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JUDAICA

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Mission et transmission dévolues aux juifs

par Jacques Halbronn

   Etre juif laïc devrait présenter certains avantages si ce n’est une plus grande marge de manoeuvre pour penser le judaïsme. Or, bien souvent, nous avons trouvé les Juifs de la mouvance laïque bien peu téméraires et finalement assez conformistes, partageant souvent les mêmes préjugés et les mêmes blocages que les juifs dits religieux. Bien plus, les Juifs religieux semblent plus capables d’un certain renouvellement de la pensée juive alors que les Juifs laïcs paraissent plus frileux.. Et il est vrai que les Juifs laïcs tendent à caricaturer et à figer le judaïsme.

   Cela dit, il importe de relativiser l’importance de ce qu’on appelle le judaïsme pour les Juifs. Il y a eu un “judaïsme” avant la Torah et un judaïsme après elle. En fait, la mission du peuple juif - et il conviendrait d’employer un pluriel, donc les missions - ce pour quoi il fut missionné, remonte certainement à la nuit des temps. Avant de répandre le monothéisme, le peuple juif a très vraisemblablement été au service d’autres idéologies qui d’ailleurs ont peu ou prou perduré au sein des states successives. Et on ne s’étonnera pas que bien plus tard, les Juifs se soient mis au service de la cause du communisme qui, c’est le moins que l’on puisse dire, a pris ses distances par rapport au monothéisme.

   Qui dit mission, dit messie, mot qui évoque le mot mission. Les Juifs ont besoin de se mettre au service d’une mission qui incarne l’avenir et non pas le passé. Notons d’ailleurs que le christianisme qui fut révolutionnaire en son temps a pris un coup de vieux le jour où l’on a déclaré que “le” Messie était venu. Mais ne peut-il y avoir plusieurs messies successifs comme il y a eu plusieurs Bouddhas.

   Qu’est-ce qui caractérise une mission pour les juifs, quel est le dénominateur commun entre l’ancien Testament, le nouveau Testament et la doctrine marxiste-léniniste, pour ne prendre que trois grandes idéologies où les Juifs furent fortement impliqués ? Un prophétisme annonçant une ère nouvelle.

   Qu’en est-il du sionisme ? Le problème du sionisme, c’est qu’il doit s’inscrire dans une téléologie, il doit faire sens pour les nations (goyim). Pour les Chrétiens qui encouragèrent l’essor du sionisme, le retour des Juifs en Palestine avait une signification messianique. Mais là encore, cette idéologie semble avoir fait long feu et être tombée en quenouille. Les temps sont mûrs pour de nouveaux défis. Qu’on ne nous dise pas que telle idéologie est ou n’est pas juive, compatible ou non avec les principes du judaïsme ! C’est aux Juifs de déterminer, à chaque époque, les enjeux qui comptent pour l’Humanité.

   La thèse de Freud selon laquelle Moïse était égyptien - Moïse et le monothéisme - et aurait choisi les Juifs comme “porteurs” du message, n’a rien d’absurde. On peut très bien imaginer que le message transmis par les Juifs ne soit pas “leur” message, à son origine. C’est d’ailleurs préférable car cela évite que les Juifs s’identifient à un seul et unique message qui serait leur.

   Ce faisant, les juifs assument une tache universelle, ils seraient l’interface un messie et l’humanité. Cela relativise également la question de savoir si Jésus de Nazareth était juif ou non, l’important ait qu’il ait voulu que son message soit véhiculé par des Juifs. Que les juifs aient, pour certains, refusé de porter le dit message ne saurait surprendre, car il y a toujours une partie du peuple juif qui refuse de partir pour une nouvelle mission, au nom d’un “ancien” judaïsme, refusant un “nouveau” judaïsme. Le combat entre Juifs autour du message de Jésus aboutira notamment, dans le Nouveau Testament, à l’image d’une “synagogue de Satan” pour désigner les Juifs réfractaires au nouveau message.

   Les Juifs ont été également liés à l’idée d’antéchrist; il s’agit d’un personnage qui appartient à la “fin des temps” et qui viendra renverser le message christique. La légende veut que les juifs lui feront bon accueil. Et en effet, le peuple juif est celui par qui le scandale arrive, par le truchement duquel l’humanité est irriguée.

   On conçoit donc que les juifs puissent avoir à transmettre un message d’un certain contenu philosophique, religieux, au sens de faire circuler un message mais pas nécessairement “leur” message, pas forcément un message émanant d’eux. Les Juifs sont des intermédiaires. Ils sont comme une plaque photographique qui se laisse imprégner par un phénomène qui correspond à leur rôle. Expliquons-nous, en restant dans le domaine technique : un disque audio ne peut enregistrer que ce qui est sonore, c’est cela sa limite et sa vocation. Tout se passe comme si le peuple juif avait besoin d’être fécondé par un vecteur mâle et que cela donnerait un enfant qui échapperait à son emprise.

   Cette “trinité” - le prophète (juif ou non juif), le peuple juif et l’enfant prodigue qui mène sa vie fait de ce peuple un principe femelle (voir le numéro des Cahiers du CERIJ sur Judéité et féminité). On aurait ainsi l’ange Gabriel, envoyé de Dieu, le Père, la vierge Marie et Jésus, le Fils. On notera que la Trinité classique évacue l’élément féminin (le Père, le Fils et le Saint Esprit). Ce qui nous conduirait à une nouvelle lecture de l’Evangile. Pour garder cette image, rappelons que la Vierge se trouva soudainement enceinte sans très bien savoir ce qui lui arrivait. De même, le peuple juif peut tout d’un coup se trouvait porteur d’un nouveau message à délivrer. Ce message est en analogie avec l’enfant qui sort du ventre de la mère mais dont l’origine est extérieure à la mère. Que l’on ne nous reproche pas de recourir à une imagerie chrétienne car on sait très bien tout ce que les Chrétiens ont emprunté aux juifs et il est même possible que certains éléments judaïques aient été conservés par les Chrétiens et évacués par les Juifs.

   Tout se passe comme si un message pour atteindre une certaine dimension devait passer par la gestation juive, principe féminin de l’Humanité. Mais de même qu’une femme n’existe que par les enfants qu’elle peut encore donner, de même il serait fâcheux que le peuple juif ait atteint le stade de la ménopause et se contente de rappeler ce qu’il a été. Parions que ce peuple est encore capable d’enfanter !

   Si l’on revient sur le terme “judaïsme”, il convient de distinguer nettement les textes philosophiques à l’intention des nations et ceux qui nous renseignent sur les missions du peuple juif, sur ce que c’est que l’Histoire de ce peuple par delà tous les messages qu’il a pu délivrer; Le vrai judaïsme, c’est celui qui nous parle du rôle des juifs dans le monde, de leur fonction de transmission mais qui ne préjuge pas du caractère des multiples enfants ainsi mis au monde, ce qui est une autre Histoire.

   On nous fera évidemment remarquer que nous n’avons pas expliqué comment le peuple juif, lui-même, avait pu surgir dans l’Histoire de l’Humanité. Sauf à s’appuyer sur une intervention divine ou miraculeuse qui ne nous suffit pas et qui n’est pour nous qu’un artefact, où l’on prend l’effet pour la cause, nous préférons envisager une grille socio-politique et humaniste.

   Tout se passe comme si certaines sociétés s’étaient structuré de telle façon à instituer une caste de prêtres (Cohanim), de transmetteurs. Pour respecter un certain équilibre des pouvoirs, à la Montesquieu, les prêtres voyaient leur rôle bien limité et circonscrit. Ils ne pouvaient se situer ni au début ni à la fin de la chaîne de communication mais devaient se contenter d’en être le pivot, un peu comme l’exécutif se situe en aval du législatif et le peuple en aval de l’exécutif.

   Les Juifs seraient donc les héritiers d’un tel système qui aurait ainsi perduré, peuple donc de prêtres, peuple à part, voué à rester dans la différence non point du fait de sa culture et de sa foi mais par le jeu d’une mémoire génétique, ce qui nous renvoie à une dimension ethnique.

   Or, les Juifs laïcs ont implicitement opté pour cette approche. Du fait d’une non - pratique, ils reconnaissent que cette pratique n’est pas fondatrice, qu’elle n’est pas, en tout cas, garante de la perpétuation du peuple juif. C’est d’ailleurs, cette volonté de maintenir le peuple juif dans une conscience de sa différence qui constitue un commun dénominateur entre les différentes sensibilités juives, toutes tendances confondues.

   Ce qu’on appelle volontiers “conscience juive” ne serait-ce pas une façon de désigner une conscience de différence par delà les clivages culturels, cela ne renverrait-il pas, au moyen d’un euphémisme, à l’ethnie, à la “race” ? On sait d’ailleurs qu’un des rares tabous qui persistent chez les Juifs laïcs, c’est la question du mariage mixte. Paradoxalement, la conversion est plus concevable chez les Juifs dits religieux (shomrei mitsvoth) mais peut-on se convertir à un judaïsme de la “conscience” et non de la pratique ? D’ailleurs, un juif qui se marie avec une personne non juive est conduit à revenir, nolens volens, vers un certain respect des (613) commandements positifs et négatifs. On connaît aussi le cas de juifs mariés avec des non juifs et que cela ne trouble pas plus que cela, du moment qu’eux continuent à “pratiquer”. Le risque de la religiosité ne serait-il pas de faire de l’identité juive une affaire personnelle, individuelle alors que chez les laïcs, il y aurait, paradoxalement, un sentiment plus fort d’un destin collectif qui lie entre elles les générations pratiquantes ou non pratiquantes mais avant tout fidèles à une certaine généalogie juive, à un impératif endogamique auquel rien ne peut se substituer ?

   Problème de la poule et de l’oeuf: est-ce parce que le peuple juif pratique qu’il est différent ou bien est-ce parce qu’il est, ethniquement, différent qu’il recherche une pratique spécifique et quelque peu isolante ? Les Juifs laïcs se comportent comme s’ils avaient opté pour la seconde formule mais ils sont loin, pour la plupart, d’avoir formalisé et justifié leur position pas très intellectuellement correcte. Et pourtant, ces Juifs dépouillés de leur culture juive - sinon de leur conscience juive - sont riches d’enseignement pour le chercheur car ils montrent qu’il existe une judéité plus profonde, plus inconsciente de ce qu’elle implique, qui sous-tendrait ce qui n’est que le sommet de l’iceberg, la judéité cultuelle.

Jacques Halbronn



 

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