Accueil | ASTROLOGICA | NOSTRADAMICA | PROPHETICA |
PALESTINICA | JUDAICA | ANTISEMITICA | KABBALAH |
AQUARICA | HYPNOLOGICA | GALLICA |
Editions RAMKAT |
PALESTINICA |
13
Esquisse d'une géopolitique juive |
1 - L’empire ottoman ou la Normandie de l’Orient
2 - Israélites et israéliens
L’empire ottoman ou la Normandie de l’Orient |
Nous nous proposerons dans cette brève étude d’établir un parallèle quelque peu surprenant, au premier abord, entre les effets de l’aventure normande et ceux de l’aventure ottomane. Autrement dit, les Turcs auraient suivi le modèle normand, ce qui apporte une lumière quelque peu nouvelle concernant la nature de la présence islamique.
Si l’on se souvient qu’en 1453 les Turcs s'emparèrent de Constantinople qui deviendra, par corruption phonétique, Istamboul, on tend à oublier que ce faisant ils furent en contact avec le monde hellénique qui occupait tant une partie de l’Europe Orientale que l’Asie Mineure. Précédemment, d’ailleurs, les croisades avaient mis les populations du littoral est méditerranéen au contact de la culture européenne. Bien avant la prise de Constantinople les Turcs avaient conquis la Bulgarie orthodoxe.
Ainsi, l’empire ottoman sera--t-il dirigé depuis l’ancienne Byzance1 et en s’étendant par la suite, au XVIe siècle, sur le monde arabe, il y répandra une culture marquée par la Grèce. Rappelons que le turc n’est nullement une langue sémitique comme l’est l’arabe.
Or, qu’en fut-il des Normands, ces Vikings issus du monde scandinave ? Ils menacèrent le Royaume de France qui leur accorda la Neustrie qui allait prendre, en l’honneur de ces hommes du Nord, le nom de Normandie. Puis, baignés de culture française, ils envahiraient l’Angleterre mais aussi d’autres régions en Méditerranée, et y implanteraient de façon durable le français, lequel constitue notamment une portion considérable de la langue anglaise.
Aux deux extrémités de l’Europe, à des époques somme toutes assez proches, deux envahisseurs, les Vikings et les Turcs s’installeraient et assimileraient la culture respectivement de la France et de la Grèce pour ensuite se répandre vers d’autres contrées. On parvient ainsi à deux ensembles: l’un chrétien - franco-normando-anglais - à l’Ouest et l’autre musulman, - gréco-turco-arabe - à l’Est, séparés par des régions au sort longtemps incertain et dont l’unité nationale sera plus tardive qu’aux deux extrémités. Rappelons que l’Allemagne et l’Italie ne réaliseront leur unité qu’à la fin du XIXe siècle. Des alliances existeront entre ces deux ailes de l’Europe, notamment lors de la Guerre de Crimée, visant à protéger la Turquie contre l’empire des tsars. Par ailleurs, la France et l’Angleterre prendront le relais de la Turquie, en Algérie, en Egypte puis, au lendemain de la Première Guerre Mondiale, en Syrie et en Palestine, notamment, dans le cadre de mandats.2 On sait aussi l’étonnante alliance entre François Ier et la Sublime Porte. Soulignons le fait que tant la France que l’Angleterre ou la Turquie eurent vocation à fonder des empires coloniaux. Rappelons l’expédition d’Egypte de Bonaparte qui le conduisit jusqu’aux portes de Saint Jean d’Acre, le percement en 1869 du canal de Suez par le Français Ferdinand de Lesseps, ce qui n’empêchera pas les Anglais de prendre le contrôle de l’Egypte en 1882.
Autrement dit, la Turquie fut largement européanisée et d’une certaine façon elle européanisa le monde arabe avant de laisser le relais à d’autres pays européens. Certes, la Turquie est-elle liée à la culture musulmane mais l’Europe, en grande partie, ne l’est-elle pas au judéo-christianisme, issu de Palestine, dont cette culture s’inspira, comme le montre l’importance accordée par l’Islam à Jérusalem ? Et faut-il rappeler que les juifs furent présents tant à l’Ouest qu’à l’Est de l’Europe et que lorsqu’ils furent expulsés d’Espagne, nombreux furent ceux qui furent accueillis dans la Turquie d’Europe, notamment à Salonique ? Et quid de la transmission de la culture grecque vers l’Europe occidentale au travers du monde arabo-turc ?
Il nous semble donc que l’on pourrait développer une certaine idée de l’Europe et de ses prolongements méditerranéens et atlantiques - l’Angleterre est une île - tant en Asie qu’en Afrique, autour de ces deux pôles.
Selon nous, d’un point de vue géopolitique, nous aurions affaire à un ensemble en ellipse comportant grosso modow deux foyers de même race blanche, deux religions (continuum catholico-protestant), deux langues, si l’on admet le continuum linguistique franco-anglais.
Même en ce qui concerne les juifs3, nous avons deux pôles: à l’Est, Israël et à l’Ouest, la France, qui ont tous deux vocations à accueillir les juifs venus du monde entier. A l’évidence, les juifs sont une interface entre ces deux foyers de l’ellipse. Signalons aussi la présence assez massive de Musulmans en France, du fait de la présence française au Maghreb, à partir de 1830 en Algérie ottomane, qui conduisit d’ailleurs des juifs issus du monde arabe, notamment du fait du décret Crémieux de 1870, à basculer vers l’autre pôle et d’être par la suite rapatriés - formule assez étrange en ce qui les concerne et qui n’est pas sans évoquer les ambiguïtés de l’Alya - vers la métropole.
Il est peut être temps de ne pas raisonner sur la base d’une terminologie discutable, celle de la division en continents. Il y a par trop d’interférences entre les trois continents qui bordent le bassin méditerranéen. Nous proposerons de parler de l’Euromed ou, à l’anglaise, Euromedland (EML) en lui reconnaissant une structure en ellipse, chère à l’astronome allemand Johannes Kepler, avec un axe Paris-Istamboul ou en abrégé paristamboulien, ce qui donne toute sa justification à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne.
Au sein de cet Euromed, la question israélienne devrait être perçue autrement éventuellement avec l’institution d’un jumelage avec la France, qui dispose désormais de la plus importante communauté juive en Europe.
Est-ce que oui ou non Euromed est disposé à accorder aux juifs un territoire où ceux-ci pourraient éventuellement s’ils le désirent se retrouver entre eux, comme on se retrouve en famille, sans que cela signifie aucunement qu’ils ne seraient pas aussi présents qu’avant au sein de l’ensemble euromédien, à titre individuel ?
La question de Jérusalem est une priorité, il importe que l’existence de l’Etat d’Israël n’affecte en rien, ni de près ni de loin, le statut de cette ville qui appartient à l’Euromed tout entier. Comme d’ailleurs l’ONU l’avait exprimé dans sa résolution de novembre 1947, Jérusalem doit avoir un statut international, un peu comme le Vatican. Cette ville pourrait devenir un lieu privilégié de rencontres entre religions, une sorte d’ONU religieux. Pour nous, la revendication de l’Etat d’Israël sur Jérusalem est dangereuse, infiniment plus que les colonies dont on parle tant. On a bien vu l’effet qu’a provoqué la visite de Sharon sur l’esplanade des mosquées. Les musulmans ne supportent pas l’idée que Jérusalem soit sous contrôle israélien, on peut les comprendre. Rappelons que jusqu’en 1967, soit durant 20 ans après la résolution de l’ONU, les Israéliens ne revendiquaient pas la vieille ville de Jérusalem. Il est évident que si la Jérusalem historique est internationalisée, les juifs auront accès à leurs lieux saints, au même titre que les Chrétiens et les Musulmans.
Nous connaissons fort bien Jérusalem, nous y avons passé beaucoup de temps mais nous considérons qu’Israël doit se retirer de la vieille ville, la question du périmètre de ce territoire internationale restant à préciser, mais c’est à l’évidence une pomme de discorde majeure. Or, le sionisme, malgré son nom, ne passe nullement par la question de la possession de Jérusalem ; le projet initial était de constituer un Foyer ou un Etat juif, pas de récupérer Jérusalem ! Il y a là des interférences regrettables entre un symbole, Jérusalem et un mode de vie, un territoire où les Juifs puissent se retrouver entre eux. On peut tout à fait se passer du symbole qui était en quelque sorte la cerise sur le gâteau.
Il faut souligner, par ailleurs, que la question israélienne ne concerne pas que le monde arabe, lequel doit de son côté renoncer à ses droits sur une partie de la Palestine, dans le cadre du post-sionisme. Israël est désormais une réalité qu’on ne peut remettre en question dans son principe sinon sur tel ou tel point comme la question de Jérusalem. De même la présence des mosquées - notamment celle d’El Aqsa qui a donné son nom à la nouvelle Intifada - au dessus du Temple est un fait que l’on ne saurait remettre en question.
La question israélienne intéresse tout autant l’Europe et autant l’Europe que le monde arabe constituent l’environnement naturel de l’Etat d’Israël, avec les problèmes de réfugiés qui ont marqué la vie de l’Euromed, tout au long du XXe siècle, du fait des pogroms, de la Shoa, de la décolonisation et du conflit israélo-arabe. Mais la question israélienne est une chose, la question de Jérusalem en est une autre.
Si les arabes avaient accepté la résolution de l’ONU de 1947, on n’en serait pas là. Nous avons publié le plan de partage sur le Site Ramkat.free.fr, accepté par la direction sioniste qui avait le sens des priorités. Jérusalem n’aurait pas fait partie d’Israël. Le nombre d’arabes en Israël serait resté très faible car les territoires où se trouvaient ceux que l’on appellera par la suite les arabes israéliens faisaient partie de l’Etat arabe de Palestine tel que l’avait défini l’ONU. La (Trans)Jordanie, c’est-à-dire la Palestine orientale, ne se serait pas étendue sur la rive Ouest du Jourdain, laissant ainsi aux Palestiniens occidentaux leur propre Etat.4 En fait, c’est chaque fois la guerre qui a poussé Israël dans des situations ingérables mais ô combien tentantes; en fait c’était là un cadeau empoisonné, les victoires n’étant pas nécessairement un don du ciel.
En tout état de cause, il importe de ne pas cloisonner l’Euromed en une Europe et un monde arabe et de ne voir Israël que comme une enclave au sein du monde arabe ou comme une tête de pont européenne, ce qui ne fait guère sens dans le cadre d’Euromed qui constitue un tout solidaire. En fait, on peut se demander si Jérusalem, au sens large, c’est-à-dire en incluant les quartiers juifs et arabes, ne pourrait devenir la capitale d’Euromed !
La crise irakienne a révélé par ailleurs l’interdépendance entre le monde arabe et le monde occidental, lequel souhaite harmoniser les régimes politiques au sein de ce que nous avons appelé l’Euromed. Il est probablement regrettable que les Etats Unis soient intervenus au sein de cette zone, même s’ils étaient secondés par les Britanniques et même s’ils sont marqués culturellement par l’anglais. Les américains n’en sont pas moins étrangers à l’Euromed et la question irakienne (2003) aurait du être résolue, même militairement, sur d’autres bases, où la France aurait eu un rôle à jouer aux côtés de l’Angleterre ; il est vrai que même la question du Kosovo, liée au demeurant à une population musulmane, n’avait pas été réglée sans les Américains ! De même la question israélienne devrait pouvoir se résoudre sans les Américains et le lien entre ceux-ci et les israéliens devrait être sensiblement reconsidéré au profit d’une solution euromédienne. La construction d’une Union Européenne ignorant la donnée géopolitique d’Euromed n’est pas souhaitable et ne peut qu’affaiblir à terme cette zone. En fait, les Américains profitent du repli de l’Union Européenne sur elle-même pour investir une partie de l’Euromed qui se sent exclue. Quelque part, le principal adversaire d’Euromed et de l’Union Européenne, ce sont bien les Etats Unis et c’est probablement ce qu’a ressenti un Jacques Chirac, entraînant avec lui l’Allemagne et la Russie, mais sans donner à son attitude des fondements géopolitiques satisfaisants.
Jacques Halbronn
Paris, le 21 avril 2003
Israélites et israéliens |
Plus les termes se ressemblent et plus on peut se demander en quoi ils diffèrent, et ce rapprochement entre israélites et israéliens nous apparaît, dès lors, comme fécond, pour illustrer cette dialectique majeure de la géopolitique juive au début du XXIe siècle.
Les premiers juifs de l’ère moderne a avoir pris le nom d’Israël ne sont pas les juifs de Palestine, devenus israéliens, mais les juifs de France. Quand à l’étranger on parlait du judaïsme français, on disait les Israélites.
Au demeurant, si en français, on distingue les deux qualificatifs : israélites et israéliens, ce n’est pas nécessairement le cas dans d’autres langues. En hébreu, on dirait Eretz-israélim, pour les israéliens, c’est-à-dire ceux du pays (Eretz) d’Israël et israélim pour les israélites français. En anglais, il faudrait dire israelians pour les israéliens et israelis pour les israélites.
En tout état de cause, on voit mal pourquoi les juifs de France renonceraient au nom d’israélites qui sous-entend ipso facto leur judéo-francité alors que les juifs anglais sont appelés anglo-jews.
Il semble que le quasi - abandon progressif, au cours de la seconde moitié du siècle écoulé, du terme Israélites, soit du au phénomène israélien, pour éviter la confusion. Rappelons cependant que les antisémites ont, pour leur part, utilisé depuis toujours le terme juifs5 et on ne voit pas pourquoi il conviendrait de leur emboîter le pas. Un de ceux qui ont le plus contribué à confondre l’approche antisémite et l’approche judaïque semble bien avoir été Herzl, auteur de L’Etat Juif6, qui s’efforça de rapprocher les deux points de vue : le sionisme n’est-il pas, en effet, chez cet auteur, le moyen terme entre rejet du juif et affirmation nationalitaire de sa part ? D’où une certaine ambiguïté qui faisait que l’on pouvait désormais rejeter les juifs tout en donnant l’impression qu’on voulait leur bien. Le génie de Herzl aura été de trouver ainsi la solution supposée convenir à tous mais Herzl n’a-t-il pas quelque part, fait sauter une certaine barrière morale qui constituait un garde-fou pour l’antisémitisme ? Il semble qu’avec le recul, la responsabilité de Herzl dans l’évolution perverse du rapport au juif soit de plus en plus évidente et qu’il se situe dans la ligne d’un Shabatai Zevi, au XVIIe siècle, lui aussi attiré par Istanbul, de ces faux prophètes qui brouillent les repères éthiques et transforment une chose en son contraire.
Parler des israélites et des israéliens, c’est aussi rappeler l’existence de deux pôles d’immigration / émigration pour le monde juif, l’un à l’ouest, l’autre à l’est du Vieux Continent.7 Les similitudes et les contrastes entre ces deux conditions nous paraissent significatives et équilibrantes : deux façons d’être juif. Le juif du pôle franco-britannique et le juif du pôle russo-ottoman, car qui contesterait désormais le poids des juifs russes dans le processus israélien ? Est-ce par hasard si c’est entre ces deux pôles que la Shoah a frappé le plus cruellement, dans ce ventre mou que sont l’Allemagne et la Pologne ? Ni le judaïsme soviétique, ni le judaïsme palestinien, à l’Est, ni le judaïsme franco-anglais à l’Ouest, n’ont été sévèrement atteints au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Le sionisme, c’était selon Herzl, lui qui venait du ventre mou de l’Europe, que les israélites de l’ouest fassent en sorte que naissent les israéliens à l’est, en s’appuyant largement sur les masses juives russes qui furent, à un siècle d’écart; au départ et à la fin du processus d'immigration vers la Palestine. Il y a bien là, dans cette dialectique de l’israélite et de l’israélien, une bipolarité fondamentale de la condition et de l’identité juive au XXIe siècle, qui correspond, au demeurant, à l’idée que Herzl se faisait en 1895, lors de son séjour à Paris, avant de se radicaliser, sous l’influence des sionistes, d’un certain écosystème. Et d’ailleurs, un Edmond de Rotschild n’incarnait-il pas déjà cette contribution israélite à l’émergence de l’israélien à l’autre bout de l’Europe, de la Méditerranée, de ce que nous avons appelé l’Euromed ? Et ne fut-ce pas également le rôle de l’Alliance Israélite Universelle, encore avant ?
Cela dit, il faudrait parler des dysfonctionnements de ces deux pôles, du caractère composite qui les caractérise et qui tient à l’ampleur des migrations juives vers l’un comme vers l’autre. A ce propos, on notera que les juifs d’Afrique du Nord se répartirent entre l’un et l’autre, ce qui montre bien qu’ils ne sont, par eux-mêmes, ni nécessairement israélites, ni nécessairement israéliens.
Un pôle israélite qui n’a pas démérité, en dépit de l’Affaire Dreyfus et du régime de Vichy pas plus que le pôle israélien n’est déconsidéré par la lancinante question du partage de la Palestine. On préférera, au demeurant, maintenir la dualité israélite / France et israélien / Palestine que de parler du seul Etat d’Israël, tant il est évident que ces deux pôles s’inscrivent dans un ensemble plus vaste que la seule présence juive. Pourquoi le nom de Palestine devrait-il désormais ne concerner que ce qui échapperait au pôle israélien ? Il est temps en effet que ces deux pôles se respectent et reconnaissent leur complémentarité, réfléchissent à la façon de se renforcer mutuellement, alors que les Américains apparaissent comme des étrangers à cette partie du monde, en refusant précisément une telle bipolarité juive. Il n’est pas en effet concevable que les juifs américains, si influents, interviennent de loin et de façon plus ou moins irresponsable, dans un tel système désormais post-sioniste, aboutissement d’une longue Histoire.
Le pôle israélien a été voulu non seulement par les juifs mais par une partie du christianisme européen, d’où l’expression d’un sionisme non juif dont le monde musulman ne peut plus ignorer l’existence8, il constitue un repère essentiel pour sa théologie et quelque part le post-sionisme interpelle celle-ci. En tout état de cause, le pôle israélien est lié à l’origine du christianisme tout comme à son devenir.
Cette bipolarité israélites / israéliens correspond selon nous à ce qu’il y avait de plus pertinent dans la pensée herzlienne, en ce que chaque pôle est susceptible de consolider l’autre et non de l'annihiler. D’un côté, une présence juive au sein d’un Etat non juif, de l’autre un Etat juif, doté enfin d’une vraie constitution, pensée par des Juifs, acceptant une présence non juive en son sein, sans obsession démographique.
La condition juive est inévitablement minoritaire, qu’elle ait ou non accès au pouvoir et le problème des israéliens est de ne pas vouloir le comprendre, probablement en raison d’une idée mal venue de la démocratie. Les juifs n’ont rien à gagner d’une démocratie pure et dure : les israélites risqueraient à tout moment de se voir bafouer par une majorité qui voudrait les exclure de leurs droits de citoyens et les israéliens ne sauraient refuser de penser la présence arabe en Palestine au nom des aléas démographiques pesant sur la démocratie. Il importe donc que le statut des israélites et des israéliens ne soit pas dépendant d’un quelconque processus majoritaire mais soit un fait acquis, irréversible et garanti internationalement.
Il est vrai que de demander un tel statut implique de revendiquer une exception juive, mais nous pensons qu’un tel combat en vaut la peine car la bonne réponse / réplique à la Shoa n’a pas encore été trouvée, cinquante après.
Il importe, par ailleurs, que le monde arabe repense la question juive par delà la question de l’Etat d’Israël. Le monde arabe a tout à gagner à cela, en ne voyant plus le juif seulement comme israélien mais aussi comme israélite. Entendons par là que tant que le monde arabe n’aura pas accepté une présence juive active en son sein, il sera toujours dominé par l’étranger. C’est là un dilemme : qu’est ce qui est le pire : laisser se développer un judaïsme au service du monde arabe, susceptible d’y exercer une certaine influence ou bien dépendre de l’étranger du fait d’un certain déficit de ce que nous avons appelé la consciencialité ?9 Le monde arabe n’a pas compris la transparence juive, c’est-à-dire l’aptitude des juifs à dépasser toute considération nationale ou religieuse pour conscientiser quelque domaine que ce soit. Or, il n’y a pas de progrès sans conscience et qu’on le veuille ou non les juifs sont au coeur de ce processus, c’est même leur seule raison d’être au monde. Il est urgent que le monde arabo-musulman trouve son équilibre en sachant se servir des ressources juives plutôt qu’en poursuivant une émigration / immigration du Sud vers le Nord dont les effets sont difficiles à cerner.
L’existence de deux façons d’être juif, l’israélite et l’israélienne, devrait faciliter, à terme, les relations entre juifs et non juifs dans l’Euromed. Il est possible ainsi que les Russes et les Arabes préfèrent maintenir, pour les juifs, une certaine idée du ghetto, car l’israélianité - le modèle israélien - s’y apparente bien plus que l’israélite, avec des échanges entre deux entités bien distinctes, alors que le pôle / modèle israélite convient mieux à des Etats qui souhaitent que les juifs soient dispersés en leur sein. Les Révolutions (1905 - 1917) en Russie ne furent-elles pas dues à une incapacité du régime tsariste à laisser les juifs devenir des citoyens à part entière, tout comme les crises au Moyen Orient ne furent-elles pas, depuis un demi-siècle, liées à une erreur d’analyse du monde arabe sur la vraie signification de la présence juive, allant bien au delà d’une présence nationale étrangère ? En ce sens, force est de constater que le sionisme herzlien eut des effets contre-productifs : au lieu de souligner la contribution juive au monde, Herzl a cru devoir présenter les juifs comme un peuple voulant un territoire, aux côtés des autres peuples encore qu’au même moment il insistait auprès du sultan sur l’apport des juifs à l’épanouissement de son empire : double langage.
On conçoit donc de quelle façon les deux pôles que nous avons décrits sont en mesure de corriger une certaine image : le pôle israélite devrait rassurer ceux que voient que le pôle étatique israélien apporter une certaine visibilité dont l'absence est reprochée au pôle israélite. Autrement dit, la dualité entre juifs et non juifs ne sera bien vécue que si l’on admet une dualité au sein du monde juif.
Jacques Halbronn
Paris, le 1er mai 2003
Notes
1 Cf. Marshall G. S. Hodgson, L’Islam dans l’histoire mondiale, Paris, Sinbad, Actes Sud, 1998, p. 38. Retour
2 Sur les relations franco-turques, voir Le sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002. Retour
3 Cf. notre étude le double défi, sur le Site Ramkat.free.fr, sur le Site du Cerij.org. Retour
4 Voir notre étude sur le partage de la Palestine, sur le site Ceri.org. Retour
5 Cf. la France Juive de Drumont. Retour
6 Cf. notre ouvrage, Le sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002. Retour
7 Cf. notre étude sur le monde ottoman, sur le Site Ramkat.free.fr ainsi que le double défi, Site Cerij.org. Retour
8 Cf. Regina Sharif, Non-jewish Zionism. Its roots in Western History, Londres, Zed Press, 1983. Retour
9 Cf. notre étude sur ce sujet, Site Ramkat.free.fr. Retour
Retour Palestinica
Tous droits réservés © 2003 Jacques Halbronn