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ASTROLOGICA

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L’astrologie comme religion
par Jacques Halbronn


    L’astrologie a besoin de se recentrer, de se ressourcer. Mais comment procéder ? A qui se fier ? A sa littérature ? Ses traités sont largement marqués par ses avatars. A sa pratique ? Celle-ci reflète forcément ses déviances. En fait, il importe de s’interroger sur la vocation spécifique de l’astrologie : quel est son objectif prioritaire : l’individuel ou le collectif ?, ce qui ne bouge pas ou ce qui est en mouvement ? Arrêtons donc de vouloir tout concilier, de tout faire cohabiter, une chose et son contraire ! Il est grand temps, n’est-il pas vrai, de repenser l’astrologie autour de ce qui fait sa raison d’être : pourquoi faire les hommes (se) sont-ils relié(s) aux astres ? L’astrologie n’est pas un paysage dont on pourrait apprécier les poétiques contrastes en clair obscur car c’est le propre de tout lieu et de tout moment d’abriter ponctuellement la diversité, elle est un savoir qui ne saurait être écartelé entre des missions antagonistes simultanées, elle gère les tensions par l’alternance et non par l’alternative.

Sommaire :

1 - L’astrologie et la trahison des clercs
2 - La réforme de l’astrologie et l’hérésie généthliaque
3 - L’astrologie et le monothéisme


1

L’astrologie et la trahison des clercs

    Ce qu’il y a probablement de plus déconcertant quand on entend des astrologues s’exprimer, c’est l'ambiguïté de leurs propos en ce qui concerne le rapport de l’individu au monde au regard de l’astrologie. Certains affirment que l’astrologie a vocation à appréhender l’individu dans sa spécificité alors que d’autres font de l’astrologie un outil pour comprendre les grands mouvements collectifs. Est-ce le même savoir cosmique qui aurait ces deux vocations ou bien l’une de ces vocations serait illégitime ?

   Quand on pousse les astrologues dans leurs retranchements sur ce qui distingue l’astrologie de la psychologie, sur la philosophie qui sous-tend le discours de l’astrologie sur le monde, on obtient des réponses bien vagues voire tautologiques. On conçoit qu’un savoir aussi imprécis dans ses positionnements ne peut qu’avoir des problèmes dans ses rapports avec d’autres savoirs. Tout se passe comme si le seul fait que l’astrologie se servait des astres pour appréhender l’humain suffisait à la conscience d’elle-même, comme si le seul fait de relier, d’une façon ou d’une autre, les hommes aux astres suffisait à montrer qu’elle assumait correctement sa tâche de rassemblement. Or, tout cela reste bien abstrait et dissimule mal certaines ambiguïtés.

   En réalité, c’est une position bien commode pour l’astrologue d’affirmer que chaque individu est lié aux astres mais que cela ne peut s’observer qu’à l’échelle individuelle et non pas à l’échelle du collectif car cela signifie que le phénomène ne pourrait être appréhendé que dans le secret de la conscience de chacun, que dans le confessionnal de l’astrologue. Même les astrologues qui entendent se situer sur la plan du collectif n’en renient pas pour autant l’importance du thème natal, comme s’ils n’en percevaient point la contradiction. Et c’est bien de cela, d’ailleurs, dont souffre l’astrologie, une perte grave du sens de ce qui est inconciliable, incompatible. Non pas certes, que notre société ne fasse apparaître une dialectique de l’individu et de la société mais aucun savoir ne prétend rendre conjointement compte des deux niveaux. On n’entend pas assez des praticiens de l’astrologie individuelle raccorder leur activité aux grands cycles mondiaux pas plus d’ailleurs que des spécialistes de l’astrologie mondiale chercher à appliquer leur travail aux individus. D’où le sentiment d’une certaine schizophrénie, d’un savoir éclaté et qui n’affirme qu’artificiellement son unité, en se contentant de noter qu’il s’agit toujours bel et bien d’astrologie ou en tout cas d’astres. Et le tour est joué !

   Or, si l’astrologie n’est pas une invention archaïque ou si en tout cas si les structures archaïques perdurent et sont incontournables, il importe que nous puissions observer certains phénomènes sociaux et les qualifier d’astrologiques, quand bien même nous ignorerions de quelle façon exactement ils le seraient. Autrement dit, ne serait-il pas souhaitable de faire comme si on ignorait la clef de ce que l’on étudie, de partir d’un simple constat analogique ? Mais un tel questionnement risque fort de rendre perplexe plus d’un astrologue car cela ne fait pas partie de l’enseignement qu’il a reçu. Au vrai, que lui a-t-on enseigné ?

   Il semble bien que la réponse soit la suivante à savoir que nous avons un thème natal qui traite de ce que nous sommes et que ce que nous sommes échappe à la société, à la famille, voire se situe avant même la naissance. Bref, l’astrologie serait par excellence la science de l’ego face au collectif ! Telle est bien la principale motivation des étudiants en astrologie. L’astrologie serait une sorte de miroir, mieux de radioscopie d’un moi virtuel.

   On ne saurait imaginer plus forte déviance, dissidence, hérésie, plus flagrant détournement qu’un tel message au regard de ce qu’est l’astrologie a réellement vocation à être. C’est ce que nous avons diagnostiqué comme étant l’effet d’une féminisation, d’une invasion de l’astrologie par le féminin. Par conséquent, le salut de l’astrologie passe par sa défiminisation, le féminin étant marqué notamment par une réduction du champ de conscience à l’environnement immédiat de l’être, ce qui correspond au demeurant à un état pré-astrologique. Pour la femme, tout est lié : la chaleur du soleil peut fort bien cohabiter avec une glace bien rafraîchissante, la puissance d’une tour avec le bijou le plus fin, ce qui réunit ces éléments si divers, c’est qu’ils partagent le même espace-temps propre à un observateur donné.

   L’astrologie que l’on nous propose serait en fait une anti-astrologie et ce faisant elle serait dans un rapport de trahison par rapport à la véritable astrologie. L’historien de l’astrologie ne peut ignorer les polémiques, notamment au XVIe siècle, notamment chez un Calvin1, entre deux astrologies, l’une à rejeter, l’autre à adopter. Au fond, une astrologie diabolique tendrait ainsi à déloger une astrologie nécessaire au bon ordre social.2

   Mais l’astrologie mondiale, sous sa formulation actuelle, n’est guère plus satisfaisante et si l’on interroge les spécialistes sur les objectifs de celle-ci, il nous sera répondu que l’astrologie a à nous entretenir du cours de l’Histoire. C’est un peu court! A quoi ressemble cette Histoire qui relèverait donc du cours des astres ? Est-ce que tout événement qui se produit relèverait ipso facto de l’astrologie ? Et puis quels astres sont en jeu ? L’astrologue nous répond dans les deux cas : tous les astres du système solaire, du plus gros au plus ténu rendent compte de tous les événements, de leur localisation, de leur date. Tout cela est à la fois trop vague et trop précis !

   Toutes les philosophies, toutes les religions, toutes les sciences nous invitent à rechercher des fils directeurs, des dialectiques. L’astrologue nous répond implicitement que le sens de l’Histoire échappe à l’intelligence humaine, que nous devons nous résigner à constater que certaines choses arrivent du fait que les astres sont placés de telle manière et pas d’une autre. Nous sommes complètement en désaccord avec une telle fin de non recevoir. Selon nous, l’astrologie se doit au contraire d’être en phase avec ce que certaines sagesses ont exprimé et qui mettent en évidence un certain mouvement du monde et de la conscience.

   A titre d’exemple, ces quelques lignes censées exprimer une philosophie orientale :

   “Avant qu’un homme étudie le Zenn (sic), les montagnes pour lui sont des montagnes et les rivières des rivières. Une fois qu’il est instruit des vérités du Zenn par les préceptes d’un bon maître, les montagnes ne sont plus pour lui des montagnes, ni les rivières des rivières. Mais ensuite, lorsqu’il parvient réellement à la Paix, les montagnes redeviennent des montagnes et les rivières des rivières (...) Dans le premier cas, il accepte les paysages pour ce qu’ils semblent être, comme des réalités qu’on ne saurait mettre en doute, une des formes les plus grandioses de la matière dont est fait le monde. Dans le second cas, après le commencement de l’instruction, il y voit une simple illusion, une déception des sens. Dans le troisième cas, une fois qu’il a reçu le satori, c’est-à-dire l’illumination, il voit les montagnes et les rivières comme elles sont en vérité et dans leur relation avec la Puissance Universelle. Cela étant ainsi, il s’ensuit qu’il a compris tout l’univers, dans son essence spirituelle la plus profonde. Il est un Maître.”3

   Il nous semble, en effet, que toute sagesse qui nous parle d’un changement de la conscience appartient à l’ère de l’astrologie, à cette révolution qui a conduit les hommes à ne plus vivre dans une cyclicité à la petite semaine imposée par la Nature et qui est commune à tant de plantes, d’animaux. La cyclicité s’oppose radicalement à la linéarité, elle ne saurait accorder à la mort une quelconque pertinence en ce que la mort est la fin des choses, la mort n’existant qu’à l’échelle de l’individu et non du collectif. L’astrologie est en rapport avec cette expérience de la vie qui nous montre que les choses se répètent, que nous avons besoin qu’elles reviennent, à divers âges de la vie, ce qui rend inacceptable toute théorie des âges qui s’alignerait sur le vieillissement de l’être car un tel processus est complètement étranger à l’esprit de la dite astrologie. Il est tout de même étonnant d’utiliser la cyclicité astrale pour rendre compte, comme tant d’astrologues le font, d’une linéarité! Il y a là un double langage qui pervertit les mots ! Or, c’est bien à cela que s’astreignent tant d’astrologues : à annihiler la cyclicité par.... la cyclicité, en multipliant à tel point les configurations qu’on perd le fil de tout retour puisque, comme ces astrologues n’hésitent pas à le déclarer, le ciel n’est jamais le même! Or, c’est détruire tout le travail de l’astrologie que de refuser de reconnaître la récurrence de certains cycles, sous prétexte qu’ils interfèrent avec d’autres. C’est bien là utiliser l’astrologie contre l’astrologie, c’est vouloir faire de l’astrologie une contre-astrologie !

   Or, jamais le besoin d’une véritable astrologie ne s’est fait autant sentir qui aide les hommes à comprendre ce qui leur arrive mais plus encore ce qui les attend, non pas certes dans le détail mais dans les grandes lignes, ce qui est déjà beaucoup et qui suffit grandement. La façon dont nos contemporains croient bien faire en intervenant, au nom de l’ONU ou de quelque police mondiale, dans les affaires des Etats - on pense évidemment à la crise irakienne - montre à quel point toute notion de cyclicité est devenue étrangère au monde occidental.

   Si l’on interroge les politologues sur les grilles auxquelles ils recourent, que nous répondent-ils? Ils n’ont toujours pas compris que la vie des sociétés passe par des cycles, des phases, des périodes et qu’il faut resituer toute action dans une perspective cyclique, en ne diabolisant évidemment aucune des phases que cela implique, comprenant que chaque phase a sa nécessité, son bien fondé. Mais les astrologues gâchent tout en affirmant que les lois cosmiques ne sont pas les mêmes pour tous les Etats, que telle région dépend de telles planètes, que telle autre région est régie autrement. Il est évident que le seul message qui fasse sens est celui qui pose qu’une seule et même cyclicité vaut pour tous, sur toute la planète, ce qui n’empêche nullement que l’impact du cycle puisse varier selon la façon dont celui-ci est vécu et géré ici et là.

   Le paradoxe de l’astrologie, c’est qu’en même temps qu’elle nous annonce que les temps changent, elle nous enseigne qu’ils changent simultanément, synchroniquement, syntoniquement pour tous. Car si les temps ne changeaient pas, nous n’aurions rien à partager, nous n’aurions pas d’expérience, de défi, à vivre, à relever ensemble, chaque fois qu’une nouvelle phase se présente.

   Comme nous le disions, si les astres agissent sur nous, selon un processus dont nous avons traité ailleurs à plusieurs reprises mais qui importe peu ici, il est essentiel que nous comprenions qu’ils correspondent à ce qui dans le monde a à voir avec la dynamique cyclique, avec ce qui va et qui vient, qui se fait et se défait pour à nouveau se refaire. Nous sommes là véritablement au coeur de la condition humaine, terrestre.

   Cela dit, on ne saurait dissocier le cycle de l’idée de rassemblement : le temps ne nous sépare pas, bien au contraire, il nous rapproche, contrairement à ce que tant d’astrologues semblent affirmer. Le temps est un aimant qui a pour mission de faire converger les esprits, d’unifier les sociétés. Au début d’une phase, chacun réagit un peu à sa façon, mais peu à peu on finit par s’accorder, trouver un consensus, au terme d’un processus peu ou prou électif. L’astrologie a à voir avec la grégarité, avec une certaine polarisation, pour le meilleur comme pour le pire, des sociétés, autour d’un homme plus ou moins providentiel, d’un parti qui devient prédominant et en qui les individus, aussi différents soient-ils, se reconnaissent et communient.

   Ce XXIe siècle s’est ouvert dans l’illusion que ce qu’il n’avait pas compris, au niveau des sciences humaines, était secondaire, marginal. Il est probable que le dit siècle change d’avis et accorde la plus grande importance à ce qui lui paraissait aléatoire. C’est ainsi que les débats sur l’immigration, sur les relations internationales, sur le sort des clivages, à commencer par celui du masculin et du féminin, devront être traités selon une grille cyclique. Il y a là un axe essentiel pour tout organisme international tentant de comprendre comment le monde tourne, ce qui lui permettra d’anticiper, de prévenir, de juguler certaines situations en en connaissant le commencement et la fin : car s’il y a cyclicité, chaque phase, en revanche, comporte une certaine linéarité, c’est-à-dire une marge de progression au delà de la quelle elle devra laisser la place à la phase suivante.

   Il ne s’agit nullement de contester que l’astrologie se transmet au travers de chaque individu mais précisément, il importe que l’astrologue aide l’individu à se sentir en syntonie avec le collectif et non, comme elle le fait trop souvent, à l'enferrer dans un sentiment d’unicité pré-astrologique et que l’astrologie a vocation à dépasser. Or, on l’a fait jouer perversement le jeu de l’adversaire, du paganisme - lequel a si fortement marqué le christianisme comme notamment pour ce qui est de la fête de Noël - du polythéisme. Pour nous, en effet, l’astrologie est foncièrement monothéiste et là encore on voit bien qu’il y a une bonne et une mauvaise astrologie ou si l’on préfère une astrologie de la nature, zodiacale, soli-lunaire - qui correspond à un état préastrologique - et une astrologie de l’humain, saturnienne, stellaire, qui permet à l’Humanité de se programmer, de son propre chef, selon une rythmicité sensiblement plus longue. Mais on sait à quel point même dans le monothéisme, on voit se manifester un certain polythéisme, notamment avec le christianisme, avec sa Trinité. En quelque sorte, le débat sur l’astrologie est bel et bien d’ordre religieux : nous y voyons des hérésies, nous y envisageons la nécessité de réformes, comme l’a fait en son temps le protestantisme. Non point que nous opposions le religieux au scientifique mais parce que nous pensons qu’à la base des sciences humaines, il y a du religieux, c’est à dire une tentative des Hommes à se relier au monde pour s’élever. Si la science est avant tout l’étude de ce qui existe en soi, la religion est celle des liens que l’Humanité a su ou voulu tisser, créant ainsi comme une sorte de monde parallèle et rivalisant avec le monde de la Science, générant ainsi un second déterminisme symbiotique, pouvant à la longue se révéler être aussi contraignant que le premier.

   L’astrologie régnante de nos jours est envahie par le manichéisme, avec ses bonnes et ses mauvaises planètes ses bons et ses mauvais aspects et j’en passe. Au lieu de situer le Mal en dehors de son champ, au lieu de représenter le Bien face au Mal, elle fait le jeu de ce dernier en lui assignant une place dans le plan cosmique, renonçant ainsi à assumer sa fonction première qui est précisément de séparer ces deux instances : d’une part le Bien, le nécessaire, de l’autre, le Mal, le contingent qui pervertissent l’ordre du monde. Il est remarquable que les trois principales planétes au delà de Saturne soitent décrites astrologiquement comme des forces assez terrifiantes, causes de toutes sortes de catastrophes, cela montre en tout cas à quel point l’astrologie moderne n’a pas su évacuer le Mal de son domaine. Il ne s’agit pas pour autant pour l’astrologie - et notamment celle qui se veut karmique - d’affirmer que le contingent n’existe pas, que tout ce qui arrive est nécessaire et est du ressort des astres mais bien au contraire de compter avec celui-ci, en le faisant apparaître, ressortir pour l’exorciser en ce qu’il se situe précisément hors du champ anthropocosmique. A l’astrologie de tracer la frontière entre ce qui est cosmique et ce qui ne l’est pas dans l’existence humaine et cela passe par la reconnaissance de ses limites - notamment l’individuel qui se situe au delà du collectif dès lors qu’il ne s’inscrit pas directement dans ce collectif et qu’il ne le sous-tend pas - de ce qui est ou non de son ressort.

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Jacques Halbronn
Paris, le 10 décembre 2004

2

La réforme de l’astrologie et l’hérésie généthliaque

    Johannes Kepler (1571-1630) n’est pas parvenu à réformer l’astrologie4 ou en tout cas il n’aura pas été suivi. Beaucoup depuis se sont penché sur l’état de l’astrologie et les diagnostics les plus divers se sont succédé et croisé. Nous traversons actuellement, en ce début de XXIe siècle, une période particulièrement conservatrice ou plutôt boulimique - encouragée en cela par l’astro-informatique - qui n’eut certainement pas convenu au dit Kepler. Nous voudrions revenir sur les tentatives de réforme de l’astrologie et les causes de leur échec, tout au long du XXe siècle.

   Qu’est-ce à dire, d’abord, que de prétendre réformer l’astrologie ? C’est considérer qu’elle a été corrompue de quelque façon, envahie par un certain virus, qu’elle a sérieusement besoin d’une révision, pouvant impliquer une complète mise à plat. Cette approche est plus ou moins neutralisée par le sentiment d’une partie importante du milieu astrologique pour lequel le progrès serait cumulatif car éliminer, c’est reconnaître qu’il y a eu erreur, dévoiement et donc qu’il n’y a pas infaillibilité quant au développement du savoir astrologique, la question de l’infaillibilité de l’astrologue se situant, au demeurant, à un autre niveau. En fait, tout se passe comme si rien de ce qui est émis ne pouvait être erroné mais tout au plus incomplet; inachevé. Et c’est précisément la thèse d’une astrologie toujours en progrès, non finita, qui s’est largement imposée de nos jours alors que le principe d’une réforme de l’astrologie impliquerait bien plutôt un délestage, un abandon, voire un retour en arrière. D’ailleurs, un tel point de vue concernant une astrologie s’enrichissant, s’amplifiant indéfiniment - donc en mouvement avec ce que ce mouvement peut avoir d’excitant et finalement de réconfortant sur l’état de l’astrologie - se nourrit d’une certaine idée du progrès scientifique et notamment du progrès de l’astronomie, à savoir non pas la remise en question des modèles antérieurs, la mise en évidence des erreurs, mais leur dépassement au vu de nouvelles informations. C’est oublier que le passage du système de Ptolémée à celui de Copernic exigeait que l’on renonçât à certains procédés comme les épicycles. Et puis, le cas de l’astronomie n’est peut être pas le plus significatif au niveau épistémologique, tous les historiens des sciences sachant que nombre de théories sont abandonnées et que celle qui l’emporte à un moment donné peut être évacuée à un autre. Mais ce qui fait problème, c’est le tri, la sélection de ce que l’on garde et de ce que l’on rejette et cette qualité de jugement est nécessaire pour mener à bien une réforme et à la faire accepter, adopter, par des groupes de chercheurs de plus en plus nombreux. Vient s’ajouter le refus de renoncer à un certain savoir faire, à une certaine technicité chèrement acquise. Il est vrai qu’avec l’informatisation de l’astrologie, un tel bagage technique est devenu assez relatif, mais il n’en reste pas moins que celui qui a appris à travailler d’une certaine façon n’est guère disposé à se recycler, avec le sentiment plus ou moins justifié de devoir repartir à zéro : en réalité, un praticien peut changer de méthode et ne pas moins continuer à profiter d’une certaine expérience acquise sur le terrain au fil des années, tant il est vrai que l’astrologie appliquée ne se réduit pas au recours à telle ou telle grille qui ne serait constituée que de configurations astrales plus ou moins complexes. Mais n’est-ce pas précisément un attachement à la complexité des techniques et des interprétations qui empêche certains astrologues d’accepter d’adopter des grilles sensiblement plus simples ? Cela fait songer à ces professeurs de langues qui ne se sentent rassurés qu’en présentant leur savoir comme difficilement accessible. Que dire de ces astrologues qui considèrent que ce sont les clients qui font la loi et qui imposent à l’astrologie ce qu’elle doit être et faire ou qui arguent du fait que la tradition astrologique fournit les recettes pour répondre à telle question et qu’on aurait donc tort de s’en priver ? Il y a d’ailleurs en ce moment une sorte de complicité entre historiens et praticiens de l’astrologie qui ne nous semble pas du meilleur aloi, les historiens venant ainsi consolider le recours à telle ou telle technique en lui trouvant des lettres de noblesse et donc par là même une certaine légitimité qui ne facilite pas une réforme de l’astrologie qui passerait par un certain élagage. Ce qui nous amène à nous interroger sur l’épistémologie de l’Histoire de l’Astrologie. En tant qu’historien de l’astrologie mais aussi du nostradamisme, nous avons souvent dénoncé l’alliance objective entre faussaires et historiens.

   Pour notre part, nous militons en faveur d’une Nouvelle Histoire de l’Astrologie (NHA) - et du nostradamisme - qui serait critique et non pas apologétique et par conséquent beaucoup mieux en phase avec une dimension réformatrice. En ce sens, l’anti-astrologie nous semble faire meilleur ménage avec l’Histoire de l’astrologie que l’approche, très marquée outre Manche sinon Outre Atlantique, des praticiens de l’astrologie, contrairement à ce que l’on essaie parfois de nous faire croire.

   Il y a un siècle et même un peu plus le polytechnicien Paul Choisnard alias Flambart avait lancé ce qu’il appelait l’astrologie scientifique. Il s’agissait de dresser un inventaire de l’astrologie par le moyen de la statistique et de la rebâtir pièce par pièce, chaque pièce devant être validée séparément. Ce courant s’est maintenu, plus ou moins marginalement, tout au long du XXe siècle, notamment autour de Michel Gauquelin, après la Seconde Guerre Mondiale. Il est actuellement singulièrement battu en brèche par les astrologues qui, cette fois, font alliance avec les anti-astrologues ! Ces astrologues- et on l’a encore vu, à Londres, le 20 novembre 2004 à la journée annuelle de la recherche astrologique, reconnaissent que les résultats Gauquelin les embarrassent plus qu’autre chose. Pourquoi ? Pour de bonnes et pour de mauvaises raisons.

   Pour de mauvaises raisons, parce que si de tels travaux se confirmaient, cela montrerait que l’on peut établir des faits astrologiques à un niveau global, par delà la diversité des parcours conduisant à telle activité professionnelle. Pour de bonnes raisons, parce que vouloir fonder des statistiques astrologiques sur la base de l’heure de naissance a quelque chose de surréaliste car cela implique de la part de l’enfant naissant une aptitude à discerner les astres entre eux, leur positionnement dans le ciel, en un temps X dont on voit mal au terme de quel apprentissage collectif elle aurait pu s'acquérir puisque précisément elle a lieu avant que l’enfant soit en mesure d’apprendre de son environnement culturel. Par comparaison, l’aptitude, dans un cadre social, à se conformer à tel cycle lent, au cours de l’existence, fait infiniment moins problème. L’erreur de Gauquelin tient à une certaine carence de l’analyse anthropologique, à savoir qu’il ne s’est pas demandé par quel dressage culturel l’enfant aurait pris l’habitude de naître sous une certaine configuration. Or, c’est précisément ce que Michel Gauquelin affirmait, ce qui le conduisait à conclure que les accouchements provoqués ne donnaient pas de résultats au niveau des corrélations astrologiques.

   En fait, la faute commise par les différents réformateurs de l’astrologie - et cela vaut tout aussi bien pour Jean-Pierre Nicola ou pour Jacques Dorsan en France - c’est d’avoir tenté de sauvegarder le thème natal, sous une forme ou sous une autre comme s’il s’agissait là d’une structure sacro-sainte. Certes, le thème natal fait-il partie intégrante de la littérature astrologique mais cela n’est pas une raison pour le maintenir coûte que coûte dès lors que l’on cherche à circonscrire les fondements les plus solides de l’astro-symbiose, sans se contenter de conduire une phénoménologie de la pratique astrologique telle qu’elle s’est imposée notamment depuis le Tétrabible de Claude Ptolémée. Même Dane Rudhyar, tout en accordant quelque importance aux phases soli-lunaires dans lesquelles s’inscrit une naissance5 n’en cherche pas moins à préserver le thème natal. Il faudrait aussi signaler le cas de Patrice Guinard, dans son Manifeste, qui reste attaché aux significations des maisons à la naissance ainsi qu’aux maîtrises (Dignités), sans se rendre compte que ces dispositifs, quand bien seraient-ils remodelés comme le proposait dans les années 1930, un Dom Néroman (Maurice Rougie) ingénieurs des mines - ne font sens qu’au niveau cyclique, balisant la course des astres et non dans le cadre du thème natal.

   Le thème natal constitue bel et bien un obstacle épistémologique que la recherche astrologique devra franchir si elle veut s’intégrer au sein des sciences sociales, étant entendu que toute tentative pour affirmer que le thème astral ne fait que réaliser le cliché de l’environnement cosmique dans lequel naît chaque individu coupe l’astrologie de toute forme sérieuse d’anthropologie. Il importe de comprendre que rien n’est plus contraire à l’astrologie cyclique collective que l’astrologie natale individuelle et qu’il y a là un conflit d’intérêts à l’intérieur même du canon astrologique.

   Une autre forme de réforme peu ou prou avortée émane du camp sidéraliste et nous pensons aussi qu’elle a échoué en restant par trop liée au Zodiaque au lieu de l’évacuer. L’idée de changer de référentiel, de point de départ, relevait certes d’une bonne intuition - avec l’introduction de l’Ayanamsa - mais au lieu d’adopter un critère strictement stellaire, à savoir les aspects entre telle planète et telle étoile, les sidéralistes voulurent maintenir le découpage en constellations, maintenant ainsi la fiction d’un découpage de l’écliptique en douze et accordant une importance démesurée au passage d’un secteur à un autre - passage d’une constellation à une autre ne correspondant pas, paradoxalement, à une frontière stellaire stricto sensu.

   Mais une autre pierre d'achoppement est, chez tous les réformateurs que nous connaissons, de vouloir à tout prix s’en tenir au multiplanétarisme - et même Michel Gauquelin6 a fini par se laisser tenter par le recours à des combinatoires planétaires à la naissance. Il y a là comme une sorte de postulat exigeant que toutes les planètes aient nécessairement un rôle à jouer en astrologie. Cela vaut évidemment pour les tenants du thème astral mais aussi pour les cycles dont il semble qu’on ne soit pas en mesure de penser qu’ils ne soient pas articulés sur deux planètes. Or, on peut tout à fait concevoir un cycle à une seule planète, que ce soit le passage de cette planète à travers les signes7 ou encore les constellations du Zodiaque ou qu’il s’agisse des aspects d’une planète avec telle ou telle étoile fixe. On aimerait qu’on nous explique, d’un point de vue anthropologique, pourquoi la structure temporelle que l’Humanité s’est assignée en se référant à un certain cycle planétaire aurait absolument besoin de plusieurs planètes pour fonctionner correctement.

   On aura compris que, selon nous, le modèle le mieux défendable, le plus présentable, en astrologie, ne saurait être le thème natal pas plus qu’une astrologie s’articulant sur le Zodiaque ou encore combinant plusieurs planètes - comme le fait l’indice cyclique cher à André Barbault - mais bien une astrologie fondée sur un cycle planète/étoile fixe et ce sur une base évolutive et non point natale et ponctuelle. Il convient notamment de condamner toute utilisation des transits sur le thème natal ou encore toute cyclicité qui prendrait son départ depuis la naissance du sujet au lieu de situer celui-ci au sein du cycle collectif. Quand on pense que même en astrologie mondiale, certains se croient obligés de dresser le thème du pays concerné, on voit à quel point il y a contamination du thème natal.

   On observe que la tentative la plus marquante de la part de l’astrologie moderne aura été la marginalisation des étoiles fixes, ce qui constitue un contresens gravissime; on ne s’en sert quasiment plus en astrologie mondiale - sauf dans le cas de Regulus (constellation du Lion) au niveau de la théorie des ères précessionnelles - et l’on a préféré se servir des planètes transsaturniennes dont nous disions plus haut qu’elles apparaissent, aux yeux de tant d’astrologue, comme un garant de progrès pour l’astrologie. Or, anthropologiquement, il ne fait pas sens de recourir à des astres invisibles à l’oeil nu pour étudier un savoir élaboré il y a des milliers d’années, comme c’est le cas pour Uranus, Neptune, Pluton et des milliers d’astéroïdes dont on dispose des éphémérides désormais.

   D’aucuns ont pensé que la réforme de l’astrologie passait par le refus des activités prévisionnelles ou prédictives, ce qui signifiait en pratique un recentrage sur le thème natal en tant qu’empreinte immuable de la personne. On peut se demander s’il n’y a pas là une contradiction, l’astrologie ayant vocation à rendre compte du mouvement des hommes bien plus que de ce qui est figé. Or, le thème a quelque chose d'évidement figé, fixé une fois pour toutes. Non pas qu’il n’y ait rien de figé dans le monde mais la question étant de savoir si cela est ou non du domaine de l’astrologie. Entre le figé et le mouvement, l’astrologie, en tout état de cause, s’il y avait à choisir, serait bel et bien, par principe, du côté du mouvement. Comment se fait-il, dès lors, que lorsque l’on oppose l’astrologie au tarot, à la géomancie ou au I Ching, on insiste sur le fait que le thème natal, à la différence de diverses mancies, fournirait une structure permanente ? Il y a bien là une situation paradoxale que de présenter l’astrologie comme garante de la permanence des choses alors qu’elle correspond, bien au contraire, à la volonté de l’humanité de s’insuffler du mouvement, quand bien même celui-ci serait-il cyclique. C’est précisément ce qui fait tout l’intérêt de la cyclicité que de combiner les avantages du changement avec ceux de la récurrence.

   Le débat autour de la prévision qui a défrayé la chronique, ces dernières années, dans le milieu astrologique français, est bel et bien symptomatique d’une crise de conscience et de confiance (self confidence). Selon la logique anti-prévisionnelle, il conviendrait d’évacuer un certain nombre de techniques conçues dans le but de prévoir. Mais où passe la frontière ? Il nous semble ainsi que le dispositif des maisons astrologiques constitue avant toute chose une structure servant à la prévision dès lors que l’on “dirige” un astre vers telle ou telle maison, concernant telle ou telle activité. Peut-on utiliser les maisons en dehors - quand bien même les replacerait-on, dans le bon ordre, comme le propose Dorsan à savoir les six premières maisons au dessus de l’horizon et les six dernières au dessous - de cette perspective sans tomber dans des banalités, des évidences, dénoncées par Rabelais, dans la Pantagruéline Prognostication, dans les années 1530 ? Car annoncer que la personne aime les voyages sans préciser quand ces voyages ont eu lieu ou auront lieu, nous semble assez peu intéressant, étant donné que selon nous la condition humaine est poussée périodiquement vers certains changements, vers de nouvelles rencontres. C’est comme d’annoncer que dans la vie, on connaîtra des épreuves, ce qui est le lot de tous, la question posée à l’astrologie étant : “quand cela arrivera-t-il ?” On voit qu’une réforme antiprévisionnelle de l’astrologie risque bel et bien de conduire à prononcer un tissu de banalités et cela vaut aussi pour la typologie zodiacale qui, comme chacun sait, est fondée sur un processus cyclique, celui des saisons, comme son symbolisme le rappelle, du moins en partie.8 Or, à partir du moment où l’on dit que telle personne est née sous tel signe, on fige la dynamique zodiacale, ce qui montre bien qu’en réalité, cette dynamique fait sens au niveau du collectif - nous vivons tous les mêmes changements de saison en même temps- et non au niveau individuel. On perçoit ce qu’il pourrait y avoir de carrément suicidaire à vouloir construire une astrologie qui ne serait plus prévisionnelle et qui, de surcroît, ne voudrait plus faire de prévisions à l’échelle du collectif. C ‘est là une sorte de démonstration par l’absurde de ce que le thème natal débouche sur une impasse. En fait, c’est bien là un boulet dont l’astrologie devra un jour se libérer : quelle perversion à vouloir faire des astres les garants de nos besoins de fixité quand bien même chercherait-on à faire évoluer le dit thème selon des procédés qui supposent que le dit thème est imprimé en nous, au point que l’on puisse faire des prévisions sur la base du degré sinon de la minute d’arc où se trouve tel facteur à la naissance ! En ce sens, l’astrologie devrait prendre modèle sur certains arts divinatoires, lesquels d’ailleurs dérivent de l’astrologie et en ont préservé la dynamique qu’elle a largement perdue mais sans que ceux-ci ne disposent de l’outil astronomique, sauf à tenir compte d’une astronomie fictive qui se sert du nom des astres sans tenir compte de leur position réelle.

   En conclusion : nous demandons aux astrologues de reconnaître que des erreurs ont été commises et d’avoir le courage de rectifier le tir. C’est là tout l’enjeu d’une véritable réforme sans laquelle l’astrologie ne cessera de se marginaliser : il est temps de penser l’astrologie post-généthliaque, débarrassée du thème natal et de montrer que l’astrologie n’a pas besoin de cela pour exister. Cela dit, nous savons à quel point cette idée de thème natal est importante pour les clients de l’astrologue mais l’astrologie n’a pas à se laisser instrumentaliser par une population inquiète pour son ego et qui en cherche, au travers du thème, une représentation algébrique - dont une des manifestations les plus excessives est la synastrie, la comparaison mathématique des thémes - précédant la vie sociale et accompagnant la personne jusqu’à sa mort. Dane Rudhyar n’a pas compris que c’était un leurre que cette façon d’appréhender notre rapport au cosmos ou du moins que l’astrologie, ce faisant, se prostituait. Qui ne voit que cette façon de faire brouille l’image de l’astrologie et met les astrologues en porte à faux avec le projet astrologique originel qui est d’ouvrir l’individu au monde, c’est à dire de ne pas l’enfermer dans le présent immédiat et dans son idiosyncrasie plutôt que de réduire le cosmos à l’échelle de l’individu ? L’astrologie a été trahie, infiltré, de longue date, par des forces qui veulent en fait l’annihiler tout en prétendant parler en son nom. Ce n’est évidemment pas en se plongeant dans la littérature astrologique telle qu’elle nous est parvenue que l’on se sortira d’affaire puisque celle-ci est très largement marquée par l’hérésie généthliaque. L’astrologie est comparable à une Bible dont il manquerait l’Ancien Testament, le premier volet.

   L’astrologie est une religion ou plutôt un ensemble de cultes, en ce sens, elle appartient pleinement au champ des sciences religieuses. II s’agit bien entendu d’un ensemble de religions se référant en quelque façon aux astres, au “Ciel”. Toutefois, les passerelles entre les religions astrales et les religions monothéistes sont assez flagrants, notamment en ce qui concerne la cyclicité, celle du Shabbat - dont le respect est un des Dix Commandements-, celle du calendrier sur lequel s’articule une liturgie, sans parler des travaux de Charles-François Dupuis sur l’Origine de tous les cultes, ouvrage paru à la fin du XVIIIe siècle. Le Temps - aussi bien linéaire (fin des temps, fin d’un temps) que cyclique (retour des fêtes) - joue un rôle essentiel dans le champ du religieux à telle enseigne que l’on pourrait voir dans l’organisation du temps social - et d’ailleurs la tenue régulière d’élections relève d’une telle cyclicité de la Cité - l’essence même du phénomène religieux, les astres étant par excellence des marqueurs de temps dans l’Antiquité.

Jacques Halbronn
Paris, le 11 décembre 2004

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L’astrologie et le monothéisme

    Les astrologues occidentaux de culture chrétienne ou juive sont-ils vraiment à l’aise avec l’astrologie telle qu’en général ils la pratiquent ? Il semble bien qu’il y ait un antagonisme entre le pluralisme planétaire et l’affirmation d’un dieu unique ! C’est probablement pour cette raison que la plupart des astrologues ne présentent pas l’astrologie comme une religion, de façon à éviter de se trouver en porte à faux. Mais longtemps, l’astrologie est bel et bien apparue comme contraire au monothéisme et comme interdite aux vrais croyants.9

   Notre projet consiste - excusez du peu ! - à resituer l’astrologie dans une logique monothéiste et de faire ainsi entrer celle-ci dans le club des religions ne reconnaissant qu’un seul dieu. Mais pour cela, il faut évidemment que l’astrologie ne fonctionne plus que par rapport à une seule et unique planète, en l’occurrence Saturne. Le tort des astrologues actuels, pour ne parler que d’eux, c’est d’avoir une prédilection pour les mélanges de planètes puisque même un cycle est supposé combiner deux astres : Saturne-Neptune, Uranus-Neptune, Saturne-Pluton, Jupiter-Saturne et ainsi de suite. Il y a aussi les astrologues qui étudient le passage d’une planète donné à travers les 12 signes (ou constellations pour les sidéralistes et les astrologues indiens) du Zodiaque. Mais en tout état de cause, nous n’en connaissons guère qui ne se servent que d’une seule planète, ce qui fait qu’ils s’apparentent bel et bien à des polythéistes, ce contre quoi lutte le monothéisme.

   En fait, l’idée de ne se servir que d’une planéte n’a rien d’évident, pas plus d’ailleurs, en vérité, que celle de ne se référer qu’à un seul dieu. Puisqu’il y a de nombreuses planétes, pourquoi ne pas se servir de chacune d’entre elles ? On pourrait raisonner de la même façon pour ce qui est des dieux, la seule différence étant qu’ils semblent être un peu plus virtuels et qu’on peut assez bien s’imaginer qu’ils puissent se réduire à un seul. Toujours est-il que notre civilisation monothéiste abrite des astrologues qui s’intéressent à plusieurs planètes et que ces planètes portent tout de même des noms de dieux issus du Panthéon gréco-romain. Ce qui ne choque personne.

   Pour notre part, nous ne pensons pas que l’astrologie ait aucunement besoin de plus d’une seule planète pour se rendre utile à l’Humanité. Mais tout le monde, on le sait, n’est pas vraiment de notre avis. Et puis, ajoute-t-on, de toute façon, on ne voit plus comment l’astrologie, sous une forme ou sous une autre, pourrait prétendre au statut de religion. Pourtant ne dit-on pas “l’astrologie, vous y croyez ?” comme on dit “croire en Dieu” ?

   Il n’empêche que ces religions monothéistes s’intéressent bel et bien, tout comme l’astrologie, au Ciel, aux cieux. Cela ressort de bien des prières : “Vous qui êtes aux cieux...”, “Dieu du Ciel !…”, “monter au ciel…”. Mais s’agit-il du même ciel ? Le ciel monothéiste est plus abstrait, invisible en quelque sorte mais ne s’originerait-il pas dans un ciel réel, visible ?

   Par ailleurs, plus d’un historien des religions a tenté depuis trois siècles, d’établir qu’un certain symbolisme religieux avait pu être emprunté au Zodiaque, ce qui a donné notamment la théorie des Eres précessionnelles (Aquarius Age etc) : on pense à ces dieux à tête de bélier (Amon) ou de taureau.(Apis). Et puis pourquoi donc avoir donné aux astres des noms de dieux, déjà à Babylone (Mardouk, Ishtar etc) ?

   Ne s’agirait-il donc pas avec l’astrologie de renouer avec les fondements astraux du sentiment religieux ? On se demandera si l’astrologie est pourvoyeuse d’une éthique, de commandements, elle qui tend à nier le libre-arbitre. En outre, une certaine astrologie n’est-elle pas centrée sur l’individu alors que la religion a tout de même une dimension sociale ? On a dit plus haut ce qu’il fallait penser de pareilles dérives généthliaques.

   Toujours est-il qu’un des attributs du Dieu monothéiste est d’avoir une certaine connaissance de l’avenir ou en tout cas de le déterminer, c’est ce qu’on appelle la Providence. On parle aussi d’un plan divin. Et cela a des relents d’astrologie.

   Qu’est-ce que la religion monothéiste apporte aux gens ? Il y a déjà l’avantage qu’ils n’ont pas à se demander à quel “saint se vouer” puisqu’il existe une instance suprême supposée tout contrôler, centraliser. Cela dit, face à Dieu, il peut y avoir Satan, le diable, dont le nom même indique une dualité. Le Bien contre le Mal.

   L’astrologie traite à sa façon du Bien et du Mal mais elle a le tort, sous sa forme actuelle, de les intégrer en un seul et même modèle, avec ses bonnes et ses mauvaises planètes - et cela ne s’est pas arrangé avec la façon dont elle traite des nouvelles planètes, toutes affectées d’un assez fort coefficient négatif - et bien d’autres notions comme les bons et les mauvais aspects, ces derniers étant fréquemment dessinés en rouge dans le thème astral.

   Pour que l’astrologie puisse espérer retrouver un statut de religion et qui plus est de religion monothéiste, il importe d’une part qu’elle se fixe sur une seule planète et d’autre part qu’elle n’assigne pas à la dite planète autre chose que ce qui dépend d’elle, ce qui signifie qu’elle ne prétende pas tout expliquer, tout expliciter de son fait, ce à quoi elle est inexorablement conduite de par la profusion de planètes et astéroïdes circulant dans le seul système solaire et auxquels elle sert en quelque sorte de centre de placement, chaque astre se voyant ainsi chargé de tâches de plus en plus spécifiques.

   Est-ce que présenter l’astrologie comme une religion est susceptible d’affaiblir son image ? On est actuellement victime d’une opposition entre Science et Religion mais la seule opposition qui nous semble pertinente est entre sciences de l’Homme et sciences dites exactes et qui concernent la “Nature” et non la Société. Il convient d’intégrer les sciences religieuses au sein des sciences sociales lesquelles sont largement fondées sur le consensus, sur les liens que les sociétés établissent avec le monde qui les entoure et dont elles font partie, ce qui relève de ce que nous appelons l’instrumentalisation.

   Le verbe “croire” n’est pas facile à cerner. Est-ce que cela concerne ce qui n’existe si on le veut bien, que par notre volonté sinon par notre foi (ce à quoi on se fie) ? La foi est un défi. Au début l’on doit croire, vouloir qu’il en soit ainsi et puis, peu à peu, cela devient réalité quand cela passe à un niveau subconscient. L’astrologie est née d’un tel processus consistant à assigner à une certaine planète la fonction de marqueur de temps en analogie avec le rythme diurne et nocturne, avec le cycle saisonnier, mais selon une périodicité beaucoup plus longue et sans qu’il s’agisse d’une simple influence physique comme c’est le cas avec le soleil voire avec la lune. Le monothéisme astral, pour nous, ne saurait, en effet, concerner les luminaires, il ne s’agit nullement ici d’un culte solaire ou/et lunaire, au sens où l’entendait Freud (Moïse et le monothéisme). Saturne, astre qui est le pivot du monothéisme que nous préconisons, fut jusqu’à la fin du XVIIIe siècle la planète la plus lente, dont le cycle était de 29 ans environ face aux 29 jours de la révolution de la Lune autour de la Terre. Autrement dit, Saturne était une seconde Lune tandis que le Soleil était remplacé arbitrairement par une étoile fixe, immuable comme son nom l’indique, ce qui n’était pas le cas du soleil, chaque fois rejoint par la Lune, selon la succession zodiacale, en bélier, puis en taureau et ainsi de suite. Saturne, quant à lui, bien que beaucoup plus lent que la Lune, n’aurait pas à courir après “son” étoile fixe, qui l’attendrait sagement. Ce Saturne qui semble bien avoir donné son nom au septième et ultime jour, en analogie avec la dernière planète, d’où le Shabbat, Saturne en hébreu se disant Shabtaï: on a déjà rappelé ce qu’il y avait de cyclique dans le respect hebdomadaire du Shabbat, lequel Shabbat est en analogie avec Saturne, marquant la division du cycle mensuel en quatre, comme c’est le cas du découpage de celui de Saturne. On retrouve cette tradition avec le Saturday anglais ou avec le Sabado espagnol pour le Samedi français.

   Actuellement, l’Humanité est dans les ténèbres en ce qu’elle a perdu la connaissance du véritable ordre cosmique tel qu’instauré par nos aïeux il y a bien des siècles. Elle ne dispose plus que d’une astrologie dégénérée, décadente, déviante, indigne et d’un monothéisme vidé de sa substance, avec son Ciel fictif ; si bien que le fossé entre Science et Religion ne fait que se creuser toujours plus. On voit que l’astrologie peut jouer le rôle d’interface car le monothéisme tel que nous l’envisageons s’articule autour d’une réalité astronomique, aussi limitée - et heureusement - soit-elle, les phases de Saturne étant parfaitement repérables et connaissables, outre que cet astre est visible à l’oeil nu, au firmament, ainsi que l’étoile fixe qui fait cycle avec elle. Il ne s’agit nullement d’inventer une nouvelle religion ou une nouvelle astrologie mais bel et bien de restaurer un lien très ancien, voire archaïque mais qui n’en est, pour cela, que plus fort.

   Il y a au demeurant dans le monothéisme un principe que l’astrologie actuelle ne respecte guère, à savoir qu’il n’y a qu’un seul dieu. Même quand un peuple s’adresse à Dieu, il ne prétend pas que ce Dieu est différent de celui du voisin. Or, l’astrologie contemporaine s’est beaucoup adonné, ces derniers temps, au jeu consistant à attribuer tel cycle planétaire à telle ou telle région10, se plaçant ainsi carrément en porte à faux avec l’épistémologie monothéistique dont le grand mérite est d’avoir relativisé les différences sur le terrain, une même cause pouvant générer une multitude d’effets. Le monothéisme n’est pas hostile à l’astrologie du fait qu’elle parle des astres mais parce qu’elle perd totalement de vue le principe d’unité, dès lors que son appréhension, sa lecture, du cosmos n’est pas centrée sur un seul paramètre, choisi entre tous. Car s’il est question d’un peuple élu, il faudrait aussi comprendre qu’il est d’abord question d’un dieu, c’est-à-dire d’un astre élu. A force de multiplier les forces en présence, l’astrologie devient incapable de discourir sur sa philosophie du monde, de l’Histoire sauf à dire qu’il s’agit de relier les hommes aux astres, ce qui est un peu court. Quand on demande aux astrologues ce qui dans le monde tel qu’il se manifeste à nous nous renvoie à l’astrologie, ils ne savent que répondre tant et si bien qu’ils ne sont plus capables de remonter du monde aux astres mais seulement de descendre des astres au monde, comme si le cosmos leur parlait plus que le monde, par le truchement de ces noms de dieux, un cosmos qui, au demeurant, ne cesse de s’enrichir de nouvelles demeures divines, grâce à l’entremise des astronomes. Or, un astre qui n’a pas reçu, par quelque baptême, de nom issu de quelque mythologie n’existe pas pour l’astrologue, d’où leur abandon des étoiles fixes. L’astrologie, en ce début de XXIe siècle, passe par une phase aiguë de mythologisation.

   L’astrologie est de nos jours rejetée aussi bien par la Science que par la Religion alors qu’elle devrait être l’interface, on l’a dit, entre les deux. En renonçant à ses chimères polyplanétaires, l’astrologie se réconciliera avec l’une et l’autre. Elle cessera de vouloir tout expliquer par un entrelacs aberrant de configurations, elle s’en tiendra à un certain axe du Bien, mettant ainsi en évidence, a contrario, ce qui lui est extérieur, ce qui vient le contrecarrer. Il y a là un paradoxe propre au monothéisme que d’impliquer une dualité. Le monothéisme ne prétend pas en effet tout régenter mais déterminer un chemin, une voie, à suivre. Il est comme un fleuve qui irrigue les contrées par lesquelles il passe mais qui n’est pas ces contrées. Il arrive que quelque chose vienne entraver son cours, faire obstacle, barrage voire tente de le dévier et cela non plus ne doit pas être confondu avec la logique de ce courant. C’est ainsi que nous percevons le monothéisme saturnien, celui qui est en filigrane dans le Songe de Pharaon et dans l’interprétation qu’en donna Joseph.11

   Il s’agit donc de rétablir pleinement le respect de la Loi saturnienne dont le Shabbat n’est que l’évocation abstraite, lequel Sabbat ne correspondant à aucun processus planétaire. On retrouve dans le judaïsme une cyclicité articulée sur sept ans avec la Shemita, au niveau de la propriété et de la culture des terrains. On trouve aussi le rapport un jour pour un an dans l’Ancien Testament (Exode, Livre d’Ezéchiel), le Shabbat étant la transposition en jours du cycle de Saturne, lui-même divisible en quatre phases de 7 ans environ, processus que l’on retrouve dans les phases de la Lune (conjonction/nouvelle lune, carré/premier quartier, opposition/pleine lune etc).

   Il importe donc de renouer les liens ô combien distendus entre une astrologie vidée de sa signification mais porteuse du message cosmique, une religion monothéiste qui cohabite avec un monde qui n’est plus centré, une science qui, par sa rigidité, passe à côté d’une cyclicité essentielle, faite à la fois d’une réalité astronomique et d’un lien crée par l’Homme entre lui et le Ciel et qui fait désormais pleinement partie intégrante - en tant que seconde nature - du monde dans lequel il s’inscrit.

   Il convient, au demeurant, de s’interroger sur la nature des religions qui ont, en quelque sorte, succédé à l’astrologie. Selon nous, ces religions dites du Livre seraient avant tout, à l’origine, des religions locales. On serait ainsi passé d’une religion ne prétendant nullement rendre compte des différences “nationales” à des religions représentatives de celles-ci, tout comme en astrologie mondiale, on est passé des Grandes Conjonctions (Jupiter-Saturne) qui se voulaient un paradigme universel à une théorie des cycles, au XXe siècle, qui associait tel cycle planétaire à une certaine zone géographique.

   Ce qui nous conduit à penser que les religions monothéistes actuelles sont l’expression identitaire propre à telle ou telle culture, exige que l’on inverse les représentations habituelles. C’est ainsi que l’Islam est avant tout la religion d’une culture, d’une langue, qu’elle en est un mode parmi d’autres d’appartenance de la part de ses membres. Autrement dit, l’Islam serait la religion du monde arabe et son vecteur d’expansion et de domination d’autres cultures au nom de l’universalité de l’Islam. Mais on pourrait en dire autant du catholicisme, du protestantisme voire du judaïsme. Une société donnée trouve dans la pratique d’une certaine religion un mode privilégié d’appartenance, surtout quand une telle religion passe par une langue donnée, par une histoire donnée, par une ville donnée. C’est d’ailleurs pourquoi ces diverses religions impliquent des rassemblements au sein de mosquées, d’églises, de temples, de synagogues. En d’autres termes, les religions post-astrologiques ne constituent pas le substrat des sociétés mais sont instrumentalisées par elles aux fins de se cimenter identitairement, au moyen d’une certaine symbolique. Dès lors, il nous apparaît que l’astrologie, en tant que religion, a une assise beaucoup plus sérieuse que les religions du Livre, lesquelles ne fondent pas les peuples mais les servent. A force de s’appliquer aux terrains sociopolitiques les plus divers, il semble bien que l’astrologie ait fini par se différencier, se morceler en autant de terrains, donnant ainsi naissance à diverses religions, thèse avancée à la fin du XVIIIe siècle par Charles-François Dupuis dans on Origine de tous les cultes.12 C’est ainsi que le judaïsme, en tant que religion, ne serait nullement constitutif du peuple juif mais en serait un mode de polarisation identitaire, syncrétisme de divers paramètres culturels.

   Ces considérations valent aussi pour les idéologies contemporaines, comme le communisme qui a d’abord été un vecteur d’influence de Moscou, y compris par le truchement du parti communiste français. Dans le cas de l’Islam en France, il est clair qu’il est avant tout un processus identitaire pour des populations immigrées en provenance du monde arabe. La dimension religieuse semble souvent plus présentable que l’affirmation ethnique. Pourtant, c’est bien le plan ethnique qui fait le moins problème et ce sont les facteurs linguistiques et religieux qui sont les moins intégrables. Cela peut surprendre mais l’apparence physique, aussi étrange puisse-t-elle être - y compris sur le plan vestimentaire - ne perturbe pas l’ordre social comme peut le faire la différence linguistique qui fait obstacle à l’intercommunication avec tout ce qu’elle implique de réciprocité. Or, la dimension religieuse doit être un moyen d’intégration sociale et non pas d’exclusion, il importe donc qu’elle comporte un enracinement local fort et ce tout particulièrement pour des communautés mal intégrées par ailleurs. On voit que l’astrologie ne peut faire l’économie de grilles sociologiques, notamment pour appréhender le problème de l’immigration qui est au coeur de la cyclicité dont elle se prévaut.

Jacques Halbronn
Paris, le 25 décembre 2004

Notes

1 Cf. son Discours de 1549. Retour

2 Cf. nos études in revue en ligne “Grande-conjonction.org”, novembre & décembre 2004. Retour

3 Cf. L. Adams Beck, Zenn. Amours mystiques, trad. J. Herbert et P. Sauvageot, Paris Ed. Victor Attinger, 1938, pp. 182-183. Retour

4 Cf. Gérard Simon, Kepler, astrologue astronome, Paris, Seuil, 1979. Retour

5 Cf. Le cycle de la Lunaison, trad. de l’anglais, Ed. Du Rocher, 1978. Retour

6 Cf. Les personnalités planétaires, Paris, La Grande Conjonction-Trédaniel, 1992. Retour

7 Cf. par exemple l’ouvrage de Maryse Lévy sur Pluton, planète lointaine, Paris, Ed. Véga. Retour

8 Cf. nos études sur les rapprochements avec les Très Riches Heures du Duc de Berry. Retour

9 Cf. notre ouvrage Le Monde Juif et l’astrologie, Milan, Arché, 1985. Retour

10 Cf. notamment les travaux d’André Barbault, en astrologie mondiale. Retour

11 Cf. notre étude sur le mensuel en ligne Grande-conjonction.org, numéro 2. Retour

12 Cf. nos études sur le site Cura.free.fr et Encyclopaedia Hermetica, sur Ramkat.free.fr, rubrique Aquarica. Retour



 

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