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Editions RAMKAT




ASTROLOGICA

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Le fait astrologique,
comme institutionnalisation de l’altérité

par Jacques Halbronn

    Le mot Cosmos veut dire ordre, en grec et il nous semble bien que l’astrologie soit une affaire d’agencement, d’organisation, d’institution. Il importe, au demeurant, de déterminer à quoi elle s’oppose, tant il est vrai qu’un domaine n’est pas correctement défini tant qu’on n’a pas cerné ce qui lui est contraire.

   Il est possible que de façon confuse, le public perçoive dans l’astrologie - que cela lui évoque - une certaine entreprise, fort ancienne, menée à l’encontre du désordre du monde. C’est ainsi que dit public ne refuse pas, a priori, la possibilité d’une humanité répartie en douze types.

   Comment ne pas voir qu’une telle description ne tente pas de se substituer à d’autres clivages ? C’est cela que nous entendrons par institutionnalisation de l’altérité, c’est-à-dire le passage d’une altérité conjoncturelle, sauvage à une altérité programmée et structurelle.

   L’ère de l’astrologie, en tant que fait et non en tant que science, est celle où la diversité imprévisible des hommes est remplacée par une diversité bien calibrée et définie une fois pour toutes. A l’étranger de passage qui auparavant incarnait le changement et la différence, fait suite un monde subdivisé en castes, c’est-à-dire où l’étranger fait partie du système.

   Mais le fait astrologique accède aussi à une autre dimension, celle du temps social et non pas seulement de l’espace social. On parlera d’une altérité diachronique et pas seulement synchronique comme celle de la typologie des personnes. A l’étranger, au niveau spatial, on opposera, au niveau temporel, la révolution.

   Autrement dit, même les changements soudains, impromptus, ne sont plus tolérés. Ce n’est pas le changement qui est éliminé, ni la possibilité de remettre en question les situations et les statuts, mais ce sont jusqu’aux révolutions qui sont déterminées, programmées et limitées dans le temps. Chaque chose en son temps (Ecclésiaste).

   L’astrologie, au fond, serait la récupération de l’aléatoire au sein de la structure. Cet aléatoire, cet imprévu, cet inclassable dont les vertus tonifiantes, neutralisant les risques de sclérose, ont été identifiées et en quelque sorte synthétisées. Ce que nous appelons, dans d’autres travaux, le passage du conjoncturel vers le structurel. Non pas, certes, cependant, que le conjoncturel disparaisse, lui qui précède le structurel, mais il est marginalisé car il est incontrôlable. L’astrologie serait comme une sorte de vaccin contre un mal nécessaire mais dont on veut limiter les effets.

   L’astrologie, sous cet angle, ne saurait s’intéresser à l’individu, qui est source de désordre de par son caractère irréductible, inclassable. Le thème astral n’en est pas moins une tentative pour maîtriser jusqu’à l’individualité mais il s’agit là d’une gageure. Les sociétés traditionnelles ne fonctionnent pas sur une base individuelle. Cet individu n’appartient-il pas à l’ancien régime, à ce désordre que l’astrologie ait censé juguler et non pas renforcer ?

   Ce qui est remarquable avec l’astrologie, en tant qu’outil social, c’est qu’elle a intégré ses propres contradictions, ses dépassements, ses dialectiques. L’astrologie a prévu des temps de révolution, de remise en question de l’ordre établi, comme une sorte de pause, de délire institutionnel tout comme elle a ’autre, avec celui qui fonctionne autrement, c’est là toute la portée des typologies planétaires (au sens de Gauquelin).

   Le calendrier, avec ses fêtes fixées une fois pour toutes, est une sorte de temps recomposé, domestiqué, qui organise la joie et le deuil, en dehors de toute véritable événementialité. L’astrologie introduit des pseudo-événements pour ne pas avoir à subir les vrais et des pseudo- étrangers pour ne pas avoir à supporter ceux qui débarqueraient impunément, porteurs de valeurs par trop inassimilables.

   En tant qu'institutionnalisation de l’altérité spatio-temporelle, le fait astrologique prolonge la sexuation qui est déjà marquée par une altérité structurelle, une symbiose interne et non plus externe.

   Cela dit, il ne s’agit pas pour autant de justifier la tradition astrologique avec le syncrétisme qui est le sien et qui la rend pléthorique et surdimensionnée. Nous préférons envisager une astrologie plus dépouillée : pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? L’altérité peut se réduire à une binarité sinon elle se dissout dans la pluralité et perd de sa dynamique. La multiplicité des différences tue les différences, la multiplicité des cycles anéantit les cycles. C’est tout le drame de l’astrologie que d’avoir ainsi perdu son âme !

   L’astrologie, telle que nous la comprenons, est un artefact qui est le fondement même de la civilisation, en ce que précisément elle a civilisé les astres en les instrumentalisant tout comme elle a civilisé l’Histoire en en distillant la substantifique moelle.

   Ainsi, l’astrologie n’a pas à expliquer ce qui n’est pas structurel et fonctionnel, elle n’a rien à voir avec le Mal car le Mal ne fait pas partie de ce que les hommes ont programmé pour eux-mêmes, ni de ce que Dieu a pu vouloir a priori pour les hommes. Le Mal appartient à une autre dimension, a posteriori, comme l’a bien compris, en 1682, Pierre Bayle, dans ses Pensées Diverses sur la Comète. L’astrologie n’a pas à rendre compte de l’altérité conjoncturelle, dont les manifestations peuvent être terribles puisqu’elle a été créée pour en éviter précisément les effets. Son champ, on l’a dit, est celui d’une altérité plus modérée, plus raisonnée, de type structurel.

   Une astrologie qui s’intéresserait au conjoncturel serait donc une contradiction dans les termes, ce serait aller à l’encontre de sa raison d’être. Quelle perversion ce serait que de faire servir l’astrologie à ce qu’elle était censée remplacer !

   Toute la question est de savoir si une telle institutionnalisation peut se perpétuer. C’est précisément cela le scandale de l’astrologie que de montrer que ce que nos lointains ancêtres ont établi perdure jusqu’à nos jours, ce qui vient confirmer les thèses transformistes de Lamarck (1744 - 1829) sur la transmission des caractères acquis et le fait que le culturel peut devenir une réalité inconsciente et d’autant plus prégnante. Etre astrologue, aujourd’hui, implique d’être néo-lamarckiste.

   Plutôt que de supposer une influence spontanée, naturelle, des astres sur nous, nous pensons que ce sont les hommes qui se sont structuré en se servant des astres tels qu’ils les percevaient en en faisant une sorte d’immense cadran solaire, combinant planètes et étoiles fixes. Les premiers astrologues, au sens de ceux qui ont constitué le système astrologique dans lequel nous vivons encore de nos jours, ont fixé les lois de nos sociétés en y ménageant des espaces de liberté.

   En effet, même les clivages ainsi posés sont périodiquement relâchés, détendus, selon la cyclicité mise en place et ce de façon à éviter tout risque de sclérose. Sans ce mouvement cyclique, l’Humanité ne serait pas ce qu’elle est, elle tendrait à se figer.

   L’astrologie nous enseigne à reconnaître l’autre et à appréhender le changement. Le problème, c’est qu’elle est, elle-même, déboussolée. C’est un peu la fable de l’aveugle et du paralytique. Sa philosophie est bonne mais elle a perdu son mode d’emploi. Et c’est celui-ci que nous pensons avoir retrouvé ou plutôt reconstitué.

   Cette façon qu’a eu l’astrologie de relier ainsi les astres et les hommes constitue probablement le mystère par excellence, au coeur même de ce qu’on appelle l’ésotérisme. On peut définir celui-ci comme un rapprochement improbable entre deux plans censés ne pas correspondre. Ce n’est pas par hasard que l’astrologie focalise tant de critiques contre elle. Tant qu’à faire, les universités préfèrent s’ouvrir à des savoirs ésotériques morts qu’à l’astrologie, jugée par trop vivante.

   Mais ces attaques émanant du monde scientifique négligent un facteur déterminant et qui est de l’ordre du visuel. Il importe de réhabiliter le rôle de l’oeil dans notre rapport au monde. Notre oeil relie spontanément ce qui est séparé et distant, créant ainsi une réalité nouvelle qui n’est pas celle d’une science qui s’intéresse aux choses en soi.

   Certes, le monde de l’astrologie est-il littéralement en trompe l’oeil mais ces apparences, l’homme les a fait alchimiquement siennes, il s’y conforme et donc, ce faisant, il change radicalement son rapport au monde. Ce n’est pas le monde qui se transforme, c’est l’homme qui se sert de lui à sa guise et comme il l’entend et on peut ici parler de magie, une façon de se concilier l’environnement, de ne faire qu’un avec lui puisque l’oeil, lui, rapproche tout en un continuum. C’est probablement à ce prix que l’Humanité est devenue ce qu’elle est.

   Il est donc assez paradoxal que tant de gens dits sérieux, encore de nos jours, mettent un point d’honneur à nier l’astrologie, non seulement sous sa forme vulgaire et fossilisée mais jusque dans son principe, à savoir l’existence d’un lien crucial entre certaines configurations cosmiques et un certain ordre social qui sous-tend ce qu’on appelle l’Histoire.

   Concluons par une mise au point terminologique: quand nous parlons d’astrologie, nous entendons en règle générale l’astrologie en soi, telle qu’elle est et non telle qu’elle apparaît dans les manuels, ce qu’il vaudrait mieux appeler le fait astrologique. Car entre l’astrologie-savoir et l’astrologie, telle qu’elle fonctionne de facto, quel décalage !

   En fait, il faut bien le reconnaître, le savoir astrologique s’est figé, il n’a pas su se renouveler et s’imposer de nouveaux défis comme l’implique le fait astrologique, avec ses cycles et ses dualités. Paradoxe pour un savoir dont ce devrait être la devise. On dit que les cordonniers sont les plus mal chaussés. Cependant, parallèlement à une tradition cristallisée, il existe ce que nous préférons appeler une astro-histoire, qui depuis des siècles, est partie en quête de nouveaux paradigmes et qui élabore régulièrement modèle après modèle, en dehors du savoir syncrétique et cumulatif de la tradition astrologique qui s’efforce d’ailleurs de récupérer ces différents essais pour les combiner avec l’ensemble de ses recettes, véritable tonneau des Danaïdes.

   Comment, enfin, ne pas voir que nous sommes en présence d’une situation mimétique, telle que nous l’avons décrite dans des textes ne traitant pas de l’astrologie et tant il est vrai qu’il faut désenclaver la question astrologique, c’est-à-dire ne pas l’aborder comme un phénomène isolé ? Tout se passe comme si, en effet, ce qu’on appelle ésotérisme ou occultisme était le fait d’une pseudo astrologie, tentant de prendre la place de la vraie et en empruntant, dans ce but, certains traits. Rappelons brièvement ici notre modèle : deux populations sont en présence, l’une dominée par l’autre. Celle qui est dominée veut s’assimiler les marques de celle qui la domine. Imaginons une société marquée par une pratique astrologique face à une autre société qui n’y a pas accès car l’astrologie n’est pas apparue partout en même temps, elle a eu son berceau, elle ne s’est répandue et diffusée que progressivement à partir d’un centre. Ainsi, les populations qui n’étaient pas au fait de cette pratique d’instrumentalisation du ciel auront adopté une attitude mimétique et se seront peu à peu astrologisé. Ce qui expliquerait que face à l’astrologie, nous trouvions un ensemble assez bâtard comportant une terminologie astrologique sans nécessairement de pratique astronomique et se greffant sur d’autres approches spécifiques des dites populations.

   Il n’y a pas en effet de véritable astro-histoire sans une astronomie d’un certain niveau, capable de distinguer dans le ciel astres errants (planètes) et astres fixes (étoiles). Cette découverte scientifique aura été de la plus haute importance et a pu constituer un secret. On sait par ailleurs que le calcul du calendrier a longtemps été occulté, chez les Juifs, par exemple. Les populations n’ayant accès qu’à une astronomie plus rudimentaire, uniquement axée sur le rapport soleil-lune, avec les phases visuelles remarquables que l’on sait, n’étaient pas en position de pénétrer pleinement dans le champ de l’astro-histoire impliquant notamment le repérage de la planète Saturne, la planète plus éloignée connue de l’Antiquité. Elles en étaient réduites à des substituts, à des chronologies non sous tendues par un véritable processus cosmique. Ne peut-on au demeurant voir dans cette astro-histoire le fondement d’une religion monothéiste, c’est à dire qui aurait focalisé sur une seule planète ? De nos jours, force est de constater l’essor du polyplanétarisme, incapable d’opter pour un seul et unique repère planétaire ? Une astrologie monothéiste, selon nous, est monoplanétariste et la présence au cours des derniers siècles d’une astrologie recourant aux diverses divinités du panthéon mythologique en pleine civilisation judéo-chrétienne n’aura pas contribué, on le conçoit, à son crédit.

Jacques Halbronn
Paris, le 15 février 2003



 

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