Des Fards et des des Confitures
(1556)

   C ontrairement à l’année précédente, nous disent les historiens, on récolta en 1556 une telle quantité de vin qu’on n’avait pas assez de tonneaux pour le conserver.

   On trouve relativement peu d’allusions aux Centuries du vivant de Nostradamus. Les almanachs, dans la mode du temps, étaient beaucoup plus populaires. Nostradamus qui avait, semble-t-il, séjourné en Italie, ne dut y rester que peu de temps puisque, comme on va le voir, de 1556 à 1559 paraissent quelques uns de ses ouvrages, et notamment son 2ème recueil des Prophéties.

   En 1556, c’est la publication de l’Almanach pour l’an 1557 chez l’éditeur parisien Jacques Kerver.

   Le même éditeur publiera deux autres livrets de Nostradamus, les Présages merveilleux pour l’an 1557, et La Grand’ Pronostication pour l’an 1557.

   Cet almanach est dédié, le 13 janvier 1556, à Catherine de Médicis, et a la particularité de comporter sur sa page de titre cette expression :

   « Contre ceulx qui tant de foys m’ont fait mort. Immortalis ero vivus, moriensque magisque Post mortem nomen vivet in orbe meum. »

   Cette dernière expression lation signifie : « Immortel je serai, vivant et mourant, et davantage après ma mort mon nom vivra dans l’univers. » Même si cet exergue est inspiré d’Ovide, voilà au moins une prédiction réalisée !

   Dès qu’il a l’ouvrage en main, Laurens Videl compose sa Déclaration des abus et séditions de Michel Nostradamus, qui paraîtra en 1558.

   C'est Videl qui relève l’emprunt fait à Ovide.

   Il semble que la rédaction des Présages merveilleux pour l’an 1557, dont l’épître dédicatoire à Henri II soit également datée du 13 janvier 1556, et publiés vraisemblablement vers la fin de l’année 1556, ou au tout début de l’année 1557, a précédée celle de l’Almanach pour l’an 1557.

   Le 21 mars 1556, Nostradamus dédie sa Grand Pronostication pour l’an 1557 au « Roy de Navarre », Antoine de Vendôme.

   Il semble donc que Nostradamus, fort de son succès à la Cour de France, a souhaité composer un maximum de publications : les Présages et l’Almanach qu’il achèvera en janvier 1556 et la Pronostication qu’il rédigera en mars 1556. Ces trois ouvrages obtiendront d’ailleurs un même Privilège, en date du 14 octobre 1556 : l’extrait en début de l’Almanach pour l’an 1557, mentionne effectivement « les Almanachz, Presages, & Pronostications ». Nous reviendrons plus loin sur ces autres pronostications de Nostradamus qui comportent également dans leur titre la mise en garde inspirée d’Ovide.

   Le succès de l’Almanach pour l’an 1557 fut certain, puisqu’une traduction italienne voit le jour, à Milan.

   Avant de publier ses Contredits à Nostradamus en 1560, Antoine Couillard, seigneur du Pavillon les Lorris, en Gâtinais, nous présente sa parodie des Centuries : Les Prophéties du Seigneur du Pavillon lez Lorriz, qu’il publie en 1556 à Paris chez Antoine le Clerc.

   A notre connaissance, il s’agit du plus ancien des pamphets écrits contre Nostradamus.

   Le 17 août 1556, les Maîtres nationaux de la Cour des Comptes du Parlement de Provence avaient donné leur autorisation d’amener les eaux de la Durance à Salon-de-Crau. Nostradamus avait manifesté un vif intérêt pour la construction du canal dit de Craponne, dès le 27 juillet de la même année. En effet, ce jour-là, par devant Me Laurent, notaire à Salon, Nostradamus prêta « deux cents écus » au compte d’Adam de Craponne.

   Guillaume de Craponne, descendant d’une famille italienne, avait épousé une jeune fille de Salon, munie d’une riche dot. En 1516, il était venu habiter la ville où sa femme était née. C’est dans cette cité qu’il mit au monde, en 1519, le fameux Adam de Craponne.

   Nostradamus devait entretenir de bons rapports avec les Craponne. D’ailleurs, son fils aîné César épousera une fille dont la mère portait leur nom. Comme le raconte César qui avait ainsi l’honneur de toucher de près à sa postérité, « Adam de Craponne, gentilhomme de Sallon, eut l’idée d’une entreprise, l’an cinquante septième du siècle, dont l’histoire doit faire compte à tout jamais. » : il s’agissait de capter l’eau de la Durance pour arroser la Crau par le « petit canal qui venait de Cadenat et la Roque-Janson ».


   · Jeanne de Grignan, la femme de César, était la petite-nièce d’Adam de Craponne.
   · Aujourd’hui La Roque-d’Anthéron, département des Bouches-du-Rhône, arrondissement Aix, canton Lambesc.

   On a rapporté que Nostradamus avait séjourné quelques temps à Turin en 1556. En effet, le 26 décembre 1807, un certain Carrera décrivait dans le Courrier de Turin une curieuse inscription liminaire, gravée sur une plaque de marbre, trouvée au dessus de la porte d’une maison, « Cascina Morozzo, via Michel Lessona, numero civico », à une demie-lieue au Nord-Ouest de Turin.

   Cf. Corrado Pagliani, Di Nostradamus e di una suà poco nota iscrizione liminare torinese, Turin, 1934.

   A la Renaissance, cette villa était dans la campagne de Turin. On pense qu’elle portait le nom de « Vittoria » (Je m’appelle la Victoire !) et que les terres qui l’entouraient portaient des noms aux souvenirs dantesques (Où il y a le Paradis, l’Enfer, le Purgatoire).

   Sur cette plaque sont gravées en lettres majuscules ces quelques lignes un peu énigmatiques qui semblent rappeler le séjour du prophète dans cette ville :

   1556
   NOSTRE DAMVS A LOGE ICI
   ON IL HA LE PARADIS LENFER
   LE PVRGATOIRE. IE MA PELLE
   LA VICTOIRE QVI MHONORE
   AVRALA GLOIRE QVI ME
   MEPRISE OVRA LA
   RVINE HNTIERE

   Si cette inscription liminaire rédigée en français (!) est bien dans le style sibyllin de Nostradamus, on remarquera certaines fautes que commettrait facilement un italien ne maîtrisant pas notre langue.

   Mais si l’inscription est vraiment authentique, on ignore les raisons et la durée de ce second séjour de Nostradamus en Italie. On pourrait penser qu’il y avait été attiré par quelqu’un de la Maison de Savoie : Louise, mère de François Ie, son neveu, le Comte de Tende, Claude, Gouverneur de Provence, ou peut-être le jeune Duc Philibert, qui devait épouser bientôt Marguerite, la fille même du roi de France ?

 

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