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JUDAICA

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L’Elément juif comme classe sociale

par Jacques Halbronn

“Instituteur, j’évoquais un jour avec mes élèves l’origine de l’homme.
Au moment de la récréation, l’un d’eux me demanda :
- Mais alors... ça veut dire que les singes du zoo seront des hommes dans quelques années ?”1

    Il semble bien que la question juive soit indissociable de celle du fonctionnement des sociétés, comme Karl Marx l’avait pressenti. Tant qu’on ne comprendra pas ce que sont les Juifs, on ne saisira pas ce qu’est une société. Mais bien des facteurs empêchent de penser correctement ce qu’est le Juif et il convient de les cerner pour éviter de penser un ensemble syncrétique, hétérogène, ce qui ne pourrait aboutir qu’à une réflexion bancale.

  Nous avons déjà souligné les liens entre antisémitisme et immigration (sur E. H.) Et nous voudrions consolider notre thèse en abordant la question du processus de la Shoah. Christopher Browning montre bien2 que la persécution des Juifs allemands n’aurait probablement pas conduit à leur extermination si la guerre n’avait au départ favorisé l’Allemagne. Au fur et à meure, en effet, que les armées du régime nazi progressait, le nombre de Juifs augmentait en proportion, d’abord du fait de l’invasion d’une partie de la Pologne puis à la suite de la rupture du pacte germano-soviétique et la campagne militaire victorieuse qui s’en suivit et qui allait encore accroître considérablement la quantité de Juifs à gérer. Peu à peu, l’idée que l’on pourrait mettre fin radicalement à la présence juive en Europe fit son chemin car cela devenait faisable dans la mesure même où une grande partie du judaïsme mondial se trouvait sous le contrôle des Allemands, ce qui n’était pas vraiment prévisible en 1939. Il en fut de même du côté russe : l’invasion de territoires par les armées soviétiques augmenta sensiblement la population juive à gérer et une population encore moins facilement intégrable que celles habituées à vivre au sein de l’URSS.3 Par ailleurs, il convient de rappeler que le statut particulier des Juifs de Russie, au sein d’une aire de résidence qui leur était assignée, tenait au fait qu’il s’agissait en réalité de Juifs polonais immigrés au XVIIIe siècle dans l’empire des tsars, situation qui se perpétua grosso modo jusqu’à la Révolution d’Octobre.4

  Ajoutons que ce sont les Juifs russes qui attirèrent tout particulièrement la vindicte nazie, eux qui étaient considérées comme étant au coeur du pouvoir bolchevique. La Révolution Russe et ses lendemains apparaissait comme l’oeuvre des Juifs. D’où une volonté particulière de s’en prendre à eux et ce de la façon la plus radicale. Ce n’est donc, nous apparaît-il, que par un glissement progressif que le processus d’extermination en vint à toucher la population juive allemande, originellement la seule sur laquelle le chancelier Adolf Hitler exerçait un véritable pouvoir.

  Ce que nous concluons de cette analyse : le sort des Juifs allemands a été, en quelque sorte, contaminé par celui des Juifs russes, lesquels étaient en tout état de cause, amalgamés avec l’ennemi communiste. On retrouve là peu ou prou le rôle des Croisades dans l’essor de l’antijudaïsme du fait de la rencontre, sur leur chemin, des armées occidentales avec des Juifs orientaux. Cela explique probablement l’interdiction à terme, au XIVe siècle, de la présence juive en France. Comprenons que si les Juifs sont maltraités en un lieu x, cela risque tôt ou tard de donner des idées aux populations d’un lieu y ayant des Juifs en leur sein. Dans le cas de Vichy, il ne fut pas nécessaire que les nazis imposent une politique anti-juive à la France, leur exemple suffisait. Si les juifs des pays arabes sont traités d’une certaine façon et si cela se sait, cela rejaillira sur les juifs d’autres pays et cela sera encore plus flagrant si des immigrés issus du monde arabe viennent vivre, eux-mêmes, dans les dits pays, véhiculant ainsi leur antijudaïsme, dans leurs bagages et si des juifs du dit monde arabe eux-mêmes émigrent vers d’autres cieux.

  C’est pourquoi nous insistons sur le fait que tout mouvement de population juive ou / et non juive (si elle a “ses” Juifs) est porteur d’un nouveau souffle pour l’antisémitisme.

  En fait, la question juive, selon nous, met en évidence la difficulté des sociétés à intégrer des éléments étrangers, qu’ils soient ou non Juifs. Il est clair, par exemple, que les juifs d’Alsace ne sauraient être mis sur le même pied que les Juifs d’Algérie, ceux d’Alsace ayant un rapport séculaire à la France qui n’est pas comparable à celui de la population judéo-algérienne vivant de longue date dans un tout autre contexte politico-religieux. Les Juifs ne sont nullement interchangeables, nous ne le répéterons jamais assez. La présence de Juifs étrangers est un facteur majeur d’antisémitisme comme on peut le voir à propos de la condition des Juifs italiens durant la Seconde Guerre Mondiale qui fut sensiblement plus favorable qu’en France en raison de la faible immigration juive vers l’Italie durant l’Entre Deux Guerres.5 Avec le recul, le judaïsme français, celui qui avait été transcendé par la Révolution Française, à la fin du règne de Louis XVI, semble bien avoir été sacrifié à la politique intensive d’immigration de la IIIe République - et notamment en ce qu’elle accueillit des masses juives d’Europe Centrale et Orientale - liée à une idéologie de puissance démographique et aux pertes de la Première Guerre Mondiale tout comme il est possible qu’il l’ait été à nouveau avec l’absence de gestion de l’immigration maghrébine, qu’elle soit juive ou musulmane.

  Il est essentiel de situer un Juif par rapport à son pays d’origine ou celui de sa famille. Parler des Juifs en général, au sein d’une population donnée, serait bel et bien une des expressions les plus pernicieuses de l’antisémitisme, dès lors que, dans une société de forte immigration juive, l’on mélangerait les juifs de souche et les juifs nouveaux venus.

  La présence de Juifs étrangers a vite fait de coller une étiquette d’étrangers à toute une population juive comme si l’apparition de Juifs venus d’ailleurs rappelait que c’était là fatalement le sort de tous les Juifs d’être d’ailleurs. Assimiler un juif de souche française avec un juif immigré en France n’est certainement pas neutre encore que les juifs étrangers soient tentés de jubiler quand ils voient que les juifs de souche française ont des ennuis sans penser qu’ils seraient peut-être bien la source des dits ennuis. On ne saurait en effet se faire beaucoup d’illusions sur la qualité de la relation entre juifs d’origines différentes se retrouvant en un même lieu, à moins que ce lieu soit nouveau pour tous (cas des Etats Unis, de l’Argentine, de la Palestine, à certaines époques). Un parcours intéressant est celui du psychologue Bruno Bettelheim, juif autrichien ayant fait carrière aux Etats Unis, à partir des années 1940.6

  Nous nous sommes souvent interrogé sur la catégorie à laquelle les Juifs appartiendraient et nous avons fourni à cette question diverses réponses.7 Faisons à nouveau le point sur ce sujet : les juifs ne constituent pas un groupe religieux, au sens où l’on considère les religions, les juifs ne sont pas un élément étranger dans un pays au sens où l’on parle d’étrangers. L’aspect “religieux” ou “étranger” est un épiphénomène qui tient à l’intersection de divers paramètres se croisant avec le phénomène proprement juif. Ceux qui présentent le judaïsme comme une religion ouvrent la porte à la conversion et ceux qui présentent les juifs comme étrangers sont obnubilés par des problèmes d’immigration. Mais conversion et immigration - deux processus marqués par le mimétisme et à terme par le syncrétisme - nous apparaissent plus comme des obstacles au plein épanouissement de la judéité que comme son fondement.

  Nous avons insisté sur le fait que les Juifs sont un élément moteur au sein des sociétés où ils sont enracinés, sensiblement moins quand ils sont en situation d’immigration ou de conversion, notamment dans le cas de populations en phase de judaisation et d’une certaine façon le christianisme recouvre un tel mode de conversion. Le juif étranger et le non juif imitant le juif sont des éléments qui faussent la perception des choses.

  Ce qui rend difficile de cerner l’apport juif tient au fait qu’ils sont imités, non pas seulement sur le plan religieux mais plus encore sur le plan intellectuel, l’imitation religieuse n’étant qu’une manifestation parmi d’autres du dit mimétisme. On a déjà souligné à quel point judéophilie et antisémitisme se rejoignaient, c’est ainsi que le christianisme était à l’origine judéophile et s’est transformé ensuite en judéophobie. Il en est probablement de même pour l’Islam d’un Mahomet voire pour le protestantisme d’un Martin Luther.

  On nous objectera qu’il y a des périodes où les juifs semblent avoir joué un rôle assez mineur. Nous répondrons que lorsque c’est le cas, dans un pays ou dans un domaine donné, cela coïncide avec une forme de stagnation de la part du pays ou du domaine considérés et qu’inversement lorsque les juifs y sont plus actifs, cela a des effets dynamiques.

  Pour faire apparaître la justesse de notre propos, il convient de trouver des cas significatifs. Ce n’est pas possible quand un domaine a été fortement dynamisé car le besoin des Juifs s’y fait moins sentir puisque leur contribution a été intégrée et exploitée. Cela semble plus concevable pour des domaines ou des sociétés peu avancées. On remarquera le rôle très faible qu’y jouent les Juifs et comment leur présence introduit un changement déterminant. Pour dire les choses autrement, nous dirons que le progrès n’est pas un processus qui va de soi comme on pourrait le croire, il dépend de certaines conditions. Comment se fait-il en effet qu’il y ait de tels décalages entre un domaine et un autre de la connaissance ? Il y a des champs en friche du savoir et qui contrastent singulièrement avec d’autres où le progrès est régulier. On peut d’ailleurs penser que les Juifs puissent être attirés par des aires négligées où leurs talents ont l’occasion de se manifester.

  Un extra-terrestre qui visiterait notre planète serait probablement frappé par les inégalités extrêmes non seulement entre régions du globe mais entre domaines de connaissance et il se demanderait pourquoi le génie humain ne s’applique pas plus également. Il faudrait aussi ajouter au niveau de l’Histoire de l’Humanité les grandes différences entre les siècles au cours de quelques millénaires.

  Certes, pour que l’on puisse apprécier pleinement le rôle des Juifs, peut-être faudrait-il qu’ils fassent grève et encore les effets de leur non intervention ne se feraient-ils point sentir immédiatement, l'essoufflement ne serait perceptible qu’à la longue. Inversement, susciter la présence de Juifs dans une région donnée ou dans un pays donné où ils n’étaient guère nombreux jusques alors et observer les effets de celle-ci pourrait être assez probant.

  Faut-il également rappeler que nombreux sont les juifs qui ne sont pas conscients de l’être au sens religieux. Il y a eu suffisamment de brassages pour que l’on puisse admettre que des personnes très éloignées de la religion juive n’en soient pas moins issues d’une filiation juive. Et c’est aussi pour cela que nous ne souhaitons pas que l’on réduise la judéité à une question de religion car ce serait exclure une partie considérable de juifs. Dire par exemple qu’Isaac Newton n’était pas juif est une affirmation qui se fonde sur un constat d’ordre religieux. Quant à Nostradamus, bon catholique, nous savons qu’il descendait des deux côtés, paternel et maternel, de juifs provençaux convertis, à la suite de l’annexion de la Provence à la France, quelques années avant sa naissance. Or, pour nous la religion juive en soi ne saurait en aucune façon rendre compte de la réalité et de l’impact des Juifs en un lieu donné. Nous serions en fait disposer à poser comme principe que s’il y a une forte dynamique quelque part, c’est qu’il y a nécessairement des Juifs, qu’ils soient conscients ou non de l’être mais en quelque sorte juifs subconsciemment. Une certaine dose de ce que nous avons appelé consciencialité est la marque d’une présence juive en un champ donné et les acteurs les plus marquants de la dite consciencialité seraient à présumer juifs. Inversement il est des gens qui se disent Juifs et qui ne le sont pas. C’est notamment le cas des juifs qui le sont par la mère et non par le père et qui ont été élevés dans la religion juive, dans une certaine conscience juive.

  Si les rabbins insistent pour que la mère soit juive, c’est probablement en raison de certains excès qui conduisaient des hommes juifs à s’unir avec des femmes non juives, introduisant ainsi des pratiques étrangères. De là à dire qu’il suffit que la mère soit juive pour qu’une personne soit juive, il y a dérive. En réalité, les origines ethniques de la femme qu’épouse un Juif et avec laquelle il a des enfants importent peu dès lors que la femme est prête à adhérer à un certaine identité juive et qu’elle fait des enfants. Le cas des falachas, ces noirs d’Ethiopie, de confession juive qui seraient issus de l’union, mythique ou non, du Roi Salomon avec la Reine de Saba, illustre la diversité des apparences juives. De là à dénier aux Juifs le fait qu’ils constituent une race, en ce qu’en leur sein on trouve des populations aux couleurs de peau variées, c’est laisser entendre que seul le critère chromatique compte pour asseoir une quelconque hérédité. Dès que l’on quitte le terrain de la couleur de la peau ou celui de la pratique religieuse, on aboutirait à un noman’s land pour tout phénomène minoritaire et supranational, indéfinissable et inqualifiable et qui n’existerait que parce qu’on le veut bien et tant qu’on le veut bien.

  En fait, on peut être indéfiniment juif de père en fils, quelle que soit la religion adoptée étant entendu d’ailleurs que le juif a vocation à être partie prenante dans les domaines les plus divers. La ligne judaïque ne se perd que lorsque la progéniture est uniquement féminine. La loi salique, en France, exprime cette règle de transmission exclusivement par les mâles. Inversement, l’héritier du trône de Grande Bretagne, Charles, est le fils de la reine Elizabeth II, fille de George VI, et donc n’est pas légitime. Il aurait mieux valu qu’Elisabeth ne régnât pas et laissât la place à une autre branche de la famille royale, mieux dotée quant à la filiation.

  Il y a certainement beaucoup plus de Juifs qu’on ne le dit et que le projet nazi d’extermination des Juifs était parfaitement irréalisable, au vu des critères de sélection qui étaient avancés et qui étaient exclusivement d’ordre religieux. Le nazisme n’avait pas une représentation suffisamment approfondie de l’être juif et c’est un point qui n’a pas été assez souligné comme si les critères du nazisme étaient en soi pertinents. Reconnaissons que si la question du judaïsme avait été mieux traitée par les Juifs eux-mêmes, si l’on avait mieux cerné leur présence et leur rôle, la Shoah n’aurait peut-être pas eu lieu.

  Si l’on admet qu’un domaine n’existe que s’il a pris conscience de sa spécificité, on pourrait conclure que tout domaine spécifique n’existerait pas sans les Juifs. Il faudrait pour mieux comprendre notre propos ne pas limiter les Juifs à une Histoire, à une historiographie, comme celles de l’Ancien Testament. La présence juive au monde est certainement beaucoup plus ancienne qu’on ne l’imagine et bien entendu le nom même de juifs ne saurait se réduire à une quelconque étymologie ; ils ont pu fort bien porter les noms les plus divers au cours des siècles tout comme ils ont pu disparaître ici et là en tant que population bien définie et ayant une certaine vie communautaire.

  Nous proposons donc de regarder la question juive sur des bases complètement nouvelles et que nous considérons comme objectives. Il ne faudrait pas tant s’étonner de ce que des juifs puissent ne pas avoir conscience de l’être que de l’inverse, à savoir que tant de personnes se disent juives. Qu’il y ait un certain décalage d’ailleurs entre la réalité et sa représentation ne devrait pas surprendre : dans d’autres domaines, on observe un décalage du même ordre : ainsi entre la “vraie” astrologie, celle qui est à l’oeuvre, et l’astrologie telle qu’elle se présente dans les manuels. Là aussi, on devrait davantage s’étonner qu’une certaine croyance astrologique ait survécu plutôt que de s’esclaffer sur le décalage en soi. On ne supprime pas l’influence astrale en interdisant l’astrologie pas plus qu’on ne met fin à l’influence juive sur le monde en s’en prenant aux seuls juifs patentés et circoncis. Le temps ne change pas en cassant le baromètre.

  Car soit les juifs ont une action spécifique dans le monde et on peut les identifier du fait la dite action - comme on dit qu’un être humain portant un enfant est une femme - ou bien ils n’ont pas de fonction particulière et à ce moment là leur identification est une affaire de médiocre importance. C’est le problème du signifiant et du signifié. Le signifié juif existe même en l’absence du signifiant juif et vice versa le signifiant juif ne renvoie pas nécessairement au signifié juif. Le signifié n’est pas nécessairement présent aux côtés du signifiant qui le désigne, il y a des étiquettes qui ne correspondent plus au contenu et il est des réalités qui ont perdu leur étiquette.

  Tout comme on recourt au mot Shoah pour désigner le génocide juif, nous pensons que l’on pourrait utiliser le terme Am (à partir des consonnes Ayin et Mem), le peuple en hébreu, pour désigner la présence juive. Le Am, c’est, pour nous, la population ayant vocation à faire bouger les représentations - rappelons notre modèle associant les juifs à une certaine sensibilité à une certaine configuration astrale, ce qui est forcément porteur d’une dynamique - le Am est comme un fleuve ou comme un vent qui permet aux bateaux d’avancer qui les porte ou qui les pousse. Le Am est le souffle qui permet à l’Humanité d’être ce qu’elle est. On pense aux Quatre Eléments : le feu, la terre, l’air et l’eau, qui sont des forces de la nature instrumentalisées par l’Homme, mais un concept nous semble finalement plus pertinent, d’un point de vue sociologique, celui de classe sociale.

  La femme - dont nous avons dit ailleurs qu’elle était non pas l’autre mais l’alter ego - - ne confère pas par elle-même la judéité, en revanche, elle a vocation à se convertir au judaïsme - ce qui est le corollaire de l’exogamie - non pas par une adhésion à la religion dite judaïque mais en se mettant au service des enjeux de la filiation juive. Le XXIe siècle devrait être l’occasion de la refondation de l’Am, selon une nouvelle optique que celle qui prévaut actuellement. On dira que ce qu’on appelle aujourd’hui les Juifs n’est que le sommet de l’iceberg. Les mythes relatifs aux tribus perdues d’Israël vont d’ailleurs dans ce sens tout comme certaines entreprises de conversion, comme le christianisme. Il est légitime de penser, en effet, que nombreux sont ceux qui pourraient revenir identitairement - car en pratique ils en font de toute façon partie - au sein du Am et nombreux aussi ceux qui n’en font pas / plus vraiment partie. Le peuple juif serait en fait sinon le peuple élu, le peuple de l’élite. C’est dire que, selon nous, à la fin du XIXe siècle - et c’est bien dommage - Herzl n’avait pas véritablement, dans son Judenstaat (Paris et Vienne, 1896), résolu la question juive en restant par trop marqué par un signifiant dont il n’avait pas compris qu’il renvoyait à un signifié qui ne se réduisait nullement au signifiant lui-même.8 Hitler, à son tour, en est resté au niveau du signifiant. Pourtant, paradoxalement, les Protocoles des Sages de Sion, qui sont contemporains des travaux de Theodor Herzl (1860 - 1904), n’avaient-ils pas souligné le fait que le phénomène juif comportait de multiples extensions bien au delà de la sphère désignée comme juive ? Il nous apparaît que les Protocoles revus et corrigés auraient pu non pas provoquer la Shoah mais l’empêcher en soulignant à quel point il ne fallait pas s’en tenir aux apparences, aux déclarations et à quel point éradiquer le facteur juif était inconcevable car il aurait fallu, comme d’ailleurs certains régimes l’ont fait, éliminer toutes les élites, qu’elles soient ou non étiquetées comme juives et ces régimes là sont infiniment plus pernicieux que le fait de ne s’en prendre qu’à ceux qui sont déclarés comme juifs et qui, dans bien des cas, ne sont plus que des signaux qui renvoient à la réalité juive et non pas cette réalité elle-même, tout comme les astrologues ne sont pas tant porteurs d’un savoir authentique que l’indication d’une piste à suivre. Nous vivons dans un monde qui fait penser à un zoo où l’on se fierait aveuglément aux étiquettes : imaginons que celles-ci aient été interchangées et que la fiche de l’éléphant ait été intervertie avec celle du singe, certains se mettraient à appeler singes des éléphants et éléphants des singes. On pense aussi à cette signalisation aux arrêts d’autobus qui nous indiquent dans combien de temps arrivera le bus et qui fait que l’on ne regarde même plus pour voir s’il arrive.

  C’est donc sur ces nouvelles bases que nous pensons que le peuple juif pourra se reconstruire, en rassemblant ceux qui sont juifs par leur fonctionnalité et non pas du seul fait du maintien d’une certaine identité religieuse ou culturelle. Les Juifs, au sens où nous l’entendons, constituent un élément déterminant, indispensable, pour toute société et c’est pourquoi on ne saurait en parler comme d’une simple religion ou d’une simple race, parmi d’autres. Ils sont constitutifs de la vie même des sociétés. La meilleure façon de protéger les Juifs, c’est de montrer que l’on ne peut pas s’en passer et plus se diront Juifs les membres les plus éminents de l’Humanité, plus un tel péril sera inenvisageable. Il est temps de reconnaître qu’un décalage s’est produit entre les Juifs du signifié - ceux qui occupent une place spécifique au sein d’une structure sociale - et ceux du signifiant - ceux qui se disent Juifs sans se placer clairement au sein de la dite structure - et il convient de résorber celui-ci. En bref, les juifs, disions nous, sont avant tout une classe sociale voire une caste se perpétuant héréditairement au sein des sociétés les plus diverses, être juif n’est nullement un acte gratuit, ne relève absolument d’on ne sait quel folklore et c’est pour cette raison que nous sommes opposés au communautarisme lequel fait obstacle à l’appréhension de clivages autrement important comme le sont la dialectique Hommes / femmes, Juifs / non Juifs. Le XXIe siècle devra apprendre à gérer ces dialectiques qui traversent d’ailleurs les champs religieux ou nationaux. D’ailleurs, n’a-t-on pas assez reproché aux Juifs, précisément, de ne pas constituer une population globale, c’est-à-dire toutes classes confondues, comme c’est le cas pour les “autres” peuples, les autres structures socio-religieuses ? Le sionisme - et notamment sa branche socialiste, celle d’un David Ben Gourion et singulièrement celle du mouvement des Kibboutz<, a voulu démontrer qu’une société pouvait être intégralement juive, de haut en bas de l’échelle socio-professionnelle, ce qui a abouti à exclure ou à marginaliser les arabes dans la société pré-israélienne, et c’est alors dans les années 1920 - 1930 que le sort de la Palestine du mandat s’est joué, ce qui a conduit à l’idée de partition. Si les Juifs avaient assumé leur appartenance de classe, il est probable qu’une synergie / symbiose avec les Arabes palestiniens aurait pu se mettre en place. D’ailleurs, ce qui avait été refusé avant la Seconde Guerre Mondiale est bel et bien en train de se produire de nos jours, les arabes Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza demandant à travailler en Israël ou Israël faisant appel à des travailleurs étrangers, souvent asiatiques, pour ne pas parler du clivage social entre Ashkénazes et Séfarades, caractérisé par la formule du “Second Israël”. Il nous semble donc que de présenter les Juifs, au sens où nous l’avons précisé plus haut, en tant qu’héritiers d’une caste, ayant joué et continuant à jouer un rôle moteur dans l’Histoire de l’Humanité nous semble correspondre à une coupure épistémologique dans l’appréhension de la question juive. Tout comme il a fallu longtemps pour comprendre le rôle de l’homme dans la procréation qu’on avait pensé, dans les sociétés archaïques, comme le seul fait de la femme, il importe de reconnaître toute l’importance de l’élément juif. Selon nous, l’élément juif est masculin, l’élément non juif est féminin, c’est-à-dire neutre; androgynal.9 En fait, on peut se demander si l’association de l’élément juif, au sens large qui est ici le nôtre, par delà le découpage identitaro-religieux et de l’élément féminin, c’est-à-dire la population féminine proprement dite ne constitue pas des conditions suffisantes pour qu’une société soit en état de fonctionner. Si l’on prend le cas de la société israélienne, celle-ci, selon notre approche, ne saurait être considérée comme monolithique dès lors que son élément féminin introduit une dualité, cet élément féminin ne pouvant selon nous être défini comme juif, la catégorie “juifs” ne s’entendant que pour les hommes. C’est en vérité ce terme d’élément qui nous semble le plus satisfaisant et que nous proposons d’adopter désormais. Il veut bien dire ce qu’il veut dire. La notion d’élément implique une appartenance à un ensemble plus vaste, un élément ne peut fonctionner en circuit fermé, un élément “concourant avec d’autres à la formation d’un tout” (Larousse). On pourrait appeler ce courant celui de l’élémentarisme juif ou du judaïsme élémentariste.

  Selon l’approche élémentariste, toute organisation socio-religieuse comporte des castes et ipso facto un certain élément juif constitutif. Nous dirons que l’élément juif relève d’une division horizontale de la société impliquant une fonctionnalité alors que la division verticale serait une diversification arbitraire au sein de chaque société, cette distinction pouvant recouvrir celle des deux hémisphères cérébraux. C’est ainsi qu’en refusant de définir les Juifs selon des catégories verticales et en les inscrivant au sein des catégories horizontales, on renouvelle la définition du Juif, non plus celui qui assume une culture donnée qu’on appellerait judaïsme, mais celui qui sous-tend les cultures en général, dans leur diversité. Notre présentation des choses permettra, pensons-nous d’éviter tout amalgame entre le fait juif et le fait musulman, notamment car, en tout état de cause, la place des Musulmans, en particulier en France, au sein de la division horizontale, n’est pas du tout la même que celle des Juifs en prenant ces termes Musulmans et Juifs comme des signifiants porteurs statistiquement, mais non individuellement et systématiquement, d’une certaine pertinence au niveau du signifié. Vouloir continuer à définir les Juifs comme une religion serait une aberration du point de vue anthropologique : quel rapport, en effet, existe-t-il entre leur pratique religieuse et leur rôle socio-historique ? Au demeurant, la religion dite juive, en tant que telle, comme n’importe quel artefact, n’est plus guère le privilège des seuls Juifs. Le critère religieux a pour seul avantage d’être aisément localisable mais sa pertinence reste fort médiocre contrairement à ce que soutenait un Max Weber. Si l’on passe aisément d’une catégorie verticale à une autre, notamment par le mimétisme et la conversion, en revanche, le découpage en strates horizontales est fonction de pesanteurs beaucoup plus lourdes qui dépassent le seul itinéraire identitaire individuel. On ne peut cependant négliger, pour des raisons de commodité, le signifiant religieux voire communautaire - le passage par le signifiant tend à niveler considérablement les analyses - à condition de ne pas en induire que les signifiés auxquels on renvoie sont pour autant du même ordre chez tous ceux qui sont ainsi répertoriés.

  Selon l’approche élementariste, on ne peut opposer un élément à un ensemble : les juifs sont un élément (horizontalité), les arabes ou les musulmans constituent un ensemble (verticalité) et dans un tel ensemble, il y a l’élément juif. La notion d’élément convient parfaitement à une population qui, durant une grande part de son Histoire, a été dispersée au sein de divers ensembles alors que le monde arabo-musulman n’a été que rarement minoritaire. De nos jours et notamment en France, on est parfois tenté de mettre sur un même pied communauté / minorité juive et communauté / minorité musulmane mais il s’agit là d’une fausse représentation: les juifs ont vocation à être un élément remplissant une fonctions spécifique au sein d’une société tandis que les arabo-musulmans sont une minorité au sein d’une strate élémentaire qu’ils ne constituent nullement à eux seuls et ont vocation en fait à s’assimiler au sein de celle-ci alors qu’ils peuvent exister par ailleurs au sein de tel ou tel Etat arabo-musulman. Nous vivons une époque paradoxale qui ne facilite guère la lisibilité sociale, avec des communautés arabo-musulmanes minoritaires en certains pays et un Etat d’Israël qui prétend constituer un ensemble au sein duquel les Juifs se suffiraient à eux -mêmes et par conséquent perdraient, en quelque sorte, leur caractère élémentaire. C’est le monde à l’envers !

  Certes, le fait d’affirmer que les juifs sont un élément porteur d’une fonctionnalité sociale particulière implique que l’hérédité est déterminante. Or, il semble bien que si l’on admet l’hérédité de certains traits anatomiques, en revanche - comme si l’on séparait radicalement le corps et l’esprit, mais dans ce cas où passerait la frontière ? - il y a encore une forte résistance contre l’hérédité des formes d’intelligence, comme si cela relevait d’une autre dimension. Dans le même ordre d’idées, on veut bien que la femme ait une anatomie distincte mais pas un psychisme différent. Et un tel distinguo se présente comme scientifique alors qu’il n’est qu’idéologique. Tout serait ne serait donc qu’ affaire d’environnement agissant sur l’individu, notamment à sa naissance ou au cours de ses premières années. Certes, à l’origine, il s’agit bien pour les hommes d’instrumentaliser leur environnement mais ce processus finit par produire un déterminisme, à l’échelle de l’Histoire. Il importe de ne pas confondre ce qui se joue à l’échelle de l’individu et ce qui se joue à celle des peuples. Croit-on vraiment que notre monde serait ce qu’il est s’il n’existait pas des constantes perpétuant un certain mode d’organisation sociale par delà les politiques des uns et des autres ? L’ordre social sur lequel nous vivons ne dépend en réalité que très médiocrement de telle ou telle expérience / expérimentation politique récente mais offre un aspect beaucoup plus archaïque. Si la dimension héréditaire recouvre un champ très vaste de type psycho-biologique, cela ne signifie pas pour autant que l’individu ne bénéficie pas psychiquement d’une certaine marge de manoeuvre, notamment d’ailleurs sur un plan pathologique, mais il conviendrait de ne pas en exagérer pour autant la portée au niveau des grands équilibres qui structurent l’Humanité depuis des millénaires. Les recherches sur l’ADN devraient montrer à quel point nous sommes programmés dès avant la naissance, par notre patrimoine génétique, au niveau de notre psychisme, de nos facultés mentale et nous n’en sommes pas encore à pouvoir nous déprogrammer d’autant qu’il n’est pas certain qu’il soit souhaitable de jouer ainsi aux apprentis sorciers. En réalité, insister sur le poids de l’hérédité, c’est accorder toute son importance à l’individu, porteur de la dite hérédité alors que la négation de celle-ci, ce qui implique un certain lavage de cerveau, vide l’individu de sa substance spécifique, de l’information dont il est dépositaire, pour mieux l’instrumentaliser, c’est traiter l’individu comme une sorte d’éponge, sans colonne vertébrale, façonné par le milieu ambiant, en faire une véritable pâte à modeler. La Shoah a montré quelle “sollicitude” les nazis avaient envers chaque individu juif, il ne fallait en oublier aucun comme si chacun était porteur d’un héritage en lui-même. Si les nazis avaient perçu les juifs en tant que collectif culturel, ne s’en seraient-ils pas pris avant tout à des lieux, à des textes, susceptibles de fonder l’identité d’un peuple et non à des nouveaux-nés que l’on aurait pu éduquer comme on l’entendait ou à des juifs convertis au catholicisme ou au protestantisme ? Qu’on le veuille ou non, les nazis posaient plus crûment les vrais enjeux de la question juive que ceux, juifs ou non juifs, qui ne visent qu’à brouiller les pistes. A force d’être sur la défensive et de ne pas vouloir se définir avec des concepts clairs, l’identité juive est de nos jours réduite à un problème religieux ou à un problème national alors qu’elle est avant tout d’ordre social, non pas en ce qu’elle serait le résultat, la scorie d’un certain fonctionnement social, comme le soutenait Karl Marx, mais parce qu’elle est un élément déterminant de tout fonctionnement social. En fait, Marx a cru que la question juive était un épiphénomène en comparaison de la mission du prolétariat alors que l’on s’aperçoit, en ce début du XXIe siècle, que c’est le prolétariat qui est un phénomène passager et fluctuant tandis que les Juifs, singulièrement en diaspora, sont une constante inaliénable au sein de tout ordre social qui se respecte. Tout comme il y a des femmes dans toute société, quel que soit le sort qui leur est réservé - des Etats Unis à l’Afghanistan - de même il n’est pas de société qui ait à tendre à être “judenrein”, vide de “ses” Juifs.

  Présenter les juifs comme une classe sociale à part entière, comme une caste se perpétuant à travers les siècles, héréditairement, c’est aussi mieux comprendre le comportement des Juifs dans les années Trente-quarante du XXe siècle. Certains sont surpris que ces Juifs ne soient pas partis tout de suite vers d’autres cieux, c’est oublier à quel point les Juifs sont enracinés, sont partie prenante des sociétés dont ils sont membres, et ce quand bien même y auraient-ils un statut particulier. On pourrait, a contrario, être quelque peu surpris de ce que les Juifs du monde arabe aient quitté aussi vite, avec la décolonisation, la patrie séculaire de leurs ancêtres, en raison de telle ou telle menace, de telle ou telle persécution, de tel ou tel conflit. Leur excuse, peut-être, c’est la déstabilisation provoquée par la colonisation française, qui les aura conduit à se faire “rapatrier” comme si le Maghreb n’était pas leur patrie et c’est aussi les sirènes du sionisme. Pour nombre d’arabes maghrébins, une telle fuite, une telle désolidarisation face au reste de la population, aussi justifiées puissent-elles être, leur a donné l’image d’un Juif ayant d’autres points de chute, des échappatoires, aux liens lâches avec le pays où ils se trouvent. En ce qui nous concerne, le comportement des juifs européens, avec ses conséquences tragiques et ses six millions de morts, certes, nous apparaît comme plus emblématique, plus signifiant de la véritable condition juive que celui des juifs d’Afrique du Nord. L’exil n’est pas une solution pour les Juifs ou il ne saurait l’être que de façon très provisoire et avoir pour corollaire le retour vers le pays dont on est historiquement un élément incontournable.

  Certains voudraient que les vertus juives soient fonction des aléas de leur Histoire voire de leur errance et en même temps qu’elles consistent en la capacité d’approfondir, de maîtriser les problèmes. Il y a là contradiction car l’errance, l’immigration, n’est certainement pas le gage de l’aptitude à se familiariser avec un domaine, elle en est tout au plus parfois la conséquence et il ne faudrait pas confondre la cause et l’effet. S’il suffisait d’immigrer, de devoir s’adapter à une nouvelle réalité pour être juif, n’importe qui pourrait devenir juif pourvu que son existence se conformât à un tel scénario. Et, en tout état de cause, comment, dans ce cas, réduire le fait juif à un fait simplement religieux si l’on définit les Juifs par des qualités qui ne découlent nullement d’une quelconque pratique cultuelle, laquelle, encore une fois, peut être imitée et l’a été ? Pourquoi insister sur les conversions de telle personne ou de tel groupe au judaïsme en laissant entendre que c’est la preuve qu’être juif n’est pas une question de lignée, comme si la fausse monnaie devait chasser la fausse ? Est-ce parce qu’il y a des charlatans qui usurpent telle qualité que ceux qui ont vraiment cette qualité n’ont plus de réalité en soi ? Tout se passe comme si certaines populations marquées par l’immigration voulaient de nos jours se définir à travers le modèle juif, l’instrumentaliser, en n’en prenant que ce qui les intéresse, tout comme le modèle juif inspira dans le passé la mise en place de certaines religions dites monothéistes ou du Livre. C’est ainsi que les immigrés musulmans ou Chrétiens (chez une partie de la population noire francophone d’Afrique) sont doublement confrontés dans leur identité à la question juive, en tant que membres d’une certaine religion et en tant qu’immigrants. Et nous pensons que de ce double processus peut naître à terme un antisémitisme / antijudaïsme particulièrement vigoureux, largement fantasmatique et qui amalgame dans le subconscient pour finir par les superposer l’image du juif déicide ou renégat et celle du juif incarnant une société rejetant l’immigré avec, en prime, les stigmates d’un mimétisme qui génère un rapport ambigu à l’autre à la fois que l’on veut imiter - le juif personnifiant l’immigration réussie et celui qui a précédé dans la voie du monothéisme - et que l’on veut remplacer et qui doit se laisser faire.

  Le problème, c’est que celui que l’on imite - littéralement que l’on prend pour modèle - est aussi celui que l’on veut évacuer de peur que la copie ne corresponde pas vraiment à l’original, c’est là une des contradictions du mimétisme. Il est pathétique de voir tant de gens réfléchir sur la question juive sans voir qu’il ne s’agit que du sommet de l’iceberg, comme le signifiant - la religion juive, l’histoire biblique, etc - n’est qu’un accès bien fragile et précaire au signifié. On sait à quel point, si l’on en reste au niveau du signifiant, tout ce que l’on désigne par un même mot est censé correspondre à une même réalité. Dire que le judaïsme est une religion impliquerait que toute religion est équivalente au judaïsme ou encore constater que les juifs constituent une communauté signifierait que toute communauté vaut bien la communauté juive. On est là dans le domaine des équivalences faciles, qui ne tiennent pas compte du facteur temps, du poids de l’Histoire pour façonner les populations, qui croient que les enjeux se situent au niveau de l’existentiel individuel ; on joue sur les mots et finalement on bascule dans une forme de négationisme de gauche concernant la spécificité du phénomène juif alors que le discours de droite tend, au contraire, à insister sur une programmation ancestrale sans laquelle il n’est pas de juif. Entre deux maux, nous préférons encore que l’on reconnaisse le fait juif en sa dimension irréductible quitte ensuite à le déplorer plutôt que cette façon de réduire celui-ci à une formule vidée de toute substance et qui voudrait que toute personne qui se sente juive soit juive. On nous parle de religion juive pour laisser entendre que l’on peut y entrer aisément, que ce ne serait qu’une affaire d’adhésion et on traite de “raciste” celui qui refuse un tel scénario, confondant d’ailleurs, délibérément, le fait de considérer comme probable une certaine filiation génétique et celui de considérer certaines races comme inférieures, jetant ainsi le bébé avec l’eau du bain. Ne pas être raciste serait accepter l’idée d’une perméabilité totale des entités socioculturelles; nous avons en fait affaire à une idéologie qui ne respecte aucun clivage et aucun passé. En ce sens, loin d’être un alibi pour l’immigration comme on voudrait que soient les juifs, nous pensons au contraire qu’ils sont la preuve vivante que l’on ne refait pas l’Histoire à sa guise.

  Cependant, comme nous l’avons précisé plus haut, il est vrai que nombreux sont ceux qui en effet pourraient rallier, rejoindre le monde juif, en tant qu’individus porteurs d’un certain potentiel, on voit donc à quel point nous sommes ouverts aux ralliements dans le cadre de l’élémentarisme juif. Ce seraient en quelque sorte les tribus perdues d’Israël. Toute la question est de fixer les critères d’un tel recrutement qui ne serait pas fondé sur une simple identité culturelle mais sur une potentialité intellectuelle. La meilleure formule ne serait-elle pas la cooptation à partir d’un noyau dur de Juifs qui cumulent à la fois la filiation judaïque et une certaine programmation caractéristique d’une certaine caste et ce quelle que soit la race considérée. Car les juifs ne sauraient se réduire ni à une religion, ni à une race, ils transcendent ces catégories, ils sont en quelque sorte l’âme de toute société capable de se perpétuer indéfiniment et en un constant renouvellementdans son être et dans sa conscience.

  Il importe de distinguer deux filiations : la féminine qui passe par la transmission orale, donc par le milieu, l’éducation et la masculine qui passe par la transmission génétique. On confond trop souvent et parfois délibérément l’une et l’autre. D’une certaine façon, la transmission au féminin est plus immédiatement manifeste car elle implique une certaine forme de répétition, de mimétisme tandis que la transmission au masculin est plus en profondeur et correspond à une forme de clonage, cela exige du temps pour que l’enfant parvienne à une maturité qui ne relève pas simplement d’un certain vernis que l’on peut appliquer rapidement. Selon nous; la transmission des caractères acquis sur le plan social passe uniquement par l’homme, la femme ne transmettant que des caractéristiques physiques. D’où d’ailleurs deux conceptions de la race : la féminine est la plus évidente, c’est celle qui confère certains traits, notamment la couleur de la peau, la masculine correspond davantage à l’idée de fonction assumée par une caste - un peu sur le modèle indien - un statut, un état comme on disait autrefois lors des Etats Généraux et les Juifs peuvent et doivent être appréhendés sous ces divers aspects : le facteur féminin rendant compte de la grande variété ethnique des “types” juifs (ashkénazes, séfarades et bien d’autres comme en Inde) du fait des croisements, et le facteur masculin rendant compte de la permanence d’un certain être juif par delà les particularismes locaux. Le fait qu’au sein d’une même société des gens de couleurs de peu cohabitent tend à créer une certaine confusion, car cela conduit à une instrumentalisation de la couleur pour assumer certaines activités. Il est préférable que les membres d’une société offrent un certaine similitude physique entre eux pour mieux assumer par ailleurs leurs différences.

  Une fille peut s’adopter et la filiation génétique est secondaire; en revanche, ce qui fait tout l’intérêt d’un garçon tient à ce qui lui est transmis à la naissance héréditairement et qui va déterminer sa caste, sa vocation professionnelle, au plus haut niveau : on ne parle pas ici d’occupations médiocres, alimentaires, mais des véritables réussites impliquant un don particulier, qui conduisent quelqu’un au sommet.10 Il n’y a pas d’opposition entre masculin et féminin, du fait que le féminin participe du masculin par ce qu’il lui emprunte. C’est pourquoi nous préférons parler de l’opposition masculin / androgyne ; on ne peut, en effet, opposer que des éléments masculins entre eux. C’est pourquoi, notamment, on ne peut opposer l’anglais au français, tant l’anglais a emprunté au français, se plaçant dans une dynamique mimétiste et donc androgynale à son égard.

  Il nous semble donc essentiel que l’on mette fin à cette règle rabbinique médiévale due au juif allemand Gershom ben Yehudah Me’or ha Golah (c 960 - 1028) de la filiation juive par la mère. Une telle attitude contribue d’ailleurs à exclure de la mouvance juive ou de marginaliser nombre de juifs de père et de nom juif et est une des causes du judaïsme laïc actuel, notamment depuis les années 1980. Il faut au contraire traiter le facteur féminin comme indifférent, comme il en est tant d’exemples dans l’Ancien Testament, notamment avec le personnage de la moabite Ruth, femme du Juif Booz et ancêtre du roi David, fils de Jessé.11 Tous les enfants d’Abraham sont ipso facto Juifs, quelle que soit leur mère, y compris Ismaël, fils d’Agar. La femme confère certes à son enfant quelques traits extérieurs qui lui permettent de ressembler à la société à laquelle elle appartient. On peut fort bien imaginer que l’on puisse mener à bien dans l’avenir des campagnes de judaisation- ou d’ismaelisation si l’on préfère - de certaines populations vides de Juifs, dans tous les sens que nous avons conféré au terme - pour les dynamiser - ce qui conduirait de fait à un certain eugénisme. Un seul homme peut féconder un grand nombre de femmes, ce qui est une façon de revaloriser le concept de minorité voire de polygamie. Il est clair, en effet, qu’actuellement, la présence juive au monde peut faire défaut dans certaines régions du monde et notamment en Afrique Noire. Il ne s’agit nullement de prôner un colonialisme culturel mais d’intégrer l’élément juif par la voie de la procréation en diverses sociétés puis de laisser faire la nature. Comme nous l’avons souligné, ce n’est pas la religion juive qui “fait” le Juif, elle ne peut jouer que le rôle de signifiant - avec toutes les ambiguïtés propres au signifiant, notamment dans le domaine du mimétisme - mais même sans signifiant spécifique, le signifié juif n’en existe pas moins. Dans le champ des sciences sociales, si on peut reproduire un signifiant, on ne peut que s’unir et se croiser avec un signifié, par l’interface féminine. Il est remarquable que les termes reproduire / reproduction soient utilisés dans les deux cas mais reproduire n’est pas se reproduire.

Jacques Halbronn
Paris, 6 janvier 2004

Notes

1 Cf. Sélection du Reader’s Digest, janvier 2004, p. 37. Retour

2 Cf. “L’origine de la solution finale : du contexte militaire et politique à la prise de décision (1939 - 1941)” et H. Mommsen : “Hitler, les dirigeants nazis et la mise en oeuvre du génocide”, in La politique nazie d’extermination, Dir. F. Bédarida, Paris, A. Michel, 1989. Retour

3 Cf. Stéphane. Courtois, préface à A. Vaksberg, Staline et les Juifs. L’antisémitisme russe : une continuité du tsarisme au communisme, trad., Paris, R. Laffont, 2003, p. 10. Retour

4 Cf. A. Vaksberg, Staline et les Juifs, op. cit., p. 15. Retour

5 Cf. Michael Marrus, “La place du génocide juif dans l’Histoire : les faits et les interprétations”, in La politique nazie d’extermination, dir. F. Bédarida, Paris, A. Michel, 1999, p. 299. Retour

6 Cf. R. Pollack, Bruno Bettelheim ou la fabrication d’un mythe, trad., Paris, Les Empêcheurs de tourner en rond, Seuil, 2003. Retour

7 Cf. la rubrique Judaica, sur E. H. Retour

8 Cf. notre ouvrage Le sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle, diffusion Priceminister, sur le Web. Retour

9 Cf. nos travaux sur cette dualité sur E. H. rubrique Hypnologica. Retour

10 Cf. M. Gauquelin, Les personnalités planétaires, Paris, 1992. Retour

11 Cf. le Livre de Ruth qui pose aussi le problème du lévirat qui consiste pour une femme à épouser un proche de son mari décédé. Retour



 

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