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PALESTINICA |
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Le statut de Jérusalem
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Notre propos n’est pas ici d’affirmer que le plan voté par l’assemblée générale de l’ONU, à la majorité des deux tiers était un bon ou un mauvais plan mais d’en comprendre la philosophie. On sait que les arabes d’alors - lesquels ? - rejetèrent le plan mais pour quelle raison ? A l’heure où il semblerait, avec la feuille de route (road map) que l’on s’achemine vers la création d’un Etat dit palestinien, d’ici 2005, il était souhaitable de revenir à l’origine d’un tel processus, à savoir un texte voté en l’an 1947.1
Il s’agit somme toute d’un texte majeur dans l’histoire du judaïsme moderne2 et existant officiellement en anglais et en français. On y trouve notamment l’expression Etat Juif - et dans la version anglaise Jewish State - faisant écho à l’ouvrage de Théodor Herzl, dont le titre français était L’Etat Juif. Essai d’une (sic) solution de la question juive.3 On notera en passant le médiocre français de cette version : il aurait fallu mettre Essai de solution de la question juive. En tout état de cause, ceux qui proposent de traduire Judenstaat par Etat des Juifs en sont pour leurs frais à la lecture de la résolution de l’ONU. Ajoutons que l’on traite dans ce plan de la question palestinienne, paraphrasant ainsi, en quelque sorte la question juive.
Quand on prend de nos jours connaissance de la carte du plan de partage, reproduite sur le Site Ramkat.free.fr, rubrique Palestinica, la réaction immédiate est généralement : ce n’était pas viable, ce qui revient à considérer comme des imbéciles à la fois la direction sioniste qui l’approuva dans ses grandes lignes et l’assemblée générale de l’ONU qui la vota. N’y trouve-t-on point notamment une enclave arabe pour la ville de Yafo (Jaffa) collée contre Tel Aviv ? La zone de l’enclave de Jaffa comprend la partie de la zone urbaine de Jaffa se trouvant à l’ouest des quartiers juifs situés au sud de Tel Aviv, à l’ouest du prolongement de la Rue Herzl etc. On a plutôt l’impression d’un découpage de type circonscription électorale. Or, tout de suite, certains de s’exclamer : mais ce n’est pas relié au reste de l’Etat arabe prévu, ce qui est au demeurant le propre de toute enclave. En d’autres endroits, on a l’impression que l’Etat Juif prévu est coupé par l’Etat Arabe prévu. Comment tout cela faisait-il en réalité sens pour les contemporains ?
Reproduisons un paragraphe qui, à notre avis, apportera quelque lumière pour appréhender l’esprit de la résolution de l’ONU, après avoir souligné qu’il s’agit d’ un plan de partage avec union économique selon une formule figurant dans le document :
Les constitutions des (deux) Etats devront comprendre (...) des dispositions (...) garantissant la liberté de transit et de visite en Palestine et dans la Ville de Jérusalem à tous les résidents et citoyens de l’autre Etat.
Jérusalem, au statut international, relevant de l’ONU qui y nomme un gouverneur, est également enclavé au sein de l’Etat arabe, dans le plan de partage, c’est un corpus separatum : est -ce que cela signifiait que les juifs ne pouvaient y accéder ? Nullement, là encore qu’il y avait libre passage et d’ailleurs Jérusalem était incluse dans l’ Union Economique Palestinienne, que l’on pourrait désigner par le sigle UEP. Il est prévu que la liberté de pénétrer et de résider dans les limites de la Ville (de Jérusalem) sera garantie aux résidents ou citoyens de l’Etat arabe et de l’Etat juif. Cette Ville de Jérusalem comporte en fait, dans le plan les villages alentour, y compris Bethléem, ville où Jésus est réputé être né.
Il est précisé que l’arabe et l’hébreu seront les langues officielles de la Ville mais ajoute-t-on aussitôt : Cette disposition n’empêchera pas l’adoption d’une ou plusieurs langues de travail supplémentaires, selon les besoins. Une telle formule exprime, en définitive, une certaine souplesse, on y fait certes la part d’un certaine formalisme mais sans caractère exclusif et c’est là, nous semble-t-il, résumer l’esprit pragmatique qui transparaît dans l’ensemble du document considéré.
Au fond, ce partage n’était-il pas plus administratif qu’économique ? Il est évident que si Yafo était une enclave arabe, cela impliquait que les arabes de l’ Etat arabe pouvaient s’y rendre en traversant l’ Etat juif. On songe à la situation en France, au cours des guerres de religion et à la suite de l’Edit de Nantes (1598) où l’on prévoyait des villes contrôlées par les Protestants, comme ce fut le cas notamment de La Rochelle, ce qui ne signifiait nullement que les Protestants ne pouvaient circuler ne serait-ce que pour se rendre de l’une à l’autre.
Il importe donc d’examiner une telle carte du partage comme indiquant simplement des zones administrées par les juifs ou par les arabes et cela, précisons-le, en raison d’une majorité correspondant à de telles attributions. Et encore précise-t-on : L’Etat (arabe ou juif) assurera à la minorité arabe ou juive l’enseignement primaire et secondaire, dans sa langue et conformément à ses traditions culturelles. Cela signifie par exemple que la minorité juive de l’Etat arabe pourra étudier dans des conditions adéquates et vice versa. On pourrait extrapoler en disant que dans le futur Etat palestinien, en projet actuellement, une minorité juive pourrait tout à fait subsister.
Il était également prévu que dans la zone attribuée par le plan de l’ONU aux juifs, un territoire de l’Etat Juif (...) possédant un port maritime et un arrière-pays suffisant pour donner les facilités nécessaires en vue d’une immigration importante et ce avant le 1er février 1948, donc bien avant le départ annoncé des anglais pour le mois de mai. Il y avait là une question d’urgence prioritaire : l’Etat juif s’ouvre aux juifs qui ne sont pas encore sur place, il n’a pas pour seule vocation de gérer la population juive déjà présente mais cette nouvelle population attendue devra se situer dans la seule zone juive, ce qui ne signifie pas que les juifs arrivant de la sorte ne pourront circuler dans l’ensemble du pays. D’une façon générale, nous dirons que le tourisme sera autorisé pour ceux qui ne seront pas partie d’une minorité déjà installée depuis un certain temps mais avec probablement des limitations de séjour.
On notera que la description des frontières de l’Etat arabe est beaucoup plus longue que celle concernant celles de l’Etat juif mais surtout que le chapitre sur l’Etat arabe précéde celui consacré à l’Etat juif, ce qui peut surprendre.
Il nous semble dès lors assez impropre de parler de Guerre d’Indépendance (Milhemet haHastmaouth) de la part des Israéliens pour désigner les affrontements de 1948 / 1949. En effet, le Israéliens n’ont pas eu à chasser les Britanniques qui se sont retiré de leur propre chef. On pourrait plutôt recourir à un terme assez peu en revanche utilisée pour désigner cette période, celui de guerre civile. Car entre ces populations locales, ne s’agit-il pas d’une guerre civile ? On ne pourrait même pas parler de guerre de sécession, comme aux Etats Unis, puisque le partage était prévu.
Cette guerre civile aurait pu être évitée si chaque partie avait accepté le plan de partage avec une union économique. Il n’y aurait pas eu tous ces réfugiés arabes et en outre une partie de la Galilée aurait fait partie de l’Etat arabe palestinien, ce qui n’est même plus envisagé de nos jours même du côté arabo-palestinien. En fait, en échange de l’appropriation par la Transjordanie des zones arabes de Cisjordanie, la zone arabe de Galilée fut inclue dans l’Etat Juif, en dépit d’une forte présence arabe, c’est ce qui a donné naissance au phénomène des Arabes Israéliens qui, en définitive, vivent d’une certaine façon dans l’esprit de la résolution de l’ONU, à part le fait qu’ils ne bénéficient pas d’une administration autonome telle que prévue par la dite résolution du 29 novembre 1947 ; ils peuvent en tout cas circuler librement sur tout le territoire palestinien, au sens que le terme palestinien revêtait à l’époque. Ajoutons qu’une partie du Néguev était attribuée à l’Etat arabe et notamment la ville de Bershéba -excusez du peu - revendication abandonnée également dans le débat actuel.
Les effets du refus conduisirent à la présence de fortes populations arabes au sein de l’Etat Juif et par voie de conséquence à leur fuite massive en direction de l’Etat arabe résiduel.
Les redondances du document
Le document étudié comporte cependant certaines anomalies. Il existe un chapitre intitulé Lieux saints, édifices et sites religieux et un autre, plus spécifique, intitulé La ville de Jérusalem et qui comportent grosso modo strictement le même texte avec quelques variantes nous amènent à penser qu’il s’agit en fait de deux versions successives que l’on a assemblées sans souci de cohérence.
Lieux saints, édifices et sites religieux :
En ce qui ce qui concerne les Lieux saints, la liberté d’accès, de visite et de transit sera garantie conformément aux droits existants à tous les représentants ou citoyens de l’autre Etat et de la Cité de Jérusalem ainsi qu’aux étrangers, sans distinction de nationalité, sous réserve de considérations de sécurité nationale et du maintien de l’ordre public et de la bienséance. De même le libre exercice du culte sera garanti conformément aux droits existants, compte tenu du maintien de l’ordre public et de la bienséance.
La formule citoyens de l’autre Etat et de la cité de Jérusalem indique bien qu’il n’est pas uniquement question des lieux saints sis à Jérusalem mais pouvant se trouver tant dans l’Etat juif que dans l’Etat arabe.
Dans le développement important consacré à la seule Ville de Jérusalem, et qui fait suite à la présentation de l’Etat arabe, suivi - on l’a déjà signalé - de l’Etat juif, on retrouve une grande partie de ce qui a déjà été exposé pour l’ensemble des lieux saints, et ce le plus souvent mot pour mot. On a simplement remplacé gouvernement de tel ou tel Etat par gouverneur de la ville de Jérusalem pour que le texte puisse être réemployé.
Tout cela indique, en tout cas, l’importance considérable accordée à la question des lieux saints dans la Résolution de l’ONU. Il semble d’ailleurs que sans de telles précautions, un vote favorable n’aurait pu être obtenu en quantité suffisante.
C’est en effet, avec le chapitre I, Lieux saints, édifices et sites religieux, que s’ouvre la Déclaration, suivi d’un chapitre II, Droits religieux et droits des minorités. Le Chapitre IV, Dispositions diverses, se réduit à rappeler les chapitres I et II :
Les dispositions des chapitres I et 2 de la déclaration seront garanties par les Nations Unies et aucune modification ne pourra y être apportée sans l’assentiment de l’Assemblée générale des Nations Unies etc.
C’est en fait dans le volet suivant celui de la Déclaration et intitulé Union économique et transit, que figure le cas de la Ville de Jérusalem. On a là exposé le projet d’une Union économique palestinienne qui annonce, en quelque sorte, l’Union Européenne :
- création d’une union douanière
- établissement d’un système monétaire commun, prévoyant un taux de change unique
- administration (...) des chemins de fer, des voies de communication communes aux deux Etats, des services postaux (...) des ports et aéroports etc.
- développement économique commun (pour) l’irrigation, la mise en valeur des terres etc.
- possibilité pour les deux Etats et pour la Ville de Jérusalem d’utiliser, sur une base non discriminatoire, les eaux et les sources d’énergie.
C’est que la Ville de Jérusalem, entité exclue du partage entre Etat arabe et Etat juif est en outre vouée à participer à la vie de l’Union, ce qui lui donnera un certain droit de regard et d’ailleurs le Conseil économique mixte prévu sera établi dans le territoire de la Ville. Bien entendu, des représentants de l’Etat arabe et de l’Etat juif - notez une fois de plus l’ordre de présentation - seront accrédités auprès du Gouverneur de la Ville et chargés de la protection des intérêts de leurs Etats et de ceux de leurs ressortissants auprès de l’administration internationale de la Ville.
Le document s'achève avec force détails sur - last but not least - ce qui concerne, la Ville de Jérusalem ; un dernier paragraphe rappelle sous le titre Capitulations, privilèges auxquels il est demandé aux Etats en ayant bénéficié dans le passé, sous l’Empire Ottoman, d’y renoncer dans l’Etat arabe et dans l’Etat Juif dont la création est envisagée ainsi que dans la Ville de Jérusalem.
C’est dire à quel point la Résolution ne se préoccupe pas uniquement du sort des populations juives et arabes mais bien d’enjeux en quelque sorte universels, liés aux lieux saints et à Jérusalem et on peut même se demander si là n’était pas la priorité dans l’esprit de ceux qui votèrent tout autre chose que la seule création d’un Etat Juif. On sait ce qu’il advint du rêve d’une Jérusalem internationale, jordanienne jusqu’en 1967 puis israélienne depuis.
Curieusement, le mot Chrétiens ne figure à aucun moment dans notre document alors qu’il était probablement (omni) présent dans l’esprit de nombre des rédacteurs. En fait, celui de musulman ne figure pas davantage, on parle d’un Etat arabe et de fait il est des arabes chrétiens. Quant à au mot juif, son usage, dans le contexte, est quelque peu ambigu dans la mesure même où l’Etat juif y fait pendant à un Etat arabe. Si arabe ne renvoie pas à une religion spécifique, est-ce que juif n’est pas ici plutôt un concept ethnique, au sens où les nazis l’entendaient ? Par arabe, ici, l’on semble surtout désigner une population locale tandis que par juif, on renvoie, on l’a vu, à une population en partie à venir et dispersée dans le monde et qui ne peut se définir par sa seule présence en un lieu donné. C’est dire que le parallèle entre Etat arabe et Etat juif ne tient pas, il ne se situe pas sur le même plan. Dans un cas, les arabes sont là ... parce qu’ils sont là, dans l’autre, la présence juive relève d’un projet, d’une logique.
Peu à peu, d’ailleurs, avec le temps, ce décalage est voué à s’estomper : les Israéliens seront eux aussi là parce qu’ils sont là et c’est peut-être cette évolution qui rapprochera les populations et leur permettra paradoxalement de constituer enfin deux Etats au sein d’une certaine forme d’ Union économique palestinienne : l’acceptation des différences est souvent le corollaire de la conscience de ce qui rassemble. On regrettera, au demeurant, le fait qu’il n’existe plus de mot pour désigner l’ensemble de la région, à savoir la Palestine. Si un Etat arabe doit exister, il serait fâcheux qu’il prît le nom de Palestine. Israël est le nom de l’entité juive en Palestine. Que les arabes trouvent un nom lié à leur civilisation pour désigner l’entité arabe en Palestine !
Jacques Halbronn
Paris, le 20 mai 2003
Notes
1 Cf. Cent vingt ans de question palestinienne - Retour à l'esprit du Traité de Sèvres, sur les Sites Cerij.org et Ramkat.free.fr. Retour
2 Cf. texte bilingue, Bibl Alliance Israélite Universelle, cote 4° Ubr 849 (7), intitulé Résolution adoptée par l’Assemblée Générale (...) sur la question palestinienne. Retour
3 Cf. le fac-similé in Le sionisme et ses avatars, au tournant du XXe siècle, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002. Retour
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