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ASTROLOGICA

72

L’Astrologie et le Monde - le Colloque

Réflexions autour de rencontres avec quelques astrologues
par Jacques Halbronn

Compte-rendu des diverses réunions préparatoires de juillet
en vue du Colloque MAU des 12-13 novembre 2004 et réactions aux rapports.

    Le but du Colloque est double et se résume en cette formule : le regard de l’astrologie sur le monde et du monde sur l’astrologie. Les astrologues sont confrontés à trois défis à gérer : le Ciel, l’Histoire, les Hommes. Il y a deux réponses : celle qui refuse les limites et celle qui pose des bornes au champ de l’astrologie. Ce qui nous frappe, c’est que les tentatives pour endiguer l’astrologie aient en grande partie échoué, comme si l’astrologie n’était pas capable de se centrer, comme si elle voulait, de façon boulimique, s’approprier le monde, sans critère et sans limite. On pourrait parler des vertiges impérialistes de l’astrologie qui l’empêchent de renoncer à certains excès, à certains dépassements. L’urgence d’une réforme de l’astrologie nous semble flagrante, celle d’une cure d’amaigrissement, d’un régime assez rigoureux.

   Roger Hequet, la cinquantaine, fait partie de ceux qui exigent beaucoup de l’astrologie et peut-être trop ; il est en tout cas aux antipodes de l’astrologie humaniste et de l’astrologie conditionaliste, qu’il trouve probablement trop “molles” et vagues. On peut dire qu’il aborde, avec son ACB (Astrochronobiologie), l’astrologie mondiale avec les outils de l’astrologie individuelle, c’est à dire en dressant des thèmes pour des dates et des lieux précis, plutôt que de considérer les grands cycles planétaires. Ainsi, préférera-t-il fixer des moments cruciaux plutôt que des phases, des périodes. Hequet nous parle d’aspects exacts et non larges alors que par ailleurs les choses dans le monde suivent une progression, se développent, se déploient. Les saisons ne sont pas des points se réduisant aux équinoxes et aux solstices mais des espaces, des temps, et il faut laisser le temps au temps, comme on dit. Le rôle de la statistique, selon Jacques Halbronn, ne consisterait-il point à montrer l’existence de tendances lourdes, persistantes, ce qui libérerait l’astrologue de la nécessité de cerner un événement dans son unicité ? Pour Roger Héquet, c’est l’individu qui prime et tout passe par son thème, quitte à le faire progresser selon telle ou telle technique de directions plutôt qu’en prenant en compte les transits. Pour lui, l’accent mis sur le thème confirmerait symboliquement l’importance du biologique, de l’intérieur et limiterait en quelque sorte la part de l’astronomique, de l’extérieur.

   Quant à Daniel Cobbi, autre jeune quinquagénaire, s’il semble également fasciné par les délices de l’horoscopie avec son cortège de maisons et de maîtrises, il marque son engouement pour la question des ères, cycle long s’il en est et propose, à la suite d’un Max Duval, de remplacer le point vernal passant d’une constellation à l’autre par l’étoile fixe Régulus, qui a l’avantage de coïncider avec l’écliptique, dérivant d’un signe tropique à l’autre. Or, c’est à présent que Régulus change de signe, passant du Lion à la Vierge, puisque le précessionalisme semble impliquer d’articuler deux zodiaques, le saisonnier et le (con)stellaire. Mais un tel changement n’a lieu que tous les 2000 ans et plus. Cobbi propose cependant de subdiviser chaque ère en douze - ce qui donne des secteurs d’environ 200 ans - et d’ailleurs, il y aurait une pré-ère du Verseau débutant à la fin du XVIIIe siècle, ce qui correspond à la découverte d’Uranus (1781) et à tout un ensemble d'événements révolutionnaires.

   C’est l’occasion de s’interroger sur le recours aux planètes transsaturniennes dont un des attraits principaux, selon Héquet, est la dimension mythologique. Faut-il donc récupérer tout ce que les astronomes modernes font et disent, eux qui, par ailleurs, n’ont que faire de l’astrologie ? C’est d’ailleurs aussi aborder la question des points fictifs, qui correspondent à des repérages mais non point à des corps célestes : noeuds de la lune, signe ascendant, Lune Noire, mais aussi découpage en signes et en constellations. Pourquoi ne pas se contenter des aspects entre planètes visibles à l’oeil nu et étoiles fixes ? Astrologie minimaliste certes. Mais qui pouvait et pourrait suffire aux besoins des sociétés humaines.

   A la question : “quel est le champ de l’astrologie ?”, Didier Lustig, qui approche de la cinquantaine, répond que chaque planète détermine un champ d’activité, sans qu’il soit besoin de faire une réponse plus centrée. Cependant, ne vaudrait-il pas mieux de cerner certaines problématiques propre aux sociétés humaines et d’examiner si celles-ci peuvent s’articuler sur des configurations astrales plutôt que de partir du principe que chaque astre correspond nécessairement à une activité sociale ? Encore convient-il d’assigner à chaque astre une fonction nécessaire, normale, au bon fonctionnement de la société et non un rôle dramatique, extraordinaire, que penser ainsi de la division entre bonne et mauvaises planètes ? Pour Lustig, il apparaît, en tout cas, que la prévision passe par l’étude des recoupements entre les différentes techniques prédictives existantes : plus l’on dispose de techniques et plus on sera en mesure de faire apparaître des résultantes significatives, par une sorte de processus statistique de recoupement. Pas question de faire le tri a priori.

   Avec Daniel Cobbi, lors de la première session de juillet, est mise en perspective la consultation. Mais il ne faudrait pas oublier, signale Véronique Glorieux, le contre-transfert qui consiste à libérer le patient de son transfert, de sa fascination pour l’astrologie et pour l’astrologue. Et puis l’astrologue ne doit-il pas cesser de fantasmer à un moment donné sur son client et lui attribuer une connaissance absolue de lui-même, ne doit-il pas être conscient que son client est en demande et peut difficilement servir de référence pour évaluer le travail de l’astrologue ? Or, si l’astrologue est trop convaincu de la valeur réelle de l’astrologie - au point de se persuader que la mort est inscrite dans le thème natal - comment pourra-t-il aider son client à prendre du recul et à faire considérer celle-ci, l’astrologie, sinon comme un savoir supposé du moins celui-ci, l’astrologue, comme supposé (à tort) porteur d’un véritable savoir ? Il y a là une sorte de marché de dupes. D’ailleurs, qu’est ce que le client attend de l’astrologue qu’il ne trouve pas ailleurs ? Probablement une certaine forme de transcendance, de virginité... symbolisée par le thème natal, préexistant à l’existence ? En tout état de cause, l’astrologue n’est pas l’astrologie et tout ce qu’il dit et fait ne relève pas ipso facto de la seule astrologie, étant donné qu’il intégrera nécessairement des données extra-astrologiques. C’est pour cette raison que l’expérience de l’astrologue a sa dynamique propre qui n’est pas celle de la théorie astrologique.

   Le problème majeur qui semble ressortir de ces débats préparatoires et qui permet de prendre la température de la mentalité astrologique en ce début de XXIe siècle, tient à une grande réticence à limiter et à délimiter le champ de l’astrologie sinon celui de l’astrologue. Tout se passe comme si le praticien astrologue avait pris le pouvoir et imposé ses besoins à la théorie astrologique. Le praticien est un gros consommateur de données astronomiques ou para/métaastronomiques vu qu’il se donne pour mission de couvrir la vie de son client de la façon la plus fouillée, ce qui pose la question d’une astrologie qui serait de plus en plus divinatoire, faisant flèche de tout bois astronomique, mythologique et se sentant interpellé et concerné par le moindre événement, le moindre questionnement de la part de son client. Les facteurs fictifs ou réels sont dès lors mis sur le même pied, dès lors qu’ils figurent, comme signifiants, sur la carte du ciel natale ou autre, laquelle a une capacité infinie à intégrer et à articuler les données les plus diverses.

   Signalons que l’approche des enseignants en astrologie est sensiblement différente en ce qu’elle fournit aux élèves des données qu’il lui reviendra à interpréter, selon la fameuse formule “Soyez votre propre astrologue !”. Il y a en effet une grande différence entre se confronter soi-même à l’astrologie et rencontrer un astrologue. Il semble que l’astrologie humaniste et conditionaliste soient des astrologies d’enseignants en astrologie, ce qui les dispense d’une certaine surenchère divinatoire.

   En définitive, on retrouverait bien trois approches de l’astrologie: celle du praticien, celle de l’enseignant et celle du théoricien. Dans les deux premiers cas, l’astrologie est prise en charge par le client/patient/élève qui accomplit nécessairement un certain travail de décryptage et d’interprétation du propos astrologique qui lui est servi. Dans le troisième cas, en revanche, il revient au chercheur d’interpréter lui-même les données dont il veut rendre compte, sans faire appel au quant à soi de celui qui vient le consulter, sous une forme ou sous une autre. D’où l’importance pour cette troisième population astrologique, celle qui est la cible principale du Colloque de novembre, de l’astrologie mondiale et de la statistique, cette dernière tendant à relativiser l’importance des cas particuliers et débusquant les artefacts liés à des interférences de paramètres. Or, la grande question reste la suivante : comment faire ressortir l’élément strictement astrologique, par delà le coefficient, l’apport, personnels de l’astrologue ou de son client, au sein du vécu humain, tant individuel que collectif ?

   Encore faut-il s’entendre sur le recours à la statistique. Pour Hequet, il s’agit de montrer que l’on retrouve les mêmes configurations astrales (tel aspect à telle planète), pour des personnes vivant des situations comparables à des moments bien précis, comme la mort, puisqu’il s’agit chaque fois de dresser un thème. Par exemple, Hequet s’intéresse à la date des attentats commis en Israël et y découvre des constantes cosmiques. A ce propos, une proposition intéressante consiste à demander à plusieurs chercheurs en astrologie mondiale d’étudier le même dossier et d’expliquer comment ils l’abordent. On pourrait ainsi confronter les méthodes des uns et des autres pour cerner l’histoire du conflit israélo-arabe, ce qui est le type même d’information disponible et qui ne relève pas du bon vouloir du client qui est le seul à savoir ce qui lui est arrivé.

   Le Moi du client apparaît, en effet, comme jouant un rôle exorbitant dans la consultation voire dans l’enseignement à caractère astrologique. Constamment, en effet, l’astrologue praticien ou enseignant est confronté au savoir supposé de son interlocuteur. Car l’astrologue n’est pas le seul à être supposé savoir, selon la formule de Lacan, le patient, tout autant sinon plus, est supposé se connaître et connaître le monde, ce qui lui permet, en principe, de se placer en tant que juge du travail de l’astrologue.

   Situation quelque peu paradoxale et ambiguë qui veut que l’on aille voir l’astrologue qui apportera ses lumières alors qu’en fin de compte, c’est le client qui appréciera si ce que dit l’astrologue est “vrai” car comment l’astrologue pourrait-il savoir ce qui l’est quand il parle de ce qu’il ignore, à savoir de ce qu’est la personne en face de lui ? C’est probablement tout le problème du transfert, le client devant être conquis par le consultant et le consultant intéressé voire encouragé par son patient. Il y a là des attentes réciproques et qui rendent encore plus opaque la place de l’astrologie, par delà sa dimension symbolique, le thème étant au coeur de la relation astrologue/non astrologue dans le cadre du travail social de l’astrologue. En réalité, chacun manipule, instrumentalise, l’autre partie : l’astrologue fait croire à son client que ce dernier se connaît tellement bien qu’il pourra juger de la validité des propos qui lui sont tenus alors qu’en réalité l’astrologue lui impose de facto une certaine grille de lecture de ce qu’il est et de ce qui lui arrive tandis que le client fait croire à l’astrologue que l’astrologie est la planche de secours dont il ne saurait se passer.

   Que penser enfin de ces astrologues qui jugent d’autres astrologues en allant les voir en consultation, comme le signale Daniel Cobbi ? Situation pour le moins délicate pour l’astrologue ainsi consulté : voilà en effet un client qui connaît son propre thème, qui l’a pratiqué longuement, prenant la peine d’expliquer ceci et cela par tel et tel facteur et qui attend l’astrologue au tournant.

   Il convient également de se demander quelle est l’importance du facteur féminin dans les orientations prises par l’astrologie. On sait, en tout cas, que les femmes sont les plus nombreuses à suivre des formations en astrologie. Souffrent-elles plus que les hommes d’une certaine tension entre le conscient d’ordre social et l’inconscient individuel dans un monde qui tend à plaquer sur elles un modèle égalitaire à la fois séduisant et contraignant ? Par ailleurs, on se demandera si les femmes n’ont pas tendance à vouloir englober les phénomènes sans chercher nécessairement à les trier, à les filtrer. Et en ce sens, l’astrologie ne se serait-elle point singulièrement féminisée, elle qui, de nos jours, semble débordée par la quantité d’informations de toutes sortes à gérer, tant d’ordre événementiel qu’astronomique, d’ordre symbolique que psychique ? Par ailleurs, est-ce que les catégories astrologiques ne viennent pas se substituer peu ou prou au critère de la sexuation, l’astrologie, au travers de ses typologies, apparaissant ainsi avantageusement, aux yeux des femmes, comme un savoir asexué ou plutôt qui introduise de l’animus et de l’anima sans considération du sexe de l’intéressé - ou de sa race d’ailleurs -, ce qui aurait pu influencer les représentations jungiennes ?

   Pour notre part, une approche anthropologique nous semble éminemment recommandable: d’où l’importance de la question: comment est née l’astrologie à savoir aussi bien la relation hommes/astres que le discours qui est tenu à ce sujet, à moins que les deux problèmes ne se recoupent ? Si l’astrologie est la manifestation d’une projection de la part des sociétés humaines sur le cosmos et non pas le résultat - par quelles méthodes d’investigation ? - du décryptage des effets de l’environnement céleste sur l’Homme, l’astrologie doit correspondre aux besoins et au savoir astronomique des sociétés humaines il y a des millénaires. C’est entre ces deux options que les astrologues contemporains sont censés se situer et cela entraîne des démarches bien différentes, notamment dans la prise en compte des nouvelles planètes inconnues des Anciens mais aussi dans une attente minimale ou maximale quant à ce que l’astrologie peut apporter à l’Homme pour comprendre ce qui se passe en lui et autour de lui. Le paradoxe, c’est que plus l’astrologie se voudra totalisante et plus ses rapports avec d’autres savoirs seront difficiles : il nous semble en effet que les autres professions attendent de l’astrologie qu’elle connaisse ses limites pour lui faire une place. Or, le discours astrologique nous semble foncièrement exclure ce qui n’est pas lui-même, ce qui signifie qu’il n’a besoin d’aucun autre savoir pour appréhender le monde dans sa totalité. L’astrologie semble ne pas avoir dépassé le stade “impérial”, où l’on cherche à annexer l’autre, à ne faire qu’un avec lui. Ce qui rend en effet le dialogue du non astrologue - qui n’est pas nécessairement anti-astrologue - avec l’astrologue pénible, c’est une certaine difficulté à reconnaître ce qui n’est pas soi alors même que le monde semble très bien pouvoir se passer - excès inverse - de l’astrologie.

   En fait, le dilemme de la recherche astrologique ne tient-il pas au fait que soit l’astrologue rejoint ce que l’on sait déjà par d’autres moyens et cherche donc à se conformer à un discours dominant sur les gens et sur les événements, soit, il va tenir un discours décalé mais peut-être plus authentique et qu’il faudra chercher à valider autrement qu’en s’appuyant sur les représentations existantes. En ce sens, nous dirons que l’astrologie a prioritairement à voir avec les processus inconscients et ne doit pas chercher à tout prix à correspondre aux processus conscients. Or, il semble bien que seules les statistiques soient en mesure de valider ce qui est de l’ordre de l’Inconscient en faisant apparaître des constantes par delà la multiplicité des variables.1

Jacques Halbronn
Paris, le 25 juillet 2004

Réactions de Daniel Cobbi au pré-rapport du 24.07,
en date du 25.07 et réponses de J. H.

   “1° Le but du colloque est : le regard de l’astrologie sur le monde et du monde sur l’astrologie. Au demeurant très palpitant mais ressemble trop à celui de l’oeuf et de la poule; nous n’en saurons jamais rien. Je préfère imaginer un immense système de correspondances entre les marins et les astres, les agriculteurs et leur calendrier astral, bref cette synchronicité dont Jung s'est fait le chantre.
   Reste la problématique de la situation actuelle de l’astrologie en 2004. La 2e partie du XXe siècle a remis l’astrologie en vogue (Barbault, les humanistes, les conditionnalistes, les karmiques, les “noirs” luminaires). Mais l’on constate sur les trois plans -consultation, enseignement, recherche, une diminution que suscite l’intérêt de l’astrologie depuis 15 ans.

   2° Il faut désengorger le mammouth : l’accroissement des symboles astrologiques, comme les trois transsaturniennes, suivant le modèle astronomique est aussi cohérent que l’intégration de l’Amérique et de l'Océanie comme nouveaux continents. A chaque nouvelle découverte astronomique correspond une intégration potentielle au savoir astrologique pour autant qu’il soit vérifié sur les deux plans qualitatifs (symbolique consensuelle) et quantitatifs.
   L’astrologie ne peut devenir réductrice; elle doit au contraire expérimenter les astéroïdes, les comètes, les trous noirs, les étoiles fixes de première grandeur (issues de la tradition car il ne s’agit en aucun cas d’une nouvelle science humaine mais traditionnelle à évolution constante), les degrés monomères, un des plus beaux joyaux de l’astrologie symbolique et mythologique et pourquoi pas pour l’avenir de la terre, la course du soleil au niveau de la galaxie etc... Je parle bien de la recherche astrologique, les applications pratiques ayant du faire leurs preuves.

   3° L’astrologie perd pied devant les autres supports de voyance, tarot, graphologie etc), elle est trop complexe et trop mal utilisée par des charlatans mais à ma connaissance, après plusieurs consultations, elle donne des résultats prévisionnels incomparables. Ce serait un sacrilège (sic) de la réduire à une peau de chagrin pour qu’elle retrouve une place anonyme au sein des arts divinatoires ?

   4° Pour être plus clair, il y a trois niveaux d’intervention en astrologie :
            - la recherche qui s’alimente sur l’éternel duo astronomie- astrologie où toutes les expérimentations sont permises en thèmes personnels comme en mondiale
            - l’enseignement qui transmet ce savoir dont la partie est cohérente
            - la consultation qui n’utilise que les outils performants

   5° La consultation est, avant tout, un art qui demande des milliers d’études au préalable; la question n’a rien à voir avec le transfert et le contre-transfert tant l’astrologie est éloignée de la psychanalyse; en effet, c’est l’inverse qui se produit - pas un patient qui livre ses fantasmes à un grand manitou (j’ai suivi 10 ans de psy) mais un être mal dans sa peau qui n’attend point du tout l’analyse de sa psyché mais des solutions à un moment donné de sa vie pour la plupart des consultants. La parole est, en premier lieu, donnée à l’astrologue qui a évidemment vu par les transits et directions, les malaises du patient, ça n’est pas sorcier pour un homme de l’art. Ensuite, après un exposé structurel et symbolique, se dégage une alchimie - sous la forme d’un dialogue où les deux protagonistes tissent ensemble les cycles du passé et du futur pour établir les pronostics et même les dates précises si l’astrologue est performant, l’astrologue possédant avec ses cartes la maille structurelle, l’intervenant y glissant sa chair, son vécu, tout ce que son environnement lui permet d’extrapoler. Tout ce processus qui doit durer au moins 2 heures pour être sérieux (on n’est pas des cartomanciennes à 100 euros la passe !) amène à l’élaboration de conseils (l’enregistrement est obligatoire, la réécoute est fondamentale).
   Alors, pourquoi vouloir simplifier l’astrologie sinon pour en faire un malheureux support d’art divinatoire comme les autres. Non, la qualité de la haute couture se paye en cette société et si vous préférez un jean libre à vous. Très bref exposé sur la consultation, code déontologique non appliqué; résultat des courses, l’on va payer un numérologue 150 euros pour ressortir bredouille, totalement abêtis.
   Les logiciels informatiques ont complètement “cassé” le travail manuel de l’astrologue, dessiner un mandala, impliquant des énergies spirituelles, incomparable à une carte du ciel toute faite.

6° Jacques Halbronn parle apparemment confusément de l’astrologie féminine et de l’astrologie féminine. Il semble qu’il ait inversé les polarités de chacun :
      - le cerveau gauche, dominant chez la plupart des hommes est en rapport avec l’approche scientifique, la matière, l’objectivité, l’observation et le raisonnement, la méthode déductive, alors que le cerveau droit privilégie l’approche traditionnelle, la psyché, la subjectivité, l’identification et l’intuition, la méthode inductive. Entre les deux hémisphères cérébraux existe le corps calleux qui assure la globalité du réel et les archétypes. Une astrologie globale tient compte des deux approches et si ce sont surtout les femmes qui sont friandes de l’astrologie traditionnelle, c’est qu’il manque une part de rationalité actuellement à l’instar de l’astrologie humanise. Vive les mathématiques sacrées !

   7° D’accord avec J. Halbronn pour une astrologie ouverte aux autres disciplines et qui ne soit pas impériale, mais la récente astropsychologie me semble réductrice, l’approche symbolique et mythologique, vieille de 8000 ans est autrement plus puissante que les concepts des sciences humaines. Prudence à mon sens à ne pas réduire en éteignant l’essence de ce patrimoine. Nous sommes poussière d’étoiles alors que la psy a 150 ans !!!” (D. C.)

   Le texte de Daniel Cobbi est tout à fait caractéristique des contradictions de l’astrologie contemporaine, laquelle revendique à la fois son ancrage dans un passé immémorial et une modernité qui la rend perméable aux dernières avancées astronomiques. Denis Labouré ou Barbara de La Motte Saint Pierre ont au moins le mérite de chercher à s’en tenir aux données astronomiques traditionnelles et connues, conscientisées par l’humanité depuis des millénaires. Inversement, d’autres astrologues, dans l’optique d’un Jean-Pierre Nicola, d’un Bernard Blanchet, d’un Christophe de Cène, se démarquent résolument et radicalement par rapport au legs de la Tradition et s’efforcent de repenser l’astrologie sur de nouvelles bases. Entre ces deux extrêmes, on a évidemment le “marais”, toute une population astrologique qui correspond assez bien au profil dessiné par D. C. Ce mélange des genres se poursuit, d’ailleurs, à d’autres niveaux et notamment à celui de la consultation assimilée à une recherche ou censée incarner à elle seule toute l’Astrologie. Distinguer comme nous le faisons entre le travail de l’astrologue consultant et celui du chercheur en astrologie; c’est souligner la complexité des paramètres et des enjeux de la consultation astrologique, laquelle dépasse largement le champ propre de l’Astrologie. Là encore, D. C. ne veut ou ne peut pas trancher. Il y a des astrologues, comme Illel Kieser Elbaz qui insistent précisément sur le caractère transférentiel de l’astrologie et le fait qu’elle est instrumentalisée par le client/patient. Or instrumentaliser signifie utiliser sans tenir compte de la réalité intrinsèque de l’objet, ce qui est d’ailleurs le cas aussi de la genèse de l’astrologie laquelle a instrumentalisé le cosmos sans avoir à se préoccuper de ce qu’il est en soi, ce qui rend assez vaine toute tentative de “corriger” ou “compléter” l’astrologie en y intégrant une meilleure connaissance du dit objet, ce qui n’est pas ici pertinent. Il y a des chercheurs, par ailleurs, qui, se situant sur un plan statistique, refusent de se polariser sur les cas particuliers propres à chacun mais s’efforcent de dégager des constantes qui se retrouvent chez ceux qui ont le même profil, sur un point donné et évidemment pas globalement.

   Daniel Cobbi veut distinguer l’astrologie d’une part de la psychanalyse et d’autre part des arts divinatoires. Or, ce qui le gène dans la notion de contre-transfert, c’est la nécessité, en cours de route, d’une prise de distance demandée tant de la part du consultant que du consulté mais en fait le problème de D. C. est précisément qu’il reste attiré, justement, par la dimension divinatoire de l’astrologie. Il ne se demande pas pourquoi on va chez l’astrologue et si cela tient à la spécificité du transfert que cela engage et qui n’est pas du même ordre que par rapport à tel autre praticien, transfert qui relève essentiellement d’un fantasme, d’un supposé savoir qui est propre à l’image de l’astrologie bien plus qu’à son véritable modus operandi.

   Oui, nous persistons et nous signons : il est opportun et salutaire d’appliquer une grille masculin/féminin pour appréhender les discours des astrologues. Au risque de nous faire traiter de misogyne ou d’homophobe, nous dirons que les femmes - et nous y incluons les homosexuels hommes - ne sont pas gênés, effarouchées par le fouillis qui règne en astrologie, à tous les niveaux et elles ne sont pas programmées dans leur inconscient pour se lancer dans des opérations de tri, tant rien pour elle n’est vraiment absolument incompatible ou contradictoire.

   Ce n’est évidemment pas en cherchant à préserver la chèvre et le chou que l’astrologie parviendra à se sortir de l’ornière où elle se trouve... D’où l’importance de constituer des clubs de recherche exigeant une certaine rigueur intellectuelle, par delà bien entendu la diversité des positions des uns et des autres. Ce qui tue l’astrologie, ce sont les attitudes qui acceptent tout et son contraire et qui par conséquent s’épargnent d’avoir rien à prouver puisque l’on adopte une sorte de consensus mou et que l’on est d’accord avec tout le monde, sans se rendre compte des incompatibilités.

   Ajoutons qu’il nous semble également devoir décider si l’astrologie doit s’aligner sur le savoir populaire ou sur un savoir plus sophistiqué. Dans le cadre de la consultation, en effet, le langage joue un rôle capital avec toute la polysémie, l'ambiguïté qui le caractérise, laquelle ambiguïté ravit certain(e)s plutôt qu’elle ne les trouble. Quand l’astrologue parle, son but n’est-il pas d’employer des mots qui font sens, d’une façon ou d’une autre, pour son client ? Mais ce niveau de langage est scientifiquement très insuffisant et certains semblent s’en contenter, s’y complaire, même dans le champ de l’astrologie mondiale. Il nous semble, bien au contraire, que l’astrologie doive dialoguer avec des représentations sensiblement plus élaborées, d’où la nécessité de s’adresser à des spécialistes, au lieu de faire des sciences humaines au rabais; cette façon qu’a l’astrologie de vouloir passer par-dessus la tête des chercheurs en différentes sciences pour s’adresser, correspondre, aux représentations du monde que peut avoir le grand public est un travers qu’il convient de dénoncer. Car tel est bien là le problème: la consultation recourt à une perception très peu travaillée des concepts de la part de l’interlocuteur de l’astrologue. Et vouloir cantonner l’astrologie au niveau des conversations de café du commerce, en matière de politique ou de psychologie, nous semble bien être le principal vecteur de sa déchéance. Il revient au chercheur en astrologie - que nous distinguons ici de l’astrologue professionnel - tant en consultation qu’au niveau des médias - de ne pas se référer à des faits bruts mais de s’appuyer sur des conceptions de l’Histoire suffisamment élaborées, quand bien même ne seraient-elles pas familières du grand public, lequel ne saurait faire référence. Il faudrait pour cela que le dit chercheur ne se contentât point d’un tel langage approximatif, en cherchant, par ailleurs, à le compenser par la précision de ses pronostics! Mais il ne suffit pas non plus que le dit chercheur emploie un langage sophistiqué pour s’adresser à quelqu’un qui ne maîtrise pas, qui n’est pas averti de cette grille de lecture ; il ne convient pas non plus que le dit chercheur se satisfasse de son jargon astrologique mais bien qu’il recourt à des formulations qui soient acceptables, compréhensibles, par les sciences de l’Homme. En fait, le progrès en sciences humaines nous semble autrement important pour l’astrologie que le progrès en fait d’astronomie, comme d’aucuns semblent le croire. Plutôt que de parler doctement de cycle Saturne-Neptune, cette dernière planète n’ayant été découverte qu’en 1846, on ferait mieux de recourir à une terminologie un peu plus pointue en matière d’événements historiques, par exemple. D’ailleurs, dans le domaine du masculin et du féminin, il faudrait aussi ne pas se satisfaire de certains clichés assez éculés et passe-partout qui sont l’ordinaire de l’astrologue, combinant avec art formules hermétiques et sens commun, à l’instar des médecins de Molière avec leur latin de cuisine. Or, l’astrologue de terrain ne joue-t-il pas largement sur le principe bien discutable et douteux d’une intercompréhension spontanée et allant de soi entre lui et son client ?

   Autant, en effet, dénonçons-nous l’anachronisme d’une modernité astronomique projetée vers le passé et qui conduit d’ailleurs à discréditer une pratique astrologique millénaire et ignorante des nouvelles planètes, autant il nous semble indispensable de nous appuyer sur les travaux les plus avancés dans le domaine des sciences de l’Homme, étant donné que les recherches en ce domaine ne peuvent que nous renseigner toujours mieux sur son passé et son vécu ancestraux et sur notre hérédité. Ajoutons qu’il est urgent que l’astrologie passe par une certaine décantation, qu’elle perde ses boursouflures en s’ancrant sur la description de phénomènes relativement simples, répétitifs, récurrents, et en ne cherchant pas nécessairement à rendre compte de notre spécificité individuelle, au moyen de la seule carte du ciel. Car tel est bien ce qui distingue l’astrologue de terrain du véritable chercheur en astrologie, à savoir la fixation sur l’unicité de l’événement et de la personne sans se rendre compte que cela va carrément à l’encontre de la vocation de l’astrologie qui est de rapprocher ce qui peut paraître distinct et non pas de différencier à tout prix ce qui est semblable. Là encore, certains semblent être tout à fait indifférents à de telles contradictions et c’est pourquoi nous pensons que l’astrologie a besoin urgemment de recruter des esprits se refusant viscéralement à faire cohabiter ce qui ne va pas ensemble.

Jacques Halbronn
Paris, le 29 juillet 2004

Note

1 Cf. notre étude “Anthropologie et Inconscient”, rubrique Hypnologica, Encyclopaedia Hermetica en ligne. Retour



 

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