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GALLICA

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Le français et l’anglais :
problèmes de filiation et NGVE

par Jacques Halbronn

    Le rôle du français dans l’histoire des langues européennes n’est toujours pas bien établi et la (re)connaissance du phénomène reste réservée à quelques cercles de spécialistes. Cela tient probablement au retard pris par les études de linguistique comparée. Les Français sont conscients de la présence de mots étrangers dans leur langue mais beaucoup moins sinon pas du tout de la présence de leur langue non pas tant à l’étranger qu’au sein des langues dites étrangères au dit français et qui, parce qu’elles sont justement étrangères ne leur sont généralement pas familières. En outre, la question des rapports entre langues n’est pas sans lien avec le problème de l’immigration/émigration, ni avec celle de conquête et de (dé)colonisation.

   Le français, selon nous, aura permis au champ de la latinité de s’étendre au delà des frontières de l’Empire Romain, vers des pays dont la langue ne comportait initialement guère de mots d’origine latine. Le français aura été le vecteur par excellence de la latinisation des langues germaniques, slaves voire turques et arabes, aux côtés du latin lui-même. C’est précisément, cette compétition entre le français et le latin qu’il convient de préciser car quelque part l’un fait de l’ombre à l’autre et vice versa.

   En vérité, on instrumentalise volontiers le latin pour minimiser l’impact et l’influence du français sur les langues ainsi peu ou prou latinisées, en rappelant, doctement, ce que le français doit, de toute façon, au latin. De là à laisser entendre que l’on ne saurait distinguer, discerner ce qui est français et ce qui est latin, il y a un pas que certains n’hésitent pas à franchir.1 C’est ainsi qu’aux Etats Unis, on apprend le latin comme source (directe) de l’anglais.

   Certes, le latin est-il une langue dont l’usage se perpétuera dans l’Eglise de Rome jusqu’au milieu du XXe siècle, plus précisément jusqu’au Concile Vatican II, sous Jean XXIII. Certes, de nombreux textes “laïcs” paraîtront en latin, jusqu’en plein XVIIe siècle et l’on pourrait multiplier les exemples de survie de l’usage du latin, notamment dans la rédaction des thèses de doctorat au XIXe siècle.

   Il nous paraît donc heuristique de présenter le français comme une interface entre le latin et les langues longtemps restées non latines / latinisées. Par le français, ces langues là sont devenues sensiblement plus proches des langues dites latines, ce qui a contribué à terme à renforcer l’unité de l’ensemble européen, en créant un certain air de ressemblance entre les différentes langues qui s’y pratiquent. Or, un tel air de ressemblance tient beaucoup au rôle joué par le français.

   Est-ce que la langue française a un mérite particulier à ce faire ? On sait que des concours furent organisés notamment à la fin du XVIIIe siècle pour statuer sur les vertus qui permettaient alors au français de jouer un rôle universel.2 Son influence a parfois été délibérée comme dans le monde turco-arabo-musulman avec les écoles de l’Alliance Israélite Universelle, conduisant à partir de 1860 à une francisation des populations juives, tantôt elle fut le résultat de conquêtes comme en Angleterre avec les normands, mais le plus souvent elle tenait surtout à une certaine fascination qu’elle exerçait, en précisant que dans ce cas la langue n’était qu’un vecteur mimétique pour accéder à la culture française, qu’elle n’était pas une fin en soi.

   De nos jours, le public veut comprendre les faits linguistiques, il ne se contente pas d’arguments d’autorité. On rencontre ainsi des étrangers à Paris qui sont persuadés lorsqu’ils tombent sur un mot existant tant en français qu’en anglais que c’est un mot anglais et quand ils entendent, à la suite d’Etiemble ( Parlez-vous franglais ? ) des Français se plaindre de la pénétration de l’anglais dans leur langue, ils ne peuvent bien entendu qu’abonder dans leur sens, d’où un malentendu durable : c’est eux mêmes, les Français, qui le reconnaissent, concluent ainsi les touristes ou les étrangers de passage en France.

   En fait, les anglophones ne se plaignent même pas de l’influence du français car elle est tellement profonde qu’ils ne sont plus en mesure de la discerner. Quand il y a trop de mots étrangers dans une langue ou trop d’étrangers dans un pays, on n’y fait plus attention. Le francophone se plaint d’un petit bouton sur le nez quand l’anglophone est à moitié gangrené: s’il fallait supprimer les mots français en anglais, ce serait une catastrophe, la ruine de toute une culture alors que le non recours à des mots anglais en français serait chose bénigne et en outre assez salutaire.

   Une erreur à ne pas commettre est de considérer que si le mot français n’est pas prononcé à la française (dans le style “souvenir” ou “rendez-vous”) et exactement dans le même sens qu’en français, il ne s’agit pas d’un mot français. C’est ce que tant d'élèves ont retenu des cours d’anglais suivis dans le secondaire, où on les mettait en garde contre les “faux amis”. Et il est vrai que les enseignants d’anglais, en France, ne favorisent guère la prise de conscience par les locuteurs francophones de la présence massive du français en anglais. Ils choisissent délibérément des textes dissuasifs spécialement sélectionnés pour occulter, masquer, la place du français en anglais, préférant ainsi les opposer que les rapprocher. Ils feraient bien mieux d’apprendre à leurs élèves à utiliser et à prononcer correctement ces mots communs aux deux langues et à les reconnaître, les identifier et les décoder quand ils les entendent chez leur interlocuteur anglophone.

   L’emprunt est souvent partiel. Il est bien rare que l’on sache épuiser, à cette occasion, la dimension sémantique d’un mot ou d’un groupe de mots issus d’un même radical (du latin radix, racine), on introduit ainsi des bribes de langue qui ne communiquent guère entre elles par la voie du signifiant mais seulement par celle, plus pragmatique, du signifié qui leur confère un semblant de cohérence.

   Le français est une langue extrêmement homogène dans ses sonorités, ce qui la rend immédiatement identifiable non pas sur tel ou tel mot isolé mais dans son flux même, langue qui se prête très facilement aux jeux de mots comme si les mots y étaient quasiment interchangeables ou ne différaient que par des détails infimes, ce qui rend d’autant plus difficile l’apprentissage du français par des étrangers. Mais la vocation d’une langue n’est pas de plaire aux étrangers, en ce sens reconnaissons que le français n’est pas une langue idéale pour pratiquer une politique d’immigration, beaucoup moins que l’anglais lequel a l’avantage de la diversité de son lexique. Le fait de ne pas prononcer les consonnes finales facilite encore plus les rapprochements et les confusions à l’oreille entre des mots qui n’ont en soi rien à voir si ce n’est qu’ils appartiennent à une seule et même langue. C’est dire que l’emprunt de mots au français ne permet nullement à une langue de ressembler au français, c’est là une tentative certes bien vaine mais qui n’en a pas moins été cent fois renouvelée par les langues les plus diverses. Le français n’est pas une langue qui doit s’adopter globalement et non point par bribes. Le génie de la langue française échappe à ceux qui veulent le capter de l’extérieur. Par ailleurs, quand des étrangers parlent le français, ils tendent à le dénaturer, ils ne le laissent pas couler en eux de façon limpide et on reconnaît immédiatement pour cela celui qui ainsi trahit et maltraite cette langue. Ce n’est pas un petit paradoxe que de constater3 que les hommes ne cessent de vouloir s’emparer de ce qui ne leur appartient pas et n’embrassent finalement qu’un fantôme comme un enfant qui couperait une fleur en croyant que celle-ci va se maintenir longtemps ainsi en dehors de sa terre et de ses racines, bientôt il découvrira qu’elle se fane, se flétrit, se dessèche.

   Il n’est pas heureux d’opposer le français à l’anglais et à l’américain en laissant entendre qu’il s’agit de deux langues nettement différentes quand l’anglais moderne s’est développé à partir du français et sur une très longue période. A l’heure où l’on s’intéresse aux ressources pétrolifères des pays - lesquelles, par leur ancienneté, ne doivent rien, notamment dans le monde arabe, aux dits pays et qui n’ont généralement même pas été découvertes par ceux-ci - on ne voit pas ce qui nous empêcherait de revendiquer pour le français une place qui serait fonction d’un passé infiniment plus récent et directement liée à l’histoire du peuple qui la revendique. Que serait aujourd’hui le monde arabe voire l’Islam sans le pétrole, héritage, legs, de la colonisation ?

   En tout état de cause, une nouvelle politique linguistique s’impose au niveau de la planète en général et de l’Europe en particulier, qui ne soit pas le fait de critères non pertinents. Il est temps que la sociolinguistique détermine son propre domaine et ne subisse pas toutes sortes d’interférences.

   Les observations suivantes sont à faire :

      - La langue française a marqué profondément et durablement et disons le de façon indélébile la langue anglaise, pour ne pas parler de bien d’autres langues européennes, relevant initialement d’un fonds germanique ou slave.

      - La langue anglaise est un ensemble hétérogène, fortement marqué par une forme de mimétisme à l’égard du français.

      - La langue anglaise est une caricature simplifiée du français, matinée avec un fonds germanique, ce qui produit un tout hybride, bâtard.

      - Il importe de désigner l’anglais comme un franglais, le terme étant à tort utilisé pour désigner le français influencé par l’anglais.

      - L’anglais n’est pas digne de représenter l’humanité, il porte des stigmates ineffaçables qui ne sont pas à l’honneur de notre civilisation.

   Quelles conséquences faut-il en tirer ? Le français est par excellence, de façon structurelle, la langue de l’Occident. La proximité du français et de l’anglais peut précisément justifier le basculement de l’anglais vers le français, une situation d’interface fonctionnant dans les deux sens. La priorité doit être donnée aux méthodes de didactique du français à l’intention des locuteurs anglophones.

   Il est cependant souhaitable, parallèlement, d’améliorer sensiblement l’outil linguistique français.4

   Ce travail d’optimalisation du français implique de restaurer certaines corruptions qui ont pu se glisser dans cette langue, laquelle il faut désormais considérer comme une technologie susceptible de perfectionnements incessants. Il ne s’agit nullement de forger un nouvel espéranto qui emprunterait à diverses langues mais de faire ressortir le véritable génie du français, tel qu’il s’est manifesté et incarné au cours des siècles.

   Il y a là un problème de philosophie et d’épistémologie des langues. L’étude des langues met en évidence une volonté de systématisation, qui implique la mise en oeuvre d’une politique qui existe depuis longtemps. En ce sens, la langue s’apparente au Droit. Il importe d’abandonner l’idée selon laquelle une langue se développerait en quelque sorte en dehors des hommes. Si grammaire il y a, ce n’est pas seulement le résultat d’un travail a posteriori mais bien un processus de reconstitution d’un processus générateur qui a forgé la langue ainsi décrite.

   Autrement dit, la logique a complètement à voir avec les langues, ce sont des structures qui ont été mises en place par les sociétés et le grammairien est ipso facto un historien de la langue dont il traite, tout comme un exégète d’un texte contribue à en déterminer la genèse.

   Il importe, en effet, que la langue se libère d’un certain obscurantisme qui en fait comme une sorte de tabou, de sanctuaire car à partir d’une telle représentation de la langue, l’on peut contaminer d’autres champs culturels, religieux, politiques.

   Nous avons trouvé un précurseur de nos propres réflexions chez un Philippe Lalanne, auteur en 1957, de Mort ou renouveau de la langue française (Paris, Ed. A. Bonne), voilà donc près d’un demi-siècle. Laissons-lui la parole :

      - “Une langue aussi peu charpentée et disciplinée que l’anglais n’a pas l'étoffe de jouer un rôle mondial (...) La langue anglaise véhiculée par la puissance américaine est devenue la langue de l’uniformisation d’un monde déshumanisé.”

       - “C’est d’elle-même que l’Europe est venue à la langue française.”

      - Le français “une langue fidèle à elle-même”.

      - “Nul critère ne limite l’enrichissement de la langue anglaise. Il en résulte un gonflement énorme de son vocabulaire (...) Hétérogène par définition, le vocabulaire anglais n’ a même pas les apparences de l’homogénéité.”

      - “La forte proportion de mots d’origine française dans le vocabulaire d’Outre Manche témoigne d’emblée de l’intimité de leurs échanges.”

      - L’anglais “amalgame des débris linguistiques échoués sur la côte anglaise comme les épaves qu’apporte la marée.”

      - “Il est d’expérience que le brassage du bon et du mauvais (nous ne visons que le langage) corrompt généralement le bon sans améliorer le mauvais.”

      - “Le langage est une des institutions les plus conservatrices”.

      - “La langue française deviendra une oeuvre d’art collective (...) toujours mis au point dans des conversations dominées par la règle du bon goût.”

      - “On ne transpose pas les idées, l’esprit d’un monde en violentant la langue d’un autre monde par l’abus d’affreux néologismes. Le seul résultat est une confusion qui corrompt à la fois les idées et les mots.”

      - “Le celtisme (...) tout en ne laissant presque aucune visible dans le corps de notre langue (a) contribué à en modeler l’esprit.”

      - “Les bouleversements politiques et culturels sont inséparables des bouleversement sociaux dont nous n’avons pas vu la fin. Il en résulte (...) en nombre croissant des hommes (…) n’ayant souvent qu’un vernis de culture sans racines.”

      - ”Ainsi à une élite internationale cultivée connaissant à fond le français succédera une masse dominée par l’intérêt et pratiquant mal l’anglais.”

      - “Rivarol note comme l’un des atouts du français la facilité qu’il offre (..) de “descendre” du latin, langue-mère jusqu’à la langue française (sans avoir à se faire) une nouvelle mémoire”.

   Lalanne évoque dans son livre un projet dans les années cinquante de bilinguisme franco-anglais comme langue mondiale.(pp. 188 et seq) :

   “Les zélateurs du “monde bilingue” voudraient voir l’enseignement de l’anglais rendu obligatoire en France et dans les pays francophones et l’enseignement du français imposé chez les anglophones. Les pats où l’on ne parle ni le français ni l’anglais seraient invités à opter pour l’une ou l’autre langue.”

   Il existe certainement un “couple” franco-anglais sur le plan linguistique. De tout temps, les traducteurs ont su que l’on passait aisément du français vers l’anglais, vu que la plupart des mots français se retrouvent peu ou prou en anglais. C’est souvent par le français que les anglais ont eu accès à la culture continentale et d’ailleurs dans bien des cas ils avaient directement accès aux textes en langue française, laquelle langue n’était pas considérée stricto sensu comme “étrangère”.

   L’anglais ne peut pas se passer du français car le français est une matrice pour l’anglais, devenue incontournable. Il est essentiel qu’il reconnaisse sa filiation, de toute façon indéniable, par rapport au français. Car, ce faisant, l’anglais ne serait pas coupé de ses racines, et son hétérogénéité synchronique serait compensée par une continuité diachronique.

   En prétendant descendre directement du latin, l’anglais se place en situation fausse et saute un chaînon, un maillon crucial d’intelligibilité de sa propre genèse et en fait il laisse entendre que le différentiel entre le latin et l’anglais tient à un apport de l’anglais, ce qui ne lui permet pas, ipso facto, de cerner son véritable apport.

   Inversement, il revient au français de prendre mieux conscience de sa paternité par rapport à l’anglais alors que souvent les francophones parlent de l’anglais comme d’une langue étrangère comme n’importe quel autre, l’anglais serait comme un enfant qu’on aurait renié. Tous ces comportements sont vraiment déconcertants aux yeux des tiers.

   Quand un américain débarque à Paris en déclarant qu’il ne connaît pas un mot de français, faut-il en rire ou en pleurer ? Il y a là une ignorance entretenue et qui plus est de part et d’autre. Comment ne deviendrait-on pas schizophrène dès lors que subconsciemment les parentés sont perçues comme flagrantes ?

   Non seulement, donc, l’anglais serait une langue hétérogène, composite mais en plus elle véhiculerait des refoulements, des tabous quant à ses origines ou du moins quant à son Histoire. Elle serait par excellence la langue de la mauvaise conscience, la langue qui traîne derrière elle un passé inavouable, la langue qui a trahi sa germanité pour se franciser sous couvert de latinité, qui remonte au déluge5 pour ne pas reconnaître sa dette envers son voisin, de l’autre côté de la Manche, un voisin qui par le truchement des Normands au XIe siècle a fait basculer son destin; fut-ce là une expérience si traumatisante qu’elle ne puisse près de mille ans plus tard être assumée ?

   Il ne sert à rien de mettre le français et l’anglais en concurrence, ce n’est pas du tout la même dualité qu’entre l’anglais et l’espagnol. Le français et l’anglais constituent bel et bien un pôle civilisationnel capital qu’il importe d’apprendre à gérer. L’anglais ne peut se permettre d’éliminer les mots français en son sein, ce serait un complet sabordage. Peu importe que la France soit ou ne soit plus ce qu’elle a été, son empreinte reste terriblement présente dans la substance même de l’anglais. Que l’anglais reconnaisse aussi que sans une telle proximité avec le français, sans un ressemblance certaine, il n’aurait pu accéder à la position qui est la sienne. On est bien dans la continuité depuis le latin et l’anglais a simplement introduit en quelque sorte un élément germanique qui ne joue en la circonstance qu’un rôle mineur au sein de la dite continuité. Il est probable que cet élément germanique soit voué à se réduire au fil du temps, du fait d’un rapprochement également souhaité avec l’espagnol. Or, le français nous apparaît structurellement comme l’interface entre l’anglais et l’espagnol. La solution de compromis nous apparaît donc celle d’un anglais dégermanisé en tant que langue internationale, l’anglais germanisé continuant sa carrière dans les pays de tradition anglophone tout comme le français continuerait à fonctionner sous sa forme habituelle dans les pays de tradition francophone.

   Ainsi, nous pensons qu’une presse écrite dans cet anglais dégermanisé pourrait se développer et s’imposer au long du XXIe siècle. La mise en oeuvre de dictionnaire de cet anglais lexicalement dégermanisé (No germanic vocabulary English, NGV English) nous apparaît donc comme une priorité, l’informatisation pouvant aisément conduire à des traductions automatiques entre l’anglais et le NGVE, langue aisément compréhensible par les locuteurs hispanophones ou parlant des langues latines ou latinisées ainsi que par tous ceux qui, de par le monde, ont une certaine connaissance de l’anglais.

   On dit souvent d’une langue qu'elle est “belle”, ou qu’elle est “riche” ou qu’elle est “compliquée”, “difficile” mais selon quels critères ? Riche, une langue au vocabulaire très étendu, extrêmement varié, certes mais une langue riche est-elle pour autant une belle langue, une langue, comme on dit de quelqu’un, “bien bâtie” ? Et qu’est-ce donc qu’une langue “simple”, dans l’esprit des gens, sinon une langue qui se conjugue et se décline, qui s’accorde, le moins possible voire pas du tout, bref dont les “règles” sont peu nombreuses et donc facile d'accès, peu pénalisante pour les nouveaux venus qui veulent l’apprendre sans trop avoir à se casser la tête ? Mais l’on sait que moins une langue a de règles et moins elle peut se permettre de fantaisies, faute de quoi on perd le fil du propos. Plus une langue a de mots et plus on risque de ne pas comprendre ce que l’on vous dit ou ce qu’on lit, parce que l’on ne peut s’appuyer sur des racines qui nous sont familières. Autrement dit, il est des langues plus faciles à parler et d’autres plus faciles à comprendre : une conjugaison ou une déclinaison ne modifient pas sensiblement l’apparence d’un mot, ce ne sont que quelques préfixes ou suffixes qui viennent se greffer sur un radical récurrent tandis que le recours à un lexique très vaste raréfie les repères. En ce sens, nous dirons que le français est une langue plus facile à comprendre que l’anglais, de par ses multiples variations autour d’un même thème tandis l’anglais serait langue plus facile pour celui qui veut simplement s’exprimer avec les moyens du bord. L’anglais fait payer son manque de sophistication grammaticale par un fort éclectisme lexical : y gagne-t-on au change ? Inversement, il est difficile de bien parler français comme il est ardu de traduire un texte anglais, tant les tournures employées sont imprévisibles, sauf bien entendu pour un francophone, étant donné la proportion considérable de mots d’origine française.

   Que gagnerait l’humanité au change, entre l’anglais actuel et le NGVE ? Une langue plus homogène, s’inscrivant dans une famille linguistique bien définie, la latine au lieu de continuer sa carrière en tant que langue inclassable et se situant en quelque sorte hors du Temps. Qui contestera en effet qu’il n’y ait eu passage de relais du français vers l’anglais, dans le cours du XIXe siècle et plus certainement dans celui du XXe siècle, et que cela concernait avant toute chose le corpus latin, l'élément germanique étant parasitaire et n’étant pas l’élément légitimant ?

   En tout état de cause, si certains s’accrochent à l’idée d’une origine directe du latin ou souhaitent minimiser le rôle du français comme interface entre latin et anglais moderne, libre à eux, l’essentiel étant d’accepter d’évacuer l’élément germanique de l’anglais du moins quand cette langue est utilisée au niveau international.

Jacques Halbronn
Paris, 22 novembre 2003

Notes

1 Cf. notre étude sur “la Rhétorique de l’immigré”, sur Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr. Retour

2 Cf. notamment le Discours de Rivarol, 1784. Retour

3 Cf. nos travaux sur les Juifs et Dieu, sur E. H.. Retour

4 Cf. nos précédentes études sur Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr, rubrique Gallica. Retour

5 Cf. notre étude sur “la rhétorique de l’immigré”, sur E. H.. Retour



 

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