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ASTROLOGICA

81

L’Astrologie et le Monde
- le Colloque (12-13 novembre 2004) -

Bilan et suite du Colloque.
Vers une troisième journée, le 26 mars 2005
par Jacques Halbronn

    Un des enjeux du Colloque étant d’observer le comportement de la communauté astrologique, nous avons souvent évité de fournir des réponses à certaines questions que nous posions même quand même nous pensions pouvoir y répondre, quitte à laisser parfois le débat quelque peu s’enliser. Dans le présent texte, en revanche, nous nous autoriserons à fournir des pistes de recherche plus substantielles, dans un esprit post-colloque.

   Ce qui est en effet intéressant, c’est d’observer à quel point sur certains sujets les astrologues sont intarissables et sur d’autres fort peu diserts, ce qui, dans le second cas, trahit un malaise propre à l’ensemble de la communauté astrologique.

   L’intitulé du Colloque étant “L’astrologie et le monde”, il était normal que l’on s’interrogeât sur les “passerelles”, sur les positionnements. Le problème, comme l’explique Christian Gourdain, c’est qu’une telle tentative est diversement appréciée, le cas classique étant celui des médecins qui traquent ceux qui se revendiquent à leurs yeux indûment de la médecine. A contrario, si l’astrologie reste enclavée dans un discours se connectant mal avec d’autres, on lui reprochera d’être inclassable ! Bernard Blanchet souhaite que l’astrologie ne cherche pas à se faire reconnaître par la psychologie, telle qu’elle s’est instituée. Par là, il n’entend évidemment pas que l’astrologie renonce à “faire” de la psychologie ou à traiter de la “psychologie” des gens; il veut dire, peut-on le supposer, qu’elle serait une psychologie différente à juger sur pièces car comment un astrologue pourrait ne pas être quelque part psychologue dès lors qu’il traite de l’humain ?

   Mais on se heurte à l’obstacle de ce que Roger Héquet entend par “réalité”. Comment cerner cette “réalité” à laquelle l’astrologue devrait se référer ? Est-ce bien la réalité de Monsieur Toulemonde ou bien est-ce une réalité épurée par le travail des sciences humaines ? Alain Couvrat propose, pour sa part, un rapprochement entre l’astrologie et certaines écoles de psychologie ou de psychanalyse, du fait que certaines distinctions pourraient peu ou prou se superposer mais l’on sait ce que peut avoir de relatif le recours à tel ou tel nombre de cas de figure.

   Les astrologues semblent hésiter entre deux stratégies : l’une de différenciation par rapport à d’autres savoirs, l’autre d’apparentement. En réalité, il s’agit d’un processus normal par lequel on passerait de façon cyclique et en alternance : à certains moments, l’astrologie tenterait de s’intégrer dans un ensemble plus vaste et à d’autres, elle chercherait à mieux affirmer sa spécificité. C’est précisément une telle cyclicité dont curieusement l’astrologie n’aurait pas pleinement conscience. On notera à quel point les astrologues recourent peu, dans leur argumentation sur la condition de l’astrologie, à un modèle cyclique. Comme on dit, les cordonniers sont les plus mal chaussés. Il reste que beaucoup d’astrologues en arrivent, actuellement, à préférer se présenter comme des spécialistes d’autres domaines que l’astrologie, ce qui n’est pas sans trahir un certain malaise.

   En fait, l’astrologie doit bel et bien pour se recadrer se servir de certaines observations “scientifiques” propres au phénomène humain, c’est-à-dire qu’elle doit travailler sur des données permettant de ne pas se perdre dans les méandres des manifestations les plus immédiates telles qu’elles apparaissent au premier abord. Peut-il y avoir astrologie sans un minimum de généralisation, sans dépasser l’illusion que chaque moment, chaque personne, est unique ? Il n’y a de science, dit-on, que du général. Il revient à l’astrologue d’établir parfois des rapprochements saisissants entre des périodes éloignées historiquement et géographiquement, ce n’est qu’à ce prix que l’on pourra faire apparaître une certaine cyclicité. Deux écoles s’affrontent : celle des astrologues, tel un Roger Héquet, qui prétendent fournir des dates précises et celle de ceux qui se contentent de cerner des phases au cours desquelles une certaine tendance événementielle sera dominante, ce qui peut déboucher sur des statistiques. Ghislaine Jeanson présenta à ce propos un travail associant les transits (conjonction, carré, opposition) de Saturne au soleil natal comme correspondant à des problèmes dans le travail, on aurait là une typologie professionnelle associé à une récurrence planétaire et ce par delà les multiples différences existentielles.

   Nous voudrions insister sur deux paradoxes apparents en soulignant à quel point l’astrologie se doit de savoir précisément gérer la paradoxalité. Il convient de déterminer si l’astrologie en est au stade de l’induction ou de la déduction, si elle doit se reconstruire ou si elle en est déjà au stade des applications et c’est bien là, nous semble-t-il, une ligne de clivage. Or, si elle en est au stade inductif, elle doit partir sans a priori du monde tel qu’il est structuré par d’autres savoirs, en tout cas d’autres méthodologies pour examiner si certaines divisions ainsi établies pourraient correspondre à des récurrences sur le plan astronomique. Nous disons bien “astronomique” et non “astrologique”, ce qui nous amène à la commission “Astronomie”. Ce recours à l’astronomie est actuellement complexe, tant le ciel apparaît riche et complexe mais précisément, si l’on part des sciences humaines pour remonter vers l’astronomie, il est bien possible que l’on fasse apparaître une nouvelle astrologie, fondée sur des référents astronomiques sensiblement différents de ceux de la tradition astrologique ou qui en tout cas ne valident qu’une très faible part de ces derniers. Il en a été ainsi pour les travaux de Gauquelin qui ont dégagé certaines corrélations tandis que d’autres n’étaient pas retenues. Il y a là un nécessaire processus de tri qui ne peut s’opérer que dans une dialectique entre données astronomiques et données psychosociologiques étant entendu que l’on ne saurait partir des premières du fait même qu’elles ne nous parlent pas. Entendons par là que le ciel reste pour tout observateur humain un monde impénétrable sur lequel il ne peut que projeter des significations mais qui n’est pas en soi porteur de significations, ce qui n’est nullement le cas des secondes qui nous interpellent infiniment plus. On ne cessera, en effet, de souligner à quel point seule une approche anthropocentrique est viable dans ce domaine. Et il ne suffit pas de dire que l’on doit appréhender le ciel du point de vue de la Terre, sur un plan purement astronomique et cosmographique, mais aussi du point de vue de l’Homme.

   Une fois, la phase inductive franchie, c’est à dire que l’on a isolé certaines configurations significatives c’est-à-dire corrélatives au niveau du rapport données astronomiques/structures des activités humaines, l’on peut alors passer à la phase déductive. Il s’agira alors d’appliquer un modèle constitué d’un nombre bien délimité de configurations célestes. On est loin ici du discours selon lequel le ciel est constamment changeant, ce qui est vrai si l’on perçoit le ciel comme un tout d’un seul tenant, ce qui importe ici, c’est le ciel utile, celui qui a été instrumentalisé par les sociétés humaines pour leurs besoins organisationnels et ce ciel là est marqué par une nécessaire récurrence. Il n’est donc pas question d’intégrer d’office dans nos équations tous les facteurs astronomiques existants. On retiendra donc que le ciel ne nous intéresse que par le prisme de l’humain et en ce qu’il fournit une horloge lisible et commode.

   Un tel travail permet de dégager des structures cosmiques pertinentes mais aussi des structures sociales qui, tout en étant perceptibles sans le recours à un référentiel cosmique, n’en constituent pas moins le champ privilégié de l’astrologie. A la différence d’autres structures sociales, celles-ci s’inscrivent en effet dans une certaine programmation chronologique, étant entendu que certaines structures ne le sont pas. Le rôle de la recherche astrologique ne serait-il pas de déterminer ce qu’il en est des unes et des autres ?

   Avec Bernard Blanchet, à la commission société, on s’est assez longuement interrogé sur le rôle de l’homme dans la formation de l’astrologie. On a distingué deux démarches, l’une moniste, qui voudrait que le cosmos soit déjà préstructuré, ce qui reviendrait à une sorte d’univers androgyne alors que l’autre serait dualiste et accorderait au génie humain la tâche de constituer un certain ordre, à partir d’un monde que l’on peut qualifier de quantique. La démarche moniste tend à évacuer l’homme, elle est pré-humaine et correspondrait à une vision féminine, où la matière (mater) se suffirait à elle-même.

   Un autre aspect important de la réflexion sur l’état de l’astrologie consiste probablement à prendre en compte les paramètres qui ont contribué à faire évoluer l’astrologie vers des formes bien différentes, et notamment vers le thème natal. Comment est-on passé d’une approche collective à une problématique individuelle, personnelle ? Or, si l’on définit le féminin comme circonscrivant le monde à ce qui est dans l’environnement immédiat, on ne peut que remarquer que cela coïncide avec une certaine idée du thème astral, censé tout expliquer indistinctement à l’échelle de l’individu, celui-ci étant une sorte de trou noir se nourrissant des éléments les plus divers, d’où une certaine utilisation des astéroïdes, selon ce que nous en rappelait Julienne Mullette-Sturm, comme devant rendre compte, par analogie, du fait de leur petitesse matérielle des données les plus ténues de l’individualité. Selon nous, cette féminisation de l’astrologie est probablement ce qui l’isole d’un monde scientifique correspondant bien davantage à une approche masculine, laquelle couvre un champ informatif beaucoup plus vaste et donc par certains côtés moins en quête de précision ponctuelle. Il nous semble tout à fait concevable, en tout état de cause, que l’astrologie intègre une telle dualité, tant diachronique que synchronique, dans son approche du monde.

   Didier Massoulle et Evelyne Latour ont insisté sur ce que nous tendrions à qualifier de proto-astrologique. Quand il est question en effet du Zodiaque, est-on d’emblée entré dans le champ de l’astrologie ? Le Zodiaque n’est bien souvent à l’origine qu’un marqueur de temps, au niveau saisonnier et soli-lunaire. L’astrologie proprement dite se situe sur un autre plan, au delà de l’année mais constitué en analogie avec ce qui se passe au niveau annuel: au binôme soleil-lune vient faire pendant un autre binôme étoile fixe-planéte, porteur d’une cyclicité sensiblement plus lente et plus longue. Il n’y aurait ainsi astrologie que lorsque l’on aurait affaire à une production du génie humain et de lui seul, ce qui n’est pas le cas des phases de la Lune, accessible à de nombreux autres êtres vivants. Le point le plus important, c’est que le processus soli-lunaire de par son extrême visibilité n’échappe jamais à la conscience tandis le processus planétaro-stellaire n’émerge pas de lui-même et tend ainsi à basculer vers le subconscient.

   En outre, le zodiaque est une abstraction, une division mathématique de l’espace, ce qui autorise Bernard Blanchet à justifier le recours à divers facteurs ne correspondant point à des corps réels. Mais précisément, toute la question est de savoir dans quelle mesure le Zodiaque appartient à l’astrologie ou ne constitue pour elle qu’un métalangage par opposition aux positions des planètes visibles. Blanchet se demande si les aspects, eux aussi, ne sont pas des abstractions. Ils le sont certes, à plus d’un titre puisque ce ne sont, même dans le cas de conjonctions, que des points se situant dans un même axe mais fort éloignées les uns des autres. Il est très probable que les aspects soient, au départ, calqués sur les rapports soleil-Lune d’où l’importances des conjonctions, oppositions et quadratures. Mais cela montre bien que notre perception du ciel, astrologiquement parlant, est avant tout une affaire de convention et qu’il n’est pas question de faire comme s’il y avait univocité de l’ensemble céleste, même réduit au seul système solaire. Une partie du débat entre astrologues semble tourner autour du recours à un référentiel temporel qui ne distingue pas entre le visible et l’invisible, incluant indifféremment point vernal et planètes, et un référentiel spatial qui ne renonce pas aux repères stellaires, à la façon de Marie Delclos. Mais faut-il rappeler que l’astrologie n’a nullement besoin du zodiaque pour exister ? Le rapport planéte/étoile, notamment, qui a pu servir de base à certains cycles, peut tout à fait fonctionner sans le moindre point vernal et cela vaut notamment pour la technique des aspects. Mais à partir du moment où l’on ne veut plus entendre parler d’étoiles fixes en astrologie, on est amené à basculer vers des repères purement mathématiques comme le reconnaît Bernard Blanchet qui en prend son parti. Comme l’a montré Didier Massoulle, d’autres repères existaient que le point vernal, et notamment un axe galactique particulièrement repérable dans le ciel. Que l’astrologie se soit zodiacalisée est une chose, que le zodiaque fasse partie intégrante de son mode de fonctionnement en est une autre, bien plus discutable. A plus d’un titre, une astrologie non zodiacale apparaît comme un objectif à atteindre.

   Le Colloque comportait également un important volet historique : ce fut le cas de la prestation de Christian Lazaridés qui montra que deux écoles précessionnelles coexistèrent au XIXe siècle, celle annonçant l’ère du Verseau et l’autre l’ère des Poissons. Comment une telle différence fondée sur un référentiel astronomique est-elle possible ? Cela montre en tout cas à quel point le ciel peut faire l’objet de plusieurs lectures, ce qui achève de fragiliser toute tentative pour poser le ciel comme une réalité existant en dehors du regard que posent les hommes.

   Dans la session consacrée à Nostradamus, la question qui se posait était bien celle de déterminer ce qui s’était réellement passé au nom de cet astrophile. Est-ce que les textes que nous connaissons sont d’un seul tenant et d’un seul et même auteur, de quand datent les premières éditions ? Autant de questions que les astrologues se posent rarement comme s’ils préféraient éviter d’entrer dans le dédale des textes pour se positionner sur le seul plan astronomique par ailleurs sujet à évolution. Entre les historiens qui renouvellent leur perception du passé et les scientifiques qui approfondissent leur connaissance de l’univers, s’agit-il d’un seul et même processus ? Nous ne le pensons pas : dans le premier cas, il s’agit de déterminer ce que les hommes ont imaginé et produit alors que dans l’autre, il est question de l’ordre de la nature, lequel ne fait sens pour l’Homme qu’autant qu’il le décrit.

   L’exposé d’Yves Lenoble mit en évidence un quatrain défectueux, pourtant attesté dans toutes les éditions sous la même forme, à savoir qu’il faudrait lire “dix revolts” de Saturne et non “deux revolts”, ce qui constitue un contresens par rapport à la doctrine astrologique médiévale, celle qu’avait utilisée un Pierre d’Ailly au début du XVe siècle, dont traita Amanda Phillimore. Que penser du fait qu’une telle coquille n’ait pas été corrigée d’une édition à l’autre des Centuries ? Est-il concevable que les toutes premières éditions des Centuries l’aient déjà comportée ? En astrologie, les exemples abondent de documents ayant été corrompus. Didier Massoulle rappelle que les Gémeaux étaient initialement un couple homme/femme et il est remarquable que ce point n’ait pas été corrigé de nos jours.

   Nocam rappela quelle fut l’approche d’un Jean-Charles Pichon : pour Pichon, il convient de recourir à une grille cyclique, à caractère précessionnel, dont l’application même démontrerait l’unité de l’oeuvre.

   Roger Prevost évoqua la dimension historique de nombreux quatrains. Mais pourquoi Nostradamus se serait-il échiné à mettre en quatrains des événements bien connus ? Nous pensons que nous sommes là en face d’un recueil de prophéties “anciennes et modernes”, c’est-à-dire comportant à la fois des prophéties accomplies depuis plusieurs siècles et d’autres qui concernent une actualité beaucoup plus proche voire à venir. D’ailleurs, les éditions troyennes du XVIIe siècle adjoignent aux Centuries un Recueil de Prophéties Anciennes et Modernes, nom sous lequel fut traduit en français la partie latine du Mirabilis Liber. Dans ce cas, Nostradamus ne serait que le compilateur présumé d’une certaine littérature prophétique et encore il pourrait s’agir d’un travail retrouvé ou prétendument retrouvé, à sa mort, dans sa bibliothèque et comportant une préface inédite à Henri II, datée de 1558.

   Quant à Gérard Morisse, il revint sur les éléments permettant de montrer que les premières éditions étaient bien des années 1550. Or, il convient de préciser que s’il y a eu contrefaçon, celle-ci n’est pas partie de rien mais s’est bel et bien servie d’un matériau préexistant dont on aura sensiblement modifié le contenu, tout en en préservant une certaine apparence. Oui, il y a eu des “Prophéties” de Nostradamus, oui il y a eu une Préface à César dès cette décennie mais s’agit-il véritablement de ce qui nous est parvenu et ce quand bien même tel passage en serait attesté ?

   Bernard Chevignard est revenu sur la question de l’identité de tel commentateur des Centuries dont on se demande s’il n’a pas usurpé celle d’un autre personnage, quitte à lui emprunter son nom. C’est là un point disputé entre nostradamologues et reconnaissons que les astrologues ont tendance à se désintéresser peu ou prou de tels questionnements historiques tant ils ont, pour la plupart, la conviction que ce qui compte, c’est le ciel tel que nous le découvrons actuellement et non ce que les hommes ont pu en penser. Et pourtant, ne sont-ils pas attachés, en même temps, à une certaine tradition astrologique, comme la vénérable théorie des domiciles et exaltations des planètes ? Leur est-il véritablement indifférent que le zodiaque ait subi des modifications, que son symbolisme ait évolué ? On a l’impression que cela ne joue pas beaucoup et que ce qui leur importe, ce sont les interprétations qui pourront se plaquer dessus. Autrement dit, ils se réservent de lire le passé avec de nouvelles grilles sans se demander ce qu’il en a été à l’origine. Tout se passe comme si leur tradition était propice à toutes les lectures alors que le ciel, pour sa part, serait ouvert comme un livre. Il nous semble pourtant tout à fait essentiel de considérer que bien avant Ptolémée et son Tétrabible qui ne saurait nullement être considéré comme un point de départ mais bien plutôt comme l’entérinement en un seul corpus de données propres à diverses astrologies, il exista deux astrologies : une astrologie diversifiante et pluriplanétaire balisant un certain espace social et dont Gauquelin a restitué les fondements liés au mouvement diurne et articulant les maisons et une astrologie de la convergence et monocyclique, balisant un certain temps social, nullement axé sur le thème natal. Une astrologie du centrifuge et une astrologie du centripète et qui n’ont ni l’une ni l’autre besoin du zodiaque, l’une se servant des maisons et l’autre des aspects. L’astrologie zodiacale apparaît par rapport à ces deux astrologies, généthliaque et mondiale, comme une proto-astrologie.

   A la question que nous posâmes à Bernard Blanchet concernant les effets de la prise en compte de nouvelles planètes, il reconnut qu’une planète comme Saturne comportait certaines caractéristiques tenant à son éloignement relatif et qui seraient en quelque sorte transmises aux planètes transsaturniennes successivement découvertes, accédant ainsi à un relativisme astrologique. On pourrait en dire autant de la théorie des Eres précessionnelles reflétant un processus d’ajustement de l’astrologie aux nouvelles données astronomiques.

   A la commission “sagesse”, il fut demandé aux intervenants de réfléchir sur l’enclavement de l’astrologie. Ne serait-il pas souhaitable que l’astrologie soit capable de clarifier les concepts qui sous-tendent et se démultiplient dans ses multiples subdivisions ? En y parvenant, elle serait probablement en mesure de trouver des recoupements avec d’autres disciplines. Christian Gourdain mit l’accent sur l’intérêt de la notion de “système au repos”, c’est-à-dire de sa signification en dehors de tout tirage. En revanche, Alain Bocher perçut, comme d’ailleurs Jean-Marc Lepers, tel art divinatoire comme un langage permettant de faire passer un message sur un sujet donné, ce qui n’implique pas en ce cas que le savoir en question soit cohérent en lui-même : il suffit que le praticien ait conféré aux divers facteurs dont il se sert des significations précises pour pouvoir être mis en communication avec quelque savoir venu d’en haut ou de l’au-delà. Entre la vision glacée d’un message cosmique exposée par Marc Cohen, Jacky Alaïz et Jean Billon laquelle ferait plutôt penser à une musique des sphères et celle d’intervention d’entités plus ou moins omniscientes, il y a place, semble-t-il, pour une autre voie, plus humaniste, celle d’une instrumentalisation du cosmos par l’Homme, correspondant à un certain nombre de principes organisationnels et recourant à un nombre nécessairement très limité de référents célestes.

   On évoqua aussi la vie astrologique, il y a trente ans et notamment le Ve symposium de l’ISAR (International Society for Astrological Research) qui se tint à Paris en 1974 et dont la présidente de l’époque, Julienne Mullette (née en 1940), était des nôtres trente ans après. Il ne suffit malheureusement pas de rassembler des astrologues en un même lieu pour que ceux-ci communiquent réellement entre eux car finalement le problème central n’est-il pas de faire évoluer le consensus astrologique dans le bon sens, mais est-ce celui de la réforme impliquant un retour à une astrologie originelle ou celui de la modernisation par la voie astronomique ? Querelle des Anciens et des Modernes. On notera à ce propos que l’Ere du Verseau a fini par devenir un lieu de convergence entre les astrologues de diverses écoles alors qu’il s’agit plus de zodiacologie que d’astrologie.

   Il conviendrait d’échapper à un cercle vicieux consistant à considérer comme Astrologie tout ce qui a été écrit sous ce nom. Ce n’est pas parce qu’on trouve des chapitres sur la détermination de la mort dans les traités d’astrologie que la mort relève du champ de l’astrologie. Si pour les historiens, est astrologique tout ce qui prétend se situer dans cette mouvance, pour l’anthropologue, il importe de faire la part des hérésies, des déviances, des syncrétismes entre des formes diverses et parfois contradictoires présentées sous la bannière de l’astrologie.

   Colloque donc très foisonnant - et qui fut intégralement filmé - où certains thèmes et certains intervenants furent mieux traités que d’autres. Il eut fallu certainement au moins trois jours pleins pour déployer pleinement les axes choisis. Cet ensemble qui sera donc disponible sur support numérique est une radioscopie de l’astrologie française en ce début de XXIe siècle. Dans bien des cas, force est de constater que la plupart des discours entendus datent déjà considérablement comme si les astrologues n’avaient guère avancé depuis près d’un demi-siècle : qu’il s’agisse des travaux de Rudhyar, Nicola, Barbault ou Gauquelin. Le seul domaine où il y ait eu “progrès” aurait été celui de Chiron (depuis 1977) et autres myriades d’ astéroïdes. C’est pourquoi nous envisageons un prochain Colloque “Nouveaux paradigmes en astrologie” qui se tiendra le samedi 26 mars 2005, de 10h à 19h, à Paris intégralement à la Maison des Associations du XIIIe arrondissement, concernant ceux qui sont apparu depuis environ 30 ans, ce colloque qui se tiendra au cours du premier semestre 2005 aura pour tâche de remplacer d’anciennes représentations par de nouvelles et sera une remise en question des thèses formulées dans les années 1930-1960, autour des commissions suivantes dont voici une première esquisse : Critique du thème astral et notamment des transits, mode de sélection des facteurs célestes utiles, recentrage sur l’Homme comme donneur de sens au cosmos, dézodiacalisation de l’astrologie, critères de visibilité et de corporéité, cyclicité brève. Il n’est pas sain en effet qu’un savoir ressasse indéfiniment les mêmes positions et ne soit pas capable de se renouveler sinon par l’intégration de données célestes parfaitement inconnues des Anciens. Non pas que la science contemporaine ne puisse être utile à la compréhension du phénomène astrologique : la théorie des quanta nous permet d’exclure toute préstructuration du cosmos en dehors de la prise en compte de l’observateur qui devient d’ailleurs ipso facto récepteur selon ses propres règles et ses propres besoins, sur la base du seul savoir disponible en un temps donné. Il convient de resituer l’émergence de l’astrologie dans une perspective darwiniste, ce qui exclue toute prise en compte d’astres invisibles auxquels le vivant se serait relié. Pour une astrologie “darwino-quantique”, il n’est pas question d’une influence de ce qui n’est pas perçu ou du moins de ce qui ne l’a pas été dans le passé même si cela est devenu par la suite inconscient, l’hérédité prenant le relais. Contrairement à ce qu’affirma Julienne Mullette, le recours aux astéroïdes ne saurait constituer un moyen de mieux appréhender l’homo astrologicus dans la mesure où celui-ci en ignorait l’existence. Quant à imaginer une nouvelle astrologie sur la base d’une nouvelle astronomie, il nous semble que cela soit parfaitement utopique, les conditions n’étant plus remplies et le recours aux astres ne constituant plus un référentiel intéressant pour le troisième millénaire. Le seul combat en faveur de l’astrologie consiste à rappeler à quel point l’Humanité ancienne s’est imprégnée à sa façon d’un certain cosmos et à montrer que les effets d’un tel phénomène pluri-millénaire perdurent. C’est l’occasion de souligner à quel point le modèle soli-lunaire et son expression zodiacale ne relève pas à proprement parler de l’astrologie mais ont pu être calqués par elle pour déterminer de nouveaux couples célestes, non pas sous la forme indiquée par Jean Billon de couples planétaires naturels mais bien sous celle d’un facteur fixe (étoile) et d’un facteur mobile (planète), arbitrairement corrélés. L’astrologie ne se situe pas dans une causalité diurne/nocturne mais bien plutôt transpose, à sa façon, cette dualité sur des configurations célestes qui n’agissaient point a priori sur elle et qui ne commencèrent à le faire qu’à partir du moment où les hommes en conviendront, en décideront ainsi. L’astrologie originelle nous apparaît comme étant à la mesure des hommes, ce qui implique un nombre très limité de configurations célestes signifiantes, une cyclicité de proximité, c’est à dire avec des phases de quelques années pouvant introduire une récurrence au cours de la vie d’un homme. On est bien loin des cycles millénaires propres à la précession des équinoxes et qui sont l’expression par excellence d’une astrologie surdimensionnée aux antipodes d’une astrologie s’inscrivant dans le temps social le plus immédiat.

Jacques Halbronn
Paris, le 16 novembre 2004



 

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