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9

Restaurer la logique
de la conjugaison du verbe français

par Jacques Halbronn

    Peut-on repenser le français, c’est-à-dire restituer sa logique structurelle première ?

   Notre postulat de départ est le suivant : les langues se corrompent, perdent de leur cohérence initiale et il convient de la retrouver. Par cohérence initiale, on entendra ici non pas un stade premier impossible à cerner mais un certain seuil d’équilibre. C’est donc à une relecture de la langue française que nous avons procédé et qui peut réserver quelques surprises. Nous nous cantonnerons ici à la question de la conjugaison du verbe français que nous revisiterons en vue d’établir une grammaire pour le français du XXIe siècle. Selon nous, en effet, les langues devront évoluer vers une meilleure transparence et ne pourront continuer à être des foyers d’obscurantisme qu’elles sont à l’heure actuelle, où la tendance consisterait plutôt au nom de l’arbitraire du signe à légitimer à peu près n’importe quoi, du moment que “cela se dit” et que “cela s’apprend”. Il n’est pas question ici d’étudier l’ancien français pour confirmer ou infirmer nos thèses mais de tirer un certain nombre de conclusions qui pourront ultérieurement inspirer des recherches sur des états anciens du français.

I - Passé simple et imparfait du subjonctif

   On sait qu’en français, ce qu’on appelle l’imparfait du subjonctif tend à tomber en désuétude comme d’ailleurs le passé simple. Au premier abord, on pourrait croire que l’imparfait du subjonctif a quoi que ce soit à voir avec l’imparfait de l’indicatif.

   Or, une analyse un tant soit peu sérieuse met en évidence les liens structuraux existant entre passé simple et ce qu’on appelle improprement, on va le voir, imparfait du subjonctif. Qu’en est-il au demeurant de l’imparfait de l’indicatif ?

   Prenons un exemple : je voudrais qu’il fît. Qu’il fît ressemble nettement, accent circonflexe mis à part, au passé simple : il fit. On trouverait les mêmes rapprochements pour toute une série de verbes, avec éventuellement l’adjonction d’un t comme dans : Qu’il chantât, il chanta. Au niveau phonique, oral, sinon au niveau écrit, la similitude entre “imparfait” du subjonctif et passé simple est frappante.

   Prenons les auxiliaires :

Qu’il eût, il eut
Qu’il fût, il fut
Qu’il vint, il vint

   Rappelons qu’à l’imparfait de l’indicatif, on aurait : il avait, il était, il venait.

   Il est vrai que notre étude vaut surtout pour la troisième personne du singulier au masculin et au féminin.

   Dans le cas de l’imparfait, les similitudes, curieusement, se situent avec le présent du subjonctif et non avec l’imparfait du subjonctif.

Qu’il prenne : il prenait alors que le présent de l’indicatif est : il prend.
Qu’il s’en aille, il allait alors que le présent de l’indicatif est : il va
Qu’il se taise, il se taisait alors que le présent de l’indicatif est : il se tait.

   Tout se passe ainsi comme si nous avions, dans la grammaire du français, deux couples :

Présent du subjonctif et imparfait de l’indicatif
Imparfait (sic) du subjonctif et passé simple de l’indicatif.

   Le présent de l’indicatif apparaissant, dès lors, comme un cas isolé.

   Pourquoi a -t-on appelé “imparfait” un membre du premier couple et un membre du second alors que l’on s’attendrait à ce que soient appelés “imparfaits” les deux membres d’un même couple.

   Le terme même d’imparfait ne désigne d’ailleurs pas a priori ce qui est révolu mais quelque chose qui est de l’ordre de l’inachevé, ce qui est le propre du présent. En revanche, l’expression “imparfait du subjonctif” apparaît comme impropre puisqu’elle désigne ce qui est révolu au même titre que le passé simple.

   Le cas du présent

   D’ailleurs, le présent de l’indicatif est une forme particulièrement difficile à maîtriser pour un locuteur étranger, comparé notamment avec le futur qui se construit, en français, par suffixation, à partir de l’infinitif : manger / je mangerai.

   Le présent de l’indicatif se caractérise notamment par le fait que nombre de consonnes finales du radical deviennent muettes, du fait du système phonologique du français. Ainsi, j’attends ne fait pas résonner le D final alors que celui-ci s’entend au futur : j’attendrai. Idem pour je comprends, ce qui n’est pas très encourageant pour un débutant en français puisque dire, à voix haute, “je ne comprends pas” est déjà un casse tête.

   Que dire du présent de l’indicatif “je veux”, “je peux” si éloignés du radical consonantique vouloir appelons qu’à l’imparfait du subjonctif, nous avons: qu’il voulût et au passé simple à l’indicatif, il voulut et qu’il pût et il put, qu’il sût et il sut.

   Le cas de la première et deuxième personnes du singulier

   L’imparfait du subjonctif - pour garder cette expression impropre - est également significatif à la première personne : que je fisse, je fis, que j’eusse, j’eus etc. On note que le renforcement de la finale, au subjonctif, consiste en fait simplement à faire en sorte que l’on entende la dernière consonne, ce qui n’est pas le cas au passé simple. Or en ajoutant un “e” à la fin, on fait ressortir la consonne “s” à l’imparfait du subjonctif. Et il en est exactement de même pour la deuxième personne du singulier.

   Qu’en est-il au pluriel ? Il semble bien que le parallèle n’existe pas et ce tout simplement parce qu’à l’imparfait du subjonctif, il y a simplification par rapport au passé simple : causassions à l’imparfait du subjonctif pour causâmes au passé simple, causassiez pour causâtes, causassent, pour causèrent.

   Les huit modulations du verbe français

   Si nous faisons le compte, nous avons deux modulations à l’indicatif (imparfait et passé simple), deux au subjonctif (présent et imparfait), une à l’infinitif jumelée avec la modulation du futur (et accessoirement du conditionnel) et, isolée, la modulation du présent de l’indicatif que les grammairiens ont voulu associer, à tort, selon nous, avec le présent du subjonctif.

   Mais ne pourrait-on associer le présent avec le participe passé ? Je pense, pensé, je danse, dansé etc, ce qui a d’ailleurs donné en anglais : change, changed. D’ailleurs on appelle cette forme en anglais : present perfect, étant entendu que le participe passé se construit à partir de la troisième personne du singulier, par adjonction d’un e accentué, pour certaines conjugaisons, d’une consonne qui s’entend notamment au féminin, pour d’autres : je prends, pris, prise.

   Les causes d’une confusion

   Ce qui a pu conduire à rapprocher le “présent de l’indicatif” du “présent du subjonctif” tient à certaines similitudes. Ne dit-on pas : je chante, que je chante. On croit ainsi pouvoir observer que souvent les deux formes sont identiques. Mais il s’agit là de cas particuliers et souvent le présent est fort éloigné de la forme subjonctive, comme on l’a vu : que je comprenne, je comprends, que je veuille, je veux etc.

   Nous sommes placés, en tout cas, face à une description grammaticale défectueuse que nous nous proposons de (faire) rectifier.

   Il ne faudrait pas, en effet, s’imaginer que la grammaire d’une langue n’est pas perfectible, elle est fondée sur des observations plus ou moins pertinentes. Notre approche, précisons le est à ce niveau de type structurel, archéologique, elle ne s’appuie pas sur l’étude de textes anciens, il y a là recours à une méthodologie particulière à propos de laquelle il peut y avoir débat.

   Passage de huit à six modulations

   Nos observations nous semblent pertinentes dans le domaine de la didactique du français langue étrangère. Il conviendrait alors d’expliquer que l’imparfait de l’indicatif est en fait une sorte de présent narratif.

   En fait, le présent du subjonctif devrait s’appeler imparfait du subjonctif et l’imparfait du subjonctif un passé simple du subjonctif. Il semble qu’il y ait eu glissement.

   Il est remarquable, comme nous le notions au début de notre exposé, que le passé simple de l’indicatif soit en perte de vitesse tout comme l’imparfait du subjonctif. On resterait ainsi avec six modulations : “imparfait” (ex présent) du subjonctif et imparfait de l’indicatif, infinitif et futur, présent et participe passé.

   La simplification des conjugaisons

   L’exemple anglais, avec ses emprunts massifs au français, montre bien comment une langue peut être simplifiée et de fait la syntaxe du français est simplifiée en anglais, le pluriel étant assimilé au singulier dans la plupart des cas : I think, we think. De même, au sein d’une même langue, peut-on assister à des simplifications et en ce sens le subjonctif est plus simple que l’indicatif : ils mangèrent, qu’ils mangeassent directement dérivé de qu’il mangeât alors que mangèrent introduit de nouveaux éléments, de nouvelles sonorités, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas pour l’imparfait de l’indicatif où le pluriel, phoniquement, s’entend comme le singulier : je mangeais, tu mangeais, il (elle) mangeait, ils (elles) mangeaient.

   Subjonctif et infinitif

   En français, l’on peut souvent faire l’économie du subjonctif en recourant à l’infinitif. Il faut que tu chantes, il te faut chanter, ce qui est une forme invariable, quelle que soit la personne : il nous faut chanter, il leur faut chanter etc.

   On peut se demander si cette forme n’est pas à rapprocher du futur anglais, formé d’un auxiliaire suivi d’un verbe invariable : you will look, he will look, we shall look et ainsi de suite.

   Dès lors, l’infinitif jouerait en anglais un rôle déterminant dans la formation du futur, ce qui est d’ailleurs le cas en français mais par suffixation.

   L’anglais use volontiers de Let suivi de l’infinitif : Let‘s do it, ce qui correspond au français: il faut le faire.

   D’ailleurs, le subjonctif en français a souvent valeur de futur : il faut que tu parles signifie bien il faudra que tôt ou tard tu parles.

   Notons qu’en français, l’infinitif a souvent valeur d’impératif : ne pas fumer ou ne fumez pas. Et ce d’autant que phoniquement, la différence au niveau verbal n’est pas audible

II - Passé simple et imparfait de l’indicatif

   Nous proposons dans cette seconde section de réexaminer à frais nouveaux le dossier de la conjugaison du verbe français en mettant en évidence d’autres problématiques pour parvenir enfin à parachever le puzzle.

   Question : pourquoi le pluriel du présent du subjonctif, à la première et à la deuxième personne, comporte-t-il un “i” intercalaire : nous passons, que nous passions et ainsi de suite, qui sont des formes utilisées à l’imparfait de l’indicatif ? Pourquoi le présent du subjonctif mélangerait-il donc le présent et l’imparfait de l’indicatif ?

   Question: pourquoi à l’imparfait de l’indicatif trouve-t-on des formes suffixales en “ai” sauf dans le cas des premières et deuxième personnes du pluriel où l’on trouve des formes se terminant respectivement en “ons” et en “ez” ?

   Question : pourquoi ces formes “ons” et “ez” ne sont-ils pas de rigueur pour le passé simple, aux première et deuxième personne du pluriel ?

   Nous parlions (imparfait), nous parlâmes (passé simple) et ainsi de suite. Nous avions déjà signalé dans notre première section ce que l’imparfait du subjonctif devait au passé simple du moins pour les personnes du singulier. En revanche, pour les première et deuxième personne du pluriel, on retrouve des finales en “(i) ons” et “(i)ez” : que nous parlassions, que vous parlassiez. En fait, l’imparfait du subjonctif semble ne se distinguer, aux première et deuxième personnes du pluriel, que par l’interpolation de “ass” : que nous parlions, que nous parlassions (cf. infra).

   C’est dire qu’en français, les première et deuxième personnes du pluriel font problème.

   Revenons sur le cas du passé simple qui semble pouvoir servir de référence, de point d’appui. On montrera notamment comment on passe du passé simple à l’imparfait de l’indicatif. On remarque ainsi que cela passe par l’ajout d’un “i” intercalaire à la deuxième personne du singulier : Tu mangeas, tu mangeais.

Dans le cas de la troisième personne du singulier, on a :
il mangea, il mangeait. L’on a ajouté “it” à la fin.

Dans le cas de la première et la deuxième personnes du singulier, on a :
je / tu lus, je / tu lisais. Soit l’ajout d’une finale “ais”.

Nous proposerons au pluriel de procéder pareillement :
nous mangeames (passé simple) donnerait nous mangeaimes.
vous mangeates, vous mangeaites.

   Dès lors, l’anomalie au présent du subjonctif disparaît puisque plus aucune ressemblance n’existe avec l’imparfait de l’indicatif.

   Il nous semble que les finales en “ons”, “ez” devraient être réservées pour le présent de l’indicatif et du subjonctif et être exclues du passé simple et de l’imparfait (indicatif et subjonctif).

   On notera que sous cette nouvelle formulation, le passé simple et l’imparfait se ressemblent singulièrement, ce que souligne la première personne du singulier au passé simple et à l’imparfait : je dansai (passé simple), je dansais (imparfait).

   Mais que dire de la première et de la deuxième personnes du pluriel de l’imparfait du subjonctif dont on a vu qu’elles se terminaient en “assions” et “assiez” respectivement, ce qui est d’autant plus insolite que les finales “ons” et “ez” n’existent pas au passé simple à partir duquel le singulier de l’imparfait du subjonctif se constitue ? En revanche, elles existent à la première et deuxième personne du futur (nous mangerons, vous mangerez,) sur le modèle du présent de l’indicatif.

   Il conviendrait plutôt de dire : que nous parliames, que vous parliates, avec ajout d’un “i” comme pour le présent du subjonctif par rapport au présent de l’indicatif.

   En ce qui concerne la troisième personne du pluriel, il est probable que le passé simple qui a été mieux préservé nous fournisse des éléments de réponse : ils parlèrent doit être rétabli en “ils parlarent”, ce qui donne à l’imparfait, “ils parlairent”, qui a pu être rendu, sous une autre orthographe, par ils parlèrent.

   Nous aurions ainsi pour les trois personnes du pluriel, trois consonnes de différenciation : M pour la première, T pour la deuxième, R, pour la troisième. Mais cela ne vaut que pour l’accompli, le passé. En revanche, pour l’inaccompli, nous avons des marqueurs vocaliques pour ces trois personnes au pluriel : ONS pour la première, EZ, pour la deuxième, ENT pour la troisième, étant entendu que ce ENT devrait pouvoir se prononcé, sonorisé, comme dans ANT et ne pas rester muet, ce qui génère d’ailleurs une confusion avec la troisième personne du singulier. Rappelons que si la nasale EN / EN vaut pour le présent, la nasale ON vaut pour le futur (ils mangeront). Pour éviter la confusion avec le participe présent en ANT, il conviendrait de prononcer différemment ENT et ANT, comme on le faisait autrefois, on devrait prononcer ENT comme dans “bien”, “tiens” et non comme dans “parent”. Une des raisons de la non prononciation actuelle de la finale ENT au présent de l’indicatif tient selon nous à l’assimilation avec le cas de l’accompli dans le cas du passé simple : ils mangèrent, mais dans ce cas le “r” est suffixal (mang-èrent) alors qu’au présent, il s’agit du radical verbal : chant-ent.

   En revanche, la troisième personne du pluriel de l’imparfait n’avait pas semblé insolite (ils parlaient) à cela près qu’à l’oreille, on ne distingue pas avec la troisième personne du singulier de l’imparfait : (il parlait). Le suffixe “ent” semble bien, dans tous les cas de figure, désigner la troisième personne du pluriel, tant au présent qu’au passé ou au futur, tant à l’indicatif qu’au subjonctif. Il n’y a qu’au futur et au passé simple, ainsi qu’à l’imparfait du subjonctif (qu’il parlat / qu’ils parlassent), que la troisième personne du pluriel s’entend autrement que la troisième personne du singulier : il parlera, ils parleront, alors qu’on a les homophones suivant au présent de l’indicatif et du subjonctif ainsi qu’à l’imparfait de l’indicatif : il parle / ils parlent, il parlait / ils parlaient, qu’il parle / qu’ils parlent.

   Deux poids deux mesures selon les temps et les modes. Comment ainsi distinguer à l’oreille : il parlait et ils parlaient ; et cela vaut bien entendu tant pour le masculin que pour le féminin ? Les seuls cas où la différence s’entend, c’est lorsque le verbe commence par une voyelle, ce qui détermine une liaison faisant ressortir le pronom personnel (il aime / ils (z) aiment ; elle / elles).

   Il importe donc de rétablir les formes à la troisième personne du pluriel tant au présent (indicatif et subjonctif), par la sonorisation de l’ENT, qu’au passé (indicatif et subjonctif).

Imparfait : ils parlairent, Passé simple : ils parlarent, ce qui donne à l’imparfait du subjonctif :
(Que) nous parliâmes, (que) vous parliâtes, (qu’) ils / elles parliarent.

   La forme en “ass” de l’imparfait du subjonctif n’est nullement de mise au pluriel. Elle se conçoit en revanche au singulier où le S figure déjà à l’indicatif à l’imparfait (je mangeais, que je mangeasse, tu mangeais, que tu mangeasses). Ce qui montre tout de même l’existence de liens entre imparfait de l’indicatif et imparfait du subjonctif ; la forme “je mangeai” nous semblant incapable de générer que je mangeasse, du fait du manque du S final. Mais ce problème ne se pose que pour ce type de verbe en er. La forme “je mangeas” nous semble plus approprié que “je mangeai”. Pour les verbes en ir, le s est bel et bien présent à la première personne du singulier du passé simple (je fis, que je fisse).

   Puisque comme on l’a vu dans la première section, l’imparfait du subjonctif est dérivé du passé simple et non de l’imparfait, qui lui est d’ailleurs, désormais très proche.

   Comment expliquer la confusion existante ? 1 Tout se passe comme si les marqueurs de l’inaccompli (présent, futur) avaient contaminé les marqueurs de l’accompli, mais ce uniquement pour le pluriel du verbe. Le marqueur vocalique se serait ainsi substitué au marqueur consonantique : ONS à M, EZ à T.

   En revanche, là où la troisième personne du présent (indicatif et subjonctif) aurait eu besoin d’un marqueur vocalique, EN (prononcer AN), on aurait opté pour un marqueur zéro, c’est-à-dire muet. Il y a là une anomalie évidente d’autant que la non prononciation du EN en français n’est attestée que dans ce cas là. Il faudrait prononcer le suffixe verbal ENT comme dans comment, gouvernement etc.

   Certains seront peut-être choqués par notre description reconstitutive du français. Ce n’est pourtant qu’en démontrant la capacité de gestion de la langue que le français pourra se faire respecter, on ne peut plus se contenter d’une sorte d’empirisme linguistique du type “du moment que l’on se comprend”. Il est essentiel que le français démontre sa supériorité de façon à déterminer un consensus dont toute l’Humanité pourra profiter : non seulement en soulignant l’influence d’ailleurs souvent fâcheuse qu’il a eu sur d’autres langues qu’il a contribué à déstructurer mais en démontrant que, lui, a su, a contrario, mieux préserver son intégrité au point de pouvoir rectifier certains errements.2

   Si on compare avec l’anglais, on observe que la conjugaison anglaise est simplifiée tant pour l’accompli que pour l’inaccompli (finale ed à toutes les personnes, pour les verbes faibles, généralement d’origine française). Ce ed est la trace de la forme française en ed, remplacée par la suite par é. Elle est largement attestée en ancien français (comme dans les blés) et on a gardé la consonne du participe passé en espagnol (en d, cantado), l’italien ayant la forme T (parlato). Autrement dit, l’anglais a déterminé son inaccompli à partir du passé composé français, ce qui confère aux prénoms personnels au rôle plus essentiel qu’en français, la suffixation visant en effet à se substituer à la préfixation du prénom personnel. On notera qu’il n’y a pas stricto sensu de conjugaison en anglais ou que celle-ci est réduite à la portion congrue: au futur, il faut recourir à un auxiliaire alors que le verbe reste inchangé. L’impératif exige de préciser par ailleurs le pronom personnel (Let us go !). Quant au présent anglais, il faut impérativement tenir compte du pronom personnel, le verbe restant inchangé, sauf à la troisième personne du singulier et au passé - il s’agit là d’une marque résiduelle - on se contente d’ajouter la consonne dentale D, à la fin du verbe et cela quelle que soit la personne. I ask, I asked. D’où l’importance extrême en anglais du phonème D qui distingue le présent et le passé, sauf bien entendu dans le cas des nombreux verbes irréguliers (I go, I went, gone) qui sont le reliquat d’un système disparu. Or, cette importance extrême conférée à la présence ou non d’une consonne en fin de mot est probablement empruntée au français, non pas tant au niveau verbal qu’à celui des marqueurs de genre, comme grand où le d ne s’entend pas au masculin et grande où il s’entend. On notera que les anglais ont adopté le type de conjugaison française au singulier et qu’ils l’ont étendu au pluriel ; en effet, au singulier, le français distingue très peu entre les trois personnes alors qu’il les différencie nettement au pluriel.

   Le recours en français au pronom personnel devant le verbe est souvent redondant, faisant double emploi avec le système suffixal. On a donc en français un système mixte qui aura permis de pallier la corruption du système suffixal, lui servant de béquille. En espagnol, le rôle du pronom personnel dans la conjugaison est sensiblement moindre. Il serait bon de se diriger vers une conjugaison du français intégrant le pronom personnel au niveau suffixal et non plus au niveau préfixal comme c’est encore trop souvent le cas.

Jacques Halbronn
Paris, 6 octobre 2003

Annexes
Rappel des conjugaisons françaises rectifiées selon J. Halbronn

INACCOMPLI

    Présent (indicatif et subjonctif) :
Indic : Je mange, tu manges, il mange, nous mangeons, vous mangez, ils mangent (sonorisé en IN)
Subj : Que je mange, tu manges, il mange, nous mangions, vous mangiez, ils mangient (sonorisé en IN)

Futur (inchangé) : Je mangerai, tu mangeras, il mangera, nous mangerons, vous mangerez, ils mangeront.

ACCOMPLI

    Passé simple : Je mangeas, tu mangeas, il mangea, nous mangeâmes, vous mangeâtes, ils mangeârent.

   Imparfait indicatif : Je mangeais, tu mangeais, il mangeait, nous mangeaimes, vous mangeaites, ils mangeairent.

   Imparfait subjonctif : Que Je mangeasse, tu mangeasses, il mangeat, nous mangiâmes, vous mangiâtes, ils mangiarent.

   Nous avons souligné les formes modifiées, tant sur le plan graphique que phonique.

Notes

1 Cf. nos travaux sur les marqueurs du masculin et du féminin, au niveau adjectival, en français. Retour

2 Cf. notre étude sur les formes négatives en français, sur E. H. Retour



 

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