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JUDAICA

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De l’idée de séparation entre hommes et femmes
dans le judaïsme orthodoxe

par Jacques Halbronn

    Quand on aborde la question de la femme, une idée force revient souvent, en milieu juif orthodoxe, celle de séparation. On nous signale fièrement que lors de son mariage, X a voulu que ce soit “séparé” et non pas “mixte”, ce qui signifie qu’hommes et femmes dansaient chacun de leur côté. Mais il semble bien que les raisons de cette séparation - qui nous semble, pour notre part, faire sens - ne soient pas pour autant des plus claires.

   Nous pensons qu’il y a dans cet impératif de la séparation une vérité fondamentale, susceptible d’inspirer l’organisation de la société au XXIe siècle. Une telle idée qui semble rétrograde aux yeux de certains nous apparaît tout au contraire comme assez révolutionnaire, par les temps qui courent, à condition, toutefois, d’en prendre la juste mesure1.

   Allons jusqu’à dire que si les milieux juifs orthodoxes appliquaient véritablement un tel modèle qu’il faut bien qualifier de ségrégatif - mais cela vaut dans les deux sens, tant pour les hommes que pour les femmes - sans que nous attachions aucunement à ce terme une valeur négative - nous serions disposés à y entrer. Or, force est de constater que les personnes qui se disent pratiquantes ne semblent pas avoir une claire conscience de l’importance sociale d’un tel principe de séparation. Il s’agirait, à les entendre, de marquer le coup, en certaines occasions (à la synagogue, sur le plan sexuel, lors de la poignée de main), sans que cela ait de réelles implications au niveau de la communication orale au quotidien alors que pour nous, nous toucherions là à une “loi” anthropologique incontournable.

   En fait, selon nous, l’espace par excellence où le principe de séparation devrait être appliqué est celui des assemblées de délibération et plus généralement toute réunion où s’instaure un débat. Il ne convient pas, en effet, selon nous, de mélanger les deux approches, la masculine et la féminine et il est préférable que chacune puisse se déployer sans entraves.

   Dans les sociétés traditionnelles, il existait une instance, celle du Collège des Anciens, exclusivement masculine, qui décidait de l’avenir de la communauté. Il y a dans ce principe une certaine sagesse et probablement une certaine vérité, c’est qu’il ne faut pas confondre l’approche masculine et l’approche féminine, alors que chacune a sa valeur, séparément.

   Il ne s’agit nullement d’exclure les femmes de la vie professionnelle, en tout cas pour certaines tâches qui exigent certaines qualifications qui leur conviennent. Au XXe siècle, il y a eu de ce point de vue une progression sensible quant à l’emploi des femmes.

   Mais nous aurions tendance à distinguer vie professionnelle et vie sociale, considérant que la vie sociale relève prioritairement du genre masculin.

   Au lieu de vie sociale, on aurait pu parler de vie politique mais le terme politique est désormais ambigu et recouvre les droits et les devoirs qui incombent à chaque citoyen, sans distinction de sexe. Nous préférerons donc parler de la vie sociale, c’est-à-dire du fonctionnement réel de la société et non des aspects souvent purement symboliques qui caractérisent la vie politique.

   En opposant vie professionnelle et vie sociale, nous entendons signifier que l’une implique une certaine spécialisation, qui n’est d’ailleurs pas éloignée de ce qui se passe pour les machines2. Dans ce cadre, chaque individu est chargé d’un travail spécifique, bien défini. En revanche, pour nous, la vie sociale se situe sur un autre plan: celui de la collégialité, de l’interaction, de la communication en vue de déboucher sur une résultante, sur un choix collectif, sur une certaine hiérarchie. C’est le propre des assemblées de procéder à des élections, de voter sur des motions, des résolutions et selon nous ces assemblées auraient tout intérêt, pour optimaliser leur fonctionnement, à ne pas comporter de femmes. Et c’est ce que nous comprenons derrière l’insistance sur la séparation qui est exprimée par le judaïsme traditionnel.

   On peut certes, au nom de la modernité, soutenir que de telles positions sont dépassées, que le judaïsme doit se mettre au goût du jour et se montrer progressiste. Il est certes tentant de montrer que l’on peut s’émanciper d’anciens distinguos ou en tout cas ne plus leur assigner que des implications de pure forme, bref de les édulcorer en les vidant de leur sens.

   Mais nous avons la faiblesse de croire que ce qui vaut pour le progrès scientifique ne vaut pas nécessairement pour le progrès social. Qui pourrait affirmer que l’humanité a progressé au niveau des relations humaines, si ce n’est précisément du fait des retombées de certains apports technologiques ou institutionnels (comme par exemple le changement de constitution en 1958, en France), notamment au niveau des modes de communication ? Est-ce que le fait que les femmes votent a changé véritablement la vie politique quant à son efficience et même quant au nombre de femmes élues ? Le récente vote sur la parité devrait relativiser l’impact de certaines mesures visant à faire évoluer le rôle social de la femme et non pas seulement son rôle professionnel.

   Les raisons pour lesquelles nous souhaitons assumer et confirmer le bien fondé de l’idée de séparation des sexes, qui est au coeur de la conception socio-religieuse juive, nous les avons exposées, en diverses occasions. Nous avons notamment insisté sur la différence entre l’ego masculin et l’ego féminin. Cette différence dans le positionnement de l’ego a des effets sur les compétences socioprofessionnelles. Les égos féminins seraient plus aptes pour des tâches n’impliquant pas d’interaction sociale complexe; ils sont mieux adaptés à la gestion de notions préétablies et d’opérations répétitives, ce qui, comme on l’a dit, les prédispose à la vie professionnelle, au sens où nous l’avons opposée à la vie sociale. A contrario, les égos masculins seraient plus fusionnels, plus aptes à se projeter sur l’avenir et à déterminer entre eux les thèmes les plus valables. La sélection des meilleurs, en milieu masculin, y jouerait pleinement, sans interférence avec des considérations non pertinentes, parasitaires. Il y a là un enjeu qualitatif : une société doit être capable de faire les meilleurs choix possibles, d’exploiter au mieux ses ressources humaines, et notamment de repérer ses membres les plus doués et les plus inspirés, faute de quoi, elle sera dépassée par d’autres sociétés mieux capables de tirer le maximum de leurs membres. Ce n’est pas rien !

   La présence de femmes, voire d’une seule femme, est susceptible d’enrayer le processus de désignation des actions à entreprendre, dans un domaine ou dans un autre, et des responsables. Elles peuvent être manipulées par tel membre masculin du groupe contre un autre. En effet, les femmes ne sont pas sensibles au charisme de certains hommes et ne sont pas enclines à leur montrer du respect. Dès lors, elles peuvent s’en prendre à eux, sous un prétexte ou sous un autre, et modifier ainsi le rapport de force. En introduisant ainsi un élément étranger, insensible aux valeurs du groupe, elles se placent dans une situation peu ou prou d’irresponsabilité, d’autant qu’elles ont d’autres critères de jugement, relevant de la vie professionnelle et non de ce que nous avons appelé la vie sociale. Ces femmes sont en quelque sorte des électrons libres, incontrôlables.

   Faut-il en outre rappeler que les femmes exercent une certaine fascination, pour les diverses raisons que l’on peut imaginer, qui peut perturber certains membres masculins qui seraient conduits en quelque sorte à les prendre à témoin ou à les placer en position d’arbitre. La présence d’une ou de plusieurs femmes introduit une dualité au sein du “collège” qui n’est pas appropriée. Non pas que nous nions la dualité hommes / femmes mais celle-ci doit se manifester en temps et en heure et ne pas interférer avec le bon déroulement de l’activité sociale, au sens où nous l’entendons. Qu’une fois le processus sélectif mené à bien, dans le cadre adéquat, il puisse y avoir des modalités d’application passant par la participation des femmes, on ne saurait, au demeurant, le contester. C’est bien de cela qu’il s’agit, selon nous, dans l’idée juive de séparation des sexes.

   Inversement, la présence masculine dans une société de femmes est également susceptible d’exercer des effets perturbateurs, au niveau de ce que nous avons désigné sous la formule de vie professionnelle. Il y a un temps pour débattre et un temps pour mettre en application, il y a donc là un décalage diachronique (différentes phases d’un processus) qui sous-tend le décalage synchronique (homme / femme).

   L’approche masculine risque en effet de déstabiliser le groupe féminin et donc de nuire à l’efficacité de certains de ses membres, étant entendu qu’un groupe féminin, on l’a noté plus haut, ne fonctionne de toute façon pas de la même façon qu’un groupe masculin et que le statut individuel de ses membres diffère sensiblement ainsi que leur mode de communication.

   Ce qui vient aggraver une telle mixité, tient aux effets du mimétisme et de l’indexicalité qui font que les mots n’ont pas le même sens, ni la même portée, d’un groupe à l’autre, quand bien même, précisément, seraient-ils employés chez les uns et chez les autres.

   Par indexicalité, terme notamment important chez le juif américain Harold Garfinkel et pour l’ethno-méthodologie, discipline qu’il fonda avec d’autres chercheurs juifs, et dont un des représentants en France fut le regretté Yves Lecerf, chaque groupe confère un sens spécifique aux mots qu’il peut récupérer d’un autre groupe - d’où un processus de mimétisme qui vise à occulter les différences entre les groupes, et bien entendu à l’initiative du groupe qui veut imiter l’autre. Le fait d’ignorer une telle tendance à générer, plus ou moins délibérément, une certaine confusion explique que d’aucuns abordent la question de la séparation avec un peu trop de désinvolture, en jouant aux apprentis-sorciers. D’où l’importance, on le conçoit, de ne pas mélanger les populations, faute de quoi l’on risque de générer de graves dysfonctionnements dont, malheureusement, on ne prend pas toujours la mesure immédiatement. Il convient ici, pour conclure, de mettre en garde contre l’importation de certaines valeurs féminines au sein des réunions masculines, en l’absence même de femmes. Ces “valeurs” se caractérisent notamment par l’accent mis sur la franchise, sur l’expression du vécu individuel, attitudes qui peuvent tout à fait perturber la dynamique collective des groupes masculins. On connaît ces rencontres où chacun parle sagement à tour de rôle, avec le même temps de parole, sans se faire interrompre et où l’on n’a le droit que de poser des questions et non de véritablement débattre. Signalons aussi, dans les soutenances de thèse, les observations de détail (orthographe, ponctuation, bibliographie, plan) et celles qui abordent le vif du sujet.

   Pour la petite histoire, aux débuts du Centre d’Etude et de Recherche sur l’Identité Juive CERIJ3, en 1978 - 79, on avait, empiriquement et à l’usage, constitué les membres en deux groupes : l’un intitulé “théorique” et l’autre “vécu”, ce qui correspondait, grosso modo, à une séparation entre sexes.

Jacques Halbronn
Paris, le 26 février 2003

Notes

1 Cf. nos études sur ce Site, à la Rubrique Xenica. Retour

2 Cf. notre étude “Clefs pour le féminin” sur ce Site. Retour

3 Cf. le Site CERIJ.org. Retour



 

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