique23, c’est qu’il ne s’agit pas de faire la même chose par d’autres moyens mais de faire quelque chose d’autre, avec ses propres moyens, qui ne vienne pas simplement se légitimer par référence aux autres savoirs, de façon que l’on pourrait qualifier de parasitaire. On vient de voir à quel point l’approche qu’illustre A. B. de l’astrologie mondiale est, somme toute, paradoxalement, conformiste, se contentant de se greffer sur un discours historique scolaire et vulgarisé. It is not good enough !
Si l’astrologie veut se faire accepter, en dépit de son étrangeté - sauf dans des phases ingurgitantes, où tous les moyens sont bons - il importe qu’elle fasse la preuve de sa complémentarité par rapport aux savoirs en place, faute de quoi, elle risque fort de subir, à nouveau de plein fouet, une période de rejet et, au mieux, de mise sous tutelle, cantonnée dans les bas fonds de la culture moderne.
L’Astrologie appliquée aux problèmes de société |
L’Astrologie Mondiale nous semble en définitive plus proche de la sociologie que de l’Histoire, même si son histoire a jusqu’à présent été avant tout celle d’une Astro-Histoire. Ou si l’on préfère, l’A M. se rapprocherait d’une Histoire qui serait fortement imprégnée de sciences sociales et donc qui relativiserait l’événementiel en le réduisant à une tendance.
L’astrologue a une place à prendre en tant qu’analyste des problèmes de société, des questions d’immigration, de sexe, de famille, de communauté, de laïcité, de politique sociale notamment ; pour cela, il importe d’adopter une approche dialectique et finalement cyclique.
Pourquoi les sociétés sont-elles diverses et à quoi rime une telle diversité ? On pourrait ici parler d’une approche diversologique : quelle est la raison d’être, la légitimité de la différence, tant aujourd’hui qu’hier ?
Nous vivons à l’évidence dans un monde qui ne sait plus gérer les différences, qui en est encombré sans parvenir à leur donner du sens.
Or, si l’on réfléchit à partir de l’anatomie, chaque organe spécifique est censé assurer une fonction spécifique et servir à quelque chose qui a un rapport avec le bon fonctionnement de l’organisme tout entier auquel le dit organisme appartient. Si, par exemple, j’ai un bouton sur le nez, on se demandera à quoi cela peut bien me servir. Le bouton sur le nez n’est pas le nez et pourtant on le remarque parfois tout autant. Inversement, s’il me manque un bras, on pourra se demander s’il n’y a pas là cause de dysfonctionnement, handicap pour accomplir parfaitement certaines tâches.
Il n’empêche que la diversité génère de la fatigue, laquelle devra être justifiée ; il faudra que cela en vaille vraiment la peine. C’est comme de constituer une équipe, moins on est, a priori, mieux cela vaut mais parfois on n’a pas le choix, il faut alors recruter, enrôler.
La diversité s’oppose au principe d’économie de moyens. Chacun sait que plus on est nombreux et différents et plus les risques de frottement, de déperdition d’information se multiplient.
Or, l’héritage que nous avons reçu du Xxe siècle est celui de tout un lot de différences dont on ne sait plus que faire et cela parce qu’elles ne correspondent pas ou plus à des fonctions spécifiques, ou du moins identifiables en tant que telles, les unes par rapport aux autres.
Prenons le cas des familles monoparentales : pourquoi y aurait-il, en effet, deux parents quand un seul suffit ou quand les deux prétendent accomplir les mêmes tâches ? Ce cas montre bien qu’on ne plaisante pas avec les doubles emplois. Il n’en serait pas ainsi si la complémentarité entre père et mère était encore clairement perçue et appliquée.
Les sociétés ne s’encombrent pas indéfiniment de différences inutiles et illégitimes, d’un point de vue fonctionnel. Elles comportent des mécanismes leur permettant périodiquement d’évacuer, de mettre à la poubelle - on emploie aussi l’expression en informatique - ce qui ne sert plus à rien, à tort ou à raison, et selon nous ces mécanismes ont à voir avec une certaine forme d’astrologie.
Prenons le cas des immigrés et notamment des maghrébins ; notre société se demande si cela vaut vraiment la peine de devoir gérer une telle différence, notamment religieuse alors que ces populations n’ont pas de rôle particulier à y jouer et, en toute ingénuité, revendiquent des droits identiques, tout en imposant leur différence. Or, on ne peut pas combiner égalité et différence, c’est là un postulat propre au bon fonctionnement de toute société. Chaque différence au niveau du signifiant, c’est-à-dire de l’apparence, des signes extérieurs, doit correspondre à une différence au niveau du signifié, c’est-à-dire des activités assurées. En d’autres termes, il est essentiel que des présentations différentes, ne serait-ce que vestimentaires, correspondent à des fonctions sociales distinctes. Une machine ne peut pas se permettre d’avoir deux boutons de couleur différente qui auraient en fait la même fonction.
Quid dans ce cas de la période durant laquelle on n’évacue pas, celle qui, en astrologie axiale, porte le nom de phase ingurgitante ? Il s’agit d’une période où les individus affirment moins leurs différences, ce qui fait donc moins problème dans la mesure où ils semblent interchangeables, l’un valant l’autre, l’un remplaçant l’autre, ce qui les distingue extérieurement s’estompant, n’étant plus qu’un coefficient individuel sans importance, permettant un minimum d’identification, en soi nécessaire; il faut bien que l’on désigne les individus par un prénom, qu’on les reconnaisse à quelque détail, mais sans plus.
Autrement dit, le passage de la phase ingurgitante à la phase dégurgitante tiendrait à un changement de comportement de la part des individus, à un instinct différenciateur qui se réveillerait périodiquement. En fait, la phase ingurgitante ne correspondrait qu’à une pause, à une sorte de sommeil de la différenciation, à une interruption; une suspension, du processus de rejet, conduisant à une collaboration (sous l’Occupation Allemande en France par exemple) qui sera par la suite dénoncée, en phase dégurgitante, comme trahissant un excès de tolérance envers ce qui est autre. Cette complaisance par rapport à l’autre est en dialectique avec la notion de résistance. C’est donc bien l’altérité qui est ici en question et dont l’astrologie, selon nous, aurait à traiter.
C’est que les sociétés ne sont pas faites pour un homme unidimensionnel, selon la formule de Marcuse. Elles ont besoin d’une certaine diversité mais pas de n’importe laquelle. Tout se passe comme si les différences manifestes ne correspondaient pas aux besoins fonctionnels de nos sociétés, comme si le signifiant était décalé par rapport au signifié, comme s’il existait une foule de mots pour dire la même chose et par ailleurs une pénurie de mots pour désigner certains besoins fonctionnels. Et c’est à ce réajustement, cette remise en adéquation, que doit procéder la phase dégurgitante.
La phase ingurgitante déconnecterait signifiant et signifié tandis que la phase dégurgitante tenterait de les reconnecter.
On conçoit que cela ne fasse jamais du jour au lendemain et qu’une phase ait besoin de temps pour se déployer, pour pendre tournure, avant de parvenir à son rythme de croisière et c’est cette notion de durée qui nous semble manquer dans l’Astrologie Mondiale selon André Barbault, laquelle se focalise sur des événements, des rendez-vous, ponctuels, à la façon de l’astrologie individuelle, les personnes n’ayant pas la même échelle de temps que les sociétés.
C’est dire que la phase dégurgitante va devoir corriger certains errements, certains flottements, de la phase ingurgitante et que cela aura un certain coût humain. A la notion quantitative d’individu interchangeable, propre à la phase ingurgitante, va s’opposer, dialectiquement, celle de groupe, ayant génétiquement ou/et culturellement une Histoire particulière à prendre en compte. Non pas que l’individu disparaisse en phase dégurgitante mais c’est, désormais, un individu porteur d’un certain héritage, de certains dons dont il est ou non conscient et non pas un individu lambda, que l’on peut (re) programmer à volonté, sans se préoccuper de ses antécédents.
On admettra que cette dialectique est l’expression d’un modèle sociétal cohérent, sans lequel l’humanité ne serait pas ce qu’elle est. Aucune des deux phases ne saurait perdurer indéfiniment, chacune doit laisser la place à l’autre. En tout état de cause, quoi que l’on fasse, c’est bien ainsi que les choses se passent mais il semble préférable d’en être conscient de façon précisément à éviter certains débordements. C’est dire qu’une telle optimalisation n’irait va pas vraiment dans le sens d’une astrologie mondiale à la Barbault friande d’événements dramatiques et donc spéculant en quelque sorte sur un certain échec dans la gestion de l’alternance des phases. Or, si les sociétés accordent quelque place à ceux qui sont capables de soigner, d’apaiser les crises, notamment les médecins, elles n’ont que faire des Cassandre annonçant des catastrophes ou des fins du monde du fait que leur myopie ne leur permet de percevoir que ce qui se manifeste de façon spectaculaire.
De la même façon que les hommes ont appris, avec le temps, à repérer les planètes parmi les étoiles, de même, le fil de l’Histoire exige pour qu’on le discerne une certaine patience et des relevés précis et multiples. La problématique du jour et de la nuit, du noir et du blanc, est bien trop simpliste, elle est à la portée de l’animal. En revanche, l’astrologie est l’oeuvre des humains et fonction de leur intellect ; contrairement à ce que laisse entendre A. B., les astres n’agissent sur l’humanité que dans la mesure où celle-ci a su et voulu les instrumentaliser pour ses besoins et s’est programmée en conséquence ; c’est dire qu’Uranus, Neptune et Pluton n’ont pas voix au chapitre et qu’il faut s’en tenir aux planètes jusqu’à Saturne et pas au delà.
Il ne s’agit donc de rien de moins et rien de plus que de décrypter le programme que certaines sociétés - et par extension toute l’humanité - se donnèrent à elles-mêmes et dont nous sommes toujours porteurs ; nous avons bien entendu affaire à un programme qui ne prévoit pas de guerre, de danger mais qui organise le temps et l’espace social en ménageant des phases complémentaires (celles que nous avons décrites plus haut) et des populations complémentaires (hommes et femmes par exemple mais certainement d’autres telles que les professions liées aux résultats statistiques de Gauquelin, à partir de 1955). L’astrologie ne peut faire l’impasse sur l’approche statistique, même si cette approche ne rend pas compte de cas particuliers et donc n’intéresse pas au premier chef l’astrologie dite individuelle, ce qui montre bien que l’individu échappe à l’astrologie du moins en ce qu’il a de spécifique alors qu’il peut s’y inscrire par la voie statistique en tant que membre d’un certain groupe réagissant, lors de la naissance, de façon spécifique aux mouvements célestes.
En ce sens, nous dirons qu’en phase dégurgitante, les catégories planétaires de type Gauquelin devraient jouer un rôle plus important qu’en phase ingurgitante, elles renvoient à une structure innée. Or, avec ces catégories (associées à Lune, Vénus Mars, Jupiter et Saturne) nous touchons à des différences faisant vraiment sens et correspondant à de véritables fonctions socioprofessionnelles, ce qui ne semble pas être le cas de la typologie zodiacale, pourtant si populaire mais ne s’articulant pas sur le mouvement réel d’une planète mais sur une division artificielle et virtuelle du ciel à moins de n’y voir une référence aux étoiles fixes.24
Autrement dit, on ne saurait séparer le problème diachronique de la cyclicité de celui de l’émergence de structures inhérentes au fonctionnement social synchronique, tout comme il ne peut y avoir alternance en politique sans qu’il existe au moins deux partis. Mais n’est-ce pas là rejoindre la démarche d’André Barbault, attribuant tel cycle planétaire à telle région ? Nous avons, dans nos travaux extra-astrologiques distingué découpages verticaux et horizontaux.25 Or, le découpage socioprofessionnel est de type horizontal, c’est-à-dire qu’il se retrouve au sein de toute société, tandis que le découpage géopolitique est, quant à lui, de type vertical et un tel découpage, selon nous, ne saurait, en revanche, relever de l’astrologie. Le découpage horizontal s’inscrit dans une logique fonctionnelle (compétences spécifiques propres à tel ou tel groupe au sein d’une société donnée) et est lié à la phase dégurgitante tandis que le découpage vertical génère des entités parallèles (Etats, nations, langues, religions etc) et pas forcément complémentaires, ce qui est lié à la phase ingurgitante, selon laquelle tous les membres au sein d’un cadre donné - on est dans la verticalité - sont égaux, refusant la notion de hiérarchie naturelle, génétique, au profit d’une hiérarchie conventionnelle transcendant les clivages ancestraux.
La phase dégurgitante est cloisonnante, elle met fin aux grands espaces impériaux, en laissant se redresser les haies nationales mais aussi les corporatismes de toutes sortes ; elle accentue le morcellement des blocs, notamment par la décolonisation, même si elle laisse de fait émerger des structures sous-jacentes existant sous le vernis de la modernité tandis que la phase ingurgitante tend à décloisonner, à unifier, à faire sauter les barrières, à affaiblir les syndicats, elle correspond assez bien au thatcherisme - Margaret Thatcher a été Premier Ministre de 1979 à 1990, en période ingurgitante jusqu’en 1986, ce qui correspond aussi à la présidence de Reagan (1981-1989), dans le même sens d’une déréglementation, d’un libre échange. En ce sens, la droite tendrait davantage à abolir les frontières factices pour favoriser l’émergence de vrais clivages tandis que la gauche tendrait à respecter les attachements spécifiques, même s’ils n’ont pas de justification fonctionnelle évidente. La droite serait dans l’horizontalité et la gauche dans la verticalité (cf. supra).
Il est probable que chaque phase par ses excès conduit à l’avènement de la phase suivante, d’où la nécessité d’une alternance tranchée des politiques qu’il faut respecter plutôt que de recourir à des formes bâtardes de cohabitation, ce qu’a priori la Ve République aurait du pouvoir éviter, lesquelles formes ne permettent guère de profiter pleinement des potentialités propres à chaque phase. A force de décloisonner, il n’y a plus de contre-pouvoir, plus de contrepoids à un pouvoir tout puissant et s’exerçant sans entraves, sans garde- fou mais, pareillement, à force de cloisonner, de décentraliser, on ne peut plus gouverner, tant tout est compartimenté, à la merci de particularismes de toutes sortes, obéissant à des règles et à des pratiques différentes d’un groupe à un autre, d’un lieu à un autre.
Il convient de poser le problème en termes de stimulus-réponse. La configuration astrale (planète / étoile) déclenche, au cours de son déroulement, une succession de tropismes en sens inverse les uns des autres, selon la formation de la part de la planète de carrés ou de conjonctions / oppositions à un référent stellaire fixe. Le stimulus est ressenti intérieurement par chaque individu - cette sensibilisation fait partie de son bagage génétique - et il va devoir réagir et répondre au dit stimulus de façon à l’assouvir, à le satisfaire, en tout cas à le calmer. De la même façon que notre besoin individuel de nourriture matérielle est résolu socialement par la structure économique, agricole, de même notre besoin de notre besoin de nourriture psychique finit par être pris en charge par la société. Mais sans ce besoin individuel, la société ne s’organiserait pas pour satisfaire un tel besoin multiplié par le nombre de membres du groupe. C’est ainsi que les infrastructures politiques font pendant aux infrastructures économiques et satisfont des besoins complémentaires, obéissant à des cycles différents. L’astrologie, pour sa part, a vocation à traiter des infrastructures politiques et à contribuer à les gérer. Force est de constater, cependant, qu’à la même époque des politiques opposées peuvent être conduites dans des pays voisins, au sein de l’Union Européenne : que l’on compare au début des années 1980 l’Angleterre ultra-libérale de Margaret Thatcher à la France socialo-communiste de François Mitterrand mais très vite les socialistes, avec Laurent Fabius comme premier ministre (de 1984 à 1986) devront infléchir leur politique et les Communistes quitter le gouvernement.
Nous l’avons souligné, le fait astrologique est à la base d’ordre statistique. C’est pourquoi nous pensons que l’astrologue n’est pas là pour rester un observateur extérieur mais pour agir au sein même de l’appareil politique, pour mener à bien une stratégie tenant compte du contexte astral et en tirer le meilleur. Et ce serait là la nouveauté du XXIe siècle : l’astrologie cesserait d’être passive pour devenir active; on notera d’ailleurs qu’elle est plus active en tant qu’astrologie individuelle qu’en tant qu’ astrologie mondiale. Il convient cependant de constater que les travaux en astrologie mondiale n’intéressent plus guère que les astrologues26, ce qui est triste pour ces derniers mais qui est assez consternant pour la science historique, laquelle a vu ses ambitions réduites à rendre compte du passé sans préjuger de l’avenir; ce faisant, sans l’enjeu de la prospective, la science historique n’est-elle pas vouée à s’attarder à des phénomènes superficiels et à tenter de reconstituer ce qui s’est passé et qui est aléatoire plutôt qu’à cerner les lignes de force sous-jacentes ? Pour notre part, en tant que spécialiste de Nostradamus, nous faisons nettement la différence entre le travail d’orfèvre de restauration du cours anecdotique et sinueux des éditions des Centuries et la réflexion sur les forces en jeu dans l’Histoire de l’Humanité : ce sont là deux approches du passé singulièrement distinctes bien que complémentaires.
L’intervention au niveau individuel ne fait pas sens car les problèmes posés - on vient de le montrer - doivent être structurellement posés à l’échelle collective : on fabrique des machines en série, on lance des produits de masse alors que l’astrologue en reste à des formules artisanales qui sont complètement décalées par rapport au monde dans lequel nous vivons si tant est qu’une telle approche ait jamais fait sens, toute société, depuis des millénaires, ayant tendu à s’organiser pour satisfaire peu ou prou les besoins de l’ensemble de ses membres. C’est pourquoi nous avons dénoncé les techniques prévisionnelles individuelles, s’articulant sur le thème astral et qui, par un tel cloisonnement, cassent l’idée d’une rythmicité collective. Les horoscopes populaires des média ont au moins l’avantage d’inscrire l’individu dans la conscience d’un destin de groupe, celui des natifs du signe alors qu’a contrario, la consultation individuelle, basée sur des données plus sophistiquées, plus savantes, confine à un exercice de voyance ou en tout cas à une pratique thérapeutique, littéralement parapsychologique.
Le paradigme révolutionnaire
Il nous semble indispensable que l’astrologie se (re)situe dans un cadre anthropologique, elle est l’héritage de l’organisation socio-politique des sociétés traditionnelles, elle est l’expression de leur mode de fonctionnement dans son rapport au temps et à l’espace; la présenter comme un processus enfin révélé grâce à l’astronomie moderne et s’étant exercé à l’insu de l’humanité pendant des millénaires nous paraît anachronique et constituer un contresens de première grandeur. C’est en réfléchissant à la façon dont les sociétés traditionnelles étaient structurées que l’on déterminera ce dont l’astrologie a à rendre compte. Or, selon nous, ces sociétés étaient avant tout marquées par un certain utilitarisme, c’est-à-dire que les différences anatomiques, ritualisées (comme la circoncision), vestimentaires, n’étaient pas gratuites, elles signifiaient des activités bien distinctes de la part des individus marqués par telle ou telle appartenance ostentatoire. Parfois, ces différences cessaient de faire sens et il convenait alors de les faire disparaître comme étant caduques, c’était le rôle de ce que nous avons appelé la phase dégurgitante et qui pouvait impliquer des massacres ou des bannissements. Mais il ne fallait pas que cette phase durât trop longtemps et au bout d’un certain temps, on avait droit à une pause, un processus d’intégration se mettait en place impliquant une période d’initiation, de recyclage, ce que nous avons appelé la phase ingurgitante mais la phase ingurgitante ne se situe-t-elle point dans le prolongement d’un processus dégurgitant d’abolition (des Privilèges) des clivages, allant au delà même des clivages ayant leur utilité, conduisant ainsi à une suppression de toute forme de corporation (Loi Le Chapelier), phase engloutissant ses propres enfants, dont la Révolution Française fut probablement la manifestation la plus emblématique, et qui fut suivie, de façon antithétique, par une phase dégurgitante visant à restaurer sous les décombres les structures les plus vitales, renaissant tel le Phénix ? Ainsi, la phase dégurgitante nous apparaît-elle comme plutôt penchant vers ce qu’on appelle la droite et l’ingurgitante comme plutôt marquée à gauche, notions nées sous la Convention. Il s’agit de nourrir les notions astrologiques des concepts nés de la sociologie et de l’anthropologie plutôt que de plaquer sur le monde une symbolique vétuste appartenant à l’épopée et à la mythologie, quand bien même aurait-elle des lettres de noblesses archétypales. On aura, en effet, remarqué, que notre conception de Saturne n’a rien à voir avec la représentation figurant dans les livres d’astrologie, même si, on l’a vu, un certain mythe relatif au dieu Kronos / Saturne - illustré par Goya - avalant puis recrachant ses enfants (Jupiter, Neptune et Pluton) nous semble constituer - avec d’ailleurs les saturnales, fêtes célébrées en son honneur et qui rejetaient ou inversaient durant quelques jours les divisions sociales - la clef d’un authentique système d’astrologie mondiale.
L’astrologie mondiale n’a pas à fonctionner comme l’astrologie individuelle, elle n’a pas affaire à un seul sujet d’expérience mais à un ensemble en quelque sorte illimité, dans le temps et dans l’espace ; c’est pourquoi elle ne saurait mettre tous ses oeufs dans le même panier : il ne s’agit pas pour elle de réussir un pronostic ponctuel lequel ne prouverait rien : s’il semble réussir, cela peut être le résultat du hasard et s’il échoue, cela ne remet pas en question la grille utilisée mais ne fait que relativiser ses applications et ses manifestations ; c’est la statistique qui aura le dernier mot en astrologie mondiale à conditionner de décloisonner son champ et de ne pas maintenir divers cycles pour diverses contrées, selon les principes de l’ancienne chorographie, d’une géographie sacrée, bien étudiée par Jean Richer, parfaitement obsolète, quelle qu’en puisse être la (re)formulation.
Pour un commentaire astrologique de l’Histoire |
Nous pensons être parvenue à une formulation heureuse en mettant l’accent sur les processus de cloisonnement et de décloisonnement, probablement préférables à d’autres que nous avions élaborés jusqu’à présent et dont un des premiers, en 1976, fut celui de multiplicité et d’unité.27 Mais c’est par la commodité d’application sur le terrain et de lecture des événements que nous vérifierons la valeur d’une telle terminologie.
C’est ainsi que nous rattacherons à l’idée de cloisonnement toute démarche visant à renoncer à prendre en charge une population, un territoire ; cela peut donc être de l’indifférence, de l’abandon dans le genre cela ne me concerne plus, je m’en désintéresse, ce n’est plus mon problème, etc. Ce sera le cas pour la décolonisation qui met fin à une certaine tutelle et qui tend à multiplier les entités et les instances, passant ainsi du centre unique à une pluralité de centres. C’est cela le cloisonnement. Parfois, cela peut se manifester littéralement par la construction d’une enceinte, d’un mur, comme celui qui se met en place autour de la Cisjordanie, précisément en phase de cloisonnement.
La lisibilité n’est pas toujours évidente : la chute du Mur de Berlin (1989) eut lieu en phase de cloisonnement mais il s’agissait de la conséquence du cloisonnement du bloc communiste, ce qui eut pour effet la réunification allemande, dès lors que l’Allemagne de l’Est n’était plus sous la coupe de Moscou. Mais c’est en 1961 que ce mur fut édifié, donc 28 ans plus tôt, donc également en phase de cloisonnement. Et en 1961, il s’agissait bien d’empêcher les gens de Berlin-Est de passer à l’ouest, bel exemple, emblématique, en effet, de cloisonnement. Le cloisonnement, c’est aussi couper les ponts, au sens propre comme au sens figuré, trancher le cordon ombilical, mettre fin à une relation de dépendance, etc. C’est en période de cloisonnement que les empires, périodiquement, se morcellent, se démembrent, se disloquent, ce qui multiplie les centres de décision, soit parce qu’ils le souhaitent, soit parce qu’ils y sont contraints par ceux qui tiennent au décloisonnement. Les cas sont rarement isolés, ce sont généralement des séries qui se suivent et c’est justement cela qui fait sens pour l’astrologie, du moins telle que nous la concevons.
La période actuelle est marquée par cet esprit de cloisonnement, et ce en dépit de la mise en service programmée de longue date de l’euro. On a vu les dissensions entre pays européens sur l’Irak, sur Bush, avec d’un côté les Britanniques, les Italiens, les Espagnols, de l’autre les Français et les Allemands ; il y a bien là cloisonnement au sein d’une Union Européenne qui ne parle pas d’une seule voix. Il y a aussi cloisonnement du fait que l’ONU n’est pas omnipotente et se voit défiée, contournée, par les Etats Unis. Le cloisonnement, c’est aussi réclamer des exceptions (culturelles), des privilèges. Deux poids, deux mesures. Encore une manifestation de closing.
Inversement, la phase de décloisonnement correspond, en alternance, avec l’abolition de certaines barrières, la remise en cause de la diversité des monnaies, des unités de mesure, par exemple ; on recherche une certaine universalité. On ne respecte plus les frontières, donc on peut les transgresser, les ignorer en envahissant les voisins ou en étendant sa domination sur eux, en les satellisant, en les vassalisant tant et si bien qu’ils ne sont plus stricto sensu indépendants. Le décloisonnement favorise la centralisation, le jacobinisme, régissant des espaces toujours plus étendus, avec nécessairement une certaine distance.
C’est tout un art de manier ces concepts : si on prend le cas de la récente crise irakienne, on pourrait penser qu’elle relève plutôt du décloisonnement que du cloisonnement. Ne s’agit-il pas d’une politique d’ingérence, d’un refus d’ignorer ce qui se trame en Irak, notamment au niveau de l’armement ? Et pourtant ne parle-t-on pas au Proche Orient de plus en plus d’un Etat Palestinien indépendant d’Israël, ce qui est bien une manifestation de cloisonnement ? Il semble que précisément, ce soit l’opacité due au cloisonnement qui serait susceptible de déclencher une certaine forme de paranoïa. On intervient en Irak pour savoir ce qu’on nous cache plus que pour asseoir véritablement un pouvoir extérieur. D’ailleurs, l’Irak n’est-il pas en train de se cloisonner, de perdre son unité nationale tandis que la présence étrangère est bien mal supportée ?
Autrement dit, il peut y avoir une psychose du cloisonnement conduisant à des discours plus ou moins délirants comme en ce qui concerne la possession par l’Irak d’un certain armement resté introuvable un an après. Comme il peut exister une psychose du décloisonnement chez ceux qui ont l’impression d’être en permanence surveillés, que rien n’échappe à Big Brother (Orwell), en pays totalitariste, fasciste.
Le besoin de cloisonner ou de décloisonner peut également concerner les activités intellectuelles et en fait tous les secteurs d’activité humaine et cela en alternance, dans un sens ou dans un autre, soit vers la différenciation, soit vers le rassemblement.
On passe ainsi inexorablement d’une phase de cloisonnement à une phase de décloisonnement et vice versa : lorsque l’on a trop cloisonné, vient un temps où l’on cherche ce qui rapproche et dépasse les clivages et lorsqu’on a trop décloisonné, vient un temps où l’on se voit contraint de déléguer, de répartir comme ce fut le cas avec la formation des fiefs remettant à terme en question le pouvoir royal.
Cloisonner - phase de fermeture dans de précédents exposés d’astrologie axiale - revient souvent à prendre en compte d’anciennes divisions pour en comprendre le sens plutôt que de les ignorer ou de les négliger en phase de décloisonnement, d’ouverture.
Aucune de ces phases ne dure indéfiniment et il suffit d’attendre quelques années pour la voir se manifester à nouveau. Et c’est là qu’intervient la stratégie astrologique, à savoir se servir du temps, jouer avec le temps, contre la montre, se dépêcher parce qu’une phase se termine ou au contraire chercher à gagner du temps pour laisser à une nouvelle phase la possibilité de peser sur le cours des événements.
En phase de cloisonnement, les sécessions, les subdivisions augmentent, le pouvoir ne peut plus être monopolisé par une seule clique, il va se répartir entre plusieurs entités, parfois issues d’un même ensemble et qui finiront souvent par lutter entre elles. En phase de décloisonnement ; les fusions, les coalitions, vont s’accroître, le nombre de protagonistes décliner, l’époque ne sera pas vraiment favorable aux petites entreprises auxquelles on ne laissera guère leur chance.
Que dire des fédérations ? Il peut s’agir aussi bien du résultat d’un décloisonnement forçant à des rapprochements au sein d’un certain cadre fédérateur que des effets d’un cloisonnement conduisant à une certaine autonomie dans le cadre plus ou moins lâche d’une fédération.
Au cours de la présente phase de cloisonnement, bien des ensembles considérés comme d’un seul tenant tendent à se décomposer, à faire apparaître des lignes de clivage que l’on croyait définitivement révolues. A la fin des années 1980, nous avions été frappé par la réémergence d’entités autonomes dans les pays d’Europe de l’Est alors que l’on pouvait penser qu’elles étaient définitivement transcendées par un ensemble plus vaste qui conduirait longtemps à les asservir et à les contrôler; signalons aussi dès 1987-1988 - donc en début de période de cloisonnement, ce qui fait écho au retrait de la France d’Algérie, sous une même configuration - le retrait des troupes soviétiques d’Afghanistan.28 Mais un phénomène assez semblable ne se produisait-il pas au même moment, dans une toute autre région, avec une toute autre Histoire, toutes proportions gardées, en Israël avec la première Intifada et la reconnaissance d’un Etat Palestinien en 1988 par la communauté internationale ?29 Encore convient-il de rappeler que l’idée d’un partage de la Palestine en un Etat Juif et un Etat Arabe avait été adoptée à la fin d’une phase de cloisonnement - terme synonyme de partage - en 1947 - 30 ans après la Déclaration Balfour de 1917 détachant la Palestine du monde arabe - puis très vite refusée dès lors que l’on passait à une phase de décloisonnement.30
Ce fut, certes, un choc de voir ces pays du Pacte de Varsovie retrouver leur indépendance, en phase de cloisonnement ; or, cela coïncide, on l’a dit (cf. supra), avec le fameux rendez-vous d’André Barbault si précisément annoncé en tant que date et en tant que lieu mais si peu clairement indiqué en tant que type d’événement, au point que sa prévision aurait pu tout aussi bien concerner une phase de cloisonnement que de décloisonnement sans se voir pour autant infirmée ; sur ce plan, la prédiction de Barbault était infalsifiable. Quand on sait, par ailleurs, que ces phases s’exercent partout sur la planète, il n’y avait pas de raison que quelque chose n’arrive pas dans la zone considérée, et surtout si l’on ajoute qu’il se passe toujours quelque chose, que cela ne s’arrête jamais. Car si pour Barbault, il y a des années marquantes, pour le cosmos ce n’est jamais qu’un continuum, depuis le commencement jusqu’au mûrissement et donc toute année peut faire l’affaire. Et en outre, un pronostic avancé de longue date peut s’autoréaliser par un effet d’annonce. Si Barbault avait cru si fort à sa prévision, comment se fait-il qu’il ne soit pas parvenu à sensibiliser les esprits et ait été condamné à crier dans le désert ? Mais en vérité, on l’aura noté, Barbault avait plusieurs fers au feu, c’est plus sûr.
Trente ans avant la fin des années 1980, nous avions déjà connu, à la fin des années Cinquante, un choc tout aussi fort avec le morcellement de l’Empire Français, et il nous avait fallu apprendre de nouvelles capitales, connaître les noms de toutes sortes de présidents : on passait par une précédente phase de cloisonnement, laquelle d’ailleurs sur le moment avait des incidences en Europe, où l’Angleterre restait exclue du Marché Commun, jusqu’en 1973. Mais cette Europe était-elle la conséquence d’un processus de décloisonnement ou au contraire, face au bloc communiste, de cloisonnement ? C’est dire qu’un événement doit être interprété dans un certain contexte qui lui donne sens, il ne peut être isolé. Il y a toujours un certain nombre de cas qui sont ambigus et qui peuvent s’interpréter de façon contradictoire, ce ne sont pas ceux là qui sont les plus significatifs et il importe dans un premier temps de privilégier les événements convergeant dans le même sens de façon univoque avant d’aborder des cas apparemment plus ambivalents. C’est que la notion de cloisonnement et de décloisonnement a l’inconvénient d’être relative. Tout dépend de quel état l’on part. Or, étant donné que les phases se succèdent indéfiniment, on peut être marqué par une précédente phase et poursuivre un processus déjà engagé. Ce qui pour l’un est décloisonnement sera pour l’autre plutôt perçu comme cloisonnement tant qu’on ne saura pas d’où l’on est parti. En ce sens, il convient d’étudier deux ou trois phases de cloisonnement ou de décloisonnement successives sur l’ensemble du globe et non pas une seule. Ce qui nous intéresse c’est l’orientation générale tout en sachant que certains acteurs seront plus avancés que d’autres.
En phase de décloisonnement, les forces centrifuges déclinent au profit des forces centripètes on pourrait parler d’esprit grégaire qui n’encourage pas à faire cavalier seul ; il devient alors relativement aisé de rassembler ceux qui hier semblaient tenir à leur autonomie et qui finalement accepteront, plus ou moins résignés, d’y renoncer. Mais tout cela n’aura évidemment qu’un temps et bientôt les forces centrifuges seront à nouveau à l’oeuvre, les causes de dissensions se multiplieront, qui hypothéqueront tout projet unificateur encore que tout dépendra de ceux qui ont la responsabilité de l’édifice. Car la phase de décloisonnement favorise le choix d’un chef plus ou moins absolu qui aura su s’imposer comme le champion, le leader incontesté alors que celle de cloisonnement multiplie le nombre des challengers, des petits chefs, des roitelets, de barons plus ou moins frondeurs, parfois au sein d’un même parti politique, chacun ayant sa cour, c’est l’effritement.
C’est ainsi que tel personnage parviendra au sommet : il profite d’abord du cloisonnement qui permet à plusieurs personnes de se constituer un fief puis, en phase de décloisonnement, il lui incombe de s’imposer face aux autres candidats, de les dominer, de les distancer, de les écraser pour rester seul en lice et notamment en éliminant le précédent grand chef mais parfois ce dernier tient bon et ne se laisse pas remplacer par quelque dauphin aux dents longues. Et puis, une fois en place, le vainqueur de la compétition devra craindre l’arrivée de la prochaine phase de cloisonnement qui permettra à de nouvelles forces de se manifester impunément jusqu’à la prochaine échéance de décloisonnement qui débouchera sur la suprématie d’un seul tout puissant dans la victoire comme dans la défaite de son pays (Hitler, Staline, Mussolini, Pétain, Churchill en 1940). En fait, l’astrologie, telle que nous l’avons relookée, aurait à voir avec l’exercice du pouvoir; en phase de décloisonnement, le pouvoir tend à devenir absolu, et les pays qui n’ont pas su se doter d’un homme à poigne seront fragilisés. En phase de cloisonnement, le pouvoir est plus disputé et il faut lâcher prise, c’est ainsi que le général De Gaulle, au cours d’une telle phase, a du se délester, entre autres, de l’Algérie, son pouvoir finissant par se limiter à la seule métropole.
La phase de cloisonnement est en fait un moment de tolérance, où on laisse l’autre exister en face de nous sans chercher à parvenir à une situation homogène et monolithique, on accepte une certaine fragmentation de l’espace social et intellectuel ; c’est la coexistence pacifique. Mais cela n’a qu’un temps et les rêves de monarchie universelle, sous une forme ou sous une autre, refont surface à la phase suivante de décloisonnement, qui relèvera davantage de l’épreuve et du rapport de force. Un tel processus nous paraît avoir la forme d’un fuseau ou si l’on préfère s’apparente, en natation, à la brasse qui demande de réunir les bras puis de les écarter puis de les réunir à nouveau et ainsi de suite.
Nous voyons dans cette alternance celle du féminin et du masculin, au sens où nous avons décrit ces questions dans d’autres études31, le féminin tendant au cloisonnement, à l’expression de points de vue tandis que le masculin tend vers le décloisonnement et veut déboucher, in fine, sur une seule et unique solution politique ou intellectuelle. En ce sens, la phase de cloisonnement serait plutôt vénusienne, au sens de l’astrologie classique, tandis que celle de décloisonnement serait de nature martienne. Le décloisonnement aboutit à ce qu’à partir d’un foyer d’énergie donné, un processus en vienne à s’étendre au delà de ses limites naturelles; c’est le cas, notamment, de la grève qui peut paralyser un pays du fait de l’arrêt des activités d’une corporation a priori bien délimitée ; c’est pourquoi, en France, les grandes grèves de 1936 (Front Populaire), (Mai) 1968 et de (Décembre) 199532 eurent lieu en phase de décloisonnement car, en phase de cloisonnement, l’on tend à mettre en place des cloisons hermétiques, ce qui évite de faire tâche d’huile comme ce sera le cas 1906-1909, sous la même configuration que soixante ans plus tard, en 1968 : En 1909, Paris est plongé dans l’obscurité par la grève des électriciens. Les ports sont paralysés par la grève des inscrits maritimes.33
Inversement, le cas de la Première Guerre Mondiale, dite La Grande Guerre, est caractéristique d’une phase de cloisonnement, ce qui expliquerait son coût humain colossal, cet acharnement de part et d’autre du front occidental, à résister à n’importe quel prix. En ce sens, rechercher une configuration astrale identique pour rendre compte des deux guerres mondiales ne nous semble pas pertinent, tant elles ont différé entre elles, du moins pendant les premières années. C’est d’ailleurs sous la même configuration qu’eut lieu le démembrement du bloc communiste, 75 ans plus tard, soit grosso modo deux cycles saturniens et demi et l’on voit à quel point, rétrospectivement, la Première Guerre Mondiale n’était pas inévitable alors que la seconde correspondait à une logique d’expansion en phase avec la période de décloisonnement. D’où les tranchées, les camps retranchés de la Grande Guerre pour gagner quelques kilomètres à Verdun alors qu’il s’agissait avant tout de liquider l’empire austro-hongrois, notamment dans ses avancées en Bosnie, (attentat de Sarajevo) et éventuellement l’empire ottoman. Le conflit franco-allemand tenait, quant à lui, dans son principe, essentiellement à l’affaire de l’Alsace-Lorraine, à l’ouest du Rhin, perdue par la France en 1870, une situation assez proche de celle de la Cisjordanie, de l’autre côté du Jourdain; la Guerre du Kippour de 1973, en phase de cloisonnement; aura pour ambition de récupérer les territoires perdus par les Arabes en 1967, en phase de décloisonnement (voir nos articles dans la revue Ayanamsa) et ce 15 ans - un demi-cycle saturnien - avant les événements d’Europe Orientale avec pourtant des solutions bien différentes. Ce ne sont pas, en astrologie mondiale, les solutions qui importent - et qui relèvent de l’astromancie - ce sont les problèmes posés.
Dans la vie du couple, il y a constamment passage du cloisonnement vers le décloisonnement et vice versa. Le cloisonnement implique le besoin de former une cellule autonome se différenciant de l’ensemble social environnant, et notamment parental et le décloisonnement conduit le couple à s’ouvrir davantage au monde extérieur, à gagner en porosité, ce qui peut impliquer certains compromis quant à l’exclusivité de la relation et un risque de dispersion de l’attention. Un couple solide et durable est celui qui sait, plus ou moins instinctivement, gérer cette alternance de phases, sachant, quand il faut, opérer un repli sur lui-même et tantôt laisser pénétrer et interférer d’autres éléments et rayonner plus largement; alternativement, les liens pourront se resserrer ou se distendre. Le couple nous apparaît comme une entité minimale en dialectique avec l’espace social global et donc tel un baromètre pertinent au niveau psychosociologique.
Notre ambition, on l’aura compris, ne se réduit pas à réaliser quelque prévision réussie mais bien à présenter une grille temporelle à caractère universel et que l’on puisse appliquer à n’importe quelle époque et en n’importe quel lieu. Car quel que soit le terrain, celui-ci ne saurait manquer de présenter des variations aussi minimes soient-elles et ce qui nous importe, c’est de montrer que simultanément, synchroniquement, en des lieux différents, un même processus, sur la base d’une seule et même configuration, est à l’oeuvre, mais dans des contextes et dans le cadre d’Histoires fort divers. L’événement est un peu comme une fable de Jean de La Fontaine, il est pittoresque mais il lui faut une morale, c’est-à-dire qu’il convient d’élever - littéralement au niveau des astres - le débat.
L’enjeu, pour l’Astrologie Mondiale du XXIe siècle ne consiste pas à réussir une prévision autour d’un événement mais bel et bien de disposer ou non d’un modèle polyvalent apte à lire la succession des événements dans le monde, comme elle y était parvenue au Moyen Age et à la Renaissance avec la théorie des Grandes Conjonctions Jupiter-Saturne dont les partisans se situèrent parfois bien au delà du milieu astrologique à l’exemple d’un Jean Bodin (1530-1596), dans sa République (1576), ouvrage qui sera traduit en plusieurs langues.34 L’astrologie mondiale du XXe siècle aura été marquée par le recours aux planètes transsaturniennes, notamment après la découverte de Pluton, en 1930. C’est là le péché originel, le plat de lentilles de l’astrologie moderne35 - qui d’ailleurs ne lui valut même pas la reconnaissance de l’astronomie - car au travers de cette modernité, l’astrologie reconnaissait implicitement que son savoir échappait à son Histoire et à celle des Hommes, lesquels avaient ignoré l’existence de ces astres lointains que l’Antiquité ne sut démarquer de l’ensemble stellaire. Bien plus, en gage de soumission, l’astrologie moderne allait, tout aussi vainement, délaisser les étoiles fixes, au prétexte de leur éloignement et de leur non appartenance au système solaire.
Celle du siècle qui s’ouvre devra renoncer aux dites nouvelles planètes pour s’articuler autour de la combinatoire de Saturne, la planète la plus lente et la plus lointaine connue de toute antiquité avec les étoiles fixes phares également familières à l’Humanité de très longue date. Proche de l’écliptique, Aldébaran était l’une des quatre Etoiles Royales gardiennes des jonctions équinoxiales et solsticiales il y a 5000 ans. Aldébaran (de la constellation du Taureau) marquait l’équinoxe de printemps ; Antarés (du Scorpion) l’équinoxe d’automne, Régulus (du Lion) le solstice d’été et Fomalhaut (du Verseau) le solstice d’hiver.36
A la décharge d’André Barbault, reconnaissons que les historiens ont adopté, malgré leurs déclarations au nom d’une Nouvelle Histoire, selon Marc Bloch et consorts, un profil bas et se contentent le plus souvent d’expliquer les événements considérés comme marquants en se situant dans une diachronie étroite, que ces historiens ne se hasardent (plus) guère dans des approches comparatives ou cycliques à la Toynbee (1889-1975), dans sa Study of History (1934-1961). Au vrai, il nous semble probable que plus l’Astrologie Mondiale progressera, au cours du XXIe siècle, et plus les résultats Barbault apparaîtront comme primitifs et fragiles.
Quels outils de travail le chercheur en astrologie mondiale doit-il adopter ? Nous conseillerons un ouvrage comme celui de Max Gallo, Histoire du Monde de la Révolution française à nos jours en 212 épisodes (op. cit.) qui, sur plus de deux cents ans, de 1789 à 1999, traite brièvement de plus de 200 événements marquants, dans l’ordre chronologique. Au chercheur de montrer que cette matière événementielle peut être découpée en phases de sept ou de quinze ans (un demi-cycle de Saturne / un cycle en astrologie axiale) et ce, quelle que soit la région du globe considérée. En procédant ainsi, on rejoint, peu ou prou, la méthode Gauquelin - mais il s’agit là d’un tout autre aspect de la recherche et d’un autre modèle - consistant à prendre des annuaires professionnels comportant les dates et lieux de naissance, de se procurer auprès de l’état civil les heures de naissance et de déterminer un dénominateur commun entre les personnes ainsi présélectionnées par d’autres que le chercheur en astrologie.37
L’Histoire de l’astrologie doit, in fine, s’appuyer sur les résultats de la recherche anthropologique la plus récente38 Si en effet certaines corrélations sont mises en évidence de nos jours, c’est qu’elles furent instaurées dans un passé plus ou moins lointain à moins d’imaginer qu’elles aient pu exister sans passer par une certaine pratique sociale ancienne. Or, force est de constater que la tradition astrologique telle qu’elle nous est parvenue par le biais de sa littérature correspond à un état tardif et corrompu par rapport à ces structures initiales telles qu’elles ressortent des travaux Gauquelin et de certaines recherches en astrologie mondiale - notons que les résultats Gauquelin n’apportent pas la moindre confirmation d’une quelconque corrélation concernant les planètes transsaturniennes. Il ne s’agit pas de décréter que toutes les planètes du système solaire, connues ou inconnues, agissent nécessairement de façon significative sur le monde des humains mais de déterminer quels ont été les choix que certaines sociétés ont fait parmi tous les possibles existants, tant au niveau des astres pris en compte que des affectations qui leur sont assignées, ce qui relève, à la base, de ce qu’en sémiologie, on appelle l’arbitraire du signe. Imaginer que les astres agissent de façon univoque est un leurre, il ne s’agit là que d’un matériau à modeler de multiples manières et à l’historien de l’astrologie de trouver quel code s’est imposé dans un lointain passé. Quant à s’imaginer que depuis la fin du XVIIIe siècle, un quelconque changement ait pu apparaître dans les données millénaires qui régissent le rapport des hommes aux astres ou à supposer que les astres agissent à l’insu d’une programmation voulue par nos lointains aïeux - lesquels ignoraient royalement les planètes au delà de Saturne et dont ils n’auraient eu de toute façon pas eu l’usage - voilà probablement un des pires contresens commis par l’astrologie des XIXe et XXe siècles et qu’elle paie très cher car ces nouvelles planètes ne font que brouiller plus que jamais les pistes ; on peut dire qu’avec son indice cyclique, faisant la part belle aux transsaturniennes, André Barbault a fourvoyé totalement la pensée astrologique de notre temps. L’histoire - du moins sous sa forme traditionnelle, pas celle de la Nouvelle Histoire - n’a en fait pas grand chose à voir avec l’astrologie ; l’Histoire doit gérer l’aléatoire, le contingent alors que l’astrologie est concernée par de grandes lois générales; en ce sens, l’astrologie se rapproche bien davantage de l’anthropologie et de la sociologie. Vouloir faire entrer l’astrologie dans le moule de l’Histoire, c’est lui imposer le supplice du lit de Procuste, c’est notamment exiger d’elle une précision qui n’est pas de son ressort. Il est à craindre, malheureusement, que certains succès prévisionnels inévitables à la longue n’aient conduit certains chercheurs, comme Roger Hecquet, à surenchérir en cette quête bien chimérique de précision, là où c’est le calcul des probabilités qui devrait être déterminant, à partir d’un nombre considérable de cas étudies, au moyen d’un seul et même modèle et non par le biais de ses innombrables métastases.
On ne peut faire, en vérité, l’économie d’une réflexion sur la genèse, la formation, du savoir astrologique : comment a été découvert ou redécouvert le lien entre les hommes et les astres, comment a-t-on déterminé la signification des astres et de leurs configurations ? Il semble que la génération d’André Barbault (né en 1921) et de Jean- Pierre Nicola (né en 1929) soit partie du postulat selon lequel l’humanité était tributaire du langage des astres et qu’il lui incombait de le décoder au fur et à mesure qu’elle explorait le système solaire. Depuis les années Quatre-vingt, un nouveau modèle, inspiré d’une relecture des travaux de Michel Gauquelin39, considère que c’est l’humanité qui a codifié le cosmos et qu’il n’est donc pas question d’un quelconque décodage si ce n’est celui qui consiste à décrypter une littérature astrologique, héritière bien confuse d’une anthropologie cosmique originelle.
Une règle d’or de l’astrologie nous semble être le principe de répétition lequel s’oppose à celui de hasard. Nous avons un bel exemple de ce principe dans le premier volet de Matrix quand le fait qu’un chat apparaisse à quelques secondes d’intervalle en train d’accomplir le même mouvement est la preuve qu’on est dans un monde virtuel. On dira que l’astrologie, aussi, appartient au champ virtuel, qu’elle a quelque chose d’artificiel mais elle n’en existe pas moins. Encore faut-il pour pouvoir parler de répétition de ne pas s’enfermer dans des descriptions par trop particulières et qui, par là même, ne permettraient pas de se situer dans un processus répétitif. Autrement dit, il faut décanter les événements, les épurer pour pouvoir en faire apparaître la répétition.
La recherche comporte bien des pièges, et la plupart des pièges sont dus à de fausses ressemblances, à des similitudes apparentes, à des coïncidences frappantes, parfois d’ailleurs délibérées et dues à un processus d’imitation, de mimétisme, d’imposture, de plagiat et d’auto-plagiat, parfois du fait du hasard, des aléas et des ambiguïtés du langage, des ruses de l’indexicalité, générant moult confusions, et quiproquos. Autant d’éléments qui risquent fort de fausser l’appréhension de tel ou tel cas particulier si l’on recourt à un corpus par trop étroit, réduit à quelques occurrences. Celui qui ne se méfie pas découvre un monde merveilleux, fait de rapprochements étonnants, excitants, c’est un peu le monde de l’enfance, où l’on s’effraie et se réjouit pour si peu; en ce sens, l’astrologue est souvent resté un grand enfant. Mais il importe aussi que ceux qui participent à une recherche donnée aient un certain niveau d’exigence intellectuelle, aient en partage une certaine expérience critique, faute de quoi on risque fort de basculer dans la démagogie et de prendre des vessies pour des lanternes.
Jacques Halbronn
Paris, le 20 mars 2004
Notes
1 Cf. Peter Lemesurier, The Unknown Nostradamus, Alrlesford, John Hunt, 2003, p. 151. Retour
2 Cf. Max Gallo, Histoire du monde (...) Les clés de l’histoire contemporaine, Paris, Fayard, 2001, p. 245. Retour
3 Cf. in Encyclopaedia Hermetica, rubriques Judaica et Hypnologica. Retour
4 Cf. nos études in Encyclopaedia Hermetica, rubrique Astrologica. Retour
5 Cf. Les Astres et l’Histoire, Paris, Ed. J. J. Pauvert. Retour
6 Cf. 1964. La crise mondiale de 1965, Paris, Albin Michel, 1963. Retour
7 Cf. Histoire du monde de la Révolution Française à nos jours (...) Les clefs de l’histoire contemporaine, Paris, Fayard, 2001, p. 582. Retour
8 Cf nos études sur le travail de Barbault, sur le Site Cura.free.fr, et sur www.hommes-et-faits.com, rubrique pathologie d’une épistémé. Retour
9 Cf. nos Clefs pour l’Astrologie, Paris, Seghers, 1976, et nos études signalées plus haut. Retour
10 Cf. notre étude : Exégèse prophétique de la Révolution Française, Politica Hermetica, 1994. Retour
11 Cf. notre étude Heurs et malheurs de l’astrologie mondiale, Site Cura.free.fr. Retour
12 Cf. L’homme d’aujourd’hui et les astres. Fascination et rejet, Paris, Ed. Plon. Retour
13 Cf. Histoire du monde, op. cit., p. 609. Retour
14 Cf. Histoire du monde, op. cit., pp. 519 et 527 - 528. Retour
15 Cf. M. Gallo, Histoire du Monde, op. cit. p. 551. Retour
16 Cf. G. Cornelius et P. Devereux, Le langage des étoiles, Paris, Gründ,. pp. 33 - 35. Retour
17 Cf. Introduction à l’astrologie mondiale, op. cit., pp. 354 et seq. Retour
18 Cf. notre étude à ce sujet, sur Encyclopaedia Hermetica, rubrique Astrologica. Retour
19 Cf. notre ouvrage L’astrologue face à son client, les ficelles du métier, Paris, La Grande Conjonction, 1995, Astrologer meets client. Tricks of the trade, traduction anglaise par Geoffrey Dean sur www.astroology-and-science.com et sur Encyclopaedia Hermetica, rubrique Astrologica. Retour
20 Sur l’astrologie perçue comme culte étranger (en hébreu, avoda zara), voir notre ouvrage Le Monde Juif et l’Astrologie, histoire d’un vieux couple, Milan, Arché, 1985. Retour
21 Cf. nos études dans Encyclopaedia Hermetica, rubrique Judaica. Retour
22 Cf. De la psychanalyse à l’astrologie, Paris, Le Seuil, 1961. Retour
23 Cf. son Introduction à l’Astrologie Mondiale, op. cit. Retour
24 Cf. nos études en postface à M. Gauquelin, Les personnalités planétaires, Paris, Trédaniel, 1992. Retour
25 Cf. sur le Web, Encyclopaedia Hermetica, rubrique Hypnologica. Retour
26 Cf. notre étude De l’astrologie à l’astro-histoire, Site Cura.free.fr. Retour
27 Cf. Clefs pour l’astrologie, Paris, Seghers. Retour
28 Cf. M. Gallo, Histoire du monde, op. cit., p. 650. Retour
29 Cf. M. Gallo, Histoire du monde, op. cit., p. 624. Retour
30 Cf. M. Gallo, Histoire du monde, op. cit., p. 528 et seq. Retour
31 Cf. l’astrologie et le féminin, sur Encyclopaedia Hermetica. Retour
32 Cf. L’astrologie selon Saturne, Paris, La Grande Conjonction, 1996. Retour
33 Cf. M. Gallo, Histoire du Monde, op. cit., p. 397. Retour
34 Cf. notre étude sur Auger Ferrier, Site Cura.free.fr. Retour
35 Cf. G. Cornelius et P. Devereux, Le langage des étoiles, op. cit., pp. 144 - 149. Retour
36 Cf. G. Cornelius et P. Devereux, Le langage des étoiles, op. cit., pp. 225 - 226. Retour
37 Cf. Archives Gauquelin, site Cura.free.fr. Retour
38 Cf. notre étude Les historiens de l’astrologie en quête de modèle, Site Cura.free.fr. Retour
39 Cf. la postface aux Personnalités Planétaires, Paris, Trédaniel-La Grande Conjonction, 1992. Retour
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