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Vraies et fausses clefs pour la question juive |
Question classique : quelle est la place du religieux pour l’identité juive ? Pour appréhender une population aussi dispersée, le religieux n’est-il pas la meilleure grille ? Il y a deux cents ans, la clef religieuse pouvait à la rigueur faire l’affaire mais les temps ont changé et le paramètre religieux semble devoir s’estomper au profit d’autres.
Les Juifs se sont laïcisé, parfois converti au christianisme, ils ont fait l’objet de tentatives de regroupement (sionisme) et d’extermination (nazisme) qui n’ont certes pas pleinement abouti - que l’on s’en félicite ou qu’on le regrette - mais qui ont tout de même connu un sérieux commencement d'exécution. Par ailleurs, les Juifs se sont intégré au sein du monde occidental de façon assez spectaculaire de par leur contribution notamment au développement des sciences sociales et ce processus n’a probablement pas encore donné tout ce qu’il pouvait donner.
Certes, il existe une grille biblique. Mais que nous apprend-elle de pertinent sur les Hébreux ou les Juifs ? Combien de fois ce texte a-t-il été trafiqué, déformé par les uns et par les autres, et notamment par les Chrétiens et les Musulmans ? Non pas qu’il n’y ait rien à apprendre des Ecritures mais il y a à prendre et à laisser. Il faut partir des faits sociaux et non pas des textes et l’on interprétera ces textes au prisme d’une certaine phénoménologie. Il y a là un primat des sciences sociales que nous posons car nous avons davantage prise sur ce que nous observons dans le monde que sur des textes anciens ou sur des astres morts et lointains.
Que penser ainsi de cette représentation assez fréquente dans le monde arabe selon laquelle le fait juif serait uniquement d’ordre religieux et que dès lors les juifs vivant dans le monde arabe - et donc ceux qui en sont issus - sont nécessairement des Arabes ? Les Juifs ne seraient pas un peuple et donc n’auraient donc aucune légitimité à revendiquer un Etat ! On voit ce qu’il y a d’antisioniste derrière une telle (re)présentation apparemment irénique : pourquoi, en effet, des gens de même religion se mettraient-ils à fonder un Etat ?
Mais que vaut, pour autant, la grille peuple ? Elle ne satisfait qu’à moitié, vu que la plupart des peuples sont localisés géographiquement et s’ils ont une diaspora, elle reste somme toute assez marginale. On nous objectera que désormais avec la création de l’Etat d’Israël, il existe bel et bien une diaspora juive à l’extérieur. Mais reconnaissons tout ce qu’il y a d’artificiel et de récent dans une telle construction politique. Que l’on observe ce qui se passe en France : les Juifs n’ont aucunement le même rapport à Israël que les Maghrébins musulmans avec le Maghreb; quant aux juifs d’origine maghrébine, c’est avec le Maghreb que le lien de mémoire existe plutôt qu’avec Israël et cela vaut pour les Juifs venant d’autres pays, avec notamment l’importance identitaire du yiddish.
La grille linguistique n’est guère satisfaisante : ce n’est pas la langue qui définit les Juifs et même l’hébreu, langue sémitique parmi d’autres, n’est pas un indicateur décisif, permettant d’assimiler les juifs au monde arabe. Une langue s’emprunte, se répand, s’adopte, elle peut en remplacer une autre plus anciennement parlée, comme c’est le cas en France avec le Celte. Le fait qu’en France, on parle une langue latine, permet-il de dire qu’à l’origine, la Gaule était latine ? C’est d’ailleurs sur un critère linguistique que le terme d’antisémitisme s’est forgé, ce qui permet aux Arabes (arabophones) de déclarer qu’ils ne sauraient être qualifiés d’antisémites.
Quelles sont les autres clefs dont nous disposons ? Il semble peu concevable de parler de race si par là on entend un type physique particulier à l’instar des noirs d’Afrique ou des jaunes d’Asie, par exemple. Les Juifs s’inscrivent très majoritairement dans la sphère de la race blanche, à cheval sur le monde chrétien et le monde musulman et les exceptions que constituent les Juifs d’Inde ou les falachas d’Ethiopie ne sauraient remettre en question un tel constat global. Ce ne sont pas les exceptions qui font la règle, la référence et les marginaux qui donnent le la.
Les Juifs ne sont pas davantage anatomiquement distincts comme le sont l’homme et la femme et d’ailleurs on a bien du mal à les reconnaître, à les identifier, par leur apparence ou par la façon de vivre au sein des cultures les plus diverses. Ce n’est pas en cela qu’ils se distinguent comme ce serait le cas d’immigrés de date récente. Ce qui vient créer de la confusion, cependant, c’est que beaucoup de Juifs, au XXe siècle, ont été déracinés et ce pour diverses raisons qui vont du sionisme aux persécutions judéophobes et cela aussi doit être relativisé au regard du fait que les Juifs ont séjourné très longtemps dans certains pays. Dire que la condition juive est celle de la migration nous paraît inacceptable, même si l’on peut admettre que le fait que les Juifs se maintiennent quelque part à une certaine distance peut éventuellement faciliter leur expulsion et leur départ. Mais ne confondons pas la cause et l’effet.
Il nous semble nécessaire de minimiser le facteur religieux quand on aborde la question juive. Comme nous l’annoncions plus haut, la place des Juifs dans l'intelligentsia occidentale est assez remarquable et ce, notamment, dans le domaine des sciences de l’Homme et plus spécialement dans le champ des sciences sociales. Et nous nous permettrons de citer Karl Marx dans cet ensemble de Juifs, sans nous préoccuper de savoir si Marx ou sa famille s’étaient converti au protestantisme. Car ce n’est pas le fait de pratiquer le judaïsme qui aura permis aux Juifs de jouer le rôle que nous venons de signaler. Ces aptitudes ne sont nullement fonction de quelque adhésion à une religion quelle qu’elle soit à moins, bien entendu, d’employer le terme religion faute de mieux, dans un sens très vague, le fait étant que l’on peut tout de même définir un Juif comme quelqu’un qui descend depuis des générations de Juifs, lesquels se caractérisaient globalement par une certaine pratique religieuse et ce quelle que soit la pratique individuelle de tel ou tel. Au mieux, la religion aura permis de maintenir une certaine identité, une certaine visibilité en l’absence de formulations plus satisfaisantes mais qui n’auraient guère fait sens dans les sociétés des siècles passés. C’était un pis aller.
On peut dire que des siècles durant, le Juif s’est caché derrière la façade du religieux, faute de mieux. Et il est vrai que cela était facilité par l’émergence du christianisme et de l’Islam, deux religions se référant, chacune à sa façon, aux Juifs, sur un plan non seulement religieux mais historique. Mais une fois la façade religieuse peu ou prou ébranlée voire évacuée, du fait du déclin de la référence religieuse en Occident, du fait de la montée du racisme, du fait du sionisme, l’on s’aperçoit que le Juif maintient certains traits distinctifs qui ne sont pas de l’ordre du religieux. On pense à la chenille devenant papillon, à une certaine métamorphose du Juif ou à la fin de quelque hibernation.
Un obstacle épistémologique majeur sur le chemin de notre réflexion est la séparation que l’on a encore coutume de faire entre le culturel et le génétique comme si le génétique n’était pas, d’une certaine façon, la mémoire d’un culturel archaïque, comme si le génétique n’était pas issu d’un certain ordre social aussi primitif fut-il. A moins de remonter au big bang, à une sorte de déterminisme originel qui priverait l’Humanité de toute véritable créativité sociale.
Selon nous, les Juifs seraient le vestige d’une très ancienne structuration sociale, fondée sur la dualité, comme cela avait été mis en évidence lors du Colloque Penser la dualité en mai 2000 à Paris1, ce qui expliquerait que naturellement, ils seraient programmés à constituer un second pôle, dans toutes les sociétés où ils se trouvent, y compris en Israël. Ce serait en quelque sorte le second foyer de l’ellipse.
Une telle dualisation de la société venait en complément ou en compétition avec celle de la sexuation, étant entendu que chacun de ces pôles comportait des hommes et des femmes; on pourrait donc parler d’un nouveau stade de différenciation qui avait d’autres raisons d’être et qui fonctionnait, comme la sexuation, au sein d’une même race. On pourrait parler, éventuellement, d’une nouvelle sexuation, beaucoup plus récente et donc ne comportant pas de différences anatomiques.
Reconnaissons que dans l’état actuel de nos connaissances, seule une approche empirique peut être envisagée pour l’heure, vu que l’on n’est pas encore en mesure d’établir de distinguo génétique. On observe une certaine dualité, on en devine les causes sociales, mais on ne peut en expliquer le mode de transmission mais simplement l’observer. Il vaut mieux dans ce cas reconnaître notre ignorance plutôt que de proposer des explications de type religieux, qui englobent le fait juif dans une catégorie assez peu pertinente.
Cela dit, cette approche par le religieux n’est nullement innocente venant notamment des Chrétiens. La question se posa, en effet, à l’origine du christianisme de savoir s’il fallait être Juif pour prétendre à devenir Chrétien, si cela était une condition préalable. On sait qu’il fut décidé, in fine, que des non Juifs pouvaient devenir Chrétiens.2 On pourrait parler ici d’un tournant épistémologique pour les sciences sociales qui est à l’origine d’une certaine confusion, persistante. On pouvait ainsi franchir la frontière entre les deux pôles - juif/non juif - par le biais d’une conversion, avec tout ce que cela comportait de mimétisme, d’identification à l’autre.
Il semble que de nos jours, l’on soit revenu sur une telle stratégie : les Juifs sont toujours là, le christianisme a échoué en tant que projet de judaïsation du monde, c’est-à-dire d’abolition de la dualité sociale. Le christianisme - du moins tel qu’il avait fini par devenir - était un cheval de Troie permettant au monde non juif de pénétrer au sein du monde juif.. L’on peut penser que si un tel calcul échoua, c’est précisément parce que la programmation dualiste était autrement plus profonde, plus ancrée qu’on ne le pensait. Cette résistance du judaïsme par rapport à un christianisme qui se voulait un judéo-christianisme est selon nous un indice fort de l’existence de paramètres plus profonds, de l’ordre de la phylogenèse et non de l'ontogenèse.
Le christianisme, rappelons-le, se voulait un nouveau judaïsme, il était en fait au départ l’idée d’une réforme du judaïsme. Ni plus ni moins. Et cela à l’usage des seuls Juifs. Mais les non Juifs auront profité des dissensions entre Juifs pour ouvrir une brèche, remettant en cause un clivage fondamental entre Juifs et non Juifs. En pratique, on l’a vu, une telle stratégie fit long feu. Les Juifs ont refusé le christianisme pour ne pas se retrouver avec des non Juifs. Si le christianisme n’avait pas flirté avec le monde non juif, probablement les Juifs se fussent-ils christianisé. Car la véritable raison de la part des Juifs pour ne pas se convertir au christianisme est de ne pas se mélanger avec les non Juifs, ce qui est au contraire à leur programmation dualiste. C’est dire que le débat sur la conversion des Juifs est mal posé : pour que les Juifs se convertissent au christianisme, il faudrait que les Chrétiens non Juifs abjurent leur foi. C’est là un choix cornélien !
Le nazisme, en voulant exterminer les Juifs, aura repris ce programme d’abolition d’une société dualiste, avec des moyens autres que ceux du christianisme à moins que cela n’en ait été que le prolongement. Il n’en est pas moins vrai qu’un tel projet dut trouver - objectivement - quelque écho dans la sensibilité chrétienne.
On nous reprochera probablement de ne pas avoir cherché à définir plus précisément les enjeux de ce dualisme dont les Juifs seraient à la fois le moteur et l’un des pôles.3 On peut se demander si cela n’a pas à voir avec la Loi, avec les lois, ce qui expliquerait la place des Juifs, aujourd’hui, dans le domaine scientifique, juridique et politique. Et ce faisant, on comprendrait mieux tout ce qui dans les Ecritures se rattache à la Loi, à commencer par les Tables de la Loi, c’est-à-dire les Dix Commandements. Cette séparation des pouvoirs reste d’ailleurs le fondement des Etats dits de droit. Il n’est donc pas étonnant que l’antisémitisme soit souvent le fait de sociétés qui refusent une telle séparation entre le judiciaire, le législatif et l’exécutif - distinction chère à un Montesquieu (Esprit des Lois) - mais aussi le fait de sociétés fortement marquées par l’immigration, avec ce qu’un tel phénomène sous entend et sous-tend de franchissement et de dépassement des frontières et des clivages. Mais cela vaut aussi pour les sociétés qui refusent que l’on distingue psychiquement hommes et femmes. Toute négation de dualité et de différence débouche à terme sur l’antisémitisme.
Ce qui fait problème, pour les Juifs, c’est le fait de ne pas être reconnus dans leur véritable spécificité, ce sont les amalgames de tous ordres dont ils ont fait l’objet au cours de leur Histoire. Si l’on compare la situation des Juifs en France avec celle des Maghrébins, l’on ne saurait privilégier certains traits communs (l’hébreu comme langue sémitique, le judaïsme comme une des religions du Livre, Israël comme patrie) qui sont somme toute secondaires, accessoires. La réalité sur le terrain est autre : les Juifs ne communiquent pas entre eux en hébreu mais en français, ils ne sont pas issus d’on ne sait quel monde juif monolithique, géographiquement localisé, et qui exerce une forte attraction sur ses ressortissants ; ils ne portent pas des noms différents du reste de la population et d’abord parce que les prénoms hébraïques sont passés dans le christianisme (Daniel, Michel, Jacques, Joseph etc). Certes, les Juifs assument-ils une certaine différence mais celle-ci n’est pas du même ordre que celle des Musulmans : ils sont un élément constitutif, structurel d’un grand nombre de sociétés ; pour faire image, les Juifs font partie de l’organicité du monde, ils en sont un rouage essentiel, et ils ont également joué un rôle essentiel dans le monde arabe. Il est vrai que les choses ont évolué au XXe siècle de telle sorte que d’autres grilles y trouvent une certaine vraisemblance : rassemblement de Juifs en Israël (Alya), forte immigration juive, quasi-absence des Juifs dans le monde arabe, expulsions, exterminations (Shoa), tout cela fausse les perspectives. D’où les tentations, comme chez Esther Benbassa, de rapprocher judéité et arabité en mettant l’accent sur des facteurs contingents. Or, tant que le monde arabe n’aura pas compris que les Juifs peuvent s’assimiler dans tout pays et vivre selon les valeurs de tout pays, qu’ils ne sont ni à la solde d’Israël, ni même prisonniers d’une pratique religieuse, tout en étant conscients d’être une population distincte par sa fonction, par son rôle, au service des sociétés au sein desquelles ils s’inscrivent, il ne pourra y avoir que méfiance envers eux. On le voit bien avec l’affaire des implantations juives en Palestine : pourquoi ces Juifs installés dans cette région ne pourraient-ils y rester, dans un autre cadre que celui qui était le leur auparavant ?
Ce qui fait problème, c’est le mimétisme des non Juifs à l’égard des Juifs bien plus que l’assimilation des Juifs dans telle ou telle société, ce qui empêche de reconnaître le Juif comme radicalement autre, tout comme l’homme reconnaît sa différence à la femme. Le paradoxe, c’est qu’il est plus facile d’accepter de vivre avec celui qui est autre, qui est d’une autre nature qu’avec celui qui est jugé identique mais se prétend vainement autre. Au bout du compte, les seules différences qui sont admises, ce sont celles qui sont perçues comme inhérentes à la nature humaine et non pas celles qui apparaissent comme aléatoires et surtout comme inutiles. Or, affirmer que les Juifs sont partie de l’organicité humaine - ce qui n’est pas le cas des arabes, ni des musulmans, ni des maghrébins qui sont des épiphénoménes, des avatars, c’est exclure qu’ils puissent vivre coupés du reste du monde. Quand un organisme est malade, on s’efforce de le guérir, on ne va pas pour autant séparer les organes et les faire fonctionner séparément. Le Juif se situe dans la synchronie, c’est-à-dire dans la structure alors que le non-juif existe dans la diachronie, c’est-à-dire ne fait qu’assumer une des multiples variations par lesquelles l’Humanité passe. Une chose est d’être un organe - de la main à l’estomac - pouvant s’appliquer aux choses les plus diverses, une autre d’être un de ces objets saisis à un moment donné par le dit organe. Il serait bon que les non juifs assument leur unicité face aux juifs au lieu d’affirmer leur diversité en voulant ne faire des Juifs qu’une manifestation parmi d’autres de la dite diversité. Finalement, ne vaudrait-il pas mieux de parler de juifs et de non juifs, ce dernier terme englobant tous ceux qui, par delà leur culture, leur religion, leur langue, n’appartiennent pas héréditairement à l’ensemble juif, plan qui n’autorise pas, quant à lui, les mimétismes, qui ne ment pas ?
Notre société a des rapports ambigus avec l’hérédité : qui contesterait que les liens du sang n’ont pas gardé une certaine importance, ne serait-ce que dans le cas de la monarchie (dynastie), de la transmission du nom, de l’héritage ? Et il semble bien que cela aille au delà d’une vie en commun. Quelque part, nous savons que le Ciel et le Sang constituent des forces essentielles pour le destin de l’humanité mais scientifiquement nous ne savons pas encore comment le formuler, ce sera probablement là un des principaux enjeux du XXIe siècle.
Méfions-nous des leurres : le fait de vivre dans un même espace et dans un même temps signifie-t-il que nous soyons identiques ? Est-ce que socialement, le fait de parler une même langue signifie que l’on appartient à un même milieu, est-ce que le fait d’avoir des enfants implique que l’on fasse partie d’un seul et même ensemble ou plus simplement qu’il y a intersection entre deux ensembles ? On comprend pourquoi les Juifs ont voulu manger différemment (kasher) de façon à ne pas se confondre en partageant la même nourriture mais, à d’autres moments, ils se donnent les mêmes institutions que les autres peuples, ils adoptent les mêmes qualificatifs - comme celui précisément de peuple. Bref, ce n’est pas parce que je partage avec autrui quelque chose que je suis son égal mais ce n’est pas parce que je diffère de l’autre que je ne peux rien partager avec lui.
Evitons donc les sophismes : ce n’est pas parce que je partage un même temps, un même espace avec autrui que je n’en diffère pas par ailleurs profondément. Le cas palestinien a mis en évidence de façon frappante le caractère pervers de certains raisonnements : Juifs et Palestiniens ne se rejoignent ici que dans certaines limites : quand les Juifs jouent à être un peuple, cela donne Israël mais cela ne signifie pas que les Juifs soient avant tout un peuple; quand les Juifs choisissent de se manifester sur le plan religieux, cela donne ce qu’on appelle le judaïsme mais cela ne signifie pas que le fait juif soit essentiellement d’ordre religieux. Quand les juifs s’expriment dans une langue qui leur serait spécifique, ils choisissent l’hébreu ou le yiddish, notamment mais cela ne signifie pas pour autant qu’être juif serait une simple affaire de culture. Il faudrait ne rien faire comme autrui pour que celui-ci n’aille pas s’imaginer qu’il est notre égal, refuser tout compromis pouvant prêter un tant soit peu à confusion. Il ne s’agit certes pas de couper les cheveux en quatre mais bien de ne pas réduire le phénomène juif à telle catégorie du seul fait que les Juifs en relèveraient aussi, peu ou prou. Le rapport à l’autre n’est concevable, précisément, qu’à condition que ma fréquentation de l’autre ne soit entachée ni de mimétisme, ni d’amalgame, sinon elle est biaisée, sinon il ne saurait y avoir une saine convivialité. Partager un espace-temps ne signifie nullement qu’il y ait identité entre les protagonistes, il y là un principe épistémologique mais aussi éthique capital, toute fusion, toute confusion relèvent en définitive de la contingence : j’aurais pu ne pas me trouver en cet endroit sans que cela m’empêche d’être tout comme ma façon de vivre une même situation peut tout à fait me différencier d’autrui et ce d’autant plus que les données se rapprochent. On ne peut finalement pas penser l’altérité en dehors d’une certaine dialectique, d’un va et vient qui alternativement me rapproche et m’éloigne de l’autre.
Jacques Halbronn
Paris, 9 décembre 2004
Notes
1 Cf. compte-rendu in Cahiers du CERIJ, 2000. Retour
2 Cf. G. Mordillat, J. Prieur, Jésus après Jésus, l’origine du christianisme, Paris, Seuil, 2004. Retour
3 Cf. notre article sur la consciencialité sur le Site du CERIJ.org. Retour
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