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JUDAICA

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Instrumentalisation identitaire des Juifs
et formation des peuples

par Jacques Halbronn

    On dit souvent que c’est la pratique religieuse qui aurait permis aux Juifs de se perpétuer. Une telle affirmation qu’il conviendra de commenter a, en tout cas, le mérite de poser le problème de la pérennité des Juifs, au fil d’une Histoire des plus complexes, dispersés, comme on dit, parmi les Nations.

   L’explication religieuse rencontre cependant, du moins au départ, certaines objections : suffit-il de pratiquer un rite pour être juif ou pour le devenir, avec à la clef la question de la conversion et, par ailleurs, cesse-t-on d’être juif si l’on ne pratique pas ou plus ? Tout dépend en fait de ce qu’on entend par religion et par pratique et cela nous amène à aborder la question sous l’angle de l’anthropologie religieuse et au niveau des processus subconscients ou inconscients. Le judaïsme impliquerait-il l’existence, la mise en oeuvre d’un inconscient collectif, au sens jungien du terme, spécifique à une certaine population ? Pourrait-on être juif, en quelque sorte, sans le savoir et sans le vouloir ?

   Il nous semble, en effet, que les Juifs soient largement dépassés par leur destin, que celui-ci leur échappe et en même temps les tient, où qu’ils soient et quoi qu’ils fassent, quelle que soit leur pratique extérieure. La judéité serait une marranité, c’est-à-dire un processus / phénomène souterrain voire occulte. Marranité en ce sens que même le judaïsme officiel ne correspondrait que superficiellement à la vraie pratique “religieuse” des Juifs.

   Nous avons exposé / évoqué, dans de précédentes études, la thèse d’une religion astrale juive et sans y revenir spécialement, nous pensons qu’il importe de réfléchir plus généralement sur ce qui cimente une population pour en faire un peuple, sur les conditions d’émergence d’une certaine société relativement soudée.

   Le modèle que nous utilisons pose comme condition nécessaire l’existence d’un lien, du moins au début du processus de cohésion, avec une réalité matérielle, concrète, ce qui implique que si l’élément religieux est important, on ait affaire à un culte lié à une telle réalité objectivable et non pas exclusivement à un être virtuel, invisible. “Le pouvoir est une relation (...) une interaction”, écrivent justement B. Bonfils-Mabilon et B. Etienne.1 On pourrait en dire autant d’une religion, en précisant que Dieu est une relation, une interaction entre les hommes et un objet de culte, en tout cas un élément totémique. Importe-t-il que cet objet existe en soi, que sa présence et son existence objective, ne dépende pas de ceux qui s’y raccordent, soit naturelle, si l’on veut, ou qu’il ait été fabriqué (artefact) par ceux-ci, comme le serait une idole ou un temple ?

   On pourrait éventuellement parler, dans le jargon des psychanalystes, d’objet transactionnel, en tout cas d’un objet consensuel en lequel tous les membres de la société considérée se reconnaîtraient. Il importe qu’un tel objet puisse être perçu sensoriellement par tous ceux qui sont impliqués. Pourrait-il s’agir d’un livre écrit en un certain alphabet et dont chaque membre serait possesseur ou en présence duquel il se trouverait régulièrement ?

   Nous aurions eu tendance à ironiser sur ces Juifs qui comprendraient quasiment pas l’hébreu mais se contenteraient de contempler des textes écrits en cette langue, et plus précisément en un certain alphabet et dont émaneraient ce qu’on appelle des ondes de forme.2 Mais, réflexion faite, la dimension matérielle, visuelle, d’une langue, les supports qui sont les siens importeraient davantage que le message contenu, lequel peut être traduit en de multiples langues de par le monde. Se pourrait-il donc que littéralement les juifs soient le peuple du Livre ? Ils seraient dès lors façonnés par ce rapport exclusif avec certaines formes, quand bien même l’alphabet hébraïque “carré” serait-il araméen et n’aurait rien de juif en soi. C’est là toute la question de l’instrumentalisation. La forme importe ici plus que le fond car elle parle au corps, il se constitue, à la longue, entre la forme et l’organisme humain des liens mystérieux. On aurait là une explication alternative, pour la formation du peuple juif et son maintien, du fait de son rapport récurrent et continu avec l’alphabet hébraïque, notamment lors de la prière, sans parler évidemment des sonorités qui pourraient être obtenues à partir des textes porteur du dit alphabet.

   En ce qui concerne d’autres peuples, pourrait-on parler d’une géographie, d’une géologie, d’un climat, d’un relief particuliers (montagne, fleuve, forêt etc), d’une présence continue dans les mêmes lieux, dans la même ville, elle aussi, porteuse de formes ? Et quid d’une même nourriture ? Mais la thèse de l’environnement ne nous paraît guère pouvoir s’inscrire dans un schéma religieux. En réalité, tout oppose cette thèse naturaliste - ce qui ne signifie évidemment pas qu’elle ne puisse rendre compte de certaines particularités locales - avec celle qui est la nôtre d’une instrumentalisation de caractère parfaitement volontaire et conscient.

   Il convient de comprendre qu’il ne suffira pas pour devenir juif de s’imprégner de la forme hébraïque au niveau individuel, il importe d’appartenir à une certaine filiation, bref le lien ne s’établira pas si l’on ne bénéficie pas d’une très ancienne programmation, pour le faire. On ne devient pas du jour au lendemain récepteur d’une émission qui n’existe que par instrumentalisation et non par elle-même. Si l’on prend l’exemple de l’alphabet hébreu, celui-ci ne joue son rôle que si l’on est sensibilisé à sa présence, que si on sait, ancestralement, le décoder, non pas bien entendu sur le plan linguistique mais sur un plan religieux, le lien entre les juifs et cet alphabet étant Dieu, puisque Dieu est interface entre deux objets, ce qui est aussi vrai pour l’Amour, pour le Pouvoir. Selon nous, on ne peut aimer un être abstrait, mais l’amour est ce lien en quelque sorte virtuel entre deux êtres mais qui n’en est pas moins puissant. Or, quand des millions de gens de par le monde ont développé, en quelque sorte dans leurs gènes, la même relation avec le même objet, on peut parler de peuple.

   On peut même se demander si les juifs ne constituent pas le peuple par excellence, du fait de leur dispersion et des mimétismes dont ils ont fait l’objet. On peut aussi se demander si les Juifs ne constituent pas, par eux-mêmes, un objet de focalisation pour d’autres populations; ce qui conférerait à l’antijudaisme / antisémitisme / antisionisme une autre dimension. On comprend dès lors l’importance de toute politique à l’égard des Juifs pour l’identité des peuples de la planète. Croire que les Juifs sont perçus de façon identique, ce serait laisser entendre que tous les peuples sont identiques. Or, les Juifs sont voués à être instrumentalisés, c’est-à-dire perçus selon les grilles les plus variées et contradictoires et il serait vain de s’en offusquer.3

   On aurait ainsi un système à deux échelons :

      1° Les juifs comme peuple organisé autour d’une alliance (en hébreu Brit), pour employer une expression consacrée (c’est le sens du mot Testament (Ancien et Nouveau) avec un objet (alphabet, astre, circoncision (Brit mila) des enfants mâles etc).

      2° Les autres peuples (goyim) se constituant, avec de très nombreuses variantes, par rapport (positif ou négatif, peu importe) aux Juifs.

   Nous avons souvent insisté, en effet, sur l'extrême variété des liens juifs-non juifs d’une société à l’autre4, en soulignant le fait que ces relations n’étaient pas transposables / transférables et étaient assez figées et enracinées dans la longue durée.

   Ce peuple juif, tel que nous le définissons, lié à un objet accessible de partout, soit parce que reproductible - le manuscrit, le livre - soit parce que visible de toute la Terre - les astres - a une filiation qui passe par les hommes et non par les femmes, d’où notamment la circoncision des enfants mâles ainsi que le rôle central des hommes à la synagogue, lieu par excellence de la présence de l’hébreu, autour notamment des rouleaux de la Torah, langue et alphabet dont on rappellera qu’ils sont devenus ceux de l’Etat d’Israël. Ce primat du masculin est essentiel pour éviter les travers de l’endogamie. Nous avons posé la femme comme un élément neutre, non transmetteur de la judéité, ce qui permet au peuple juif d’intégrer en son sein des femmes non juives, sans risquer pour autant, d’interrompre une chaîne génétique qui n’est menacée que par l’absence de progéniture mâle. La thèse de l’exogamie juive conduit, par ailleurs, à permettre à des non juifs de se judaïser en prenant des femmes nées en milieu juif sans pour autant les intégrer au sein du peuple juif. On voit donc à quel point les femmes peuvent jouer, dans les deux sens, un rôle d’interface. Par voie de conséquence, notre position ne favorise pas particulièrement l’union entre un juif et une femme de père juif et jette un autre regard sur la notion de mariage mixte. L’homme qui n’est pas né d’un père juif ne peut devenir juif. La femme; en tout état de cause, quelles que soient ses origines, ne peut que donner naissance à un enfant mâle juif qu’elle aura eu avec un homme juif.

   Nous aurions donc affaire à deux niveaux d’instrumentalisation :

      1° Instrumentalisation par les Juifs de certains objets, et mise en place d’une programmation (acquise) transmissible par rapport à ces objets.

      2° Instrumentalisation des Juifs par les non juifs selon diverses modalités.

   En fait, les juifs ne font problème qu’en cas de mouvement de population, conduisant à des représentations peu compatibles des Juifs. Les Juifs sont, en quelque sorte, le garant de la spécificité de chaque peuple dans la mesure même où chaque peuple aurait sa façon de percevoir les Juifs comme “autre”.5 Paradoxalement, les Juifs ont tout intérêt à préserver l’intégrité des cultures dans lesquelles ils se trouvent, - ils en seraient même les garants - et n’ont rien à gagner d’un certain cosmopolitisme ou d’une forme de supranationalité, qui ne peut que brouiller leur image.

   On comprend mieux dès lors pourquoi la question juive est récurrente et en quelque sorte non évacuable. On sait ainsi à quel point l’existence de l’Etat d’Israël est un élément déterminant pour le processus identitaire arabo-musulman. S’il n’existait pas, il faudrait l’inventer. Qu’on imagine ce qu’aurait été la seconde moitié du XXe siècle pour le monde arabe sans Israël et singulièrement pour les arabes palestiniens.6 Que seraient les arabes sans le pétrole et sans Israël ? L’Islam moderne est sous-tendu par ces deux éléments constitutifs de son identité.

   Cette instrumentalisation des Juifs explique l’importance apparemment disproportionnée que Adolf Hitler accordait à la question juive. Or, quand on sait à quel point les Juifs pèsent sur tout processus identitaire, pour un peuple donné, on ne devrait pas être trop surpris. Rappelons aussi le rôle majeur que les Juifs ont joué dans la formation du christianisme, par l’instrumentalisation poussée à l'extrême dont ils ont été l’objet par des populations non juives, que ce soit par le rejet (Inquisition à l’encontre des “nouveaux Chrétiens” ou la fascination (Kabbale Chrétienne, sionisme chrétien, par exemple).

   Nous n’avons pas voulu ici, dans le cadre de cette étude, préciser sur quelle base instrumentalisante fonctionnait le peuple juif. Nous avons laissé la question ouverte, préférant descendre en aval et passer à l’instrumentalisation identitaire dont les juifs étaient l’enjeu. Faut-il privilégier leur rapport avec la lettre hébraïque ou bien celui des juifs avec une certaine structure astrale, la liste n’étant pas exhaustive ? Rappelons qu’il importe peu que de nos jours les juifs soient “croyants” ou “pratiquants”, il est question ici d’un processus qui les dépasse au niveau individuel. C’est au niveau de mécanismes inconscients que fonctionne désormais l’instrumentalisation. Il suffit que l’objet en question existe et soit perceptible par ceux qui sont programmés pour l’identifier, pour que le système fonctionne. Tout est dans la présence (Shekhina).

   En fait, ce qui distingue probablement le juif du non-juif, c’est qu’il est plus solaire que lunaire, plus masculin que féminin, qu’il est par excellence le peuple source, par rapport auquel les autres peuples se situent. On a les Juifs que l’on mérite, avons-nous écrit, un jour. Nous avons cependant réfuté l’accusation de cosmopolitisme des juifs qui est fondée sur un raisonnement spécieux : le fait qu’il y ait (eu) des juifs au sein des nations les plus diverses ne signifie nullement que les juifs puissent / doivent circuler d’un pays à l’autre et s’implanter du jour au lendemain où bon leur semble ou en répondant à quelque invitation venue d’ailleurs. Nous nous portons également en faux contre la représentation du judaïsme en tant que religion “comme les autres”, ce qui semble être, au prime abord, un moyen commode d’expliquer leur différence et leur dispersion. Les juifs sont bel et bien imprégnés des religions des pays dans lesquels ils vivent, il est des juifs christianisés ou islamisés. En ce sens, nous rejetons le communautarisme en ce qu’il aurait de terriblement réducteur pour les Juifs. Un des dangers de la présence musulmane en France tient précisément à une telle représentation, même chez les mieux intentionnés. Le judaïsme français appartient historiquement de plein droit au monde chrétien, si longtemps opposé au monde islamique avant la malheureuse ère coloniale, le terme d’ailleurs désignant en grande partie la pénétration dans le monde islamique; on ne dit pas que Napoléon a “colonisé” l’Europe mais qu’il l’a conquise. Qu’il y ait au sein de la communauté juive de France des juifs issus du monde islamique (d’Alger à Salonique en passant par Alexandrie) est source d’une confusion regrettable. Et nous n’accepterons pas de fausser nos analyses pour satisfaire un syncrétisme de mauvais aloi. Ces juifs dits, à tort ou à raison, séfarades, sont aujourd’hui sur la sellette. Ils ont probablement vocation à aller vivre en Israël comme l’ont fait ou tenté de nombreux juifs du Maghreb. Selon nous, le devoir du judaïsme français est de rejeter ce qui est lié, en France, au monde islamique, toutes tendances confondues, car comme nous l’avons exposé, contrairement à ce que l’on imagine trop souvent, les Juifs, dans un pays donné, sont les garants - les souris blanches, les sonnettes d’alarme - de son équilibre et toute remise en cause de cet équilibre conduit d’ailleurs à exacerber ce qu’on appelle la question juive.

Jacques Halbronn
Paris, 4 deacute;cembre 2003

Notes

1 Cf. La science politique est-elle une science ? Paris, Flammarion, 1998, p. 32. Retour

2 Cf. les travaux de Jacques Ravatin. Retour

3 Cf. le dossier des Cahiers du CERIJ, n° 9, Site Cerij.org. Retour

4 Cf. notre texte antisémitisme et immigration, sur E. H.. Retour

5 Cf. notre étude “structuralité et contingence de l’être juif”, in Cahiers du CERIJ, n° 12 et sur E. H. Retour

6 Cf. E. Carcassonne, “Universel juif et singulier palestinien. De la mutation identitaire israélo-palestinienne”, in Cahiers du CERIJ, n° 12. Retour



 

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