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ASTROLOGICA

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L’Astrologie et le Monde
- le Colloque (12-13 novembre 2004) -

Débats préparatoires, session d’août 2004
par Jacques Halbronn

Réunion préparatoire du 6 août 2004, chez Daniel Cobbi,
en présence de Véronique Glorieux, de Jacques Halbronn et de Catherine Laloux.

    Ces réunions sont toujours stimulantes. Celle-ci nous aura permis notamment de comprendre que certaines questions étaient mal posées car encore faudrait-il saisir les véritables enjeux et ce qu’on entend par “vrai” et par “faux”.

   Il est clair que pour quelqu’un qui n’a pas un sens aigu de ce qui est incompatible et inconciliable, on voit mal ce qu’il pourrait rejeter de ce qu’on lui dit. Or, ce qui nous fait dire que quelque chose est faux tient à ce que cela vient en contradiction de ce que nous tenons pour vrai. Si l’on a le plus grand mal à ressentir une contradiction, on va se trouver ipso facto dans une attitude d’acceptation ou en tout cas de “pourquoi pas ?”, terme d’ailleurs souvent employé par le client face au discours de l’astrologue, attitude de celui qui a le plus grand mal à refuser ce qu’il considère comme un enrichissement, un approfondissement du moi, donc comme un bien. Or, si c’est un bien, il n’y a pas à s’en priver, ce qui reviendrait à renoncer à un supplément d’être. C’est ainsi que le fait de passer de l’appartenance à un certain signe à une représentation plus complexe, plus diversifiée, du fait du thème natal, ne pourra être ressenti que comme un “plus”.

   On comprend mieux pourquoi Suzel Fuzeau-Braesch a obtenu certains résultats en demandant si les gens reconnaissaient leurs enfants dans certaines descriptions, surtout si les personnes sollicitées pour faire des tests étaient des femmes.1 Cela n’a guère de sens en effet de demander à des gens qui sont dans une logique de réception - où il faut parvenir à tout “caser” - de basculer dans une logique de sélection. Evitons le mélange des genres !

   Prenons une formule banale : “est-ce que j’ai droit à ?” A-t-on le droit d’avoir à la fois ceci et cela ? A-t-on le droit d’être à la fois ceci et cela ? Peut-on dire que prendre ceci empêche de prendre cela ? Il est évident qu’avant de commencer une consultation, il serait bon de s’assurer que la personne étudiée n’est pas dans un fantasme du “à la fois”, une boulimie identitaire, car dans ce cas la consultation risque d’être quelque peu “pervertie”, dès lors que la dite personne prendra un malin plaisir à exclure toute éventualité d’incompatibilité, poussée par une sorte de fringale de “droits”. A contrario, admettre que l’on n’est pas ceci ou cela aussi, par dessus le marché, n’est-il pas singulièrement frustrant ? Et puis, il est plus facile, apparemment, d’accepter que de rejeter, il faut davantage s’en expliquer, prouver que ce n’est pas possible surtout si l’on a en face de soi quelqu’un qui vient d’affirmer, avec une certaine assurance, quelque chose dans ce sens. Certaines personnes n’arrivent tout simplement pas à choisir, comme l’âne de Buridan. Tout horoscope vit aux dépends de celui qui l’écoute, pourrait-on écrire en paraphrasant Jean de La Fontaine. Quelle riche personnalité que celle qui est truffée de contradictions et dont le thème montre qu’il ne s’agit nullement d’élaguer mais de trouver des interfaces qui permettront de dépasser les apparentes dissonances ! Reconnaissons que tomber, pour un astrologue, sur des clients qui ne sont pas contrariants et qui sont tout disposés à admettre, sans sourciller - parce que cela ne les choque pas - des propositions opposées à quelques minutes d’intervalle, c’est du gâteau.

   Les femmes astrologues semblent particulièrement douées pour aider leurs clients à intégrer, c’est-à-dire à entretenir leurs tensions internes, même en affrontant la quadrature du cercle...On se demandera d’ailleurs, a contrario, si ce n’est pas cette confusion identitaire qui conduit chez l’astrologue pour qu’il fasse un peu le ménage mais dans ce cas l’astrologue ne devrait pas trop compter sur son client pour y voir clair. Comme on peut le lire dans Télérama du 28 juillet 2004 (p. 41) : “Si tu étais vraiment toi-même, tu serais qui d’autre ?” Mais on risque de basculer du tout au rien, on ne sait plus où on est, on passe d’une extrême à l’autre : on n’est plus dans l’accueillant “pourquoi pas ?”, mais plutôt dans le “qu’est-ce que j’en sais, moi ?” ; on fait la mauvaise tête, on fait exprès de refuser, par principe, ce que l’autre nous dit parce que cette personne nous déplaît ou que ses méthodes ne nous conviennent pas. Là encore, la consultation perd quelque peu de son sens, pour des raisons inverses : la personne ira jusqu’à nier l’évidence ou jouera sur les mots, en coupant les cheveux en quatre, ce ne sera jamais le mot qui convient.

   Il importe donc d’aborder la consultation en s’assurant que l’on n’est pas en face d’un de ces deux cas de figure. On s’en assurera en faisant les propositions les plus absurdes, en disant “n’importe quoi”, sans que le client ne tique ou en faisant les propositions les plus banales, c’est-à-dire qui valent pour tout le monde, en constatant que le client se rebiffe pour rien, que ce soit sur le plan psychologique ou événementiel. Il faudrait donc passer quelques minutes à s’assurer que l’entretien n’est pas faussé par de telles attitudes qui enlèvent à la consultation sa portée. Cela devrait faire partie de la déontologie de la profession.

   On pourrait d’ailleurs ajouter des tests, en dehors du contexte astrologique, permettant de déterminer si le client a le sens de ce qui est compatible ou non, s’il est dans une logique du “et...et” ou bien du “ou...ou”. Face à un monde où la personne se sent frustrée, un discours qui n’en finit pas d’amplifier, jusqu’à l’absurde, les limites du moi ne peut être que bien reçu.

   Lors de cette même réunion préparatoire, nous avons pu également observer une certaine langue de bois : on parle de subjectivité, de symbolisme, avec Catherine Laloux, mais on s’aperçoit vite que la personne n’assume pas pleinement un tel programme, que ce n’est là qu’une façon de donner le change : Bientôt, on nous parle de statistiques, d’observations concluantes, on est dans le double bind. Mis en face de certaines contradictions, l’astrologue se réfugiera dans le dédale du langage, en pinaillant sur telle ou telle formule. On passe ainsi, alternativement et parfois soudainement, selon le caprice, la bonne ou la mauvaise volonté, des uns et des autres, d’une fluidité où l’on se comprend à demi-mot à une extrême difficulté à s’entendre, tant les mots sont piégés. D’ailleurs, le refus, chez certains, de limiter le champ d’application du thème astral est symptomatique. “Tout” est dans le thème, c’est le thème attrape-tout, insatiable, engloutissant tout ce qui s’offre à lui, qui en veut toujours plus.

   Abordant la question du Tarot, nouvelle commission créée pour le Colloque de novembre, Daniel Cobbi nous déclare qu’il a toujours été déçu par ce qui passait par le Tarot, dans une consultation, ce qui nous amène à la question du transfert qui facilite ou au contraire empêche l’écoute. Il ne suffit pas qu’il y ait discours, il importe que l’on sache d’où le discours émane. Si sa source ne nous convient pas, nous avons tendance à tout rejeter en bloc et inversement à tout accepter, au prix de quelques accommodements, si la source nous sied. C’est dire que la consultation astrologique repose sur un certain nombre de paramètres et de préalables qui en conditionnent le bon déroulement et qui relèvent largement du profil du client.

   Ce qui manque cruellement aux débats entre astrologues ainsi que ceux qui mêlent astrologues et historiens de l’astrologie, ce sont les modèles. Le récent colloque d’Amsterdam de fin juillet 2004, consacré à “Horoscopes and History” n’a pas manqué à la règle. Il eut convenu en effet de resituer la question des horoscopes dans l’histoire de l’Astrologie et s’interroger sur la nature d’une astrologie pré-horoscopique, non horoscopique. D’ailleurs, l’ouvrage publié par l’organisateur, K. Von Stuckrad, Geschichte der Astrologie (Munich, Beck, 2003), opte d’entrée de jeu pour un exposé “systématique” et synchronique des différents facteurs du savoir astrologique.2 Or, ne pas s’interroger sur la genèse d’un processus, n’est- ce pas s’interdire d’en saisir les véritables perspectives, tout comme d’ailleurs ne pas réfléchir sur les causes de son déclin ?

   Nous proposerons, pour notre part, le modèle suivant : l’horoscopie serait l’expression d’une perte de savoir, un ersatz permettant de “travailler” le ciel sans avoir à en connaître les clefs. Qui ne voit, en effet, que le thème astral est une approche aléatoire du ciel ? Au lieu de découper le temps cosmique selon une cyclicité invariable et de replacer ce qui se passe sur terre dans un tel cadre, ne voilà-t-il pas que l’on balise le ciel au hasard des naissances et autres circonstances de quelques humains, ce qui relève, on l’avouera, d’un certain anthropocentrisme ?

   L’horoscopie correspondrait donc à une projection du temps humain sur le temps cosmique, ce qui permet de masquer une lacune à savoir la connaissance du dit temps cosmique, tant il est vrai que toute projection est fondée sur une ignorance, un oubli, un accès refusé.

   L’horoscopie serait donc dans un rapport de solution de continuité avec le savoir astrologique antérieur à son émergence, c’est la présence de l’absence, comme disait le regretté Jean Carteret.

   Dès lors, la fin du manque ne risquait-elle pas de conduite au déclin de ce qui comblait artificiellement/artificieusement le dit manque ? Plus le savoir astronomique se précisait et plus la “solution” astrologique en termes de structuration du temps céleste apparaîtrait comme vaine. En réalité, soulignons-le, il s’agit là d’un malentendu étant donné que les progrès de l’astronomie n’ont nullement conduit, du moins jusqu’à présent, à restituer le temps cosmique au sens où nous le concevons ici.

   Car, ce n’est pas en perçant les secrets de l’astronomie que l’on allait retrouver ceux de l’astrologie et ce d’abord parce que la connaissance que les Anciens avaient de l’astronomie ne correspondait pas nécessairement à celle des astronomes modernes mais aussi parce que Astronomie et Astrologie ne coïncident pas sur toute la ligne, l’astrologie étant l’enfant de l’astronomie et opérant des choix au sein de l’ensemble céleste selon les besoins qui sont les siens et qui ont un rapport direct avec ceux de la Cité. C’est là que l’historien doit prendre le relais de l’anthropologue car à un moment donné des choix s’opèrent parmi d’autres et il ne s’agit donc pas, comme le fait un J. P. Nicola, de chercher à élaborer le modèle idéal mais de déterminer quel modèle les sociétés antiques, il y a quelques milliers d’années, ont constitué et cela ne s’invente pas, il faut précisément essayer d’en percevoir les traces non pas tant au sein du savoir astrologique traditionnel mais également dans la cyclicité de l’Histoire telle que nous pouvons encore aujourd’hui la vivre.

   On nous objectera qu’il s’agit bien là encore d’anthropocentrisme. Certes, mais pas dans le sens où nous l’entendions tout à l’heure à propos de l’horoscopie. Il convient en effet de distinguer une astronomie dont on respecte les structures mais dont on n’utilise que ce dont on a besoin et une astronomie dont le cycle se voit remplacé par des clichés, par des coupes aléatoires.

   Il nous semble essentiel d’appréhender l’astrologie dans le cadre des sciences sociales et c’est bien à tort selon nous que l’astrologie moderne a cru trouver son salut en s’alignant sur la nouvelle astronomie, fournisseuse, clefs en main, de nouvelles planètes, dûment pourvues d’appellations mythologiques. Une telle approche nous semble en effet source de graves anachronismes en projetant sur le passé un savoir complètement décalé et inadéquat. En revanche, l’anthropologie peut tout à fait nous aider à remonter dans le temps étant donné que nos sociétés sont porteuses d’un passé très ancien. Daniel Cobbi, dans un courrier, nous assure que les modernes astronomes ne seraient pas disposés à voir l’astrologie considérer comme ne la concernant pas la découverte de nouvelles planètes. A notre connaissance, le fait que l’astrologie actuelle recourt à ces astres récemment découverts, n’a pas pour autant amélioré son image. Bien au contraire, nous pensons que si l’astrologie s’était tenue à l’écart de ces nouvelles données en s’en tenant à l’idée que c’est le monde des Anciens qui la concerne en ce qu’il a marqué durablement notre Inconscient Collectif et non ce qui peut émaner d’un savoir astronomique réservé à une élite et concernant des astres qui plus est invisibles à l’oeil nu, sa position en aurait été sensiblement renforcée; au regard en tout cas des sciences de l’Homme qui n’ont que faire d’une discipline présupposant une influence inconsciente d’un ciel en partie inaccessible et non repérable tout en ne se privant pas de revendiquer un savoir millénaire ! Mais l’astrologie n’en est pas à une contradiction près et il est fâcheux que ceux qui parlent en son nom aient démontré qu’ils ont perdu tout sens de ce qui est ou non compatible !

   Ajoutons que la façon dont les astrologues parlent de statistiques est également édifiante : Daniel Cobbi, dans ses courriers, souligne à quel point l’apport statistique est pauvre dans le cadre de la consultation. Or, il semble oublier que si le savoir astrologique a pu se constituer, selon les thèses qu’il revendique, et qui présupposent que les astres sont porteurs en soi de significations que les hommes n’auraient fait que décoder, cela suppose bel et bien une certaine forme de démarche statistique, seule façon de déterminer la fonction de chaque astre. La recherche statistique nous apparaît comme un mode tout à fait pertinent d’exploration du passé et de décantation de la complexité apparente des choses. Certes, l’individu ne se réduit-il nullement à ce modèle astral de type statistique, au sens des résultats Gauquelin notamment. Mais ce qui se situe au delà de ce cadre relève-t-il toujours de l’astrologie ? Enorme difficulté, on le voit, pour nombre d’astrologues, à délimiter le champ de l’astrologie et par là même à nous expliquer comment le savoir astrologique a commencé à se constituer en définissant les caractéristiques de chaque planète, si tant est que l’on admette que c’est par là que les choses ont du commencer avant d’aboutir au thème astral! En fait, tout se passe comme si les astrologues avaient le plus grand mal à choisir entre des hypothèses contradictoires et voulaient le beurre et l’argent du beurre.

   Certes, le simple fait d’associer hommes et astres semble bien relever de ces incompatibités dont nous parlions plus haut. Mais encore faudrait-il distinguer entre l’action et la connaissance: je peux rapprocher deux objets et les inscrire de mon propre chef dans un même ensemble mais je n’ai pas pour autant le droit d’affirmer que le lien existait avant mon intervention. C’est là précisément ce qui différencie notre approche de l’astrologie de celle de la plupart des astrologues, lesquels se sentent obligés de postuler un lien préexistant à toute entreprise humaine. A vrai dire, la transcendance a bon dos et ceux qui se disent “humanistes” le sont de bien étrange manière. Pour nous l’astrologie ne serait nullement la preuve que l’humanité se soumet au cosmos mais bien au contraire qu’elle a su le soumettre, le conquérir: le cosmos, pour paraphraser une formule célèbre, serait, selon nous, la plus belle conquête de l’Homme.

   Nous avons reçu une réponse de Roger Héquet à nos observations concernant sa démarche.3 En gras, R. H. nous cite puis répond :

   JH : “Les astrologues sont confrontés à trois défis à gérer : le Ciel, l’Histoire, les Hommes. Il y a deux réponses : celle qui refuse les limites et celle qui pose des bornes au champ de l’astrologie.”

   Je serais peut être ici plus “modeste” que vous Monsieur Halbronn. Pour une fois… J’en arrive à penser que “nous” n’aurions, astrologues, “que” deux défis à relever plus qu’à gérer encore : le Ciel et l’Homme, ou les hommes par extension.

   Je pense l’Histoire déjà trop “culturée”, interprétée, “hantée” déjà du complexe humain, pour ainsi être ou devenir une “condition” à l’astrologie, son esprit, ses principes, sa finalité.

   Je pense que l’Histoire participe déjà d’une interprétation du monde, continue à participer à une vision Politique du monde, parfois politicienne. Une Histoire qui participe encore, comme la sociologie, la psychologie, la philosophie, à l’élaboration d’un schéma structurel “raisonnable”, “sensé”, du monde comme de Soi. Une “projection” humaine.

   Une Histoire qui serait ainsi de l’ordre du “relatif” quand le “signe” astrologique, plus que son langage encore à élaborer de manière stricte, serait du ressors d’un absolu mathématique.

   Sans doute alors ce signe astrologique ne serait pas, en aucun moment, accompagné d’autre sens que celui de sa chronologie. D’un “Ici et maintenant” absolu. Tout autre sens lui sera offert dans un accompagnement humain, en réaction.

   Qu’il nous faille, pour rendre intelligible ce “signe” à nos structures mentales et psychologiques, pour même qu’il nous devienne utile, l’ “habiller”, le faire accompagner de ce sens, qu’il soit spirituel, philosophique, psychanalytique, raisonnable ou historique, très bien, mais il est en ACB considéré dans le signe astrologique, sa finalité objective, sa “fin” mathématique, “sans âme” mais au Principe strict.

   Une Puissance à la finalité brute qui s’imposera aux “moyens” humains. A ces besoins de compréhension, de maîtrise mentale. Une “Volonté de Puissance vers”… chère à Nietzsche et dont les buts dépasseraient largement les champs de notre conscience. Gagner le combat “du Vivant”. De son vivant. Semblable combat du vivant en Soi comme dans tout l’univers.

   L’astrologie nous donnerait à observer la coïncidence d’un temps, d’un idéal mathématique qui nous habite, avec la “nécessité” que nous aurions d’ “être”, de devenir, d’exister. L’existence comme prolongement énergétique à cet “être”, un support à notre équilibre mental, pavée de toutes nos “bonnes intentions”, nos “bonne raisons”, fait d’une succession de “bulles”, de formes projetée d’une formidable énergie contenue en chacune de nos cellules. Quelques moyens d’acheminer une “fin“ brute qui se “fichera” pas mal de ce que nous aurions “mis en place” pour l’exister. Nous évitant ainsi quelques schizophrénies chroniques à notre approche de Soi et du monde.

   L’astrologie comme Fin “obligée” et non comme Moyens. Ces derniers nous appartiennent. Appartiennent à notre raison, nos consciences limitées de ce formidable combat qui nous habite et habite le monde.

   “Ce qui nous frappe, c’est que les tentatives pour endiguer l’astrologie aient en grande partie échoué, comme si l’astrologie n’était pas capable de se centrer, comme si elle voulait, de façon boulimique, s’approprier le monde, sans critère et sans limite. L’urgence d’une réforme de l’astrologie nous semble flagrante, celle d’une cure d’amaigrissement, d’un régime assez rigoureux.”

   Une cure d’amaigrissement ? Quand l’astrologie est déjà un corps rachitique de son peu d’efficacité, de cohérence, de sérieux souvent. Voyez le “poids” de la biologie, de la physique, de la mathématique ,sur la lecture que nous avons de nous même et du monde qui nous entoure.

   S’approprier le monde, sans critère ni limite ? Mais je pense à ce qu’est l’Astrologie, plutôt à ce qu’elle serait si… elle fonctionnait exactement, systématiquement, comme on l’attend d’une science. Une science de l’action de Soi autant que de la Connaissance de Soi. Ce qu’il faudra bien qu’elle soi. Histoire déjà que nous ressemblions un peu plus à cet Etre Philosophique cher à notre siècle des “lumières”. Et la Philosophie s’articule autour de ces deux axes d’action et de connaissance. Une science qui aura parfaitement su ces cinquante dernières années s’approprier “l’espace humain” avec une astro-psychologie devenue performante et efficace, mais qui se devrait à présent sans doute de s’approprier son “temps”. D’ainsi toujours plus “justement” coller à la réalité humaine qui fera véritablement de cet Homme un “espace-temps-sujet”.

   Cette science serait extra-ordinaire. Une de ces sciences qu’on nommait “magiques” à une autre époque parce qu’elle se devait de considérer toutes les dimensions du vivant.

   L’astrologie qui me préoccupe concerne certainement plus le “Vivant” que l’individu qui lui donne conscience mais quel magnifique support de ce vivant dans cette condition humaine !

   Je n’ai jamais cesser de rêver à l’astrologie comme on imagine une science absolue. Sinon de quelque absolu. Quand bien même celui ci serait mathématique, une équation radicale.

   Alors la limiter dans ses possibles quand elle en est restée à des balbutiements ?

   S’offusque-t-on lorsque après avoir demandé le champs des possibles de la biologie, de la physique, un chercheur vous dit qu’il n’en sait rien, que tout est possible ?

   Devons nous à ce point ôter à l’astrologie, à son Principe déjà, ce champs de ses possibles sous prétexte qu’avec ce peu de son savoir encore nous ne savons pas, n’avons pas su la faire la faire fonctionner telle qu’elle se devait, j’en suis certain pour beaucoup d’astrologue praticiens, de fonctionner dans nos esprits de chercheur aux premiers abords de notre recherche d’elle ?

   Je prétends ainsi à l’astrologie un champs des possibles grandiose. A nous de le vérifier. De l’expérimenter. De la concevoir en nous appuyant bien sur et oh comment, avec conviction, sur cette “Tradition”, cette connaissance empirique, qu’accompagnait sans doute quelques inconscients… ce “savoir qui ne sait pas”, mais aussi en faisant en sorte d’enfin dépasser cette “Tradition“ qui sera devenue une tradition, presque une habitude.

   Nous en sommes ici… Nous voyons le résultat… Muni de nos connaissances et de celles de spécialistes de chacune de nos sciences allons maintenant plus loin. Et jusqu’aux trans-saturnienne puisqu’elles sont.

   La complexité humaine moderne, consciente comme inconsciente, celle de son existence même, a bien besoin d’autres points de repères, d’autres éclairages qu’il fut nécessaire il y a encore 150 ans. Expérimentons !

   En sachant bien évidemment nous séparer, avec objectivité, de ce qui ne “fonctionne” pas. En considération, encore une fois, de toutes les dimensions de l’Homme, de son espace psychique et de son temps déjà, qui lui offriront un “ici et maintenant” objectif, une réalité humaine individuelle et mesurable. Ainsi de toutes les réalités.

   Depuis 2002, la science aura continuée à avancer en tenant compte de ces réalités.

   “Roger Hequet, la cinquantaine, fait partie de ceux qui exigent beaucoup de l’astrologie et peut-être trop; il est en tout cas aux antipodes de l’astrologie humaniste et de l’astrologie conditionaliste, qu’il trouve probablement trop “molles” et vagues.”

   Il ne sera jamais inscrit sur le fronton de “mon” astrologie : “Ça m’suffit”, c’est exact.

   La vision “humaniste“ ou conditionnaliste des choses nous la pensons trop “confortablement”, intellectuellement, installée sans doute oui.

   Je ne conçois la liberté humaine que d’accompagnement, d’adaptation, à son Intérêt Premier. Cosmo-génétique.

   Un patrimoine humain que se partagera la biologie et l’astrologie si cette dernière le décrira dans une lecture “finalisée“.

   Liberté d’accompagnement: je me casse la figure, je n’ai pas choisi, mais maintenant il m’appartient, c’est vrai, de me relever en pleurnichant ou en pensant qu’il me faudra désormais faire plus attention. En me questionnant déjà sur les causes immédiates de ma chute. Et ainsi toute notre existence. C’est non seulement ainsi que je pense mais c’est aussi ainsi qu’expérimente la “chose” l’astro-chronobiologie. Nous apprenons d’expérience et n’avons aucune maîtrise sur la chronologie et la teneur avec laquelle cette “expérimentation“ de l’existence se fera. Nous ne sommes “que” des “réactifs”. Dès lors en effet l’astro-chronobiologie fait figure d’épouvantail.

   Mais où donc se situe notre libre arbitre ? Nous sommes déterminés de notre couple et de ce qui, en Soi, l’aura “provoqué” et le fera plus ou moins bien perdurer, déterminés de la Présence de nos enfants, de celle de nos voisins, de l’exigence à être de chacun de nos semblables rencontrés. Déterminés socialement, culturellement, économiquement, mais bien sur, et toujours, nous “acceptons” plus ou moins “heureusement” de l’être et jusqu’à l’oublier, pour quelque nécessité et raisons.

   Ne croyons pas qu’un quelconque déterminisme cosmo-génétique, astrologique pour faire court, aurait lui, de son coté, forme d’extra-ordinaire. De monstruosité. De façon semblable il empruntera, il emprunte, la voie de la nécessité et de la raison. De la logique. De “notre” logique. C’est dés lors raisonnablement que nous existons déjà de ce déterminisme. Rien qui ne nous choque la plupart du temps de celui ci dans nos “ici et maintenant”. Tout nous pousse, tout nous entraîne, et jusqu’à notre raison et intelligence, vers ce dont nous sommes faits, vers ce que nous sommes destinés à être, à devenir. Sans heurt à notre nature puisque c’est elle même qui porte une destinée qui lui “correspondra” idéalement alors. Puisqu’elle même sera celle ci.

   Il ressort encore de ces “écoles” et théories que l’astrologie ne sert à rien d’autre qu’à être un support supplémentaire, presque quelconque, à d’autres “intérêts” intellectuels : une spiritualité qui se vivra parfaitement sans l’aide de l’astrologie, une névrose qui saura se faire accompagner d’autres moyens thérapeutiques, un “humanisme” un peu trop “occidentalisé”, “confortable”, politique, etc.

   “On peut dire qu’il aborde, avec son ACB (Astrochronobiologie), l’astrologie mondiale avec les outils de l’astrologie individuelle, c’est-à-dire en dressant des thèmes pour des dates et des lieux précis, plutôt que de considérer les grands cycles planétaires. Ainsi, préférera-t-il fixer des moments cruciaux plutôt que des phases, des périodes.”

   Si effectivement l’ACB utilise les outils traditionnels d’une astrologie individuelle pour “suivre” le monde, le plus précisément puisqu’à la journée, il est parfaitement possible à l’astro-chronobiologie d’extraire d’un Graphe dit mathématique, les “signes” astrologiques significatifs pour de longues périodes, sinon même d’une ère. De l’heure au millénaires.

   Le manque de temps m’aura empêché d’explorer justement ces grands axes mondiaux, ces périodes mondiales qui sont si chères à l’historien que vous êtes Monsieur Halbronn.

   Mais aussi tant et tant à comprendre de notre monde actuel, à suivre, à questionner, à expérimenter, peut être un jour à prévenir… quelque part. N’est ce pas aussi une raison d’être de l’astrologie de nous donner à prévenir ? D’être utile à l’expression de notre vivant.

   Qu’il soit alors donné à nos fonctionnements d’adaptation de toujours mieux fonctionner, plus raisonnablement. Idéalement. Au nom d’un “ordre”, un “sens”, humano-cosmo-biologique qui vaut sans doute bien autrement que celui des intérêts pétroliers.

   Et quand bien même nous n’aurions que peu de marge de manœuvre dans un déterminisme quasi absolu, en Soi, de Soi, de sa dimension astrologique, je pense la liberté humaine dans ses possibilités de “déplacer” la finalité à ce déterminisme.

   Cette liberté plongerait ses possibles dans l’analogie des mondes sectoriels. Les maisons astrologique. Véritables portes ouvrant sur un choix des possibles dans ce “déplacement” d’une “forme” à une autre de “substitution”.

   “Hequet nous parle d’aspects exacts et non larges alors que par ailleurs les choses dans le monde suivent une progression, se développent, se déploient.”

   Hum, en sommes nous encore à “mesurer” les saisons Monsieur Halbronn… Je plaisante en me souvenant d’une de vos réflexion à Chantal DEPOUX présente à notre réunion.

   Demandons nous plus sérieusement si l’existence de certains de nos consultants leur laisse autant de “temps au temps” ? Et pourquoi d’ailleurs laisser ce temps au temps quand nous n’en avons que si peu et que déjà nous comptons chacun de nos pas qui devront nous emmener au terme ? Chaque jour est un jour nouveau de prolongements, de transformations, de formes nouvelles. Le regard de l’historien que de ne vouloir observer du vivant, individuel ou mondial, que ses grands mouvements collectifs ? La révolution française ne s’est certainement pas faites en un jour, ni en 1789, spontanément, mais plus vraisemblablement aura- t-elle été issue, l’issue, d’une succession de personnages particuliers, de jours, d’instant, particuliers, qui eux mêmes auront été formatrices d’années particulières qui pas à pas auront tissée une logique, une raison, historique. Qui en fera alors une nécessité. Nécessité qui, bien évidemment aussi, sera décelable dans sa pleine expression, pour l’année 1789. D’une autre force de projection qui nous en donnera la possibilité.

   Chaque jour serait ainsi non seulement à mesurer mais à comprendre, à accompagner, à prolonger, sur le support astrologique. Chaque jour ainsi nous allons au devant de ce qui nous attend “brutalement” et les conditions de ce qui sera confrontation entre cette finalité et nos attentes humaines se comprendront, se prépareront, de chacun de nos jours. De chacun des éléments qui feront l’ensemble que nous auront “conscientisé” en finalité.

   Pour la “petite histoire”, je ne suis pas certain que la vie d’un gagnant au loto d’un million d’euros n’ai pas strictement changée à l’exact instant où il aura “remarqué”, Vendredi à 20h45, qu’il avait gagné. Point d’orbe ici je vous assure… Entre “sa veille” qui lui faisait craindre pour sa pleine sécurité et ce jour, cet Instant, qui lui offre de devenir plus confortablement quel point commun ? Pourra- t-on ainsi englober dans un même “signe” ces deux “existences” aussi différentes, une qui se termine, une qui s’est à ce point transformée qu’elle semblera commencer ? L’important ne sera pas même uniquement celui du “signe” ou de la signature du “Fait”. En ce signe, cet aspect, ce complexe, serait contenu la “finalité”, au terme des transformations qui lui feront suite, à ce fait.

   Je ne suis pas encore certain non plus que les habitants de Bagdad, de Tel Aviv ou de Ramallah, ne sanctifient pas quelque part chaque jour passé sans attentat meurtrier. Point d’orbe ici aussi pour ceux ci. Hier 20 morts dans un bus, aujourd’hui un peu de paix. L’astrologie ne ferait ainsi aucune différence entre ces deux jours ? Ces deux réalités successives ?

   Comme en ACB mondiale, certaines possibilités techniques du système offrent d’extraire des potentialités individuelles sur de longs mois ou plusieurs années mais l’“urgence” du jour et de son lendemain est aussi quelque part devenue de notre monde.

   “Pour lui, l’accent mis sur le thème confirmerait symboliquement l’importance du biologique, de l’intérieur et limiterait en quelque sorte la part de l’astronomique, de l’extérieur.”

   Comme théorise la Tradition : “Ce qui est en haut est égale à ce qui est en bas”… Le plus “grand” comme le plus “petit”… Il y a déjà quelques années qu’avec l’avance de la biologie ce “plus bas”, ce “plus petit”, n’est plus l’Individu comme ensemble mais est sa biologie, ses gènes. L’endroit de son énergie “primale”.

   Dés lors l’ACB “s’adapte” sans doute en pensant que l’immensément grand cosmologique est égale à l’infiniment petit qu’est notre cellule. C’est dans cette cellule que le système placera, en son centre, la carte du ciel chère à nos pratiques. Schéma structurel encore primitif bien sur mais autant que peut l’être celui d’électrons tournant autour d’un noyau atomique. Nous serions composés d’elle. Nous serions elle, elle serait nous. A chacun de ses “pas” serait un des miens. Avec peut être un objectif à notre portée au moins: En conscience, faire coïncider notre temps et notre espace. Idéalement.

   Nous portons dans notre génétique ce que l’ACB nomme un “idéal”, les possibilités d’un “synchronisme” parfait entre ce que “nous veut” le ciel et ce que nous souhaitons profondément, abruptement, être. Et tout ce qui entrera, tous ceux qui entreront, dans notre sphère d’influence, notre espace vitale, en vertu d’un Principe premier, tendra, tendront, à nous conduire, à nous pousser et attirer, à celui ci. Plus ou moins aisément ou violemment.

   Idéal que nous pouvons bien sur, c’est peu de parler alors de cette liberté ci, gâcher ou au contraire magnifier dans sa texture, au moyen toujours de quelque attitudes “affectives”, humaines… trop humaines parfois : l’impatience pour le moins, la faiblesse ou la lâcheté, bien sur l’ignorance pour une grande part, mais aussi l’amour et la compassion. La confiance.

   Mais en marge pourrait on dire de cet état de Soi, le fait, la situation, astrologiquement “attendus” pour tel ou tel jour, sera effectivement au rendez vous, abordée de quelque raison, entraînée de quelques nécessités et personne n’y échapperait qui même, de ses “petits bras musclés”, ou partant d’une volonté humaine que nous connaissons trop bien pour en attendre à ce point, tenterait de changer la position natale d’un Pluton sur son thème d’une même façon qu’il ambitionnerait d’arrêter le temps.

   Seulement, pour accompagner ce fait, cette situation, notre présence au monde reste essentielle pour faire en sorte que ce qui nous aura été “donné” de potentialité, de puissance, à être Soi, au bout du compte et pour n’avoir pas su ou pu être parfaitement celui ci, ne rende plus compte que partiellement, et proportionnellement à cette “inexactitude”, de ce qu’elles nous “promettaient”. Idéal… Idée fondamentale et fondatrice de Soi. Sa “forme” première.

   Si le chaos ne “pensait pas” - nous dit Bernard Edelman4, s’il ne “créait” pas, s’il était composé de forces purement quantitatives, il n’y aurait ni devenir, ni éternel retour : à un état, succéderait mécaniquement un autre état, dans un mouvement éternel et vide. Mais le chaos “pense”, le chaos “vit” dans ses propres forces, il “crée” avec ses propres forces. “Penser” au stade primitif (pré organique), c’est réaliser des formes. Comme dans les cristaux. En d’autres termes, le chaos “pense” par “forme”, il construit son ordre dans des formes et le devenir lui même est une succession de “formes”.

   Nous sommes issu de ce chaos… De cette forme initiale en perpétuel devenir… D’abord celle ci n’aura probablement été qu’une ombre et jeu de contrastes sur quelque mur au devant de Soi comme en soi. En quelque “caverne”, quelque crainte primitive, quelques ignorances “basiques” aussi.

   Mais “Il n’y a pas de fait, rien que des interprétations” souligne Nietzsche.

   Une Conscience des choses de Soi et déjà sa projection au delà. Une “attention” à l’existence de son vivant. Alors la forme se précise, se spécifie, se personnalise pour déborder son expression la plus simple, le “vivant primitif” qui nous habite dans ce qui serait encore une “soupe énergétique”. Sans forme “durable”, identifiable comme telle. Remarquable. Dieu, “lui même”, est il écrit dans la Bible, “forma” le premier homme d’un peu de terre et d’un souffle.

   Commençons par imaginer ce qui peut être au centre de notre carte du ciel… faisons rayonner vers l’extérieur de cette carte mille faisceaux de “lumière”. Pour cela il suffira de laissez notre ordinateur tracer en ce centre et en couleurs tous les aspects possibles… en augmentant les orbes au maximum. Observons cet amas d’énergie dessiné en ce centre, au centre de nous. Cette énergie nous est vitale. Elle est l’expression “brute” de notre vivant. Contenue au plus profond et “lointain” des atomes qui nous composent elle passe d’abord par un premier filtre complexe qui attend le débordement de cette énergie tout autour du cercle zodiacal : la structure de notre ciel, ses formes, forces et particularités propres… chaque point à sa place, sa position en secteur et en signe, sa longitude. Passant “devant” un Jupiter qui serait à 12° 05 du Sagittaire et en V, la “lumière”, l’énergie vitale, projetée du centre (de votre thème comme, en temps réel, du cœur de votre réalité génétique ), en prendra la “forme”… comme l’éclat lumineux d’une bougie passant devant quelque autre réalité “formelle” projettera la forme de celle ci sur… le mur “noir de nos nuits blanches” dit le poète.

   Un second “filtre” attend cette force brute… le codage de nos gènes… Nos “formes” suivantes… biologiques, physiologiques, physiques…

   Cette énergie vitale, au centre de cette carte cosmo-biologique, mue certainement par ce que Nietzsche nomme “Volonté vers la puissance”, tendra toujours à “déborder” l’extérieur du cercle zodiacal, pour toujours plus d’existence, de Durée, de Vivant, à l’image de l’univers.

   En finalité, ce que nous projetterons de Soi sera de l’existence, du “remarquable”… après encore devoir passer par quelques autres filtres secondaires… “culturels”, sociaux…

   L’organisation psychologique et sociale de l’expression de sa “Volonté de puissance” propre.

   “Pour Roger Héquet, c’est l’individu qui prime et tout passe par son thème, quitte à le faire progresser selon telle ou telle technique de directions plutôt qu’en prenant en compte les transits.”

   Non pas par telle ou telle technique de direction. L’ACB est un complexe cohérent qui se suffit à lui même comme structure.

   “Il convient également de se demander quelle est l’importance du facteur féminin dans les orientations prises par l’astrologie.”

   Je vous suis parfaitement ici Monsieur Halbronn. Quand bien même, aussi, mon “image” déjà bien écornée s’en trouverait brûlée sur la place publique.

   La “responsabilité” de la femme astrologue dans une astrologie “fouillis”. Dans laquelle se trouvent mêlés tout et son contraire… dans un souci qui serait, féminin, spécifiquement, de ne rien rejeter de ce qui, pourquoi pas, pourrait très bien “fonctionner”, en tous cas n’être qu’un “plus”. Obéissant ainsi à sa nature qui serait de “prendre” et de “composer” plutôt que de rejeter… Quitte à ce qu’à force de “prendre” et d’accepter de tout ce qui lui est proposé “pourvu que la paix régnât”, l’astrologie tant dans sa théorie que dans sa pratique, ne ressemble plus qu’à un jeu de société dont les règles seraient ainsi changées chaque lendemain de partie pourvu encore que le jeu continue de “divertir”, au pire, sinon à servir, au mieux, quelque autres intérêts principaux, pouvant être parfaitement respectables, professionnels ou personnels, auprès desquels l’astrologie ne sera plus pourtant et de nouveau qu’un support de plus, en tous les cas dont la “vérité”, l’efficacité propre, la logique, la cohérence, seraient secondaires face à quelques autres finalités dites plus “objectives”.

   Je me demande ainsi si, dans un choix qui serait de rejeter, soit la “cohérence” astrologique à sa disposition, soit celle de la psychanalyse, ce que ferait en finalité une astro-psychologue de l’Ecole de Philippe Granger, très sympathique et compétente dans son domaine, telle que Chantal Depoux ?

   Assurément, mais je m’avance peut être, sa “raison” professionnelle (sa conscience ?) lui donnerait à faire le choix de garder, tel que, la cohérence du savoir psychanalytique et de laisser tomber un matériau astrologique pouvant être un excellent support, dans ses conditions, mais qui, livré à lui même, non plus accompagnées des théories freudienne par exemple, ne saurait plus trop cacher son incohérence, ses imperfections fondamentales. Quelques inefficacités chroniques.

   Il est certain ainsi qu’accompagné par un “mastodonte” tel que la psychanalyse on peut ne pas se sentir “menacer” dans son efficacité par les innombrables incohérences de l’astrologie actuelle. L’arbre qui cache la forêt le voila. Il en est autrement lorsque le praticien est astrologue, uniquement astrologue j’allais dire. Lorsque l’astrologie, de son Histoire à sa pleine pratique, est l’unique support à l’utilité professionnelle du pratiquant, à l’utilité de sa pratique tout simplement. De sa recherche.

   Alors ? Responsabilité de la présence de plus en plus forte des femmes astrologues pour ce “magma” ?

   Certainement déjà ne peut on nier effectivement la différence homme - femme dans la façon de percevoir, de “sentir”, d’aborder, de “finaliser” en général. Alors bien sur cela devrait se faire “remarquer”, aussi, dans les domaines de l’astrologie.

   “Le paradoxe, c’est que plus l’astrologie se voudra totalisante et plus ses rapports avec d’autres savoirs seront difficiles : il nous semble en effet que les autres professions attendent de l’astrologie qu’elle connaisse ses limites pour lui faire une place.”

   S’il est parfaitement raisonnable et nécessaire de penser aux limites actuelles de l’astrologie, la pensée du chercheur que nous sommes ne s’intéressera à ces limites que dans l’objectif de les dépasser.

   Je n’ai personnellement et modestement sans doute aucune envie que ces “autres savoirs” nous fassent une place avec une astrologie qui aura été pensée, à priori, raisonnable, ou plus raisonnable, “politiquement correcte”, par des non-astrologues.

   L’astrologie sera un jour “acceptée” comme science à part entière parce qu’elle démontrera sera mesurable enfin, expérimentale. Elle accompagnera ces “autres savoirs” comme un savoir elle même. Il ne s’agit pas de négocier avec la science un strapontin au nom d’une coupe de cheveux plus réglementaire, mais de proposer à cette science un matériau, une finalité, scientifique. Des résultats statistique au moins et déjà.

   La psychologie fait déjà “une place” à l’astrologie, la sociologie aussi, l’histoire également. Qu’en retire l’astrologie ? Sinon de devoir toujours plus s’effacer, devenir raisonnable, façonnée, instrumentalisée, pour ne pas être purement éjecté même de son strapontin.

   “Or, le discours astrologique nous semble foncièrement exclure ce qui n’est pas lui-même, ce qui signifie qu’il n’a besoin d’aucun autre savoir pour appréhender le monde dans sa totalité.”

   Une collaboration entre différents savoirs est plus que nécessaire pour en effet prétendre à “coller” à la réalité pleine. Que puisse être donner à une tendance un sens objectif, raisonnable, la placer dans une continuité, un mouvement qui nous sera “logique”.

   Maintenant il ne faudrait pas qu’à l’inverse l’Autre se serve de l’astrologie que comme d’un support sans finalité propre. Un peu ce qui se passe en astrologie boursière où l’analyse est fondamentalement et essentiellement boursière, point, en donnant à l’astrologie un rôle de support original mais sans finalité propre qui ne serait pas d’abord issue d’une stricte analyse boursière. Là également nul besoin de l’astrologie pour boursicoter.

   “C’est une certaine difficulté à reconnaître ce qui n’est pas soi alors même que le monde semble très bien pouvoir se passer - excès inverse - de l’astrologie.”

   Hum je pense que le monde est astrologique sans le savoir, depuis son apparition… Un peu comme le héros de Molière… Mais ce qu’on ne sait pas en nous on fini toujours quand même par le projeter avant que de le raisonner éventuellement… J’apprends énormément sur les “raisons” d’une astrologie en lisant les travaux du mathématicien Jean Louis Krivine, de l’Université de Jussieu sur le “lambda calcul” qui unifie les mathématiques, l’informatique et le cerveau.

   “Ajoutons qu’il nous semble également devoir décider si l’astrologie doit s’aligner sur le savoir populaire ou sur un savoir plus sophistiqué.”

   Nous pourrions nous demander la même chose concernant la chimie ou la biologie, de la physique, n’importe quelle discipline technique et spécifique.

   Le “questionnement consultant” est le plus souvent relativement simple, la réponse qui devra lui être donnée se devra d’être compréhensible aussi, clairement énoncée, sans plus d’ambiguïté, qui tiendra compte des limites actuelles à la pratique de cette science.

   Maintenant qu’entre la question et la réponse le praticien, le technicien, passe par toute une complexité, une cohérence, que son expérience saura quelque peu maîtriser, ça ne regarde pas le questionneur. C’est ici affaire technique et le vivant, son existence, est assez complexe et riche de particularités pour ne pas sacrifier à le mesurer d’un bout de bâton trouvé et ramassé sur le chemin.

   Demandons à un physicien de nous expliquer, techniquement, la fusion de l’atome et nous verrons si son discours ne nous apparaît pas trop complexe. Maintenant, comment au mieux traduire un complexe astrologique ? Le mettre certainement en “situation”. Faire d’une “condition” astrologique une “situation” effective.

   S’il est travaillé sur le graphe mathématique d’Israël et que pour demain il est extrait un Pluton, en VII, carré de Saturne, en X, qu’en déduira l’astrologue ? Que l’ensemble des objectifs d’Israël (pouvoir, maîtrise, en place), qui auront pour supports ces deux axes VII -I et X-IV du “législatif” et “exécutif” ce jour là, aura à “subir” cet aspect. Et ici qu’importe ce que comprendra cet ensemble: Une loi à voter au parlement, une consultation électorale, etc. Nous sommes ici dans ces secteurs pleinement dans l’analogique.

   Qu’importe, la “chose” s’en trouvera malmenée dans les attentes de, toujours, celui ou “ce” qui est au commandes du pays. Point. Maintenant certainement que cette finalité du signe se traduira autrement plus “raisonnablement”, intelligemment, d’une connaissance politique d’Israël, de son cheminement, de ses “attentes” et autres priorités. Ici la collaboration de l’historien et de l’astrologue sera des plus enrichissante.

   Si l’astrologie a vocation à “signer” et explorer chaque dimension humaine, l’astrologue ne peut être lui à la fois physicien, psychanalyste, bouddhiste, musicien, politique, économiste, sociologue, historien. La collaboration entre ces différents savoirs, langages, objectifs, est bien sur alors plus que nécessaire pour que le politique puisse nous dise que pour demain se prépare un débat législatif important en Israël, qu’un projet de loi se devrait d’être voté qui impliquera la politique gouvernementale. Donnant ainsi à ce complexe astrologique “visage humain”… prenne tout “son” sens.

   Pour qu’ainsi il soit possible à l’astrologue de finaliser la chose en considération de son savoir sur la fonction des intervenants à sa pratique spécifique.

   Lors de mes rares consultations, préférant l’enseignement et la recherche, il sera prit la mesure “objective”, raisonnable, de l’actualité du consultant. De son ou de ses “ici et maintenant” dans son existence. Ses attentes, ses priorité, propres. Actuelles. Une reconnaissance de l’“incarnation” des principes planétaires et énergétiques pratiqués en astrologie en et pour cette personne… Mettre mon “savoir”, une “condition” en “situation”.

   “Mais ce niveau de langage est scientifiquement très insuffisant et certains semblent s’en contenter, s’y complaire, même dans le champ de l’astrologie mondiale. Il nous semble, bien au contraire, que l’astrologie doive dialoguer avec des représentations sensiblement plus élaborées, d’où la nécessité de s’adresser à des spécialistes, au lieu de faire des sciences humaines au rabais.”

   Certainement.

   “Car tel est bien ce qui distingue l’astrologue de terrain du véritable chercheur en astrologie, à savoir la fixation sur l’unicité de l’événement et de la personne sans se rendre compte que cela va carrément à l’encontre de la vocation de l’astrologie qui est de rapprocher ce qui peut paraître distinct et non pas de différencier à tout prix ce qui est semblable.”

   La personne ne nous apparaît pas si “unique” dans au moins son cheminement. Qu’elle particularise, emplie de culture, à outrance ce cheminement et sa mécanique c’est un fait mais bon… Mesurer le monde n’est pas si différent de mesurer l’individu qui l’habite et le façonnera à son échelle. L’astrologie adaptera sa finalité. Plutôt ainsi que de travailler de concert avec un historien il le fera accompagné de l’individu concerné.

   “Un autre problème est celui du recours à une astronomie fictive (dignités planétaires; décans, heures et jours planétaires etc.) laquelle n’a pas été évacuée au sein de l’astrologie moderne, ce qui constitue également un anachronisme en sens inverse. Il ne faudrait pas en arriver à corriger le travail de l’astrologue d’antan pour l’aider, en quelque sorte, à améliorer ses performances.”

   Les “choses” s’expérimentent. Pour quelques rares points fictifs et 4 astéroïdes utilisés par l’astro-chronobiologie, après des années d’observation et d’expérimentations, une dizaine ont été laissés pour compte comme non significatifs.

   “C’est ainsi que Roger Héquet laisse entendre que les astrologues d’antan, du fait qu’ils ignoraient les nouvelles planètes ne pouvaient pas faire du bon travail mais cela ne l’empêche pas de reprendre à son compte la tradition astrologique notamment des maisons et des maîtrises alors que l’on voit mal comment celle-ci pourrait être valable avec tant de lacunes d’ordre astronomique, en termes d’aspects notamment.”

   L’ignorance des nouvelles planètes par nos anciens n’est pas la cause de l’inefficacité de l’astrologie d’antan. Son utilisation des Transits en est une raison plus conséquente. Mais, plus grave certainement, il n’aura pas été tenu compte, parce qu’il n’était pas temps, d’autres compréhensions, d’autres savoirs justement. C’est ainsi qu’il nous apparaît que le prolongement actuel de la tradition astrologique se devra de tenir absolument compte de 4 axes, de quatre “humiliations“, décrites par Science et Vie (n° 1013 de Février 2002) :

   “Après l’humiliation cosmologique de Galilée qui a chassé l’Homme du centre de l’univers, l’humiliation biologique de Darwin, qui l’a rejeté dans la même cour que les animaux, et l’humiliation psychologique de Freud, qui lui dénie la maîtrise consciente de ses actes, Jean Louis Krivine (le découvreur du lambda calcul) nous inflige peut être une quatrième humiliation, neurologique cette fois : il assimile notre cerveau aux simples circuits électriques d’un ordinateur de bureau. Nous pensons avoir des pensées ; nous ne faisons que reproduire des calculs qui moulinent depuis des millions d’années. mais ces humiliations ne sont qu’apparentes. La dignité humaine n’est elle pas justement de perdre ses illusions ?”

   “Les progressions dont se sert Héquet ne correspondent pas à une époque où les astrologues ne parvenaient pas à connaître la position des astres longtemps à l’avance alors que le thème relevait d’une observation immédiate à partir de laquelle il suffisait d’extrapoler à court terme et non à long terme, ce qui permettait d’éviter les distorsions qui n’auraient pas manqué de se produire.”

   Rien ne se perd et tout se transforme. L’ACB considère ainsi que notre existence n’est que le prolongement à notre naissance, sa transformation pas à pas et sans cesse à partir d’un même “noyau”, d’une même base cosmo-génétique qu’est la naissance au monde. Il suffira ainsi à l’ACB de schématiser ce patrimoine en une “horloge” astrologique et de le faire progresser, se transformer, par le moyens de différentes forces à la même origine. Une origine, enfin, physique puisque la force dite de projection de base (TSV pour Temps Sidéral Vécu ) est de 24° par an, soit 3.57, le delta T entre le jour solaire vrai et le jour sidéral, appelé TS. Variation astro-physique qui serait contenu en chacune de nos cellules.

   “Ne faut-il pas laisser à l’astrologue mais aussi à son client une certaine marge de manœuvre ?”

   Il n’apparaît pas appartenir à l’astrologue de choisir le rythme avec lesquelles les échéances astrologique à venir adviendront pour quiconque.

Que répondre à Roger Héquet ?

   R. H. a le mérite, un peu dans la même ligne que Patrice Guinard (le “Manifeste”, Site Cura.free.fr) de tenter de formaliser ce que d’autres font sans très bien savoir pourquoi. Haquet nous parle d’une force que l’astrologie tente de décoder avec plus ou moins de bonheur, ce qui permet de relativiser certains errements mais aussi de voir dans chaque propos astrologique un discours inspiré, puisé à une seule et même source. Dans le meilleur des cas, l’Humanité serait l’aboutissement et l’accomplissement d’une telle énergie, ce qui justifierait d’aller chercher dans tout acte humain, le plus humble, une parcelle de sacré, recueillie par le truchement du thème astral de chacun. On peut se demander si le christianisme n’est pas aussi marqué par une telle problématique d’incarnation de l’Esprit au travers même de l’Histoire, ce que nous semble avoir repris un Hegel.

   Or, pour notre part, nous nous situons aux antipodes d’une telle représentation des choses et nous croyons bien que là se situe probablement le coeur du débat. En effet, selon le raisonnement que nous venons de décrire, tout ce que nous vivons serait indélébibilement marqué par cette origine cosmique et donc l’astrologie aurait vocation à l’universalité, puisqu’elle s’ancrerait, par définition, dans le champ/chant cosmique. Nous avons décrit, à l’occasion, de notre rapport sur les réunions préparatoires de Juillet (dans la série “L’Astrologie et le monde-le colloque”, Encyclopaedia Hermetica en ligne), à quel point il convenait de réfléchir sur la genèse des savoirs. Mais quel astrologue sérieux se permettrait d’accepter aveuglément tout ce qui a nom d’astrologie ? Le structuralisme nous a appris à quel point l’esprit humain avait le goût d’harmoniser, d’apporter de la cohérence à ce qui était disparate. D’un côté donc ceux qui considèrent que l’astrologie est une somme hétérogène, une sorte d’anthologie de discours qui traitent du même sujet, comme si l’on réunissait sous un seul volume toutes les théories relatives à tel phénomène en les admettant toutes faute de savoir opérer un tri. De l’autre, ceux qui, comme nous, pensent que l’astrologie est malade de ne pas avoir su évacuer déjà sur le plan théorique et non pas sur le seul plan pratique. Quand Hequet nous dit qu’il accepte tout mais qu’à l’usage, il jette beaucoup, on peut se demander par quel processus la sélection s’opère : réponse : par la pratique, par le verdict de l’horoscopie, dont on sait qu’elle a bon dos. Ce qui signifie que les facteurs éliminés n’avaient pas plus de raison, a priori, de l’être que ceux qui ont été conservés et que seul l’usage aura permis, nous dit-on, de trancher. On veut ainsi nous signifier que l’astrologue n’a pas de préjugés théoriques et que c’est la pratique qui opère le tri et non... l’astrologue en tant qu’être doué de pensée. Or, nous avons expliqué, dans nos rapports de juillet, que le féminin avait du mal à trancher par lui-même et qu’il tendait à déléguer, à sous-traiter une telle tâche. Nous sommes heureux de constater une certaine convergence avec R. H. à propos du masculin et du féminin mais rappelons que dans bien des cas le féminin se fait une idée abstraite du masculin, c’est-à-dire qu’au lieu de référer le masculin à l’Homme-mâle, il assigne le dit masculin à une sorte de deus ex machina, dont la consultation astrologique serait une manifestation, un avatar. C’est ainsi que re-masculiniser l’astrologie impliquerait que l’astrologue prenne plus fermement ses responsabilités et qu’il fasse le tri au niveau théorique et non pas au niveau pratique. Le principe des colloques, en général, est d’ailleurs bel et bien de recentrer le débat entre astrologues au niveau théorique. Par exemple, en ce qui concerne le recours aux étoiles fixes, il ne s’agit pas de se lancer à la figure des “ça marche” ou “ça ne marche pas”, mais bien d’expliciter ce qui intellectuellement nous fait adopter ou rejeter celles-ci. Il ne s’agit donc pas de suivre R. H. quand il tente de sacraliser non seulement l’individu comme un être chez qui tout ferait sens au niveau cosmique mais où tout ce qui arrive à l’astrologie relèverait également d’un tel impératif supérieur, ce qui conduit, on l’avouera, à un double fatalisme - une astrologisation du monde - affectant tant l’individu que l’astrologie.

   Ce qu’écrit R. H. au sujet de l’urgence quotidienne de l’astrologie est assez sidérant, c’est le cas de le dire et nous pensons que notre ami met beaucoup de pression sur tout le monde. Que R. H. nous pardonne mais quitte à faire de la psychanalyse sauvage, il nous semble qu’il a du personnellement, dans sa vie, subir des situations assez extrêmes qui auront développé chez lui un sens aigu des responsabilités à assumer, vaille que vaille.

   Nous avons déjà dans de précédents travaux5 insisté sur le fait que certains événements peuvent peser plus que le schéma astrologique de base mais que parfois de petites causes peuvent produire de grands effets. Un coup de feu peut changer la face du monde plus sûrement qu’une structure cyclique à l’oeuvre depuis des milliers d’années. Et c’est ce qui est demandé à l’astrologue : qu’il reconnaisse l’existence d’autres paramètres susceptibles de venir perturber la belle harmonie cosmique élaborée par les sociétés d’antan, tout comme d’ailleurs, le même coup de feu va compromettre le calendrier soigneusement prévu par nos constitutions républicaines qui jonglent entre quinquennat et septennat, cherchant à ajuster mandat législatif et mandat exécutif. Vanité des vanités ! Ce qui nous renvoie à la statistique et à la probabilité: l’astrologie a raison quantitativement mais elle peut être “dépassée” par les événements, en certaines circonstances, ce qui ne signifie pas dans ce cas qu’elle a tort mais que des interférences se sont produites, possibilité que R. H. s’interdit évidemment d’envisager, ce qui le pousse, irrésistiblement, à la faute, à trop vouloir embrasser, c’est-à-dire contrôler ; c’est ce qui fait que Héquet s’intéresse tant à la mort parce qu’il sait bien que c’est là un facteur qui peut compromettre le cours normal des choses. Au lieu de situer comme paramètre extra-astrologique la mort, en tant que moment imprévisible, même si la mort, en soi est certaine, Hequet veut intégrer celle-ci dans le champ de l’astrologie. Epistémologiquement, R. H. ne semble pas être conscient que tous les paramètres n’obéissent pas à une seule et même logique et c’est pourquoi nous percevons dans sa pensée une démarche, somme toute, par trop féminine, qui met tous les oeufs dans le même panier. Est-ce que les conseils qui valent pour un homme valent aussi pour une femme ? A force de vouloir individualiser à l’extrême, on n’a plus de repères et l’astrologue, livré à sa seule astrologie, est, en pratique, condamné à improviser en permanence, ce qui d’ailleurs le conduit, faute de mieux, à se projeter sur l’autre. Il importe de constituer une typologie des clients et de leurs attentes. On ne contestera pas à R. H. que certains clients ont besoin d’être “coachés” au plus près mais encore faudrait-il s’entendre sur le sens des prévisions : est-ce qu’on annonce à quelqu’un quelque chose parce que cela doit astrologiquement lui arriver ou parce qu’on veut aider le client à bouger, quitte à lui inventer des échéances ? Pour notre part, le client attend qu’on lui force un peu la main dans la gestion de son futur mais ce client il n’est pas fait d’une seule pièce, c’est à la partie la plus infantile de lui-même qu’il attend que l’astrologue s’adresse, qui doit être “raisonnée”. Maintenant, si l’astrologue doit s’adresser à l’adulte qui est en son client, il peut lui parler de la conjoncture générale du monde, comme un conseiller boursier gérant le portefeuille de ses clients en l’informant plus de ce qui se passe dans le monde qu’à ce qui se passe en lui, encore que les deux plans se rejoignent quelque part, qu’il y ait des intersections.

   Roger Héquet préfère apparemment le taxi aux transports en commun : il trouve que les gares, les arrêts de bus, les circuits bien établis et fixés une fois pour toutes, ne suffisent pas, il faut aller chercher le client chez lui, à son domicile, et l’amener à destination, au pas de la porte et par l’itinéraire souhaité : ce n’est pas le menu, c’est de l’astrologie à la carte, de luxe. Or, l’astrologie mondiale fait beaucoup plus penser à un train sur ses rails qu’à une voiture individuelle ou à un VTT. L’astrologue est là, selon nous, pour fournir les horaires du train de façon à s’organiser, sachant qu’il y a quand même le choix et que si on ne prend pas le premier train, on prendra le suivant. Mais il y a des gens qu’il faut prendre par la main : si on leur dit qu’ils ont le choix, ils ne prendront jamais le train !

   Nous sommes d’accord avec R. H. quand il écrit que le monde, comme Monsieur Jourdain, le Bourgeois Gentilhomme, faisant de la prose, fait de l’astrologie sans le savoir. Quel astrologue digne de ce nom réduirait l’astrologie aux seules personnes qui y croient, attitude au demeurant chère à l’australien Geoffrey Dean ?6 De là à conclure au tout astrologique, il y a un pas que nous ne franchirons certainement pas. Cela dit, nous pensons que l’astrologie n’a pu entrer dans l’inconscient collectif qu’en passant par une société qui pratiquait l’astrologie tout à fait délibérément et sciemment, société où tout le monde était peu ou prou astrologue tout comme de jours tout le monde s’intéresse aux grandes échéances politiques et y participe. Et bien entendu, à partir du moment où le conscient a précédé l’inconscient, ce qui nous intéresse, c’est de déterminer de quel savoir cette société se servait par rapport à quels besoins organisationnels. Et nous avons la faiblesse de croire que le schéma cosmique de référence était des plus simples et suffisait amplement aux besoins de structuration du Temps, pour ne pas parler d’une autre astrologie, celle redécouverte par Gauquelin, laquelle, elle, reliait les diverses professions à diverses planètes. Selon nous, ces deux astrologies ne se confondaient nullement et ont pu fort bien s’élaborer séparément, dans des sociétés bien distinctes avant de se croiser sur différents plans. Faudra-t-il donc que nous rencontrions, un jour, des extra-terrestres pour découvrir, paradoxalement, toute la spécificité de l’activité humaine? Jusque là il nous faudra encore longtemps subir des discours sur le caractère universel de la production humaine, ce qui relève d’un certain anthropocentrisme dont l’astrologie pourrait faire l’économie et qu’elle n’a nul besoin de revendiquer pour légitimer son existence. Le paradoxe est bien là : plus on nous parle de la dimension cosmique de ce que les hommes ont produit et accompli, tant sur le plan intellectuel qu’événementiel et plus nous montrons à quel point nous nous prenons pour le nombril du monde. Le véritable humanisme astrologique consiste, au contraire, à reconnaître que le visage de l’astrologie aurait pu être autre et qu’en tout état de cause, le visage de l’Humanité peut différer fort de celui que celle-ci avait programmé, l’astrologie faisant partie intégrante et probablement déterminante du dit programme mais tout ce qui a été programmé n’arrive pas forcément parce que tout ce qui arrive aux hommes n’est pas programmé par les hommes ni par les astres tels que ceux-ci les ont instrumentalisés, à leur insu, ce qui à l’échelle de l’univers est un bien modeste épiphénomène, qui concerne d’ailleurs bien plus les hommes que les astres.

   Nous dirons que la mission de l’astrologue est d’éclairer le monde sur son mode de fonctionnement et le paramètre cosmique n’est pas le seul à prendre en considération. C’est pourquoi nous pensons que des clivages aussi déterminants que le masculin et le féminin font partie de ce champ, tant ils sont susceptibles d’ interférer avec le paramètre proprement astrologique. Le problème, c’est que pour certain(e)s, le paramètre astrologique est précisément censé dépasser, sinon abolir, le clivage masculin/féminin. Mais rappelons-nous quand même que ce qui fait défaut aux gens ce n’est pas le monde immédiat qui les entoure et qu’ils pratiquent au quotidien mais les grandes perspectives et les grands ensembles dont la perception est justement empêchée par l’apparente diversité extrême des choses, des gens et des situations. Pour certains astrologues, ce sont ces manifestations ultimes, dans le quotidien le plus individuel, qui sont au coeur de l’astrologie alors que pour nous, elles font écran avec la réalité proprement astrologique. En réalité, deux logiques nous semblent bien ici s’opposer : l’une féminine, cumulative, ayant du mal à exclure, à rejeter, qui ne veut rien laisser échapper et l’autre, masculine, sélective, qui ne tient pas à se laisser submerger par une vision baroque voire surréaliste de l’humanité. C’est probablement en rétablissant un équilibre entre ces deux fonctions complémentaires que l’astrologie se refera une santé. Certes, il importe qu’il y ait des avancées, des dépassements suivis de replis, de retours - un flux et un reflux - c’est d’ailleurs là une dynamique essentielle en astrologie mondiale.

Bilan à trois mois du Colloque

   Est-ce que nos débats préparatoires augurent bien du bon déroulement du Colloque de novembre ? Oui et non. Les participants aux débats n’ont pas encore vraiment l’esprit Colloque, ce qui exige beaucoup de discipline et il faudra beaucoup de poigne aux présidents et vice-présidents de commission pour que les débats ne s’enlisent pas. Mais la solution ne consiste pas à faire respecter des temps de parole où chacun pourrait dire n’importe quoi. Nous proposons le protocole suivant : la première chose est de faire apparaître des lignes de clivage au cours de 30 minutes de discussion à bâtons rompus, encore qu’il serait souhaitable que les réunions préparatoires permettent d’anticiper sur ce constat. Ensuite, il s’agit de désigner ceux parmi les membres de la commission - ceux qui sont sur le programme mais aussi ceux qui peuvent être cooptés - les intervenants qui vont développer les thèses les plus significatives, ce deuxième temps devrait durer une bonne heure à répartir entre eux étant entendu que les prises de parole devront être condensées, le public étant censé avoir déjà une certaine connaissance du sujet, ce qui au demeurant exige de ne pas rentrer dans des explications par trop techniques. Il faut apprendre à parler de son travail, de ses recherches en dégageant les idées fortes, originales. Le Colloque est avant tout un débat d’idées, de principes et ne se situe pas au niveau des “résultats” obtenus, ceux-ci n’étant qu’une illustration des thèses soutenues. On sait très bien, en vérité, que lorsqu’une théorie nous séduit, nous avons tendance à tout faire pour qu’elle se vérifie. Enfin, pendant le temps restant, il s’agira de rédiger ensemble une résolution en essayant d’être le plus complet possible.

   Rappelons que la logique Colloque implique que l’on ait quelque chose à dire qui fasse avancer le débat et qui interpelle les personnes présentes. Il ne s’agit pas de répéter ce que quelqu’un a déjà dit avant, ce qui exclue les exposés préparés à l’avance mais qui implique aussi que chacun soit en pleine possession de ses moyens et de ses connaissances pour les distiller en temps utile. Et puis, il faut respecter la problématique de chaque commission et reporter certains points à plus tard. Cela dit, il doit y avoir un fil conducteur qui dépasse la spécificité de chaque commission, c’est la prise de conscience de la diversité des approches et des sources, qu’il ne s’agit nullement d’occulter ou de masquer. Il y a certainement des complémentarités à trouver entre sensibilités diverses. En tout cas, il serait bon que l’on comprenne mieux ce qui est propre à chaque commission. Une certaine entente entre responsables de commissions serait souhaitable, étant entendu que les commissions se divisent en deux catégories: trois commissions axées sur la genèse du savoir astrologique, depuis le Moyen Age (Tarot, Nostradamus, Ere du Verseau) et trois axées sur ses fondements anthropologiques et qui touchent à des époques beaucoup plus anciennes mais aussi plus ancrées dans notre Inconscient Collectif (Société, Politique, Astronomie).

Ier groupe de commissions
(Tarot, Nostradamus, Ere du Verseau)

   Il s’agit de trois thèmes controversés et souvent mis en marge, tenus en suspicion, par l’intelligentsia astrologique. L’Ere du Verseau introduit une forme de sidéralisme peu en odeur de sainteté chez les tropicalistes rigoureux, même si cela gène peu les astrologues qui n’ont pas un sens aigu de l’incompatibilité des doctrines. Nostradamus est réputé pour des textes qui ne relèvent pas toujours, c’est le moins qu’on puisse dire, d’une inspiration astrologique au sens strict du terme. Quant au Tarot, il est souvent assimilé à la voyance et n’est généralement pas considéré comme faisant partie du corpus/canon astrologique. Il reste que ces trois domaines ont pignon sur rue et entretiennent avec l’astrologie des relations qu’il nous faut préciser historiquement et socialement. C’est à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle que ces trois pôles prendront toute leur importance alors même que l’astrologie passe par une phase de déclin.

IIe groupe de commissions
(Politique, Société, Astronomie)

   Ces trois autres thèmes sont plus “nobles”, il convient de les articuler les uns par rapport aux autres. Par “politique”, nous entendons ici que si astrologie mondiale il y a, c’est que la Cité est construite sur les rythmes cosmiques : quelle est la place des cycles dans la vie des hommes ? Par “société”, il s’agit d’appréhender l’image de l’astrologie, telle qu’elle est perçue, instrumentalisée, dans le public, ce qui est une toute autre affaire. Quant aux rapports astrologie/astronomie, cela implique pour nous de mettre en évidence les conditions d’instrumentalisation du ciel par les hommes, autrefois comme de nos jours : peut-on renouveler les structures astrologiques à la lumière des nouvelles données astronomiques ? La problématique sous-jacente à ce second ensemble nous semble être la suivante : dans quelle mesure l’astrologie doit-elle se soumettre au verdict des astronomes, introduisant de nouveaux astres ou une nouvelle description du ciel et dans quelle mesure devrait-elle se conformer aux fantasmes et aux représentations d’un certain public tant au niveau individuel que collectif ?

L’astrologue face au futur

   Nous voudrions interpeller, à cette occasion, les praticiens de l’astrologie et leur demander s’ils gèrent les rapports de leurs clients au passé comme ils le font pour le futur. Car il nous semble déontologiquement assez évident que la personne qui va voir l’astrologue n’abordera pas la vie de la même façon avec ou sans celui-ci. En effet, l’astrologue n’est-il pas supposé détenir un certain savoir que le client n’ a pas et en tout cas n’avait pas jusqu’à sa rencontre avec le dit astrologue ? Le client avait donc, jusqu’ici, mené sa vie peu ou prou à l’aveuglette alors que désormais il devrait aborder les choses différemment.

   Par rapport au passé, le client ne sait pas pourquoi ce qui est arrivé est arrivé au moment où c’est arrivé, en tout cas il n’est pas supposé avoir les repères pour cela. Entre les mains d’un astrologue, le client va regarder son passé autrement mais surtout son avenir car si l’astrologue peut faire vraiment quelque chose pour lui c’est bien au regard de l’avenir qu’il devrait pouvoir parvenir à gérer désormais autrement.

   Il nous semble que la différence de regard devrait être la suivante : là où l’événement a lieu de façon ponctuelle, pour le non astrologue ou pour celui qui n’est pas guidé par l’astrologie, la personne initiée à l’astrologie va pouvoir appréhender un champ plus large de possibles, elle va disposer d’une toute autre fourchette de temps.

   Mais, dans ce cas, nous rencontrons une difficulté : car si l’astrologie est en mesure de baliser l’avenir, de déterminer des phases pour l’avenir, comment serait-elle apte à préciser pour le passé la date exacte d’un événement ?

   Autrement dit, si le client voit son avenir autrement que son passé dans son processus de déroulement, comment l’astrologie, quant à elle, pourrait-elle se conformer tout aussi bien à ces deux représentations ? Il y aurait donc deux types d’astrologues : ceux qui traitent le passé comme ils traitent l’avenir et ceux qui traitent l’avenir comme ils traitent le passé. Les uns ne pourront localiser avec précision un événement passé puisque cet événement aurait pu avoir lieu durant une période relativement longue; les autres ne pourront parler du futur qu’en pointant des dates décisives étant donné que le passé fournit ce type de situations.

   Il semble bien que de nos jours, c’est la première tendance qui l’emporte et à juste titre, ce qui fait que l’astrologue pourra aider son client à préparer le futur dans un état d’esprit bien différent de celui qui avait été le sien auparavant. L’astrologue ne pourra, si l’on préfère, parler de la vie des gens de la même façon selon qu’ils connaissent ou non l’astrologie et a priori, l’astrologue ne peut se mettre à la place de personnes qui ignoraient tout de l’astrologie, dans sa dimension cyclique, périodique. Pour faire image: prenons quelqu’un qui a gagné au loto ! : il n’abordera pas son avenir comme il a vécu son passé et il serait ridicule, pour lui ou pour son conseiller, de prolonger le passé vers l’avenir ou de se projeter sur le passé à la lumière de la nouvelle donne. Il semble cependant, que certains astrologues, notamment parmi ceux qui ont participé à nos réunions préparatoires, agiraient comme si l’astrologie n’allait pas interférer sensiblement dans la vie de leurs clients et comme si les techniques pour appréhender leur vie avant et après l’acquisition de certaines clefs n’étaient pas radicalement d’un autre type. Il nous apparaît que pour la partie rétrospective de la consultation, l’astrologue ne saurait prétendre à une précision de date qui est étrangère à son appréhension du futur; qu’il recoure, sinon, de préférence, à telle ou telle forme de divination, comme le tarot, plutôt que de contraindre l’astrologie à oeuvrer dans ce sens !

Briser les féodalités astrologiques

   Ce qui mine la “Cité” astrologique, c’est l’existence de micro-féodalités, confinant carrément à l’anarchie. Chaque astrologue veut faire la loi et décider à sa guise de ce qu’est l’astrologie. Et à la tête de l’édifice féodal ainsi morcelé, nous n’avons plus que des rois fainéants, incapables d’imposer une seule et même loi pour tous. Cela rappelle la France de l’Ancien Régime, avec ses péages, ses octrois, ses unités de mesures les plus diverses, ses extrêmes particularismes, chacun voulant être maître chez soi. Le rôle des Colloques est précisément de battre en brèche de telles coutumes avec ces astrologues qui sont autant de petits barons, de roitelets. Ce pouvoir féodal qui est la décrépitude du pouvoir central, la dégénérescence se manifeste par le fait que chaque astrologue se déclare seul juge des règles qu’il applique et échappe en fait à tout contrôle, vu qu’il apprécie d’après des informations qu’il est seul à posséder, celle de sa clientèle, des ses élèves, de son entourage et in fine celle de sa propre biographie personnelle; chaque astrologue a ainsi sa petite cour, sur laquelle nul autre que lui ne saurait exercer un droit de regard. Le pouvoir astrologique central ne joue dès lors plus qu’un rôle factice, tentant de dissimuler sa faillite par quelques expédients, comme certains rassemblements qui ne contribuent aucunement à mette fin à cette pagaille, se contentant d’établir des codes de déontologie qui sont autant d’emplâtres sur des jambes de bois car ils laissent chaque astrologue décider de l’astrologie qu’il adopte.

   Il nous semble que l’astrologie, à l’origine, est née d’un fort consensus, qui ne passait pas par les astrologues mais où chacun connaissait et respectait les lois cosmiques des plus simples et ce n’est que de la sorte que l’astrologie est entrée dans l’Inconscient Collectif. La complexification de l’astrologie et notamment de l’horoscopie qui met en évidence le rôle de l’astrologue, du fait même d’une technicité de plus en plus complexe, correspondent à une nouvelle ère dans l’Histoire de l’Astrologie, en décalage avec la précédente. Ce clivage s’est perpétué dans l’opposition entre astrologie individuelle et astrologie mondiale, deux approches radicalement différentes du monde et le but du Colloque à venir est bien de réfléchir sur l’évolution de l’Astrologie et sur son futur.

Rapport sur la réunion du 11 août, Bagneux (92)
Présents : Isabelle Le Berre, Roger Héquet, Didier Massoule, Jacques Halbronn
Excusées : Brigitte Chéret, Chantal Depoux, Catherine Laloux.

La réunion a tourné essentiellement autour des diverses conceptions du TEMPS ASTROLOGIQUE. Il nous semble, en effet, que c’est sur ce thème du Temps que les vraies différences entre astrologues s’expriment de la façon la plus décisive, tant il est vrai que ces divergences sont elles-mêmes fonction de plusieurs paramètres. Dis moi quelle est ton idée du Temps et je te dirai quelle est ton astrologie.

   Qui dit astrologie, dit structuration du Temps, c’est-à-dire mise en place de phases. Avant de parler d’un temps individuel, il convient de réfléchir sur le temps collectif car précisément le temps a une valeur de rassemblement; des gens différents de par leurs activités partagent le même temps, on dit même qu’ils sont contemporains. Inversement, on l’a dit, beaucoup de facteurs socioprofessionnels auront tendance à introduire des clivages. Nous pensons qu’il s’agit là de deux astrologies bien différentes et que l’on tend à confondre et qui ont donné naissance respectivement à l’astrologie du thème natal - n’oublions que les travaux de Gauquelin s’articulent sur le moment et le lieu de la naissance - et à l’astrologie mondiale, chacune de ces astrologies ayant par ailleurs évolué et s’étant complexifié, ne serait-ce que par l’intégration tardive des planètes transsaturniennes en mondiale ou par la mise en place de significations divinatoires associées aux maisons en astrologie horoscopique.

   L’astrologie mondiale, au départ, était une chose très simple à l’image du temps de nos constitutions politiques; on ne lui demandait que de découper des périodes assez larges de l’ordre de sept ans, par exemple, introduisant ainsi un certain rythme et quelques échéances à intervalles réguliers. A la différence de l’astrologie individuelle, où chaque astre doit être personnalisé, totémisé, l’astrologie mondiale pouvait se contenter d’une seule planète, pratiquant ainsi une sorte de monoplanétarisme, étant entendu que les rencontres de cette planète avec un certain nombre d’étoiles fixes se situant sur sa route - donc toujours aux mêmes endroits du ciel, structuraient son cycle. Une seule planète pouvait ainsi servir à introduire de la différence et c’était probablement le cas de Saturne - en grec Kronos, que l’on pourrait rapprocher de Chronos, le Temps.. Par ailleurs, existait un très vieux découpage de l’année selon les spectaculaires rencontres soleil-lune.

   Initialement, l’astrologie individuelle n’avait pas vocation à déterminer le temps des individus puisque l’astrologie mondiale s’en chargeait. Il semble que le rôle des planètes en astrologie individuelle ait consisté à attribuer une fonction sociale selon l’astre se levant ou culminant à la naissance de l’enfant. Ni plus ni moins. De fil en aiguille, on tenta de décrypter non plus l’avenir professionnel - ce qui était, avant tout, un facteur d’intégration - mais son avenir personnel, ce qui impliquait des instruments sensiblement plus complexes.

   Ces deux astrologies n’étaient pas nécessairement compatibles, dès lors qu’elles développaient des logiques différentes voire opposées: lors d’une guerre, par exemple, des milliers de gens pouvaient subir le même sort, avec des thèmes de naissance diffère colloque a pour objet de prendre conscience d’un tel clivage au sein du savoir astrologique et l’on voit que vouloir associer les deux, sans introduire de hiérarchie entre l’une et l’autre,, affaiblit les positions de l’astrologie face à la critique. Le temps est principalement l’affaire de la mondiale et le temps spécifiquement individuel en est tributaire. D’ailleurs, comment des personnes vivant ensemble, comme un couple, une famille, dans une même ville, dans un même Etat, n’auraient pas un même temps à partager et comment dès lors admettre que chacune aurait sa propre chronologie, qui ne serait pas celle du voisin ? Une astrologie strictement individuelle suppose une personne solitaire, isolée, carrément extérieure à la société !

   Si l’on fait le constat aujourd’hui, le temps de l’astrologie horoscopique - au sens notamment de Roger Héquet - n’a vraiment pas grand chose à voir avec l’astrologie mondiale, bien que ce dernier prétende appliquer, de surcroît - dans son ACB - les méthodes de l’horoscopie à la mondiale ! Le temps de l’astrologie généthliaque (d’un mot grec qui signifie naissance, procréation) est très pointu, notamment quand il recourt aux aspects exacts, il est plus extensible, en revanche, avec des orbes importantes. Cette question des orbes tient justement à coeur à R. H.; elle est précisément un facteur distinctif entre les deux astrologies dont il est ici question.

   On concevra, en effet, que la prévision à l’échelle d’un individu diffère de la prévision à l’échelle de toute une société. Pour qu’une société soit marquée par un changement, il faut que celui-ci la touche largement et cela demande nécessairement un certain temps pour englober les actions d’une quantité de personnes. Cela est moins vrai pour un individu, on s’en doute. Mais là encore, au niveau du Temps, le temps collectif doit primer sur le temps individuel, ce qui signifie qu’aucune consultation individuelle ne saurait faire abstraction des données de l’astrologie mondiale, la réciproque n’étant pas vrai dans l’absolu même si le destin d’un seul homme peut affecter un peuple entier, ne serait-ce que par sa mort si c’est un responsable éminent.

   L’astrologie mondiale, néanmoins, n’est pas censée parvenir à la précision de l’astrologie individuelle et comme elle d’ailleurs doit prendre en compte des facteurs qui ne dépendent pas d’elle et qui vont faire que certains événements décisifs auront lieu, au cours d’une certaine phase, à tel moment et pas à tel autre. Que l’astrologie mondiale puisse s’informer - avec les précautions voulues et sans lui accorder un total crédit - de ce que préconise une certaine astrologie individuelle est certes concevable, tout comme elle peut s’informer de bien d’autres éléments, plus du tout astrologiques. Il reste que l’astrologie mondiale n’est pas responsable, épistémologiquement, des domaines auxquels elle peut avoir à recourir, elle n’a pas notamment à valider l’astrologie individuelle dont le mode de fonctionnement est bien différent. C’est la responsabilité de chaque astrologue, en mondiale, d’appréhender le terrain en s’appuyant sur des données complémentaires, de quelque nature qu’elles soient. Quant à déterminer par l’astrologie mondiale, le lieu où tel événement se produira, nous pensons qu’il importe de préciser que le travail de l’astrologue, en mondiale, comme on vient de le dire, implique d’étudier la situation sur le terrain et, en disposant d’un certain nombre de paramètres, de déterminer quel sera l’impact d’une configuration astrale en différents endroits et ce sans que cette étude d’impact implique un quelconque schéma astronomique. Si un certain type de menace - et tout changement est peu ou prou une menace et peut déstabiliser - se profile à un certain moment, il convient d’examiner où l’impact risque d’être le plus fort et aussi de se manifester en premier, au cours de la phase considérée. Il ne nous semble donc nullement nécessaire que les astrologues en mondiale s’acharnent à “localiser” au moyen des configurations astrales dans quel pays tel type d’événement aura lieu; à un certain stade, l’interdisciplinarité s’impose, notamment avec les politologues, les historiens, les économistes etc. C’est dire d’ailleurs qu’on ne saurait faire des pronostics à long terme car l’astrologue, même s’il en a les moyens techniques, du fait qu’il s’appuie sur l’astronomie, se doit de ne pas agir sur la base de ces seules informations en se substituant, par quelque subterfuge, aux autres approches qui fonctionnent à plus court terme. Autrement dit, comme dans n’importe quelle troupe, il faut s’aligner sur le plus lent.

   Lors de la réunion du 11 août, est revenu sur le tapis le problème des planètes transsaturniennes et autres astéroïdes, notamment avec Didier Massoule, astronome qui étudie les époques anciennes de l’Humanité. Il est apparu que si l’on voulait être cohérent au sujet des origines de l’astrologie, il convenait de tenir compte du savoir astronomique existant alors et des besoins qui auraient pu être projetés sur le rapport au cosmos. Or, comment supposer que l’astrologie ait pu tenir compte de planètes invisibles à l’oeil nu et d’autre part, en quoi les sociétés d’il y a quelques millénaires auraient eu besoin d’un surcroît de planètes et de phases plus longues, puisque ces planètes - du moins les transsaturniennes - sont plus lentes, Uranus, par exemple, découvert en 1781, étant en gros trois fois plus lent que Saturne et ainsi de suite ?

   A ce propos, il importe, avons nous conclu avec Isabelle Le Berre, de distinguer entre Inconscient Collectif et phénomènes existant à notre insu. Ce qui est inconscient a d’abord été conscient, il y a eu progressivement basculement vers des automatismes mais cet inconscient est complètement tributaire du savoir humain existant antérieurement. En revanche, ce qui existe à notre insu, comme par exemple les planètes transsaturniennes, il y a cinq mille ans, n’appartient pas ipso facto à l’Inconscient Collectif, sauf à jouer sur les mots. Il n’y a pas ici de science sans conscience.

   Il nous est apparu que l’astrologie contemporaine avait fait deux choix contradictoires, l’un d’adopter des corps célestes inconnus de la littérature astrologique jusqu’au XIXe siècle et le rejet des étoiles fixes, pourtant connues de toute antiquité. Certes, comme le rappelle Roger Héquet, les étoiles fixes n’appartiennent-elles pas à notre système solaire et au regard de l’astronomie moderne ne sauraient lui être assimilées. Mais au regard des Anciens, ce qui importait, c’était la mise en place d’un système de repérage, ni plus ni moins. Il leur importait bien peu que les astres soient en soi ceci ou cela mais à quoi ils pouvaient servir - c’est ce qu’on appelle l’instrumentalisation - Ce n’étaient point les astres qui comptaient mais le rapport que les hommes établissaient avec eux, l’important étant précisément la visibilité pour tous et la conscience par tous des significations attribuées aux dits astres. L’astrologie mondiale, en ce sens, a vocation à fournir des modèles simples et aussi répandus que possible alors que l’astrologie individuelle est une affaire de spécialistes, l’une est plus extravertie et sur la place publique, l’autre plus introvertie, se complaît dans le secret des cabinets.

   Certes, la tendance est répandue de nos jours à vouloir sanctuariser les savoirs en minimisant la question de leur genèse, en les présentant comme tout droits sortis de la cuisse de Jupiter, tels quels. Le principe est toujours le même: que les hommes aient eu aussi peu de part que possible dans l’élaboration des dits savoirs. Tout se passe comme si le “transfert” à l’endroit des arts divinatoires impliquerait l’accès à une certaine transcendance, à quelque chose de carrément surhumain et de divinement inspiré. Ce qui place souvent les historiens de l’ésotérisme en porte à faux avec les ésotéristes pour lesquels le Tarot, les Centuries, les ères précessionnelles, l’astrologie judiciaire etc échappent au “bricolage” et à l’arbitraire des activités proprement et simplement humaines. Face aux recherches des historiens, les ésotéristes font grise mine et ce débat sera certes au coeur du Colloque de novembre, à savoir l’ancienneté et l’origine d’un certain nombre de savoirs gravitant autour de l’astrologie et dont on peut tout de même tenter de retracer une certaine genèse, un certain nombre de stades de formation. La tendance actuelle est à déshumaniser ces savoirs et à en situer l’origine dans un au delà dans le temps et dans l’espace.

   A propos de transfert, il convient aussi de réfléchir sur le contre-transfert. On aura compris que par transfert, nous entendons ici les représentations, les fantasmes qui attirent quelqu’un vers une personne ou un savoir donnés. Il est apparu que les raisons du transfert vers l’astrologie relevaient d’une certaine attente d’une relation aseptisée, passant par ces instances intermédiaires que sont le thème astral et le savoir supposé de l’astrologue. Dans le cadre de la consultation, on s’est demandé le 11 août s’il ne fallait pas cantonner le transfert au niveau de l’étude du passé et basculer vers le contre-transfert en abordant l’avenir qui est d’abord un avenir avec l’aide de l’astrologie, ce qui implique un nouveau regard, une autre façon de gérer sa vie, en connaissance de cause (cf. supra). C’est l’occasion d’insister sur certains paradoxes de la prévision astrologique individuelle : si, comme le revendique Roger Héquet, le pronostic doit être d’une extrême précision, est-ce que cela ne signifie pas, ipso facto, qu’avant l’heure, ce n’est pas l’heure et après l’heure, ce n’est plus l’heure ? Dans ce cas, il suffit de changer un facteur de très peu pour parvenir à un tout autre pronostic. Et on se demandera si ce n’est pas cela qui explique certains “résultats”. Expliquons-nous: si nous annonçons un certain état de choses pour une période assez longue, disons de quelques années, il va falloir tenir le coup, un peu comme un marathonien, puisque c’est l’époque des Jeux Olympiques d’Athènes 2004. En revanche, si le pronostic est très ponctuel, il ne faudra assurer que durant une très courte période, à l’instar d’un coureur de 100 mètres. Un adversaire aura plus de facilité en s’en prendre au premier qu’au second car le second n’aura à assumer son pronostic que pour un temps très bref.

   En tout état de cause, il est évident que le temps social est plus large que le temps individuel stricto sensu et que nos sociétés n’ont pas besoin d’un balisage trop serré. Si on parle de statistiques, il est clair que ce qui permettra de montrer qu’un événement donné a une cause astrologique ne pourra être que statistique, un cas isolé ne prouvant rien. Or, les événements faisant sens au niveau collectif ne sont pas nécessairement du même ordre que ceux qui marquent les individus. Le cas de la mort est emblématiques: statistiquement, on sait que tant de gens vont mourir chaque année et c’est chose naturelle à l’échelle des sociétés qui de toute façon se renouvellent par les naissances. En revanche, dans un cadre plus restreint, la mort peut être d’un tout autre poids et sembler irréparable. De la même façon, au niveau d’une société, il importe que les plus performants l’emportent, ce qui n’empêche que les vaincus vivent un drame, à commencer par les plans sociaux lors de rachats d’entreprises. L’astrologie mondiale, selon nous, n’a pas vocation à dramatiser, elle s’intéresse avant tout à la vie normale des sociétés alors que l’astrologie individuelle est concernée par ce qui arrive aux gens, en particulier. Or, ce qui est unique et rare à l’échelle individuelle - comme d’avoir un enfant - est banal et statistique au niveau collectif. Deux astrologies, donc, qui sont en quelque sorte des soeurs ennemies et qui revendiquent un même héritage.

   L’astrologie se rapproche-t-elle plus de l’Histoire ou de la Sociologie ? Sujet bien délicat car sur certains points, les astrologues n’aiment guère les historiens quand ils s’intéressent de trop près aux origines et aux aléas de leur savoir mais en même temps, ils cherchent à mettre l’astrologie au service de l’histoire événementielle. En revanche, les astrologues semblent préférer les sociologues du fait d’une certaine intemporalité, de l’importance accordée à l’environnement, à un certain déterminisme global, cela vaut notamment pour le scénario des origines de l’astrologie mais par ailleurs, ces mêmes astrologues seront mal à l’aise avec les sociologues en ce que ceux-ci - et cela vaut pour la Nouvelle Histoire - ne privilégient guère le pittoresque des événements et préfèrent parler faits statistiques. Voilà qui nous ouvre des perspectives quant aux relations que le monde astrologique peut entretenir avec les autres sphères. A ce propos, à Bagneux, on s’est également interrogé sur le dialogue entre astrologues et psychologues, en se demandant si l’astrologue ne devrait pas adopter un profil bas pour mettre en confiance le psychologue, notamment en admettant que la demande d’astrologique puisse être un symptôme d’un certain dysfonctionnement relationnel et aussi en soulignant (cf. supra) l’impératif du contre-transfert. A ce propos, il semble assez évident que la façon dont un astrologue parle à ses clients voire à ses élèves doit différer de celle qu’il adopte face à d’autres astrologues ou à d’autres professions. Il y a un discours qui trouve une certaine légitimité du fait de la demande de consultation et qui est déplacé hors de ce cadre. Il semble que certains astrologues n’arrivent pas si facilement à distinguer entre leurs divers interlocuteurs.

   Concernant la sociologie de l’astrologie, on a pu constater l’immense majorité des femmes dans ce qui touche à l’astrologie et à la voyance en général. Il nous semble que l’astrologie est un révélateur d’un clivage social majeur, celui du masculin et du féminin et nous en voyons pour preuve, entre autres, cette tendance à dépouiller l’homme de tout rôle déterminant dans la construction du monde et des savoirs qui en rendent compte, notamment au niveau ésotérique. A l’homme, en tant que créateur, se voit substituer Dieu, la Nature, le Cosmos. Certes, les femmes ont-elles un besoin d’une instance supérieure mais elles refusent d’y placer les hommes. Or, il nous semble bien que l’ensemble des structures sociales, culturelles qui constituent l’humanité et la civilisation est le fait de l’industrie des hommes. L’historien, en expliquant en quoi a consisté ce travail montre qu’il s’agit d’une lente élaboration/ décantation, avec des choix souvent arbitraires qu’il a fallu assumer pleinement. Quelque part, demanderons-nous l’astrologie qui fut à l’origine l’oeuvre des hommes a basculé dans le camp féminin en une sorte de négation(isme) du travail créatif des hommes. C’est pourquoi, d’aucuns veulent réduire les hommes à un rôle ancillaire/servile, à savoir celui, bien modeste, du secrétariat des dieux. On voit toute l’ambiguïté de la situation: l’astrologie qui est par excellence une des oeuvres les plus accomplies du génie humain deviendrait un instrument pour nier/relativiser celui-ci. Comment face à l’astrologie, n’aurait-on pas des sentiments partagés, de rejet et de fascination, pour faire allusion à la thèse d’Elizabeth Teissier ? A Bagneux, nous donnâmes la primeur de nos dernières recherches sur le Tarot - sujet qui fera l’objet d’une commission le samedi matin - en nous demandant si l’étude des origines du Tarot ne peut nous aider à repenser celle de l’astrologie ou des centuries, non pas tant sur le fond que sur la forme, à savoir l’existence d’un travail de tri au sein d’un ensemble bien plus vaste : quelques astres parmi bien d’autres (Astrologie), quelques images parmi bien d’autres (Tarot), quelques récits parmi bien d’autres (Centuries). Entre une grille qui implique une sélection plus ou moins arbitraire et celle qui voudrait nier qu’il y ait eu sélection mais simplement révélation d’un fait préétabli et s’imposant dans son intégralité aux hommes. On voit que tout le débat tourne ici autour du processus de tri par lequel l’Homme impose sa présence au monde. Si l’homme ne trie pas, il est passif et se soumet à un ordre cosmique supérieur. Certain(e)s voudraient priver les hommes de cette fonction majeure de l’élection, de la sélection, du choix, du tri et cela vaut d’ailleurs aussi à propos de ce libre-arbitre dont Roger Héquet souhaite limiter au maximum l’importance. La seule idée que l’on puisse déterminer une phase de quelques années au cours desquelles les hommes pourront choisir, chacun à sa façon, sans intervention plus spécifique des astres, quand intervenir, quand passer à l’acte, lui est quasiment insupportable car il importe que ce choix même ne leur soit pas accordé/abandonné.

La consultation en question

   Nous avons reçu une contribution de Bernard Wiernik (Ateliers du Temps Présent), un des membres de nos commissions du Colloque de novembre dont voici un extrait :

   “Les réunions préparatoires ont posé le problème d’un “modèle”. Il semble que l’on pourrait proposer celui de Jean Billon, relaté par Jacques Halbronn dans son Guide astrologique, Ed. Laurens 1997 p. 74, où il fait part de ce que : “entre mai 1975 et mai 1995, il avait mené 13.700 consultations, et tenu 130 séminaires (week-ends, journées ) entre octobre 1981 et septembre1995.” En effet, ce sont des faits où de nombreuses personnes (client[e]s) ont manifesté leur satisfaction par leur présence et leur paiement. Dès lors :

         1 - De quoi est faite la satisfaction des client[e]s ? De l’exactitude, de la précision et des détails astrologiques qui leur ont été exposés en terminologie astrologique ? De la minutie et des couleurs de leur Carte du Ciel ? De la qualité des prévisions qui leur ont été proposées ? Ce qui n’est guère vraisemblable, sauf si la rémunération de Jean Billon ne lui était remise qu’après la réalisation de l’événement conforme au pronostic.

         2 - Il en résulte que la Carte du Ciel et le vocabulaire astrologique ne sont souvent que des “créateurs de confiance” destinés à apaiser l’anxiété “métaphysique” de la personne qui consulte. En d’autres termes, le savoir astrologique n’a fréquemment guère d’importance et l’on serait en droit de se demander dans quelle mesure ce n’est pas l’astrologue qui se rassure à l’aide des points d’appui intellectuels dont il dispose et par lesquels il se protège dans la relation humaine à laquelle il a peu de chances d’avoir été entraîné - sauf par des années de pratique, s’il était particulièrement doué au départ.” (B. W.)

Nos observations :

   Il est clair que l’astrologue est jugé sur le passé par la justesse de ce qu’il a dit et pour l’avenir par une certaine résonance avec les attentes conscientes ou inconscientes du client, mais pas plus. Mais en tout état de cause, l’astrologue ne se servira pas de l’astrologie de la même façon par rapport à quelqu’un qui ignore l’astrologie et qui ne va pas voir l’astrologue et par rapport à quelqu’un qui fait appel à l’astrologue et à l’astrologie. Mais est-ce à dire, avons-nous demandé plus haut, que l’astrologue a deux façons fort différentes de parler de l’avenir? Le paradoxe, c’est que pour certains astrologues, le fait même de communiquer avec leurs clients pourrait conduire à mettre en échec leur pronostic ou au contraire à apporter une surdétermination au dit pronostic, par la suggestion qu’il peut susciter. Dans un cas, comme dans l’autre, la consultation astrologique ne peut qu’ébranler l’astrologue dans ses certitudes, le client idéal étant celui que l’on observerait à son insu. Or, pour notre part, nous pensons que c’est l’inverse qui est vrai: ce n’est qu’avec son client que l’astrologue peut pratiquer son astrologie, avec ce que cela implique de formulations souples laissant à celui-ci une importante marge de manoeuvre et un certain libre-arbitre. L’astrologue, quand il se cantonne à observer passivement le monde, en est, au contraire, réduit, à des pratiques d’ordre divinatoire, sauf dans le cas de l’astrologie mondiale et dans la recherche statistique. Il semble que nombreux soient les astrologues qui aient franchi ce cap et travaillent avec leurs clients. Mais cette complicité n’est pas du goût de certains qui y voient comme une sorte de tricherie voire de remise en cause de la scientificité de l’astrologie, dès lors que le client n’est plus un objet mais un sujet. Une telle évolution n’est pas sans effet au niveau technique car l’activité divinatoire de l’astrologue avait généré certains dispositifs, on pense notamment aux maisons astrologiques, qui n’ont plus de légitimité dès lors que l’astrologie ne prétend plus tout régenter et qu’elle accepte que le client fasse ses propres choix. Plus l’astrologie dont l’astrologue se sert est “lourde”, plus ses prétentions divinatoires seront fortes, plus l’astrologie se déleste, s’allège et plus l’astrologue passe le relais à son client pour conférer au modèle astrologique sa manifestation ultime.

Du rôle de l’historien de l’astrologie

   Mais revenons en l’astrologie mondiale qui nous l’avons dit est plus conforme à ce que fut l’astrologie à ses débuts, ce qui ne signifie évidemment pas qu’il faille accepter tout ce qui s’est présenté sous ce nom au cours des âges et notamment des derniers siècles. Il est clair que toute application des techniques horoscopiques à l’astrologie mondiale nous apparaît comme le résultat d’un syncrétisme tardif de même que le recours aux planètes transsaturniennes voire à tout découpage zodiacal. Au départ, selon nous, l’astrologie mondiale, la seule en vigueur, n’avait besoin de ne tenir compte que de certaines angularités entre planètes et étoiles fixes et la question pour l’historien de l’astrologie est de déterminer quelles étaient ces angularités, ces planètes et ces étoiles fixes, étant bien entendu que parmi tous les possibles, des choix furent faits correspondant aux besoins réels de la société. Cette astrologie était en effet limitée par son savoir astronomique et par l’usage qui était prévu d’en faire. Même le savoir astronomique du temps, aussi limité ait-il été, était encore beaucoup trop ample par rapport au processus que l’on voulait engager au niveau des rapports hommes-astres. Ne serait-ce qu’au niveau des aspects, lesquels furent privilégiés ? Quant aux étoiles fixes, il fallait nécessairement opérer une sélection. Et puis fallait-il se servir obligatoirement de toutes les planètes connues? Les travaux de Gauquelin, qui concernent certes une autre forme d’astrologie, montrent que Mercure n’apparaît pas dans les statistiques aux côté de Vénus, Mars, Jupiter, Saturne et la Lune. Rappelons que Gauquelin n’obtient aucun résultat pour les transsaturniennes. Le rôle de l’historien qui en cela se distingue de celui du sociologue (cf. supra) est de nous dire non pas ce qui aurait pu se passer mais ce qui s’est réellement passé, au bout du compte ; pour prendre une image conjugale, quels furent les conjoints, ce qui nous rapproche de la conjonction ? Gardons cette comparaison en soulignant qu’un homme ne va pas épouser toutes les femmes existantes mais qu’il ne va pas non plus épouser des femmes qu’il ne côtoie pas ou qui ne parviennent pas à sa connaissance. Travailler sur Nostradamus nous aura beaucoup servi car le cas de l’astrologie, somme toute, n’est pas si différent: il ne s’agit pas de se perdre dans un océan de possibles qui tous auraient du se concrétiser mais de nous rappeler que l’homme est fonction d’un savoir mais aussi d’un pouvoir ce qui le conduit à filtrer sérieusement les sollicitations extérieures. Le problème de l’astrologie, telle qu’elle se manifeste de nos jours, c’est qu’elle se croit trop souvent intemporelle, elle ne veut correspondre à aucune époque, n’être l’expression d’aucune société et en cela elle échappe à la recherche proprement historique, ce qui la fait évoluer au fil des découvertes astronomiques.

   On voit que le rôle de l’historien de l’astrologie est crucial: il lui revient de retrouver les règles du jeu, le mode d’emploi que l’Humanité avait adoptés et dont nous restons tributaires, tant il importe de relativiser l’impact des innovations ultérieures sur ce premier état de choses.

   Mais l’historien de l’astrologie n’est pas pour autant l’historien du Tarot ou des Centuries. En effet, retrouver les sources des arcanes/lames et des quatrains/sixains nous permet d’apprécier le travail d’interprétation et de recadrage (cf. supra) opéré par la suite mais cela ne nous donne aucune certitude sur la valeur intrinsèque de ces constructions, En revanche, en retrouvant un état premier de l’astrologie, un fois le travail de décantation par rapport au savoir astronomique de l’époque accompli, on peut raisonnablement supposer que celui-ci continue à nous marquer, à des millénaires de distance parce que l’astrologie est beaucoup mieux placée (cf. supra) que le Tarot ou les Centuries, phénomènes appartenant aux cinq ou six derniers siècles, pour s’inscrire dans notre Inconscient Collectif.

   Quid des ères précessionnelles ? Cette théorie interpelle l’Historien de l’astrologie. En effet, le présupposé de cette théorie formalisée à la fin du XVIIIe siècle, comme l’ont montré depuis une vingtaine d’années un certain nombre de chercheurs (Christian Lazarides, Robert Amadou, nous-mêmes) est que le passage du point vernal d’une constellation à l’autre - phénomène qui, théoriquement, a lieu tous les 22 siècles environ, aurait accompagné des évolutions civilisationnelles. En remontant loin dans le passé, cela crédibilise d’autant les prévisions pour l’avenir et notamment quant à l’Ere du Verseau.

   Comme toujours avec l’astrologie, deux positions sont en présence : les ères sont-elles une création des hommes finissant éventuellement par s’inscrire dans leur Inconscient Collectif ou une structure cosmique s’imposant à eux à leur insu, ce qui, dans ce cas, peut faire l’économie du savoir antique ? Il semble a priori, en effet, assez improbable que les hommes aient ainsi instrumentalisé, il y a six mille ans ou plus, le point vernal - notion liée aux saisons - en le projetant sur l’écliptique tout comme d’ailleurs il nous semble bien difficile d’admettre que le Zodiaque tel que nous le connaissons constitue une structure universelle voire intemporelle. Au demeurant l’Histoire du Zodiaque obéit aux mêmes règles génétiques que celle du Tarot, il s’agit d’un certain nombre d’images que l’on aura extraites de divers contextes puis rassemblées en un tout auquel des générations de commentateurs auront tenté de conférer quelque cohérence/unité plus ou moins factice/de façade.

   C’est donc bien au problème du zodiaque que la théorie précessionnelle nous renvoie et là encore il nous apparaît que plusieurs astrologies se soient amalgamé. La division en douze n’avait en effet aucun intérêt pour la combinatoire planète/ étoile dont il a été question plus haut. La combinaison de ces astrologie va conduire à des redondances : une planète sera désormais tributaire non seulement des aspects qu’elle développe avec certaines étoiles fixes mais de son passage d’un d’un mois lunaire à un autre, ce qui se traduira par le passage d’une constellation à une autre. Par la suite, on aboutira à la théorie des domiciles attribuant des planètes aux signes du Zodiaque, ce qui produira également une redondance entre le mouvement réel des astres et leur mise en relation symbolique avec tel ou tel secteur zodiacal, non sans d’ailleurs quelques bizarreries en ce qui concerne les Dignités de Mercure et de Vénus, la balance semblant mieux convenir à Mercure, le dieu du commerce qu’à Vénus; quant au couple, des Gémeaux/jumeaux (sic), il correspondait mieux à Vénus, déesse de l’amour qu’à Mercure ! Dispositif qui sera complété au XIXe siècle par l’intégration de nouvelles planètes, notamment en plaçant Uranus dans le signe du Verseau. On voit donc ici que nous sommes aux antipodes d’un projet apologétique du type de celui de Patrice Guinard (cf. Cura.free.fr) d’intégrer toutes ces astrologies au sein d’une seule en montrant qu’elles ne forment qu’un tout unique et préexistant virtuellement aux dites astrologies !

   Quant à l’histoire de la formation du Zodiaque, tout indique qu’il s’agit là d’un ensemble assez hétéroclite, comme dans le cas du Tarot ou des Centuries, bien plus que ce n’est le cas, par exemple, pour un panthéon. Il faut vraiment beaucoup de bonne volonté pour percevoir dans le Zodiaque, du moins sous sa forme iconographique, un ensemble structuré dès l’origine. On y retrouve notamment avec les quatre signes dits fixes un ensemble qui a certainement fonctionné de façon autonome (sphinx, Livre d’Ezéchiel, Apocalypse de Jean, arcane “Le Monde”, dans le Tarot) bien avant d’être intégré au sein du dit Zodiaque. Il se trouve que le Verseau comme le Taureau si importants dans la théorie précessionnelle font partie de ce quatuor qui est aussi le lieu des étoiles fixes royales (Aldébaran, Antarés, Régulus, Fomalhaut). Quant aux autres “signes”, on rappellera que celui des Gémeaux était initialement un couple homme/femme, phénomène encore manifeste dans les Très Riches Heures du Duc de Berry et qui disparaîtra complètement dans la littérature zodiacale du XXe siècle. Pourtant, la présence d’un couple, expression de la fécondation, n’avait rien d’étonnant dans un contexte lié aux moeurs de la vie quotidienne.

   La théorie des ères précessionnelles aura contribué à sanctuariser le Zodiaque pour en faire un axe symbolique essentiel et s’inscrivant très profondément dans l’histoire des civilisations. Astrologie au demeurant sans planétes et fonctionnant avec le seul Soleil vernal. Une astrologie de plus venant se fondre à terme dans le corpus/canon astrologique et illustrant à merveille le rôle du syncrétisme dans la formation de celui-ci.

   On notera qu’un autre dispositif majeur de la pensée astrologique est celui dit des Grandes Conjonctions, ce qui concerne les relations entre Jupiter et Saturne. Le tort de ce cette théorie est double: d’une part, il se réfère - par le biais des Triplicités - au Zodiaque en l’occurrence tropique (axé sur le point vernal), et de l’autre il ne se situe pas par rapport à telle ou telle étoile fixe mais privilégie le rapport entre deux planètes, ce qui restera jusqu’à nos jours la norme à cela près que l’astrologie mondiale actuelle ne se soucie plus guère, sauf chez quelques nostalgiques, du passage d’une configuration dans tel ou tel signe et surtout d’une triplicité à une autre. D’ailleurs, on ne peut que constater qu’en dépit de tentatives de décantation de l’astrologie pour la ramener à un état où elle ne subit aucune incompatibilité ou redondance, il y a toujours de bonnes âmes pour vouloir tout combiner/mélanger à nouveau.

Les grands réformateurs de l’astrologie

   Il convient de saluer l’apport d’André Barbault (né en 1921) et de Jean-Pierre Nicola (né en 1929), dans les années Soixante, notamment, à ce que l’on pourrait appeler une certaine Réforme de l’Astrologie, impliquant un certain tri sinon une certaine austérité. Chez André Barbault, ce fut sa réforme de l’Astrologie Mondiale, débarrassée du référentiel zodiacal - mais ouverte, ô combien, aux nouvelles planètes - et de tout un attirail horoscopique (Ingrés, thème de pays etc) et chez Jean-Pierre Nicola, ce fut son évacuation des Dignités planétaires et de toute forme d’astronomie factice ainsi que du symbolisme zodiacal ou mythologique. Mais leur Réforme n’alla pas assez loin : Barbault préféra, anachroniquement, les transsaturniennes aux étoiles fixes royales, mêlant ainsi allègrement Saturne et Neptune, alors que cette configuration n’avait pu s’inscrire dans l’Inconscient Collectif, vu que Neptune n’était connu que depuis 1846 et de toute façon invisible à l’oeil nu et dans un monde où l’astronomie n’avait plus de fonction sociale. Quant à Jean-Pierre Nicola, on observe le même penchant pour les transsaturniennes, complètement intégrées, jusqu’à Pluton, au sein du RET ainsi qu’un attachement à la division en douze de l’écliptique. Pour Barbault comme pour Nicola, l’astrologie en tant que phénomène n’est pas l’oeuvre des hommes, la tradition astrologique n’est que la traduction d’un environnement cosmique encore que pour ces deux chercheurs, l’astrologie antique avait donc le tort insigne d’avoir ignoré les planètes transsaturniennes. L’idée selon laquelle l’astrologie serait le résultat d’une instrumentalisation - et non d’un décryptage - du ciel par les sociétés humaines leur était parfaitement étrangère. Il faudrait évidemment ajouter le nom de Michel Gauquelin (1929-1991) à cet Age d’Or des années Soixante. Lui aussi apparaît comme un grand réformateur de l’astrologie. Il circonscrit l’astrologie aux planètes visibles, non point par décision personnelle mais du fait de ses résultats statistiques. Il met en évidence l’existence d’une certaine astrologie généthliaque sans pour autant élaborer un modèle concernant l’émergence de l’astrologie du fait de la pratique sociale, maintenant celle-ci dans une optique transcendantale à l’instar de Barbault et de Nicola. Il évacue de facto toute la théorie divinatoire des Maisons greffée sur le thème natal. Gauquelin n’aborde aucunement la question de la prévision voire de la cyclicité tout en signalant pourtant abondamment l’existence de cycles chez certains animaux.

   Quarante ans après (1964-2004) le réformisme des Années Soixante, époque où nous avons rencontré pour notre part l’astrologie, est-il resté lettre morte ? Il semble bien que nous soyons en pleine régression - jamais l’astrologie n’a été aussi pléthorique au point d’aller récupérer d’anciens dispositifs depuis longtemps abandonnés comme les parts ou les décans - et le rôle du colloque de novembre 2004 est de relancer un mouvement de réforme de l’astrologie. Au lieu de jouer un rôle réformateur, l’historien de l’astrologie semble tendre, bien au contraire, à augmenter encore plus la confusion en remettant au goût du jour ce qui avait été évacué voire oublié. On nous objectera que les années Soixante-dix-Quatre Vingt furent un nouvel Age d’Or que nous célébrerons d’ailleurs le vendredis soir. Là encore l’héritage de cette période pourtant encore plus proche semble avoir été dilapidé au cours des quinze dernières années. Avant 1974, les astrologues français ne pratiquaient pas les congres, le dernier en date qui s’était tenu à Paris datait de la fin de 1953 et encore avant, il fallait remonter à 1937, l’année de la dernière Exposition Internationale. A partir de 1974 (2 fois 37 !), la vie astrologique française sera scandée par la tenue régulière de congres, au moins un par an jusqu’à ce jour, phénomène collectif et ne dépendant pas d’une seule initiative mais dont nous fûmes probablement un des principaux instigateurs et promoteurs. Mais que signifia un tel changement dans la sociabilité du milieu astrologique ? Il nous semble que c’est surtout la mentalité des astrologues qui évolua ainsi que l’image qu’ils se faisaient d’eux-mêmes. Il y avait certes, depuis avant la guerre, une vie astrologique associative (Loi de 1901) avec son rituel républicain: son président, son conseil d’administration, son assemblée générale. Il y avait certes dans les années Cinquante-soixante des réunions régulières comme celle du CIA (Centre International d’Astrologie), tous les quinze jours. Certes, il y avait des revues, comme les Cahiers Astrologiques publiés à Nice par Volguine. Mais il n’y avait pas de congres, de colloques sur un week-end ou plus, comme il en existait notamment en Angleterre, en Allemagne pour ne pas parler des Etats Unis qui en étaient friands et dont le congres de 1974, à Paris, suivit le modèle, puisque se situant dans la cadre des congres de l’ISAR (International Society for Astrological Research), association fondée par Julienne Sturm(Mullette).

   En vérité, il y a congres et congres et nous ne pensons pas que ceux organisés par le MAU étaient identiques, dans leur esprit et dans leur déroulement et ceux gérés par d’autres structures tant en France qu’à l’étranger. Il ne suffit pas de dire que les congrès des années 70-80 ont précédé... ceux des années suivantes bien que ce soit une évidence qui n’est pas toujours reconnue pleinement.

   Il y a certes un rituel particulier aux Congrés/colloques à commencer par la fixation d’une date assez longtemps à l’avance. Un processus donc fort différent des réunions ayant lieu tous les 15 jours, sur un mode périodique. Acte symbolique fort que de fixer une date et de s’y tenir pour tout un ensemble d’astrologues, surtout quand le lieu choisi n’est pas forcément Paris et que les participants viennent d’un peu partout y compris de l’étranger. On dira qu’avec les congrès, on sortait d’un certain état anarchique se contentant de se laisser vivre au rythme des mois et des saisons. En fait, le congrès, c’est l’émergence de l’arbitraire dans la vie de la communauté astrologique. Pourquoi cette date, pourquoi ce lieu, pourquoi ces intervenants, pourquoi ce thème ? Avec les conférences mensuelles ou bimensuelles, il n’y avait pas vraiment un tel choix à opérer, on se conformait à un modèle préétabli et récurrent. Et en plus quand la succession des congrès n’obéissait à aucun rythme annuel précis et que leur nombre, leur localisation, pouvaient changer d’une année sur l’autre, il y avait là un autre souffle/esprit qui passait. On était loin alors de ces congrès des années 90 ayant lieu annuellement à la fin du mois de mars, à proximité de l’équinoxe de printemps, comme c’est le cas actuellement et dont le thème obéit à la série des planètes puis des signes.

   Disons-le, ce qui marqua ces congrès, c’est la manifestation d’un certain pouvoir qui se manifestait également tout au long des débats et imposait un certain ordre des choses, une certaine discipline de parole, qui n’avait pas grand chose à voir avec les conférences du CIA où l’on voyait le plus souvent un orateur pérorer pendant une bonne heure. Mais l’existence d’un pouvoir n’était-elle pas le moyen pour l’astrologie de prendre conscience précisément de ce que les sociétés peuvent choisir les conditions de leur propre destin ? Comme nous l’avons dit plus haut, cette période fut suivie d’une résurgence féodale, probablement en réaction contre la manifestation d’un tel pouvoir plus ou moins perçu comme arbitraire. Est restée de ces congrès des années 70-80 et s’est maintenue depuis l’affirmation d’une certaine honorabilité: des astrologues en congrès, cela fait sérieux et on est bien loin de ces salons où les astrologues se rassemblaient autrefois pour donner des consultations-éclair, la sociabilité n’est plus la même! Encore faudrait-il s’interroger sur le public de ces congrès : des astrologues désireux de débattre entre eux ou des élèves voulant apprendre davantage ? Il semble que l’on soit passé du premier cas de figure au second entre les années 80 et 90, ce qui a considérablement changé l’enjeu des congrès, les astrologues ne pouvant plus discuter ouvertement entre eux sous peine de cracher dans la soupe et d’effaroucher le transfert de la “salle”, chaque intervenant se trouvant dès lors figé dans son personnage d’astrologue supposé savoir. A partir du moment où l’intervenant était au programme, il ferait le jour venu son exposé, sans risquer d’être interrompu, censuré puisque le programme n’existait que par lui, bref il était laissé à lui-même. Notre approche des colloques est bien différente étant donné que nous ne limitons pas a priori le nombre d’intervenants, que nous ne fixons pas à l’avance les temps de parole, ce qui nous permet de conserver l’entier contrôle du colloque sans être à la merci de quelque “baron” (cf. supra). Ce qui nous importe, c’est que le verbe soit là dans toute sa puissance, quel qu’en soit l’interprète, et de le laisser s’exprimer au travers de ceux qui sont capables de se faire entendre par la pertinence de leurs propos et du fait qu’ils sont en phase avec la dynamique du Colloque. Il est temps que chaque astrologue ne reste pas sur son quant-à soi et que collectivement un progrès puisse être enclenché, passant par une certaine remise en question de la part des participants/intervenants, ce qui implique parfois de se faire violence et de ne pas se laisser aller à sa pente naturelle. Le colloque, c’est un moment de grâce parfois un psychodrame, occasion ponctuelle de repenser ensemble et en pleine conscience l’astrologie, à l’instar de la Nuit du 4 août 1789, où la France s’était réunie en Constituante. On le voit en politique, un congrès est aussi un acte qui peut engager l’avenir.

Naissance du savoir astrologique

   La plupart des astrologues, de nos jours, font l’impasse sur les conditions d’émergence du savoir astrologique et incidemment sur les conditions d’une relation entre les hommes et les astres qui en est le corollaire.

   On nous parle d’un décryptage du ciel qui aurait conduit à sa mythologisation puisque les noms des planètes sont si importants. Sans mythologie, combien sont perdus, ce qui expliquerait le désintérêt pour les étoiles fixes lesquelles ne sont pas associées à cette même mythologie gréco-romaine et en revanche l’importance accordée aux transsaturniennes du fait que les astronomes leur ont assigné des noms de divinités. Mais si la méthode qui a conduit les astronomes modernes à nommer de nouvelles planètes est la même que celle qui servit autrefois à nommer les “anciennes” planètes, on est édifié. Est-ce que la mythologie est issue de l’astrologie ou l’astrologie a-t-elle puisé dans le réservoir/vivier mythologique ?

   On veut nous faire croire que les hommes ont “perçu”, appréhendé le sens de chaque planète et ont baptisé chacune d’entre elles en conséquence. Nous restons perplexe, avouons-le, sur le protocole suivi pour parvenir à un tel résultat. Nous avons certes l’exemple de Michel Gauquelin qui, par la voie statistique, a montré que les clivages socioprofessionnels correspondaient à une certaine signature planétaire. On observera d’abord que l’on n’a nullement besoin des transsaturniennes pour rendre du découpage en castes. Ensuite, un tel découpage est effectivement de toute première importance pour la vie des sociétés et n’a pas grand chose à voir avec ce que les astrologues essaient d’expliquer par l’astrologie appliquée au niveau individuel et contingent. En tout état de cause, si nous pouvons admettre que les significations attribuées/assignées aux astres sont une projection, rien ne prouve que les astres sont liés à cette projection qu’ils ne font en réalité que subir et qui les instrumentalise bien plus qu’elle ne les définit en soi.

   Il nous semble infiniment plus simple d’admettre, en effet, que ce sont les hommes qui ont établi les significations, ce qui leur a évité d’avoir à les décrypter : on n’est jamais si bien servi que par soi-même. Et encore, rappelons-le ce travail de classement des planètes avait avant tout une valeur de désignation socioprofessionnelle et non pas de prévision, à moins d’admettre, évidemment, que la détermination d’une carrière soit une façon de fixer un avenir. Il est possible de supposer qu’à la longue, en tenant compte de l’hérédité planétaire, sujet majeur de recherche pour Gauquelin, les enfants aient fini par naître, grâce à une sensibilité aiguë aux mouvements du ciel, sous la même configuration que leurs parents tout en suivant le même parcours professionnel; autrement dit, l’astrologie aurait perduré en tant que phénomène de plus en plus ancré dans notre psychisme de par une volonté délibérée de la part des hommes de se conformer à un certain ordre socio-cosmique. Mais ce qui nous paraît essentiel, c’est la nécessité de modèles extrêmement simples, tant au niveau des configurations célestes que des situations sociales concernées : une astrologie minimale en somme. Quant à ce besoin de se conformer, n’est-il pas propre, inconsciemment et ancestralement, à tous ceux qui vont voir l’astrologue, non pas tant parce que la loi est par essence dans le cosmos mais parce que le cosmos fait partie, est devenu, de par leur volonté, le support de la loi des hommes ? En ce sens, reconnaissons que la demande d’astrologie témoigne aussi d’un très vieil instinct. De là à faire passer l’Astrologie avec un grand A, telle qu’elle est devenue, du fait de tant de variétés de discours qui s’y entremêlent, pour un tout d’un seul tenant, d’une seule pièce, il y a un pas que nous ne saurions franchir. Il est donc bien préférable de reconnaître qu’il y a une famille d’astrologies, correspondant à des besoins différents, recourant à des représentations différentes du ciel plutôt que d’affirmer son unicité.

Une astrologie à échelle humaine

   Pour notre part, nous ne croyons pas en une astrologie mondiale fixant des échéances à long terme, c’est-à-dire à plus d’une quinzaine d’années maximum. Pour nous, l’individu est la mesure des choses, même au niveau prévisionnel. C’est-à-dire que le temps astrologique doit être en accord avec celui de l’individu. En privilégiant des cycles courts, ce qui est d’ailleurs inévitable dès lors qu’on ne prend pas en compte les planètes transsaturniennes, nous aurons affaire à des situations récurrentes, c’est-à-dire qui reviennent à plusieurs reprises dans une existence. Cette exigence cyclique nous semble être un excellent critère pour évacuer ce qui ne concerne pas l’astrologie, à commencer par la mort qui est un phénomène ponctuel dans la vie des gens: on ne meurt qu’une fois et en plus c’est sans lendemain.

   Séparer ce qui est et ce qui n’est pas de l’ordre de l’astrologie nous semble absolument essentiel et nous vivons dans un monde où les gens ne savent pas reconnaître leurs limites, ce qui empêche de vivre une authentique relation d’altérité, un monde où nos défenses immunitaires ne fonctionnent pas puisque nous nous laissons envahie par ce qui n’est pas nous. Il est bon que l’astrologie sache évacuer ce qui ne la concerne pas et qui, d’ailleurs, n’est pas cyclique. En fait, le bien est cyclique, le mal n’est pas cyclique et c’est pourquoi faire annoncer le mal par l’astrologie est sacrilège. Seul le bien a le droit d’être projeté vers le futur, c’est-à-dire ce que l’on peut souhaiter vouloir revenir, au bout d’un certain temps, même si l’on souhaite qu’il y ait alternance des phases, comme entre le sommeil et l’éveil, comme entre le printemps et l’automne. On sait bien que l’Hiver n’est pas le mal ou que c’est un mal nécessaire qui fait partie du cycle naturel des saisons, aucune saison n’ayant le dernier mot.

   Nous pensons que lorsque les astrologues s’écarteront du mal, n’essaieront pas de mettre l’astrologie à son service, pour le légitimer, pour lui donner du sens, ce sera un grand progrès pour leur image. Il faut débarrasser l’astrologie des notions de planètes maléfiques et curieusement les nouvelles planètes ont été généralement interprétées comme des astres dangereux. Rien d’étonnant à ce que certains astrologues déclarent ne pas pouvoir s’en passer dès lors qu’ils ont décidé de “couvrir” le mal. De même les notions de bons et de mauvais aspects, dans le thème natal, nous semblent très discutables, les aspects d’ailleurs appartenant non pas à l’astrologie horoscopique mais à l’astrologie mondiale et prévisionnelle. Ce sont les aspects qui déterminent des changements de phase au sein d’un cycle planétaire.

   Ainsi, l’astrologie typologique de type Gauquelin mais aussi à la limite sur la base des 12 signes - on ne dit pas qu’un signe est mauvais ! - et l’astrologie mondiale sont concernés par des processus fonctionnels avec “marche” et “arrêt”. En revanche, l’astrologie horoscopique nous semble beaucoup plus polarisée vers une sorte de dialectique du bien et du mal, ce qui correspond certes au vécu des gens - car le mal existe mais n’a rien à voir avec l’essence de l’astrologie, c’est une forme corrompue, tant moralement qu’épistémologiquement, d’astrologie. Le mal, répétons-le, se désigne et se trahit lui-même en ce qu’il ne parvient pas à s’inscrire dans une cyclicité ; tout astrologue qui confère au Mal la dignité cyclique, notamment en conférant à certains astres un côté destructeur - est condamnable. Le bien est un acte que l’on peut faire et refaire sans cesse - on peut faire cent fois, mille fois, l’amour alors qu’on tue de façon ponctuelle à moins d’être un serial killer, le mal est un acte imprévisible, gratuit, jamais pleinement assumé, qui jusqu’ à la dernière seconde pourrait ne pas exister, qui n’est pas de l’ordre de l’usage normal mais qui relève de l’abus, du débordement, off limits. En ce sens, faire de Nostradamus, avec ses ascendants astrologiques, le prophète des catastrophes nous semble scandaleux. Le prophétisme n’obéit pas à la même logique que l’astrologie, il s’articule sur l’Histoire qui est un mélange de toutes sortes de paramètres. C’est pourquoi l’astrologie peut certes apporter, contribuer à la réflexion historique mais certainement pas s’aligner sur le matériau historique brut.

Les tentations de l’astrologie

   On pourrait appeler ce Colloque “Les tentations de l’Astrologie”, faisant pendant à celui que le MAU avait organisé il y a 4 ans, en décembre 2000, à l’extrême fin du siècle dernier, avec le CURA : “Frontières de l’Astrologie”.

   Ces tentations peuvent égarer l’Astrologie en se révélant être des cadeaux empoisonnés auxquels elle ne sait pas résister. Il y a des tentations de vouloir trop expliquer en ne reconnaissant pas ses limites, notamment face aux événements; il y a des tentations de s’enrichir par certains apports, notamment au niveau astronomique ou cosmographique - invisibles (transsaturniennes, astéroïdes etc) ou virtuels (noeuds lunaires, lune noire, parts etc) - mais il y a surtout la tentation de se constituer en un savoir comportant de nombreuses redondances, ce qui permet de recourir à toutes sortes de grilles, tant et si bien qu’il y en aura toujours une qui fera l’affaire : si cela ne marche pas en aspect, on regardera en maîtrise et sinon on observera s’il n’y a pas eu un changement de signe ou encore une valorisation par les angularités, sans parler de tous les systèmes prévisionnels qui se chevauchent : transits, révolutions solaires, progressions, profections, directions de tous ordres, lunaisons et j’en passe.

   A force de s’étendre dans toutes les directions et de conserver tout ce qui a pu s’accumuler au cours des âges, l’astrologie sait-elle encore où est son noyau dur, son centre ? La tentation est de tout conserver en ménageant un semblant de cohérence, sous prétexte que tout ce qui existe en astrologie a forcément sa raison d’être, sa place au sein de l’ensemble. L’informatique aura contribué à cette tendance en facilitant les calculs et les superpositions /juxtapositions. C’est probablement l’astro-informatique qui a enrayé par ses effets pervers le processus de réforme des années Soixante-Soixante-Dix. Il n’est pas si étonnant que le Salon de l’Astrologue soit organisé par des sociétés d’informatique (Auréas et quelques autres).

   Il nous semble bien au contraire que l’astrologie doive fuir une certaine modernité qui paradoxalement a des effets fortement conservateurs et réapprendre la simplicité, le recours à des données minimales, qui étaient celles de nos ancêtres, il y a dix mille ans. C’est d’eux nous avons hérité dans notre Inconscient Collectif notre vrai rapport aux astres et non des apports ultérieurs qui sont restés en surface car n’impliquant plus qu’une caste d’initiés. Or, l’élitisme ne fait pas bon ménage avec l’Inconscient Collectif qui, comme son nom l’indique, est collectif.

   Il nous faut donc faire le tri, sans nous enfermer dans nos certitudes qui ne peuvent d’ailleurs être que dans notre pratique, tant le plan théorique est sinistré et fragile. Croire que l’on pourra compenser une carence théorique se nourrissant de formules creuses par une réussite pratique/praticienne est aussi une tentation bien fréquente. On sait à quel point, pourtant, la consultation astrologique est une activité qui inscrit l’astrologie dans un cadre qu’elle ne maîtrise pas ou très mal. Non point que ces apports divers n’aient leur valeur en soi: qui contestera l’oeuvre des astronomes modernes ou ceux des thérapeutes mais en quoi cela concerne-t-il vraiment une astrologie qui à l’origine n’avait que des besoins cycliques très limités et ne souciait nullement de modéliser l’individu par le cliché cosmique de sa naissance ?

Jacques Halbronn
Paris, le 15 août 2004

Notes

1 Cf. L’astrologie. La Preuve par deux, Paris, Laffont, 1992. Retour

2 Cf. “Die Elemente der astrologischen Deutung”. Retour

3 Cf. les réunions préparatoires de juillet 2004, sur Encyclopaedia Hermetica. Retour

4 Cf. Nietzsche : Un continent perdu Ed PUF. Retour

5 Cf. rubrique Astrologica, sur Encyclopaedia Hermetica en ligne. Retour

6 Cf. notre débat à ce sujet, dans la rubrique Astrologica, sur EHEL. Retour



 

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