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ASTROLOGICA

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Astrologie et conscience de nos actes

par Jacques Halbronn

    Le mot Conscience et ses variations sur le Subconscient et l’Inconscient sont des termes clef pour penser l’Astrologie. Nous avons plusieurs niveaux de conscience, en nous-même, plusieurs niveaux de connaissance. Il y a en nous des instances qui savent des choses que d’autres instances ignorent et tout cela pèse sur nous, de diverses façons. L’action relève de plusieurs sources de connaissance qui ne se recoupent qu’à travers elle, en elle.

   Quand on s’adresse à quelqu’un, il n’a pas nécessairement conscience de tout ce qui oeuvre en lui, de toutes les données qui sont prises en compte pour conduire à l’action et en ce sens, nous ne sommes pas pleinement responsables de nos actes, que ce soit en bien ou en mal.

   L’Astrologie fait partie de ces motivations dont nous ne sommes ni pleinement conscients, ni pleinement responsables et c’est probablement ce qui explique qu’elle ne soit pas toujours bien perçue. Disposons-nous, en effet, d’un modèle qui nous permette de comprendre que nous connaissons des choses sans le savoir. L’idée d’un savoir inconscient ou subconscient n’est pas familière ; elle ne saurait être confondue avec celle d’un savoir oublié, perdu, refoulé, comme c’est le cas pour la psychanalyse.

   Dans le cas de l’astrologie, en effet, il ne s’agit pas d’un savoir qui n’est plus mais que l’on peut essayer de retrouver, en remontant en quelque sorte le temps mais d’un savoir qui est certes, mais qui est ailleurs - quelque part en nous mais où ? - ce qui ferait de nous non pas des amnésiques mais des schizophrènes.

   Il nous semble, en effet, que l’homo astrologicus est peu ou prou schizophrène et qu’il faille s’en faire une raison; il n’est pas d’une seule pièce. Grâce à l’astrologie, on doit probablement parvenir à unifier la conscience que nous avons de ce qui nous fait agir. L’astrologie permettrait de mieux gérer notre espace tout comme la psychanalyse nous aiderait à relier le passé et le présent.

   Cela dit, il y a conflit entre les représentations de l’astrologie et de la psychanalyse. La psychanalyse tend à déplacer le problème pour des raisons épistémologiques, à savoir qu’il est plus facile de parler de quelque chose d’oublié ou de refoulé que d’une réalité en quelque sorte parallèle et qui ne relève pas d’un savoir oublié par l’individu mais d’un savoir qui fonctionne sur un autre plan et dont la mise en oeuvre lui a été transmise on ne sait trop comment. Ce savoir non appris, en quelque sorte inné fait plus scandale qu’un savoir constitué au premier âge de l’existence.

   C’est ainsi que la psychanalyse nous “enseigne” que les enfants apprennent très tôt à distinguer entre petits garçons et petites filles. Mais pourquoi les enfants attacheraient-ils tant d’importance à déterminer cela et à chercher des critères pour y parvenir ? Supposer, comme la plupart des anthropologues ou des psychologues, que chaque enfant refait ce travail de repérage et parvient aux mêmes résultats, nous semble fort improbable et quel gâchis d’énergie, de toute façon, s’il fallait chaque fois tout réinventer. Pour notre part, nous pensons que ce besoin si précoce de distinguer entre mâles et femelles tient à l’importance de ce distinguo et ce bien au delà de l’acte sexuel, encore bien lointain à l’âge de l’enfance, mais bien sur un plan socioprofessionnel, sur celui de toute une culture. En ce sens, la polarisation que propose Freud sur la sexualité ne nous convient qu’à moitié car elle ne fait pas la différence entre sexualité et sexuation. Par ailleurs, il nous apparaît que bien d’autres critères que celui de la forme des organes génitaux contribuent à distinguer l’homme de la femme, dans une société où la nudité n’est plus guère la pratique sociale habituelle.

   Oui, l’humanité est schizophrène ou du moins a des tendances schizoïdes, d’où souvent des comportements contradictoires. Que dire ainsi de cet article de presse écrit au lendemain des élections européennes et où il est noté ce “paradoxe” d’une Europe qui semble à la fois chercher à poursuivre sa construction tout en éprouvant un certain désamour pour ce que la dite Europe symbolise ? Quand on se force à aller dans un sens alors que d’autres tropismes vont en sens inverse, que se passe-t-il ? La réalité est la résultante de ces diverses pulsions ?

   Pour en venir à l’astrologie, il nous apparaît que si l’on admet, ne serait-ce que provisoirement, son existence, elle peut être d’un riche enseignement et mettre en perspective la question de la sexuation et des repérages qu’elle entraîne. En effet, si l’on peut à la rigueur admettre que l’enfant, empiriquement, est confronté aux sexes, en revanche, il ne l’est pas aux astres, lesquels ne font certainement pas partie de son environnement immédiat ni du savoir qui lui est spontanément transmis par son milieu. Et là encore, l’enfant semble devoir, mu par quelque tropisme millénaire, se repérer dans le ciel comme il se repère dans le monde des hommes et des femmes.

   Mais il existe, du moins en apparence, une différence entre ces deux repérages ; dans le cas de la sexuation, l’enfant semble être conscient de son savoir alors que dans le cas des astralités, il n’en est même pas conscient, il ne sait pas qu’il sait et il ne sait même pas que ce savoir influe sur son comportement.

   Or, nous sommes habitués à ce que nos comportements soient déterminés par des informations dont nous avons conscience. Ce que nous ignorons ne peut, a priori, nous faire agir. Or, c’est bien de cela qu’il s’agit: d’un savoir qui existe quelque part en nous et qui interfère, se mêle à d’autres savoirs plus conscients. Autrement dit, c’est au niveau de l’action que nous retrouvons notre intégrité, notre totalité, que nous ne faisons plus qu’un alors qu’en amont, c’est comme plusieurs cours d’eau qui progresseraient parallèlement en s’ignorant mutuellement, jusqu’au moment de la rencontre, de la fusion, au moment où ils se précipiteraient dans la mer.

   Autrement dit, nos actes seraient la résultante des diverses instances de notre être, c’est la praxis qui est dépassement de la thèse et de l’antithèse, c’est-à-dire en fait de niveaux de connaissance qui ne s’amalgameront qu’au travers de la dite praxis.

   On comprend dès lors des formules comme “je ne sais pas ce qui m’a pris”, “c’était plus fort que moi”, “je ne sais pas ce qui m’a pris”, “je n’ai pas pu m’en empêcher”, “j’en ai envie” ou tout simplement “je me demande si”, “je ne sais plus où j’en suis” et plus généralement toute forme réflexive comme “je m’en doute”, qui révèlent un certain sentiment de dualité intérieure sinon un clivage de l’ego, déjà manifeste dans la séparation entre le corps et l’esprit. Mais n’est-ce pas aussi l’opposition freudienne entre le Moi et le ça ?

   Il est des savoirs en nous que nous ne parvenons à conscientiser que lorsqu’ils se manifestent et interférent. Il conviendrait donc d’abandonner, au nom d’une nouvelle approche cognitive, l’idée selon laquelle ce que je ne sais pas ne peut me marquer tout comme il convient d’abandonner l’idée selon laquelle si cela ne vient pas de moi, cela vient d’autrui, dans la mesure où précisément cet autrui peut être en moi.

   On rejoindrait ainsi, en quelque sorte, par la bande, la thèse de la réincarnation, à savoir que ce que je sais me viendrait d’une autre vie, ce qui pourrait être accepté non pas sous la forme classique mais sous celle de la perpétuation d’un certain déterminisme cause de ce qu’on appelle un peu vite l’inné, le don - c’est-à-dire ce qui nous a été donné à la naissance et donc ne s’est pas forgé à partir de la naissance, comme semble le soutenir le freudisme. Or, il nous semble que les traces liées à des activités oubliées ou refoulées ne relèvent pas seulement de notre histoire individuelle - à l’instar de marques de varicelle que nous porterions sur le visage sans avoir le souvenir de nous les être faites - mais bien d’un certain héritage de générations passées.

   Ce dont nous héritons, c’est moins de savoirs que de savoir-faire, de tropismes, de facultés de repérage et au fond d’un savoir appréhender - plus qu’apprendre - ce dont nous sommes supposés avoir besoin, qui va nous servir tôt ou tard dans notre condition citoyenne. Appréhender, cela signifie (vouloir) capter des informations jugées utiles. Or, il n’y a pas de raison évidente à s’intéresser à quelque chose, on ne s’y intéresse que dans le cadre d’une certaine culture privilégiant tel type d’information. Il n’y a pas de raison en soi de s’intéresser à la sexuation si celle-ci ne sert à rien d’autre qu’à enfanter. Quand Freud parle de sexualité enfantine, il ne ferait, selon nous, que signaler une pulsion de repérage qu’il interprète comme étant sexuelle alors qu’elle n’est que sexuée, c’est-à-dire qu’elle n’est pas une fin en soi mais est un savoir qui aura des implications culturelles, fonctionnelles, bien au delà du sexe stricto sensu. Freud en remplaçant sexuation par sexualité réduit le différentiel masculin/féminin à la seule fonction de la procréation et, ce faisant, il prépare le terrain pour un certain féminisme qui veut ramener le rapport M/F à cette seule fonction et encore en la présentant comme une simple activité de reproduction et non pas de création. Pour notre part, comme de nos jours, à propos de l’armée, nous pensons que procréer est un métier qui devrait être le choix d’une minorité de femmes lesquelles enfanteraient intensivement.

   On conçoit dès lors que le rôle de l’astrologie consisterait à faire advenir à la conscience une partie de ce qui oeuvre inconsciemment en nous - la face obscure de notre personnalité - et qui pèsera sur nos actes, lorsque actes il y aura, entre autres paramètres.

   Mais bien entendu, il n’est pas ici question de n’importe quelle astrologie, mais de celle qui est en prise avec nos pulsions cognitives inconscientes et ancestrales, ce qui exclue ipso facto un savoir astronomique qui serait anachronique et décalé par rapport aux besoins sociaux.1

   Certes, on sait à quel point toute référence à l’astrologie peut faire sourire. Mais si Freud avait “cru” en l’astrologie, il n’aurait peut-être pas décrit la sexualité enfantine comme il l’a fait et il n’aurait pas mis autant sur le compte de la prime enfance. On voit ce que la pensée contemporaine a perdu en faisant l’impasse sur l’astrologie et ce en dépit de l’existence d’une tradition astrologique qui témoignait pour le moins d’un certain tropisme millénaire, quelles que soient les corruptions ayant pu l’affecter et la déformer.

   L’astrologie nous oblige à une certaine transcendance cognitive par opposition à une immanence cognitive, qui ne relèverait que de l’exploration et de l’expérience de chaque individu, supposé réinventer le monde. S’il y a une telle convergence entre savoirs individuels et forcément centrifuges, c’est qu’il existe un puissant régulateur, fruit du brassage et de la diffusion au sein de toute l’espèce humaine, étant entendu que l’espèce humaine ne comporte pas d’emblée d’unité mais que cette unité est le fait de croisements entre membres appartenant à un même ensemble et nullement une réalité primordiale, comme semblent vouloir le postuler ceux qui voudraient aligner les sciences sociales sur la Nature et la perception que l’on a de nos jours de son unité. Pour les sciences sociales, l’unité est un leurre, quand elle vise l’événement ou l’individu. On renverse ici la proposition : l’humanité n’est pas une du fait de ce qu’elle a en commun mais c’est parce qu’elle a été considérée comme une, selon tel ou tel critère, qu’elle l’est devenue. Il convient en effet de distinguer l’identifiabilité d’une population et le fait que cette population acquiert de nouveaux traits communs, constituant un surdéterminisme. Ce qui caractérise l’humanité, c’est ce sentiment d’interaction possible entre tous ses membres. Dès lors, d’un point de vue dit scientifique, cette humanité pourrait ne pas être aussi homogène qu’on pourrait le croire et ne comporter certaines similitudes qu’assez superficiellement. C’est dire que la Science moderne ne peut nous aider que médiocrement à appréhender les structures anthropologiques les plus anciennes; l’erreur pouvant tout à fait être créatrice.2 Notre perception du monde est souvent illusoire mais elle n’en est pas moins réelle. Quand je vais voir un film, est-ce que je sais spontanément comment le film passe devant mes yeux, le travail de reconstitution opéré par mon cerveau ? Le génie de ceux qui inventèrent le cinéma est d’avoir compris que l’important était le résultat même si celui-ci est le fait d’une illusion. A ce propos, en ce qui concerne la pratique astrologique, il en est de même : l’important n’est pas que l’astrologue se comporte comme l’imagine son client mais ce que le client perçoit, ce qu’il fait de ce qu’on lui fournit, et c’est pourquoi dans la consultation le travail, le prisme, du “patient” sont déterminants et donnent sens au discours du praticien à tel point que même le texte astrologique qui sort d’un ordinateur va immédiatement et plus ou moins inconsciemment être intégré par son lecteur, c’est-à-dire combiné avec d’autres données dont dispose le dit lecteur. En tout état de cause, un individu, un événement sont des ensembles qui ne sont pas réductibles à leur composantes, ce sont des artefacts de notre fabrication, comme le sont les films tels que nous les percevons et ce, quand bien même, serions-nous des millions à les percevoir comme tels. Ainsi, l’astrologue doit-il se trouver des deux côtés de la barrière tout comme le cinéaste : il doit à la fois tenir compte de la façon dont le “film” est reçu, l’effet qu’il produit et à la fois réaliser son film concrètement3, tout en sachant très bien que ces deux activités sont décalées tout en étant complémentaires. Or, trop d’astrologues se refusent à comprendre qu’il existe une telle dualité, pris dans un contre-transfert qui les fait s’identifier à la représentation (transfert) de leur interlocuteur, et prétendent ainsi expliquer par la seule astrologie des événements ou des individus qui sont le fait de nombreux paramètres - noumènes par opposition aux phénomènes qui sont nécessairement métissés - dont l’élément astrologique n’est qu’une composante, laquelle peut être neutralisée ou au contraire accentuée par d’autres composantes. Ajoutons que seule une approche statistique serait susceptible de faire ressortir le poids de la composante astrologique sur un grand nombre d’événements et d’individus et ce par delà les différentes contextualités, si bien que l’astrologue se situant face à un seul cas, individuel ou événementiel, se situe au delà de son niveau de compétence (selon le principe de Peter), sauf à travailler en équipe avec des spécialistes apportant d’autres éclairages et d’autres approches.

   Plutôt qu’un mariage entre anthropologie et science, nous préconisons une alliance entre Histoire et anthropologie en ce que l’Histoire nous apprend à reconnaître et à saisir le poids de l’aléatoire et de l’arbitraire. Que dans un second temps, la nature humaine se rigidifie et de ce fait s’éloigne de l’Histoire, expliquerait les aspects contradictoires de l’Histoire oscillant entre histoire événementielle et Nouvelle Histoire, selon qu’elle se situe dans une phase d’innovation - chaude - ou de cristallisation - froide, refroidie, la Nouvelle Histoire correspondant à cette seconde phase.

   La préhistoire comporte, elle aussi, deux facettes : d’une part l’existence d’objets plus ou moins travaillés, de l’autre la représentation d’objets inaccessibles. C’est ainsi que d’une part, on trouve des outils (poteries, idoles, par exemple), de l’autre, on trouve des fresques représentant des astres, des animaux, les (Quatre) Eléments de la nature. Sans ces fresques, nous ne saurions pas que certains objets ont compté pour l’humanité puisque ces objets n’ont pas été transformés en tant que tels mais uniquement reliés en quelque sorte mentalement de par la volonté des hommes. On voit ainsi à quel point art et technique se complètent, l’art concernant des objets auxquels nous restons extérieurs, quand bien nous relierions-nous à eux - et que nous nous contentons de décrire tandis que la technique concernerait des objets nous servant immédiatement de prolongements, de rallonges. On comprend que le terme “religion” - du verbe relier - est porteur de transcendance dans la mesure où je ne me relie qu’à quelque chose que je ne peux atteindre. Mais dans les deux cas, il peut y avoir utilisation, ce qui élargit la notion d’outil. Une hache peut être un outil mais un cours d’eau également, ce dont témoigneront le mythe, la représentation à savoir le fait de rendre présente l’absence. Je n’ai pas à décrire l’objet qui est là dans mes mains, il est à la fois signifiant et signifié mais j’ai à décrire l’objet que je ne saisis qu’en tant que signifiant, le signifié m’échappant. Le distinguo signifiant/signifié pourrait tenir, en son principe, à une telle dualité telle que nous l’avons cernée plus haut ; il convient fort bien à l’astrologie laquelle d’ailleurs utilise le terme “signe” (zodiacal). En astrologie, en effet, le signifiant est ce que nous disons des astres -notamment au travers de l’astrologie - comment nous les représentons au sein de systèmes, et le signifié ce que nous en voyons, en percevons tels qu’ils nous apparaissent - au travers de l’astronomie. En aucun cas, le signifiant n’épuise le signifié mais pas davantage, le signifié nous renseigne-t-il sur le signifiant. En effet - et les astrologues ne veulent généralement pas le comprendre - n’intéresse le signifiant qu’une petite partie du signifié tout comme l’étude du signifié, dès lors qu’il n’est pas accessible matériellement, qu’il est hors de portée et que la connaissance de son être en soi est susceptible d’évoluer - ne nous renseigne guère sur les représentations qui ont pu en être faites et surtout par qui elles ont été entreprises, du moins tant que nous n’avons pas accès à ces représentations, que nous n’en avons pas fait l’inventaire et comment un tel inventaire pourrait-il jamais être complet ?

   Dans ce que nous entendons par praxis, il convient d’entendre également l’ordre social, résultante, convergence, d’un certain nombre de structures, fonctionnant à différents niveaux de conscience, plus ou moins enfouis dans notre psyché individuelle. Les couches les plus superficielles relèvent de l’environnement social immédiat, dans le temps et dans l’espace tandis que les couches les plus profondes sont portées par chaque individu. Ainsi, plus on remonte dans le temps, et plus c’est vers le bagage individuel lequel transcende le bagage transmis collectivement qu’il faudra s’orienter. Ce serait un leurre de croire que l’ordre social ne tient qu’aux éléments conscients; une telle attitude nous ferait penser à ces prêtres amérindiens qui faisaient croire à leurs ouailles que sans les sacrifices, l’ordre cosmique serait perturbé. Il est heureux pour l’Humanité que tout ne dépende pas du conscient, ce qui constitue un garde-fou, tout comme le processus de procréation n’est pas tributaire du seul contrôle des personnes mais a sa propre dynamique qui, en dépit de son caractère occulte, “souterrain”, contribue pour l’essentiel au résultat final.

   On pourra donc regretter que les astrologues contemporains, en ce début de XXIe siècle, voudraient que les astres agissent sur nous, à notre insu, plutôt que de supposer l’existence d’un savoir inconscient, ou plutôt d’un savoir (perce)voir. Vision bien peu humaniste, en vérité, que celle d’ astrologues qui ne souhaitent pas admettre que les astres n’agissent sur les hommes que parce que les hommes l’ont voulu ainsi, même si par la suite ils ne se souviennent plus d’avoir créé ce lien, ce qui n’empêche nullement ce lien de bel et bien exister et de peser sur leurs actes.

   La référence à la Nature - avec sa variante du droit divin - a souvent été un argument utilisé pour légitimer les savoirs les plus divers. C’est ainsi que l’ordre social, depuis la monarchie jusqu’au statut des femmes, a volontiers été présenté comme ayant un fondement naturel. Or, diverses structures sociales semblent devoir perdurer alors que depuis longtemps elles n’ont plus de légitimité naturelle ? C’est ainsi que l’essor des communications, réduisant considérablement les distances est-il pour autant parvenu à résorber divers clivages, notamment dans le champ linguistique ? Est-ce que le fait que les gouvernements ne s’appuient plus sur le droit divin ou sur quelque référence à la Nature, a changé radicalement l’exercice du pouvoir et la hiérarchisation sociétale ? De nos jours, d’aucuns ont beau jeu de montrer que de telles prétentions à une assise naturelle n’étaient pas fondées mais ils vont souvent trop loin, croyant pouvoir affirmer que puisque notre savoir sur le monde a évolué, les pratiques dites naturelles doivent également évoluer En réalité, on sait fort bien que l’argument “naturel” est spécieux et il est donc vain de le prendre à la lettre pour justifier à peu de frais le renversement de structures jugées archaïques. Tout se passe comme si, en définitive, il fallait à tout prix légitimer les pratiques sociales par la Nature et comme si ce que les hommes - nos ancêtres - ont élaboré et programmé par eux-mêmes ne pouvait être respecté. Cette façon de vouloir fonder les sciences sociales sur la biologie la plus contemporaine ne semble pouvoir mener qu’à une impasse et à un anachronisme. Faudrait-il tenter d’éliminer des structures sociales - on pense aux clivages raciaux - non légitimées par la Science moderne et qui pourraient l’être demain ? Encore faudrait-il distinguer différents niveaux de nature car peut-on, sans abus, parler de la “nature” de l’homme pour désigner ce qui émane de son corps quand on sait que ce corps a été lui-même conditionné par la culture ? Est-ce que ce qui distingue le corps de la femme de celui de l’homme n’est pas à l’origine - en remontant, il est vrai, considérablement en amont - d’ordre culturel, c’est-à-dire l’héritage d’une certaine division du travail ? Rappelons que si l’humanité avait du transformer son mode de fonctionnement à chaque fois que de nouvelles données scientifiques émergeaient, elle aurait été condamnée à une instabilité chronique. Il aura au contraire fallu des siècles et plus vraisemblablement des millénaires, sur la base de savoirs à peu près figés, pour que la société pût s’articuler sur les données scientifiques d’une certaine époque. Avec l’accélération du progrès, le hiatus entre sciences dures et sciences molles a tout l’air d’un divorce, on ne passe plus guère des unes aux autres, sinon sur quelques rares points d’intersection.

   Une autre difficulté semble tenir au fait que beaucoup ont du mal à concevoir que les influences que nous subissons puissent avoir été déterminées par nous-mêmes - ou du moins par notre espèce, en un temps fort reculé - et constituent en fait un feed back, ils préféreraient, apparemment, que les dites influences émanent de l’univers que du vivant terrestre. Et bien des astrologues semblent être dans ce cas, attitude, répétons-le, tout à fait anti-humaniste. Alors que l’on pourrait croire, un peu vite, que l’astrologie ne peut que se faire l’avocat d’une psychologie, au sens large, émanant de l’univers4, il nous semble au contraire que l’astrologie - une fois décantée - témoigne au contraire de la faculté humaine à aménager son environnement à sa guise, en l’instrumentalisant selon ses besoins. Qu’une certaine astrologie ait cherché à s’ancrer sur la totalité de cet environnement et non sur ce que l’homme avait jugé bon d’emprunter au dit environnement, ne saurait nous empêcher de revendiquer pour l’astrologie un processus sélectif et électif faisant son choix parmi un grand nombre de possibles délaissés.

   Il ne s’agit donc nullement, à notre sens, de fonder une nouvelle astrologie, “moderne”, comme tentent de le faire nombre d’astrologues, comme J. P. Nicola5 à partir de notre connaissance actuelle du système solaire et qui n’aurait en vérité aucune prégnance sur la réalité sociale, mais bel et bien de restituer l’astrologie qui a pu se mettre en place il y a fort longtemps, avec les moyens et surtout les besoins du bord - ni plus ni moins - et qui continue à nous conditionner et à nous programmer.

   Il convient de se méfier des rapprochements à la mode entre sciences sociales et sciences “dures”. En faisant appel aux sciences “dures”, pour renforcer leurs positions idéologiques - nous pensons notamment aux féministes (on citera l’anthropologue Françoise Héritier qui vient d’animer à la Cité des Sciences un séminaire sur “Masculin/ Féminin. La loi du genre”) - certains tenants des sciences sociales, aux fins de l’emporter dans le débat - font entrer le loup dans la bergerie, comme l’ont fait tant de factions, au cours des guerres civiles, n’hésitant pas à s’allier avec des puissances étrangères : on pense à la France des guerres de religion. Une même tendance existe avec la Nouvelle Histoire qui semble, de fait, avoir investi tout le champ des sciences de l’Homme. Or, ce que les hommes ont vécu et construit ne saurait se réduire à la connaissance que nous pouvons avoir de leur environnement mais à ce qu’ils ont fait alors de cette connaissance, comme ils l’ont traitée et appliquée sur le terrain et dont les conséquences, certes, nous déterminent encore de nos jours. Les parents ont mangé des raisins verts et les dents des enfants en sont encore agacées. Nous sommes, en effet, tributaires des choix opérés par nos ancêtres et des événements qui les ont marqués et sur lesquels ils n’avaient pas forcément de contrôle. Paradoxalement, c’est ce passé, aussi arbitraire fut-il, qui constitue bel et bien le socle, la trame intangible - sur laquelle nous pouvons certes tenter de broder de nouveaux motifs - de notre vie sociale présente.

Jacques Halbronn
Paris, le 17 juin 2004

Notes

1 Cf. nos travaux sur ce sujet, sur Encyclopaedia Hermetica, rubrique Astrologica. Retour

2 Cf. notre essai sur ce sujet, in collectif Eloges, Paris, Lierre & Coudrier, 1990. Retour

3 Cf. Pierre Daco, Les voies étonnantes de la nouvelle psychologie, Alleur (Belgique), Marabout, pp. 129 et seq. Retour

4 Cf. P. Daco, Les voies étonnantes de la nouvelle psychologie, op. cit. Retour

5 Cf. Pour une astrologie moderne, Paris, Seuil, 1977. Retour



 

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