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JUDAICA

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Image de la femme juive et exogamie

par Jacques Halbronn

    On sait à quel point la confusion régnante concernant le statut social des femmes mine notre société ; cela vaut tout particulièrement dans le cas du judaïsme. C’est ainsi que les expériences de mixité scolaire sont de plus en plus contestées en ce qu’elles font paradoxalement ressortir les différences de genre.1

   On nous parle ainsi de mariage mixte comme si ce qu’apporte l’homme et ce qu’apporte la femme était équivalent. En réalité, il n’y a jamais de mariage mixte dès lors que l’on admet que la femme est avant tout un réceptacle. Est-ce que l’on parle jamais d’un quelconque mélange entre la bouteille et le vin qui s’y trouve ?

   A partir du moment où l’on admet que c’est l’homme qui est déterminant, on ne saurait donc parler de mixité. Ce qui revient à dire que la femme juive n’existe pas en soi, elle n’est que dans son rapport à l’homme juif. La femme est dans l’acquis plus que dans l’inné et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle croit volontiers que la société est responsable de ce que nous sommes, ce qui n’est vrai que jusqu’à un certain point.

   On ne peut pas parler d’une femme “juive” en ce qu’elle n’émet pas mais ne fait que transmettre la judéité. Insistons sur le fait que celui qui transmet n’est pas la source mais seulement le canal. Dès lors affirmer que l’on est juif par la mère est soit une évidence, soit une aberration. On est juif par la mère à condition que le père soit juif si l’on considère la mère comme un canal. Mais on n’est pas juif si la mère n’est pas le canal choisi par un père juif. On ne peut davantage parler d’une fille juive, laquelle d’ailleurs ne sera pas circonscrite, ne sera donc pas “marquée”, pourra circuler librement. Inversement, toute femme, qu’elle soit née juive ou non, pourra s’intégrer aisément dans la vie religieuse juive, étant donné que les femmes y sont fortement marginalisées, qu’on ne les compte pas et qu’on ne compte pas sur elles dans l’exercice du culte. D’où notre opposition à l’existence de femmes rabbins.

   C’est dire que le judaïsme facilite grandement l’intégration des femmes dans la communauté, d’où qu’elles viennent, puisqu’il ne prononce pas d’exigences significatives à leur égard. L’intégration n’implique nullement un statut égalitaire. Exieger de l’étranger qu’il soit considéré comme égal du natif, c’est le condamner à l’échec. Autrement dit, un homme juif peut choisir la femme qui lui convient et en faire ipso facto un membre de la communauté juive... en tant que femme. Si un jour, il lui donne le guet (divorce), libre à cette femme de quitter cette communauté pour se recycler dans un autre cadre, éventuellement non juive, et faire des enfants à d’autres hommes. Elle ne sera pas, on l’a dit, marquée en sa chair ni en son esprit, par le judaïsme et le bagage qu’elle aura acquis ne lui aura pas demandé trop de peine et sera suffisamment léger pour qu’elle puisse en changer. Bien entendu, les enfants mâles qu’une femme a eu d’un homme juif appartiennent à la communauté juive. En ce qui concerne les enfants femelles, ils servent de monnaie d’échange pour permettre précisément - ce qui est le propre de l’exogamie - aux juifs de la dite communauté de trouver ailleurs les femmes qui leur conviennent. Ce libre choix explique d’ailleurs la diversité même de la “race” juive de par le monde qui est l’expression des nombreux brassages entre les hommes juif et les femmes qu’ils se choisissaient.

   En effet, l’homme juif doit pouvoir se choisir la femme qu’il épousera, sans être en quoi que ce soit bridé par un quelconque préjugé qui l’obligerait à se restreindre aux femmes nées dans une communauté juive. Un homme juif peut prendre pour mère de ses enfants une femme de n’importe quelle race, ethnie, culture. Il leur donnera son nom comme cela continue largement à se pratiquer alors qu’un enfant né d’une mère juive et d’un père non juif portera le plus souvent le nom du père non juif. L’acquisition du nom du père symbolise la vraie filiation juive par les hommes et non par les femmes.

   Certes, qui n’est pas au courant d’une “loi” qui voudrait que l’on soit juif par les femmes ? Il s’agit là d’un contresens gravissime. On nous argumente que l’on sait plus facilement qui est la mère que le père, puisque l’on peut observer le moment de l’accouchement. Peut-être bien mais le problème, c’est que c’est le père qui transmet la judéité et que la seule question qui compte pour savoir si l’enfant est juif, c’est celle-ci : est-ce que cette femme a eu son enfant de par sa relation avec un homme juif ? Même la fille d’un homme juif ne saurait être considérée comme juive en ce qu’elle ne transmet pas la judéité, qu’elle est en quelque sorte un élément neutre qui évoluera au fil des sociétés dans lesquelles elle sera immergée sans que cette immersion soit autre chose qu’un vernis dont elle pourra changer au cours de son existence si elle n’est plus en accord avec la communauté qui l’a accueillie.

   Dans le Pentateuque (Houmash), les hommes juifs peuvent avoir plusieurs femmes. C’est notamment le cas d’Abraham père d’Ismaël et d’Isaac. Pour nous, Ismaël est aussi juif qu’Isaac, puisque son père, Abraham, est juif et peu importe que leurs mères soient différentes.

   Il nous semble donc inutile que l’on se lamente à propos de la prolifération des mariages mixtes. Si ce sont des femmes juives qui se marient avec des hommes juifs ou non juifs, il n’y aura de toute façon pas transmission de judéité. Et si ce sont des hommes juifs qui se marient avec des femmes juive ou non juives, il y aura de toute façon transmission de judéité, si l’on entend par judéité, une certaine mémoire génétique. Si la judéité se situait sur un plan simplement culturel, toutes ces questions ne feraient guère sens et une femme pourrait tout aussi bien transmettre une certaine culture juive.

   C’est d’ailleurs là toute la question: il ne suffit pas de semer de la culture juive, il faut aussi que la semence tombe sur de la bonne terre. Sans cette “terre”, c’est-à-dire ce terrain génétique, la semence culturelle ne donnera rien d’intéressant.

   Il est donc urgent que le judaïsme précise sa politique des mariages et plus généralement du masculin et du féminin. C’est au prix d’une certaine rigueur que les Juifs pourront choisir les femmes qui leur conviennent, dans les sociétés où ils demeurent, sans s’enfermer dans un ghetto mais aussi sans vivre dans la hantise de trahir leur judéité. Quant aux filles de pères juifs, elles n’ont d’autre issue, comme toute autre femme, pour donner naissance à des fils juifs que d’épouser des hommes juifs.

   Curieusement, le rabbinat tend à se méfier des conversions qui seraient fondées sur la volonté de la part de femmes dont les pères ne sont pas juifs d’avoir des enfants avec un homme juif. Nous pensons, bien au contraire, qu’il s’agit là d’un motif tout à fait légitime. De toute façon, la femme est avant tout un réceptacle. Nous pensons donc qu’une femme doit rencontrer aussi peu d’obstacles que possible à sa conversion, qui, en fait, pourrait avoir lieu en même temps et du fait même du mariage, à la synagogue. En revanche, la conversion d’un homme qui ne serait pas né d’un père juif - la mère juive ne comptant pas pour nous - fait beaucoup plus problème et doit respecter d’autres considérations, à savoir le sentiment profond d’être d’ascendance juive.2

   Si les femmes d’origine maghrébine par exemple acceptaient de se marier avec des non maghrébins et des non musulmans et vice versa, la situation, tant en France qu’en Israël, ne serait pas ce qu’elle est. On peut ainsi regretter qu’en Israël, les hommes juifs n’aient pas multiplié les mariages avec des femmes nées de pères non juifs et appartenant à une autre religion que la juive et tout particulièrement chez les juifs issus du monde arabe.

   Une mauvaise façon d’analyse les relations hommes-femmes conduit inévitablement à des échecs au niveau de l’intégration sociale. C’est le principe même de l’égalité entre hommes et femmes, au niveau de la filiation, qui explique en partie la gravité des clivages au sein de nos sociétés contemporaines. Cette égalité est en effet en contradiction avec la pratique de l’exogamie, laquelle exogamie était un facteur essentiel de brassage entre cultures, ce qui vaut, a fortiori, dans le cas de populations cohabitant au sein d’un même Etat et qui restent étrangères les unes aux autres, du fait d’une mauvaise appréciation du rôle des femmes et de la contribution de celles-ci comme interfaces entre les dites populations.

   Le paradoxe, c’est qu’en renforçant le rapport identitaire des femmes à leur culture familiale - on l’a vu avec la polémique sur le voile islamique - on prive celles-ci de leur aptitude à pénétrer dans d’autres milieux et ce faisant on isole davantage les milieux les uns des autres. C’est probablement au niveau identitaire que l’égalitarisme masculin-féminin aura produit et risque encore de produire ses effets les plus néfastes. L’identité culturelle de la femme doit être suffisamment légère pour qu’elle puisse adopter la culture d’un conjoint étranger à son milieu d’origine. A vouloir affirmer son identité d’origine, la femme nuit plus qu’autre chose à ceux qu’elle considère comme les siens; elle est une porte qui se ferme au lieu de s’ouvrir sur le monde. L’affaire du voile est le symptôme et la marque d’une telle dérive identitariste chez les femmes. Il est d’ailleurs significatif que les arguments que nous développons ici n’aient pas été avancés, tant il est devenu un tabou de différencier les rôle sociaux respectifs des hommes et des femmes. On se plaint des échecs de l’intégration et en même temps on refuse d’en comprendre les véritables causes qui sont liées au statut de la femme qui ne la conduit plus, qui ne lui permet plus, faudrait-il dire, de jouer le rôle de ciment social entre sociétés à la fois voisines et spécifiques. On pourrait en dire autant d’ailleurs du fossé entre générations qui s’aggrave du fait que les femmes veulent de plus en plus avoir pour conjoints des hommes de la même génération, c’est-à-dire du même âge qu’elles alors que par le passé, elles constituaient un lien transgénérationnel. On arrive donc à des positionnements caricaturaux de telle femme juive de 40 ans, divorcée, qui veut absolument épouser un homme juif du même âge; ce faisant, elle ne rend service ni à son milieu socioculturel, ni à sa tranche d’âge et bien entendu de telles attitudes chez les femmes empêcheront des hommes de s’ouvrir à d’autres milieux et à d’autres générations. Il est peut-être temps de faire le bilan et surtout de tracer les perspectives de certains prétendus progrès sociaux, perçus au travers de l’égalitarisme et de l’identitarisme qui sont avant tout des mimétismes à l’égard des hommes. Sur le plan grammatical, la marque de genre - masculin-féminin - n’est plus perçue que comme une symétrie : ce qui revient à dire que je veux en tant que femme tous les droits propres aux hommes. Or, c’est sous estimer la difficulté de toute intégration : si l’on demandait aux femmes ce qu’on demande aux hommes, comment pourraient-elle être autre chose que des citoyens de seconde zone, faisant moins bien que les autres ? En revanche, s’il est demandé aux femmes autre chose qu’aux hommes, elles ne seront pas pénalisées de leur arrivée dans un milieu différent puisque elles ne seront pas en compétition avec les hommes. A contrario, si les hommes et les femmes ont les mêmes devoirs au sein d’une société donnée, comment un étranger pourrait-elle s’y intégrer puisque la barre serait placée trop haut et que la société ne propose pas des degrés d’intégration diversifiés. La marginalisation relative des femmes dans les sociétés est précisément ce qui va faciliter leur circulation d’un milieu à l’autre, à condition de pouvoir se renouveler, de redevenir comme “neuve”, c’est-à-dire de faire le vide en soi, ce qui permet de tourner la page, aptitude qui n’est pas le propre des hommes et qui n’a pas à l’être car il leur incombe d’assumer la continuité. Une société peut et doit importer des femmes, ne serait-ce que pour pouvoir se reproduire. Elle n’a pas nécessairement, pour cela, à recourir aux femmes qui naissent en son sein.

   La grande erreur de la politique d’intégration française, due à un déclin démographique et aux ravages de la Première Guerre Mondiale, aura été d’importer des travailleurs hommes au lieu de favoriser l’immigration féminine. C’est probablement aussi la carence des brassages féminins en Algérie, tant chez la femme algérienne que chez la femme ”pied noir“ qui a abouti à la sécession de 1962 pour ces départements français. Le communautarisme est le résultat de cette défaillance des femmes à sortir de leur milieu d’origine, le coût social en est exorbitant. Une société ne fonctionne bien que si elle gère bien ses rapports avec d’autres sociétés, sinon elle s’étouffe. Il importe de ne pas considérer la population féminine comme partie intégrante d’une société puisque elle est censée en constituer un élément d’exportation en contrepartie d’une importation en sens inverse. On pourrait parler d’une économie sociétale. La monarchie française a donné l’exemple en multipliant les alliances étrangères, tant parce que les princes français épousaient des princesses d’autres royaumes que parce que les princesses françaises épousaient des princes au delà des frontières. De nombreux traités prévoyaient d’ailleurs des alliances croisées comme en 1559 entre Henri II et Philippe II. Une société incapable d’intégrer des éléments étrangers non pas simplement en les plaçant dans des ghettos mais en en acceptant les femmes est une société malade et a affaire à des communautés malades et tout cela parce que les femmes ne veulent pas se déraciner, s’emplir d’une autre culture. C’est cette mauvaise volonté féminine qui plombe nos sociétés.

   C’est dire que pour nous, il est patent que les femmes occupent souvent un terrain qui n’est pas le leur et laissent vacante une activité qui pourrait se révéler des plus précieuses. Si déjà, la femme tend ou rêve de se démarquer de son rôle de génitrice, donnant en quelque sorte sa démission, ce que d’ailleurs la biotechnologie devrait permettre - acte de procréation qui n’est d’ailleurs nullement étranger aux possibilités de métissage social - faut-il aussi qu’elle ne se prête plus à ce rôle, ce métier, de passeuse ? Il serait bon que le nouveau pape, Benoît XVI, puisse contribuer à réhabiliter non pas la femme comme pouvant être l’égal de l’homme mais bien la femme comme devant assumer pleinement sa propre mission, au vu des dégâts déjà observables quand elle y renonce ou quand elle n’en a pas conscience.

   La femme juive, aujourd’hui, croit rendre service à “sa” communauté en se faisant plus juive que l’homme juif, c’est là un excès de zèle ! Imaginons une communauté de quelques milliers de personnes, comment va-t-elle survivre si elle reste repliée sur elle-même ? Or, ce repli est fonction du comportement féminin tant la communauté en question que dans les communautés qui l’environnent. Une communauté ne pourra prospérer que si elle intègre des éléments étrangers féminins mieux que d’autres. En ce sens, on comprend que la naissance de filles ait été perçue comme un affaiblissement pour une famille car il ne peut y avoir d’échange entre communautés que s’il y a suffisamment d’hommes qui y restent. On ne peut concevoir une société où il n’y aurait pas un noyau masculin suffisamment solide. Ajoutons que les femmes ont une certaine capacité d’adaptation qui fait de leur intégration dans un milieu inconnu un défi à relever. En refusant un tel défi, là encore, elles refusent de mettre à profit leurs aptitudes propres, ce qui pourrait être considéré à terme comme une sorte de suicide collectif. Trop de femmes se sont engagé dans un autre combat, celui de jouer à être des hommes, et cela n’est pas le bon défi pour elles. A vouloir renforcer le brassage hommes/femmes dans une société donnée, on affaiblit le brassage entre sociétés différentes. Que se passera-t-il quand chaque société se sera totalement repliée sur elle-même, tellement minée par ses tensions internes qu’elle n’aura plus de force pour gérer ses tensions externes ? Or, l’on fait là fausse route : il ne s’agit pas pour la femme de devenir un homme mais de passer d’une culture à une autre en transformant sa faiblesse en force, comme dans la fable du chêne et du roseau.

   Ce n’est pas un service que l’on rend à une femme que de l’enfermer dans ses certitudes. Pour paraphraser un célèbre adage, les voyages forment les femmes, leur font prendre conscience de leur véritable nature. Même au sein de la communauté juive de France, les femmes issues de l’immigration y ont plus leur place que celles qui sont de souche française, lesquelles ont plus vocation à émigrer, pour se retrouver ainsi, elles aussi, en situation d’étrangères. En revanche, pour un homme, la migration individuelle peut être dommageable, et les rôles inversés si c’est la femme qui est chargée de gérer son intégration. Il en est bien sûr tout autrement s’il s’agit d’une migration collective maintenant les cadres et repères sociaux.

   Mettre en avant les risques de métissage ethnique pour refuser le principe de l’exogamie est la dernière ruse inventée alors que cette exogamie est un principe respecté depuis des millénaires, tout en maintenant leur spécificité, ce qui montre que l’exogamie n’est pas une menace pour la perpétuation d’une société. Le véritable risque de métissage est autre, il est celui du mélange du masculin et du féminin dans certaines instances. On ne contestera pas que l’exogamie tend à inférioriser la femme en la déstabilisant culturellement du fait du changement de cadre qui lui est imposé. La femme a vocation a être étrangère à la culture de son mari, ce qui évite toute tentation de croire à une quelconque égalité. D’ailleurs, dans nombre de pays, la situation de l’étranger - d’ailleurs souvent razzié, comme en Afrique - était souvent assimilée à celle d’esclave, avec ce que cela pouvait impliquer d’infériorité de statut, de droits. En pratiquant l’exogamie entre elles, les sociétés contribuent à renforcer le clivage hommes/femmes. De nos jours, l’émigration n’épargne nullement les hommes, ce qui est certainement un élément de confusion dans la mesure où cela génère une catégorie d’hommes infériorisés par rapport à des femmes qui, elles, ne pratiquent plus guère l’exogamie. On voit qu’il importe de gérer de concert émigration et exogamie. Refuser l’exogamie, n’est-ce pas d’ailleurs une forme larvée de xénophobie ? Accepter de confier à un étranger sa fille est tout de même une marque de confiance tant d’ailleurs en la fille qu’en ce qui concerne la société d’accueil et ses moeurs. L’amitié entre les peuples n’est pas fondée sur la confiance mais sur l’espoir plus ou moins chimérique d’une confiance - quand même, malgré tout - telle qu’elle est censée exister d’abord chez les siens et chez ses pairs. L’amitié est souvent un palliatif à une crise, de plus ou moins longue durée, dans les rapports de proximité professionnelle ou parentale. La femme reléve, selon nous, de ce registre amical, qui implique une certaine étrangeté à transcender.

   Mais l’homme n’est pas fait pour vivre en tant qu’étranger, qu’ “ami de la famille” - ce n’est pas à lui de s’adapter mais bien plutôt d’adopter - c’est bien plus le lot de la femme. A partir du moment où la femme refuse une dynamique de l’amitié vers celui qui est autre, nous sommes bien là en face de graves dysfonctionnements dus à une mauvaise appréhension de la dialectique masculin/féminin et qui aboutit à la féminisation de toute une population masculine (immigrés, homosexuels) dont on a vu qu’elle contribuait à faire se refermer les sociétés sur elles-mêmes. On nous objectera que l’immigration contribue à un certain brassage mais celui-ci conduit bien plutôt à l’hétérogénéite sociale et au communautarisme, les hommes étant programmés à maintenir leur propre identité socioculturelle beaucoup plus que les femmes.

   Dans le cas de la communauté juive de France, il nous semble que l’accueil de femmes israéliennes ou venant de pays étrangers, devrait être encouragé notamment auprès des Juifs dits de souche française. La diaspora juive facilite en effet un tel brassage. Inversement, la communauté juive de France devrait mettre l’accent sur l’Alya ou l’émigration de sa population féminine, le principe étant que le poids du travail d’adaptation à un nouveau milieu doit concerner plus la femme que l’homme. On nous objectera que de tels procédés tendent à conditionner les femmes à se comporter d’une certaine façon. Il s’agit bien plus tôt de créer pour elles un environnement adéquat. Il est en effet des sociétés qui sont conçues de telle façon qu’elles excluent certaines fonctions, contraigant ceux qui correspondent aux dites fonctions à une migration vers d’autres créneaux qui ne sont pas les leurs, ce qui implique une certaine dose de mimétisme. On pense à la place des Juifs dans les derniers siècles de l’empire ottoman, comparée à celle qui fut la leur, à la même époque, au sein du monde chrétien.

   Rien n’est plus ontologiquement opposé au juif que la femme. Le juif est avant tout porteur d’une innéité culturelle et il maintient sa spécificité quoi qu’il arrive, la femme est avant tout marquée par son environnement et change si celui-ci change. Il n’y a pas de femme juive en soi, il n’y a que des intersections entre l’ensemble des juifs et l’ensemble des femmes. L’avenir du judaïsme passe par une réévaluation du rôle de la femme au regard de la modernité. Contrairement à ce qui est trop souvent affirmé, la modernité n’est ici aucunement synonyme d’égalité. Une anthropologie de la femme conduit à percevoir celle-ci comme un être devenu mythique, en quelque sorte hors du monde, appartenant à une autre humanité antérieure à l’émergence de l'Humanité actuelle et dont la réalité intrinsèque, par delà les projections qui l’instrumentalisent et la déifient, est des plus primaires. Au fond, la femme nous fait penser au lion ou à l’aigle, animaux à la fois emblématiques, héraldiques et singulièrement cruels et sauvages. Du fait même qu’elle est hors du monde, tant par sa dimension archaïque que par son statut archétypal, la femme peut circuler librement d’un espace à un autre. L’erreur à ne pas commettre envers les femmes est liée au phénomène de l’instrumentalisation. Dire que les femmes ont été instrumentalisées signifie qu’elles n’ont pas été considérées pour ce qu’elles étaient en soi mais par ce que l’on percevait d’elles, soit une dimension essentiellement visuelle, liée éventuellement à une certaine cyclicité physiologique. Encore de nos jours, le judaïsme articule la sexualité masculine sur les rythmes féminins. La femme serait une sorte d’horloge biologique. Mais au delà de cette fonction chronique, quelle est la place de la femme dans la société ? Il nous semble que la femme soit dans un rapport d’extériorité et c’est en ce sens que nous disons qu’il n’y a pas de femme juive ou, ce qui revient au même, que toutes les femmes sont potentiellement juives et peuvent être accueillies au sein du monde juif tout comme, d’ailleurs, elles peuvent en partir. L’élimination des femmes juives pendant la Shoah était en ce sens une aberration. Il aurait convenu, en tout état de cause, de les épargner car la véritable judéité - pour ceux qui s’en préoccupent, que ce soit pour la magnifier ou pour l’exterminer - passe exclusivement par les hommes juifs, dès lors qu’ils le sont par la voie patrilinéaire.

Jacques Halbronn
Paris, le 21 mai 2005

Note

1 Cf. Michel Fize, Les pièges de la mixité scolaire, Paris, Presses de la Renaissance, 2003. Retour

2 Cf. notre article “Repenser la conversion au Judaïsme” in La Voix de la Communauté, n° 52, avril-mai 2005, Villeurbanne, Ed. Myriade. Retour



 

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