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ASTROLOGICA

76

L’astrologie moderne comme anti-humanisme :
l’enfant et la poupée

par Jacques Halbronn


    En ce début de XXIe siècle, il convient de nous interroger sur ce que l’astrologie est devenue depuis la fin du XVIIIe siècle. Est-ce que cette modernité de l’astrologie renforça ou au contraire affaiblit ses positions ? En tout cas, l’astrologie aura sensiblement changé de visage au cours des deux derniers siècles et demi et notamment depuis la découverte en 1781 d’une première planète transsaturnienne. Pour notre part, l’astrologie moderne est marquée par la démesure, tant vers l’infiniment petit - l’échelle individuelle - que vers l’infiniment grand - l’échelle des civilisations et religions, négligeant par le fait le juste milieu. Débordements respectifs de l’astrologie généthliaque et de l’astrologie dite des grandes conjonctions avant d’être appelée “mondiale”.

   On voudrait aujourd’hui que l’astrologie fût le plus possible précise, c’est-à-dire qu’elle se situât au niveau de la vie individuelle. On peut douter que telle ait été la première vocation de l’astrologie généthliaque. A l’origine, cette astrologie fondée sur le moment de la naissance, dans un sens plus ou moins large, se contentait de déterminer à quelle catégorie socioprofessionnelle le né appartenait, ce qui est bien éloigné, on en conviendra d’une approche strictement individuelle comme celle qui est revendiquée par maint astrologues modernes, avec entre autres réjouissances, le retour d’une planète sur sa position natale, ce qui détermine une temporalité bel et bien individuelle.

   A l’opposé, la découverte de nouvelles planètes mais surtout la théorie des ères précessionnelles vont ouvrir l’astrologie vers un temps de plus en plus vaste, couvrant plusieurs millénaires. C’est dire que l’astrologie, qui a bien du mal à pouvoir se prétendre unitaire se trouve écartelée entre des vocations de moins en moins compatibles entre elles. Avec l’astrologie précessionnelle, nous avons affaire à un zodiaque inversé, les ères se suivant en sens inverse - d’où le nom même de précessionnel - ce qui n’est pas sans poser problème sur le plan de la logique évolutive. En outre, la théorie est fondée sur le déplacement du point vernal, ce qui signifie que l’on change périodiquement d’étoile fixe si tant est que l’on cherche à associer point vernal et étoile fixe, faute de quoi on reste dans l’abstrait et l’invisible. Mais qu’est ce que cette astrologie précessionnelle qui se fonde sur des constellations dont on sait qu’elles ne sont qu’un découpage arbitraire et fictif tout comme d’ailleurs les signes, à la différence des étoiles fixes ?

   C’est précisément cette émergence de l’invisible qui nous paraît caractériser l’astrologie moderne : planètes invisibles à l’oeil nu, point vernal jouant un rôle clef pour la fixation de l’ère du Verseau, sans parler de l’importance accordée à la Lune Noire ou aux noeuds lunaires ou encore à l’ascendant, point également ne correspondant à aucun astre visible.

   Par ailleurs, l’astrologie moderne semble développer une propension au cloisonnement: non pas seulement au niveau de l’approche individuelle mais aussi lors du passage d’un signe à l’autre, souvent présenté comme un changement radical, voire brutal et non comme quelque chose de progressif comme tout ce qui caractérise le cosmos y compris au niveau du cycle des saisons. On ne laisse pas le temps au temps au niveau des prévisions, on préfère souvent parler de dates que de phases en prétendant que l’astrologie peut aller jusqu’à rendre compte de chaque événement plutôt que de s’en tenir à une série d’événements du même type. Comme si l’astrologie était faite pour expliquer pourquoi tel jour il se passe ceci et le lendemain cela, comme si le temps zappait ! Faut-il voir dans cette tendance au virtuel, à l’immédiat et au zapping les traits de l’astrologie actuelle aux dépends d’une astrologie antique, axée sur le visuel et sur une information qui ne s’étendait que de proche en proche ? La notion même de synchronicité prend une autre signification, celle de simultanéité, donc d’un écrasement de la durée, dans un monde où la communication est immédiate et où l’espace-temps ne signifie plus grand chose. En ce sens, la modernité nous apparaît contradictoire avec l’esprit de l’astrologie et tendrait à la défigurer plus qu’autre chose. Nous ne pensons pas, pour notre part, que l’astrologie ait quoi que ce soit à gagner de la modernité. Bien au contraire, nous pensons que le rôle de l’astrologie est de protéger nos sociétés contre certaines dérives technologiques et informatiques, d’être un contrepoids.

   Si l’astrologie a à apprendre de la modernité, c’est bien plus dans le champ des sciences de l’Homme que dans celui de l’astronomie, de la physique, de l’informatique. La notion d’Inconscient est fondamentale, notamment, pour appréhender l’homo astrologicus que nous sommes mais aussi pour relativiser le poids de la modernité par rapport à des structures archaïques toujours très prégnantes, au regard de l’anthropologie. Les outils célestes de l’astrologie sont connus depuis des millénaires et l’astronomie moderne ne nous enseigne rien d’utile pour un meilleur usage de l’astrologie. L’astrologie n’a rien gagné de la découverte d’Uranus ou de la formulation des ères précessionnelles. L’humanité n’a jamais fonctionné sur la base de cycles aussi longs et qui dépassent totalement l’échelle de la vie humaine. Il y a surtout un mythe qui nous horripile plus que tout, c’est celui selon lequel l’astronomie nouvelle nous révélerait des clefs de l’astrologie et que sans ces clefs, l’astrologie serait tronquée, atrophiée, ce qui revient à disqualifier des millénaires d’astrologie !

   Le plus grave dans cette affaire n’est pas là : c’est qu’en privilégiant ce que l’humanité ignorait sur ce qu’elle savait, on va à l’encontre de tout véritable humanisme. D’abord parce que l’on fait appel en astrologie moderne à des astres que les hommes ne peuvent pas voir, à des repères qui ne pouvaient être connus des anciens, comme ce point vernal de la théorie des Eres, parce que les cycles utilisés à la place de ceux des traités astronomiques antérieurs au XVIIIe siècle, ont une durée qui excède largement la longévité humaine, en tout cas à partir de Neptune, découverte par le calcul en 1846, dont le cycle est de 165 ans. Même Uranus fait problème avec ses 84 ans car l’astrologie est répétition et on ne peut vivre plus d’un cycle uranien alors qu’on peut en vivre deux voire trois saturniens, puisqu’on reste en deçà de 90 ans, Uranus allant trois fois moins vite que Saturne.

   Une véritable astrologie humaniste est centrée sur l’Homme, sur son aptitude à créer le monde dans lequel il s’inscrit et non à subir quelque décret cosmique sur des bases qui échappent à ses sens. Avec l’astrologie moderne, on en arrive inexorablement à l’idée d’une astrologie qui échappe à l’Humanité, qui lui préexiste, à un cosmos qui lui impose ses propres lois.1 Avec l’astrologie moderne, on ne laisse aucune part aux choix de l’Humanité dans son rapport au ciel, on présuppose que la totalité du ciel fasse sens pour la dite Humanité. Or, contrairement à ce que l’on pourrait croire, une telle affirmation d’un univers n’est nullement anthropocentrique car elle ne confère à l’homme qu’un rôle de récepteur alors que selon nous c’est lui qui a instrumentalisé le ciel selon ses besoins, opérant des choix et ne se croyant pas, comme de nos jours, obligé de donner du sens à toute chose.

   Astrologie moderne dont nous avons dit qu’elle était désormais surdimensionnée : au lieu de s’en tenir à une typologie planétaire et à une cyclicité s’articulant sur une planète déterminant des phases successives, on en arrive à une astrologie accordant à chaque individu un temps qui lui serait propre, coupé donc du mouvement collectif et à l’opposé à une astrologie zodiacale, ne recourant même plus aux planètes et s’étendant sur des millénaires.

   Curieusement, cette astrologie moderne, en dépit de ses extensions vertigineuses vers l’infiniment petit et l’infiniment grand, ne s’intéresse guère aux étoiles fixes. Que leur reproche-t-on ? On dit qu’elles ne portent pas de noms mythologiques et on sait que l’astrologue moderne est perdu sans son code mythologique, quand bien même serait-il le fait d’astronomes n’ayant rien à faire de l’astrologie. On dit que ces étoiles n’appartiennent pas au système solaire et qu’elles sont beaucoup trop éloignées, selon une thèse qui voudrait que l’humanité fasse un avec le dit système solaire, planètes invisibles et nouvellement découvertes inclues. Pour notre part, nous préférons de loin nous situer du point de vue de l’Univers des Anciens et nous refusons radicalement de renoncer aux étoiles fixes lesquelles font couple, font cycle, de par leur fixité même, avec les planètes, terme qui en grec désigne des astres errants. Car à l’échelle humaine, ce n’est pas tant le cosmos en soi qui nous intéresse mais bien l’usage que les hommes ont jugé bon d’en faire. Le seul critère pour nous est le suivant : se fonder sur un cosmos connu il y a déjà des millénaires car a priori on peut déjà éliminer ce qui n’était pas connu, sans d’ailleurs pour autant conclure que tout ce qui était connu astronomiquement devait ipso facto être enrégimenté au niveau astrologique. Il y a quelques chose, dans l’approche astronomique, de féminin, au sens où nous l’entendons dans certains de nos travaux2 : si l’astronomie recense tout ce qui a trait au cosmos, l’astrologie, quant à elle, opère des tris et le débat entre astronomes et astrologues nous fait songer aux scènes de ménage quand la femme ne comprend pas pourquoi l’homme a fait tel choix plutôt que tel autre. On voit à quel point l’astrologie moderne s’est féminisée, s’alignant sur la sensibilité astronomique et se voyant ainsi contrainte d’écraser la dimension historique qui fait que les choses se sont décidé ainsi et pas autrement et que l’Humanité doit assumer des choix irréversibles opérés il y a fort longtemps.

   On reprochera à notre “humanisme” d’aliéner l’humanité en la faisant tributaire d’un passé aussi lointain mais nous préférons encore situer les hommes d’aujourd’hui dans la lignée de leurs ancêtres que de les placer sous la coupe d’un cosmos qui ne devrait rien aux hommes ou du moins dont le langage ne serait pas celui décidé par eux. Il y a là bel et bien un certain dilemme et il importe que les astrologues sachent qu’il existe une véritable alternative.3

   En réalité, quand on étudie le profil des gens qui viennent à l’astrologie, on ne peut pas dire qu’il se caractérise par une foi en l’Homme. C’est bien au contraire, nous semble-t-il, par une défiance existentielle envers le jugement des hommes que la demande d’astrologie se caractériserait. Il ne faudrait pas rester prisonnier d’un tel transfert. L’astrologie n’a rien à gagner, à terme, à se présenter comme la lecture d’un univers se dévoilant peu à peu grâce aux avancées de l’astronomie et donc d’un univers échappant à l’emprise des hommes. Il serait souhaitable qu’elle divorçât de l’astronomie moderne, mettant fin d’ailleurs à un couple malheureux, pour affirmer contre l’astronomie - dont la logique d’exhaustivité et qui s’intéresse à ce que les astres sont et non à ce que les hommes y ont projeté, est par ailleurs tout à fait respectable - les droits de l’Humanité à se construire comme elle l’entend. N’est-ce pas d’ailleurs, parce que nos ancêtres ont su se raccorder, se brancher sur certains astres et seulement certains à leur façon que l’Humanité est aujourd’hui ce qu’elle est ? S’il avait fallu attendre la modernité actuelle pour que l’Humanité osât se servir de la dynamique du cosmos, nous n’en serions certainement pas là où nous en sommes ! En effet, grâce à des procédés somme toute primitifs, les sociétés d’une antiquité fort éloignée et dont nous sommes assurément les héritiers, souvent bien ingrats, sont parvenu à mettre en place des structures par la suite devenues subconscientes et qui continuent à nous gouverner. Croire que l’on puisse modifier les dites structures par l’adjonction de nouvelles données nous semble parfaitement irréaliste. Tout au plus, pourrait-on générer, à terme, une nouvelle et troisième astrologie, qui viendrait cohabiter avec l’astrologie typologique et l’astrologie cyclique. Mais cette nouvelle astrologie est encore dans les limbes, elle reste au niveau du conscient à la différence des deux premières dont nous avons dit ailleurs qu’elles n’étaient pas apparu en même temps. Elle n’a nullement la prégnance des précédentes. Elle n’existe pour l’heure que par la grâce des astrologues. Si l’astrologie du non-conscient est à associer à la génération, à la procréation instinctive d’un enfant, celle du conscient correspond à la fabrication quelque peu dérisoire d’une poupée. Si l’inconscient dérive du conscient, vient un stade où le conscient semble vouloir imiter l’inconscient. Ce ne sont plus alors les astres qui agissent sur nous mais bien un certain savoir astrologique réservé à ceux qui fréquentent et pratiquent, peu ou prou, le dit savoir. A quelles conditions, un tel corpus, infiniment plus complexe que celui qui sous-tend les deux premières astrologies millénaires pourra-t-il commencer à s’inscrire dans l’Inconscient Collectif ? Il faudrait probablement mettre des puces électroniques dans le cerveau des humains, lesquelles comporteraient toutes les notions astronomiques échappant à la perception naturelle des humains. Pour notre part, nous n’en voyons pas l’intérêt mais le problème, sous une forme ou sous une autre, ne tardera pas à se poser, d’une certaine programmation susceptible de compléter sinon de se substituer aux anciennes, au prix de quelque manipulation génétique ou autre. Mais dans ce cas, il ne s’agirait nullement de valider l’astrologie moderne, à l’avenir bien incertain, telle qu’elle se présente aujourd’hui avec ses redondances et ses doubles emplois mais de penser une nouvelle astrologie en tenant compte de nos savoirs et de nos besoins, exactement à l’instar des astrologies générées par nos aïeux. Pour notre part, n’ayant pas trop de goût pour les utopies et les apprentis sorciers, nous préférons nous en tenir aux astrologies dont l’humanité est porteuse - et qui ont fait leurs preuves - s’incarnant en chaque individu - ce qui ne signifie nullement que pour ces astrologies antiques chaque individu soit différent - et non à l’astrologie moderne qui n’existe que dans les livres et qui, effectivement, se focalise sur la spécificité individuelle, laquelle spécificité n’a peut-être pas besoin d’une nouvelle programmation cosmique pour s’affirmer et se légitimer. En tout état de cause, il ne semble plus que l’Humanité ait besoin du cosmos pour restructurer son temps social, en une horloge gigantesque et visible par tous et de partout, on a trouvé mieux depuis et l’astrologie qui nous a été léguée et qui s’est constituée il y a bien longtemps nous semble largement suffire à la tâche, même si elle ne nous permet pas de grandes plongées macroscopiques dans la nuit des temps, à coup d’ères de 2000 ans et plus4, ou microscopiques dans les méandres tourmentés du psychisme individuel.5

   Qui dit Astrologie moderne dit modernisation de l’astrologie, ce qui conduit les astrologues “modernes” à corriger les connaissances caduques de l’astrologie ancienne - Querelle des Anciens et des Modernes - à savoir parfaire les représentations anciennes du système solaire avec la prise en compte des planètes transsaturniennes, ou tenir compte de la précession des équinoxes, ce qui conduisait à l’Ere du Verseau mais aussi abandon des étoiles fixes en ce qu’elles n’appartenaient pas au système solaire. Et cependant, cette astrologie moderne ne parvint pas à évacuer pour autant certains facteurs astronomiques fictifs comme les domiciles et les exaltations qui, initialement devaient être liés aux étoiles fixes.6 Le cas d’Uranus est assez remarquable, puisque cette planète transsaturnienne localisée en 1781 va par la suite être associée, au sein du dispositif des domiciles planétaires, au signe du verseau - signe précédemment attribué à Saturne et voué, du fait de l’évolution de la théorie précessionnelle à la fortune que l’on sait; ce faisant, les astrologues ne se priveront pas de situer le début de la dite ère du verseau à la fin du XVIIIe siècle, qui vit l’émergence d’Uranus, astre bien mal nommé puisque Uranus, nouvelle planète, est le père de Saturne, lui-même père de Jupiter, Neptune et Pluton, ce qui ne correspond guère au symbole de la modernité.7 Il eut mieux valu nommer les deux premières transsaturniennes Neptune et Pluton, correspondant à la génération de dieux suivante. Comment affirmer dès lors que les astronomes baptisèrent les nouveaux astres de façon pertinente ?

   C’est probablement le rapprochement de l’astrologie avec l’astronomie moderne qui aura exercé les effets les plus marquants sur le visage de l’astrologie laquelle est la fille de l’astronomie, mais il semble bien que l’astronomie ait eu plusieurs enfants et que chaque de ces enfants n’ait reçu qu’une part de l’héritage.8 L’astronomie, selon nous, n’a pas eu une fille unique et il convient de rendre sa part à chacune sans les laisser dans l’indivisibilité.

Jacques Halbronn
Paris, le 16 septembre 2004

Notes

1 Cf. J. P. Nicola, Pour une astrologie moderne, Paris, Ed. Seuil, 1977. Retour

2 Cf. “Des signes et critères de la féminité”, Encyclopaedia Hermetica en ligne, rubrique Hypnologica. Retour

3 Cf. “Astrologues et anti-astrologues en mal de modèles adéquats”, Encyclopaedia Hermetica, en ligne. Retour

4 Cf. Aquarius ou la Nouvelle Ere du Verseau, Paris, Albatros, 1979. Retour

5 Cf. André Barbault, De la psychanalyse à l’astrologie, Paris, Ed. Seuil, 1961. Retour

6 Cf. “Les historiens de l’astrologie en quête de modèles”, sur Cura.free.fr. Retour

7 Cf. La vie astrologique il y a cent ans, Paris, Trédaniel, 1992. Retour

8 Cf. “Les astrologues et la tentation de la promiscuité”, Encyclopaedia Hermetica en ligne. Retour



 

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