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ASTROLOGICA

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Structuralisme et Astrologie

par Jacques Halbronn

    On dit que les savetiers sont les plus mal chaussés... on peut se demander si les astrologues - qui ont a priori à voir avec le Temps - en ont une gestion valable. Or, il nous est apparu, au cours de notre longue pratique du milieu astrologique et de sa littérature d’observer à quel point la philosophie du Temps qui prévalait le plus souvent était marquée par une certaine précipitation.

   Ce qui nous choque le plus concerne le laps de temps généralement très court que l’on accorde à la réalisation d’une prévision, à l’idée rigide que l’on se fait quant à la fixation des dates.

   Pourtant quand on parle du passage de Pluton dans un certain signe, on sait que cela va avoir des effets sur un certain nombre d’années. Non pas que pour notre part, nous prenions en compte les transsaturniennes, mais cela vaut aussi, à une moindre échelle, pour Saturne.

   L’astrologie se voit écartelée entre le recours au découpage zodiacal et le recours aux aspects. Ce qui provoque un véritable dilemme.

   Les aspects, en effet, tendent à focaliser sur un certain instant T, lorsque l’aspect se forme. Mais, à moins, de n’utiliser qu’un nombre limité d’aspects, un aspect chasse l’autre, tant et si bien que le temps astrologique se trouve singulièrement haché, ce qui vaut tant en astrologie mondiale que pour les transits sur le thème individuel.

   Le Zodiaque ne présente pas un tel inconvénient et on l’a dit il faut un certain laps de temps pour qu’un astre passe d’un signe à l’autre, tout cela, bien entendu, étant fonction de la vitesse de l’astre considéré. Mais le Zodiaque est une structure qui tend quelque peu à se dévaluer, du fait que son découpage n’est pas lié aux planètes et qu’il pourrait même être considéré comme fictif, sans parler des correspondances traditionnelles avec les Quatre Eléments ou des Dignités planétaires, affectant arbitrairement telle planète à tel signe.

   Autrement dit, rien ne semble plus éloigné que l’astrologie des signes vis à vis de celle des aspects. L’une ménage des phases longues, l’autre est conduite à structurer le temps en périodes relativement brèves, du fait que les périodes y sont entrecoupées. Deux façons au demeurant de gérer le Temps, de façon prolongée avec l’astrologie des signes, de façon plutôt ponctuelle avec celle des aspects. Tout cela est certes quelque peu simplifié dans la mesure où l’astrologie des signes étudie le passage des diverses planètes en différents lieux du zodiaque.

   Est-ce que la solution ne serait pas une astrologie qui aurait les avantages des deux systèmes sans en avoir les tares ? Cela nous semble précisément être le cas de ce que nous avons appelé l’astrologie axiale.1 En effet, nous ne recourons qu’à une seule planète, Saturne, ce qui évite tout chevauchement, et nous découpons le parcours de cet astre selon les principaux aspects se produisant avec l’axe stellaire Aldébaran / Antarès, ce qui est quand même plus sérieux que le découpage en 12 “signes”, et ce quel que soit le critère, tropicaliste ou sidéraliste utilisé.

   Au cours de chaque période de sept ans ainsi déterminée par les conjonctions et les quadratures, l’humanité est placée dans une nouvelle problématique, dans ce que nous proposerons d'appeler une quête.

   Comme on s’en doute, une quête implique du temps, elle est initiatique/ initiatrice, c’est à dire qu’elle a un commencement et qu’elle est une recherche qui ne parvient pas à son achèvement sans certains tâtonnements, qui ne prend tournure que petit à petit. En ce sens, l’astrologie axiale pourrait être surnommée astrologie de la quête.

   Une quête implique un questionnement - c’est la même racine latine quaestio - et une succession de réponses qui vont s’échelonner dans le temps; cela correspond à la dialectique stimulus / réponse. Selon nous, chaque nouvelle phase du cycle Saturne / axe Aldébaran / Antarès déclencherait la mise en oeuvre d’une nouvelle quête avec son lot de réactions, de tentatives.

   Bien entendu, cette quête n’est pas qu’individuelle puisque pour nous l’astrologie n’a pas à rendre compte de l’équation personnelle, une même phase étant vécue et traversée par un très grand nombre de personnes et en fait par tout le monde, au fur et à mesure que le phénomène s’étend et se renforce, se concrétise.

   On se rend ainsi compte, par contraste, à quel point l’astrologie “habituelle” se voit le plus souvent compartimentée, segmentée, complexifiée, non seulement du fait de la multiplicité des astres mis à contribution mais aussi du fait de celle des thèmes de naissance, ces derniers étant précisément absents de l’astrologie axiale.

   Il nous semble donc que les astrologues ne laissent pas assez de temps au temps et qu’ils tendent à l’émietter, à le discontinuer et c’est peut-être là leur principal tort. Voilà qui révèle une certaine tension, nous semble-t-il entre les vrais besoins de la pratique astrologique et ceux qui sont générés par une inflation de données astronomiques et notamment d’astres inconnus de l’Antiquité et en fait jusqu’au XIXe siècle.

   Evidemment, si l’on est persuadé que nous sommes a priori, comme le pense un Jean-Pierre Nicola (né en 1929), avec le “RET”2, concernés par l’ensemble du système solaire, il faut bien trouver du sens et une fonction à chaque planète. Mais telle n’est pas notre position : nous considérons que les hommes ont fait leur choix, en accord avec leurs besoins d’organisation sociale; c’est tout le problème des relations nature / culture, cher à Lévi-Strauss (né en 1908) ; les hommes déterminent leur rapport à la nature, lequel ne saurait s’exercer sans filtrage, sans encodage. Notre approche relève d’une approche structuraliste de l’astrologie, à ne pas confondre avec l’ “astrologie structurale” du regretté Jean Carteret, qui ne pose pas ce type de problématique, mais suppose au contraire la présence, dans le clavier astrologique, de transplutonniennes (Proserpine, Vulcain), de façon à ce que chaque signe ait un maître planétaire spécifique, ce qui implique le recours à douze astres pour douze signes.

   Or, qu’est-ce que la mise en place d’une relation entre hommes et astres a apporté à nos civilisations ? Un certain sens du Temps qui se manifeste encore de nos jours dans nos démocraties par la durée limitée mais suffisamment ample tout de même des mandats électifs, entre quatre et neuf ans, en règle générale. Nos sociétés n’ont pas une approche extrêmement complexe du découpage chronologique, ce qui contraste fortement avec l’arsenal sophistiqué de l’astrologie moderne.

   Ce que nous suggérons ici, c’est que l’astrologie s’inspire, soit plus à l’écoute, des pratiques sociales en vigueur dans la mesure même où elle considère que les astres exercent, d’une façon ou d’une autre, une certaine influence sur le monde. Pourquoi ne pas partir des effets et pas seulement des causes et ne pas connaître les causes par les effets ? D’un point de vue structuraliste, en effet, les causes naturelles sont culturellement filtrées et il nous faut donc cerner l’impact d’un tel filtrage. A l’exemple d’une langue donnée qui n’utilise que certains sons et en ignore d’autres connus d’une autre langue, on ne saurait affirmer que chaque langue doit impérativement faire usage de l’intégralité des sons virtuellement possibles pour le gosier humain.

   On en arrive à l’idée d’une astrologie minimale, certes assez peu orthodoxe, comme est tout aussi minimale l’astrologie Gauquelin, laquelle reflète une certaine division du travail professionnel, une typologie basique, qui n’offre aucun traitement véritablement individualisé sinon au niveau d’ applications tenant compte largement de facteurs non astrologiques. Certes, une telle astrologie ne semble pas correspondre tout à fait aux demandes de la clientèle, ce qui montre bien le décalage entre la conception sociopolitique du Temps et la demande individuelle. Selon que l’on modélise l’astrologie selon l’un ou l’autre de ces référentiels, on parvient à des représentations bien différentes de l’astrologie.

   Pour notre part, l’individu ne saurait dicter à l’astrologie ce qu’elle doit être ou du moins exiger qu’elle s’adapte à son cas particulier pas plus que l’astrologie ne devrait se laisser conduire par l’évolution de la connaissance astronomique. Il est d’ailleurs remarquable que l’astrologie individuelle se marie bien avec cette pléthore astronomique, tant il est vrai que plus les configurations se multiplient et se succèdent et plus de la sorte chaque thème astral tend à se différencier des autres, ce qui correspond assez bien à l’idée que se faisait Dane Rudhyar de l’ “astrologie de la personnalité”.

   Notre astrologie serait plutôt une astrologie citoyenne, c’est à dire qu’elle appréhende la personne en tant que membre d’une société et non pas comme individu isolé, pris dans un destin personnel. Non pas que l’individu n’existe pas mais parce que ce n’est pas à l’astrologie d’en saisir la dimension peu ou prou aléatoire, sauf à se situer au niveau d’une astrologie appliquée, avec tous les compromis et les interférences avec d’autres paramètres que cela implique.

   L’astrologie, avons-nous dit, a vocation à s’inscrire dans une conception structuraliste du monde, et on comprend mal pourquoi lors de la vogue du structuralisme, dans les années Soixante-Quatre-Vingt, notamment, l’astrologie n’est pas parvenue à interpeller les milieux structuralistes. C’est probablement affaire de positionnement et d’image.

   Car, l’astrologie a tout à gagner à recourir à la grille structuraliste - et probablement vice versa - ce qui lui éviterait de se voir mise en cause par les astronomes, du fait qu’elle ne tiendrait pas compte de façon appropriée des données astronomiques. Le structuralisme, en effet, légitime un certain filtrage du réel à des fins d’organisation sociale, ce qui est tout à fait, selon nous, le profil de l’astrologie.

   Si un tel rapprochement avait eu lieu, il aurait même pu légitimer le discours astrologique dans sa spécificité. Il ne nous semble pas que Patrice Guinard, dans son Manifeste3 ait suivi une telle voie. Certes, il affirme le droit pour l’astrologie de structurer le monde à sa guise et de s’y tenir mais en même temps, suivant en cela son maître Nicola, il ne parvient pas à prendre ses distances par rapport à l’astronomie moderne, incluant donc dans son système les planètes au delà de Saturne.

   Or, pour nous, le structuralisme ne saurait justifier l’adaptation de l’astrologie à des modernités successives. Le structuralisme a un rapport assez rigide avec le Temps, en ce qu’il suppose des périodes fondatrices et non pas des aménagements sinon traités comme parasitaires et superficiels. Et d’autre part, l’approche structuraliste est celle des sciences sociales, et ne saurait justifier un déterminisme cosmique au niveau individuel.

   Nous pensons que le structuralisme4 valorise les élaborations que l’on pourrait qualifier d’archaïques et met en évidence les archaïsmes invariants de nos sociétés. Il ne s’agit pas d’imaginer l’Homme moderne produisant de nouvelles structures qui viendraient se substituer à de plus anciennes, sinon encore une fois dans une démarche applicative, qui ne change pas le modèle pour autant mais l’inscrit dans un nouveau contexte.

   Il s’agit donc pour nous d’en revenir à une astrologie “primitive”, fondée sur des données astronomiques simples, celle des apparences célestes ainsi que sur des besoins sociétaux assez frustres. C’est en effet cette astrologie là qui a le plus de chance de s’être constituée et d’avoir perduré. Pour y parvenir, il importe, comme on l’a dit, d’étudier de quelle façon nos sociétés s’organisent dans le temps et dans l’espace, par delà leur diversité apparente. C’est en partant des structures sociales et en remontant vers des configurations célestes qui en rendent compte que l’on pourra restaurer et restituer une astrologie incarnée, manifestée, quitte à laisser de côté toutes les autres éventualités qui n’ont qu’une existence virtuelle. Le découpage en partis politiques, en communautés religieuses d’une part et celui qui fait alterner au pouvoir les structures ainsi en place constituent la base à partir de laquelle l’astrologie du XXIe siècle devrait pouvoir se constituer. L’astrologie du siècle en cours sera politique, citoyenne, ou ne sera pas.

   Ce que nous recommandons, c’est d’aligner l’astrologie non pas sur l’Histoire mais sur la vie politique, non pas sur l’événementiel dans ce qu’il offre d’étonnant mais sur l’événementiel s’inscrivant dans la vie, la respiration - par flux et reflux - des sociétés. Et c’est là que nous retrouvons la durée, la continuité et non pas l’incident ponctuel et discontinu. Entendons par là qu’une phase laisse la place à une autre, sans solution de continuité. Chaque nouvelle phase détermine, scande, une autre recherche, une autre quête et de nouvelles réponses, de nouvelles formules, ce qui se met en place progressivement ; c’est en ce sens que notre approche se rapproche de celle de la Nouvelle Histoire mais à condition de ne pas fonder l’Histoire sur des données cycliques non pertinentes, ne relevant pas d’un processus auto-structurant ni, bien entendu, sur une évenementialité sauvage.5

   Ce dont témoigne l’astrologie ne relève pas d’un quelconque environnement cosmique qui nous modèlerait mais bien d’un phénomène que l’Humanité aurait instrumentalisé, selon ses besoins, c’est-à-dire par un processus de tri, de sélection des données perceptibles. L’Humanité aurait ainsi augmenté son potentiel, dans la sélection des espèces, au sens darwinien du terme, en opérant un certain nombre de choix, d’alliances privilégiées : ne dit-on pas, par exemple, que le cheval est la plus belle conquête de l’homme ?

   Si l’existence d’une tradition astrologique témoigne utilement d’un tropisme de l’Humanité la faisant réagir de façon singuliêre par rapport aux astres, en revanche, nous ne saurions accepter une astrologie modernisante, ouverte aux planêtes transsaturniennes et qui constitue selon nous un grave contresens au regard des sciences sociales et donc de la genêse des structures sociales générées par l’industrie des hommes et non par une quelconque influence univoque de l’environnement. Les femmes, on le sait, sont plus fortement attirées par cette astrologie “à la page” : en effet, elles continuent désespérément à croire que le monde peut encore changer, humainement et socialement et pas seulement d’un point de vue scientifique et technologique - et qu’elles peuvent le faire changer alors que ce temps là qui fut celui de leur domination est bel et bien révolu. La voix/voie de la raison astrologique semblerait bien plutôt consister à s’en tenir à un état archaïque du monde et de poser sa prévalence et sa pérennité par rapport au progrês scientifique en permanent mouvement. Le décalage entre astrologie et science est finalement plus diachronique que synchronique, c’est-à-dire que l’astrologie correspondrait à un état certes révolu de la Science des hommes mais bel et bien fondateur des structures agissant encore au sein de nos sociétés “modernes” et non pas à un savoir parallêle et transcendant la conscience humaine.

   En tout état de cause, la science nous confirme de ce que les astres existent, non pas, pour autant, des rapports qui se sont constitué avec les hommes. Quant à l’astrologie, elle nous confirme que les hommes ont établi certains rapports avec certains astres. La question est de savoir quels furent ces rapports et d’en prendre conscience.

Jacques Halbronn
Paris, le 7 juin 2004

Notes

1 Cf. nos exposés sur Encyclopaedia Hermetica, rubrique Astrologica. Retour

2 Cf. La condition solaire, Paris, Ed. Traditionnelles, 1965 et Nombres et formes du cosmos, Ibidem. Retour

3 Cf. Site du Cura.free.fr. Retour

4 Cf. notre étude “Sciences sociales et histoire des savoirs : la seconde nature”, sur Encyclopaedia Hermetica, rubrique Hypnologica. Retour

5 Cf. notre étude, “Astrologie et Nouvelle Histoire : le double écueil”, Encyclopaedia Hermetica. Retour



 

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