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Editions RAMKAT




PALESTINICA

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Les arabes et la question des contreparties

par Jacques Halbronn

(A propos du collectif Le droit au retour. Les problème des réfugiés palestiniens,
Dir. F. Mardam-Bey et E. Sanbar, Paris, Sindbad Actes Sud 2002

   La question que pose cet ouvrage mais qu’il n’aborde jamais de front est la suivante : est-ce que les plans de partage de la Palestine mandataire comprenaient ou non des modalités de transfert de population ? Et une autre question se pose alors, si l’on refuse ces modalités, l’idée de partage est-elle viable ?

   Ce qui manque à cet ouvrage, c’est le sens de la contextualité et des contreparties: on retombe dans le travers classique: on veut le beurre et l’argent du beurre, on veut le partage mais pas le transfert, on refuse le transfert mais on insiste sur la nécessité du partage, on veut bien que des arabes vivent dans la partie juive mais on n’admet guère que des juifs demeurent dans la partie arabe. Il y a là un mode de fonctionnement assez particulier de la part des Arabes qu’il conviendrait d’expliciter et qui n’est pas sans arrière pensées.

   Le partage n’est contesté par aucun des contributeurs de ce collectif mais il n’est présenté que comme un engagement qu’il faut tenir, comme un point sur lequel il y a eu des accords, des décisions et que l’on isole de l’ensemble des autres éléments en jeu.

   La diplomatie n’est pas comme un supermarché où l’on prend ceci et laisse cela. Chaque élément d’un accord doit être respecté sinon il n’y a plus accord. Si ensuite, l’on arrive en disant : mais ce point est inacceptable, il faut le rejeter mais en revanche on garde le reste, cela devient n’importe quoi ! Si ce point est inacceptable, alors il ne fallait pas signer ou bien il faut renoncer à l’ensemble de l’accord ou bien encore, il faut proposer de nouvelles contreparties acceptables par l’ensemble des protagonistes.

   Que l’on nous dise: cette idée de partage n’était pas bonne, elle correspond à une époque où l’on voyait les choses autrement, ses contreparties sont inhumaines, scandaleuses, à la bonne heure ! Mais que l’on nous dise : il y a des contreparties inacceptables, mais l’idée de partage gardons là, c’est une toute autre affaire !

   Cette façon de conclure un accord puis de renoncer à certaines de ses clauses nous paraît relever de l’escroquerie caractérisée. En effet, quelqu’un peut être amené à accepter une solution précisément en raison des contreparties et si on lui enlève, sous un prétexte ou sous un autre, celles-ci, il est purement et simplement floué !

   Dans ce collectif, on nous explique par le menu que les Israéliens ont poussé les populations arabes à quitter la partie juive, que cela s’est fait délibérément, selon un plan, que les arabes ne sont pas partis de leur propre fait et que de toute façon, même si c’était le cas, ils ont le droit de revenir. On nous parle de droit international en général mais on ne veut pas parler des traités qui ont été signés, des accords qui ont été pris. Si ces accords ont été pris à l’encontre du droit international, eh bien que l’on remette en question ces accords, que l’on ne supprime pas telle clause insupportable. Certes, dans certains cas, dans le domaine civil, une clause peut être jugée inacceptable sans que l’on remette en question un contrat. Mais il ne saurait en être ainsi dans le domaine du politique.

   A lire ce collectif, il semblerait donc que l’idée de transfert n’ait jamais été mise en avant et que le partage entre deux Etats, un juif et un arabe, ne prévoyait aucun aménagement des populations de façon à obtenir précisément ce qui faisait que l’on parlerait d’un Etat juif et d’un Etat arabe ! Par quel miracle serait-on parvenu à un tel partage sans transfert ? Tout se passe comme si les arabes avaient accepté le partage en spéculant sur le fait que le transfert ne pourrait se faire. C’est oublier que cette idée de partage de la Palestine occidentale n’était nullement prévue dans les traités internationaux signés au lendemain de la Première Guerre Mondiale. Ce partage était donc une concession faite aux arabes puisque pour les juifs cette région leur avait été accordée. Et cette concession n’allait pas sans contrepartie. Imaginons des personnes qui divorcent parce qu’elles ne s’entendent pas, et voilà que celui qui doit partir reste sur place tout en revendiquant les droits que lui accorde le divorce. Marché de dupes !

   Cette question du transfert était au demeurant d’une double nature: transfert des arabes dans la partie qui leur était assignée et qui comportait notamment des lieux essentiels de l’histoire juive - on voit l’ampleur du sacrifice et transfert des populations juives dispersées vers la partie juive. Tel était l’esprit des accords et sur ce dernier point toujours lié au transfert, bien des obstacles, notamment du côté britannique, furent placés - que l’on songe à la tragédie de l’Exodus.

   Un des auteurs, Dominique Vidal (“D’une intifada à l’autre. Israël face à son histoire”, p. 123) rappelle à juste titre que Golda Meir avait passé un accord, le 17 novembre 1947, à la veille du vote de l’ONU, avec Abdallah, le père d’Hussein de Jordanie, pour que la partie arabe de la Palestine occidentale soit cédée à la Transjordanie. Le problème, c’est qu’en 1967, lors de la Guerre des Six Jours, la Jordanie rompit les clauses de cet accord qui prévoyait que son armée ne dépasserait pas les limites de cette partie arabe. Citons Vidal : « La Légion arabe (...) S’engageait à ne pas franchir les frontières du territoire alloué à l’Etat juif en échange de la possibilité d’annexer celui prévu pour l’Etat arabe ». On sait ce qui arriva: cette partie arabe, la Cisjordanie, fut en quelque sorte récupérée par les Israéliens à la suite de l’intervention jordanienne. C’est ainsi que l’“Etat arabe” palestinien fut perdu pour le monde arabe en raison du panarabisme nassérien et de l’incurie jordanienne ! Or qu’était-ce d’autre que cette nouvelle guerre voulue par les arabes sinon la suite de la guerre interrompue de 1948 ? Encore une fois, nous voilà confrontée avec le non respect des contreparties de la part des Arabes : cette région laissée à la disposition de la Transjordanie impliquait que celle-ci restât en paix avec Israël, c’était le prix de la paix, de la non intervention des Transjordaniens qui, au demeurant -il ne faudrait quand même pas l’oublier - s’attribuaient ainsi cet Etat arabe sans lui accorder son indépendance, donc sans respecter la décision de l’ONU de novembre 1947. Les palestiniens passaient ainsi du joug britannique au joug jordanien après avoir été des siècles durant sous le joug turc. A priori, cette solution de 1947 / 48 n’était pas scandaleuse dans la mesure où les Palestiniens se retrouvaient au sein du monde arabe. Mais nos auteurs insistent fortement sur le fait que les Palestiniens ont bien droit à un Etat à eux sans vouloir prendre en compte les arrangements pris de facto entre eux et le dit monde arabe, représenté en la circonstance par les Transjordaniens et la question qui se pose est la suivante : ont-ils protesté contre l’intégration de l’Etat arabe de Palestine au sein d’un tel ensemble environnant, selon une logique fidèle au panarabisme ? Quand cela arrange les arabes, ils parlent de panarabisme pour expliquer que la présence d’un Etat Juif enclavé dans le monde arabe leur est insupportable et à d’autres moments, ils revendiquent une entité spécifique palestinienne, en refusant toute fluidité avec le reste du monde arabe, notamment en ce qui concerne la question des réfugiés, qui, selon eux, ne saurait se régler hors des frontières de la Palestine. Ce faisant, tantôt, ils parlent du droit du sang, tantôt du droit du sol, ils revendiquent l’un et l’autre: le beurre et l’argent du beurre, fromage et dessert. Le droit du sang, c’est celui de la nation arabe, le droit du sol, c’est celui des Palestiniens à demeurer là où ont vécu leurs aïeux. Or, la notion de transfert et de partage impliquait que le droit du sang l’emportât sur le droit du sol. Certes, on peut disserter sur l’importance du droit du sol, sur sa logique et sa légitimité mais c’est comme si quelqu’un ayant pris une décision revenait sur les avantages du choix qu’il n’a pas fait. Il semble que les arabes aient une propension à philosopher sur de grands principes quand ce n’est plus l’heure de le faire, ignorant ce principe de l’Ecclésiaste attribué au roi Salomon : il y a un temps pour chaque chose.

   A propos de contreparties, il en est une primordiale que les auteurs de cet ouvrage passent allègrement à la trappe: dans quel contexte fut conclu le mandat britannique sur la Palestine ? Car nos auteurs ne sont pas éloignés de remettre en question un tel mandat qui était lié - comme toute chose - à des contreparties. Lorsque les Français et les Anglais, du fait de leur victoire lors de la Première Guerre Mondiale contre une Allemagne alliée à la Turquie, libèrent les populations arabes de la domination ottomane séculaire, les arabes étaient tout disposés à accepter des contreparties concernant le sort des Juifs mais aussi des Chrétiens, dans cette région essentiellement peuplée d’arabes et de musulmans. Par la suite, ce prix à payer leur semble probablement exorbitant pour des raisons qui, une fois de plus, se concevaient. C’est là tout le drame de la conscience arabe, elle ne parvient pas à faire le deuil des choix qu’elle n’a pas fait ou des renoncements qui furent nécessaires. Est-ce que les Arabes pensaient qu’ils n’auraient pas un prix à payer pour cette guerre qu’ils n’auraient pas gagné seuls et qui n’avait pas été engagée depuis des siècles ? Les Français et les Anglais n’étaient-ils pas les descendants des Croisés qui, eux aussi, avaient marqué la région ? La Palestine n’était-elle pas par excellence un lieu significatif pour les deux religions les plus représentées, culturellement, dans cette Europe du début du XXe siècle, à savoir les Chrétiens et les Juifs ? Le prix à payer, c’était de laisser aux puissances européennes la possibilité d’organiser sur place les choses à leur guise.

   Qu’alors, il n’ait été pour autant nullement question de transférer les arabes en dehors du Liban et de la Palestine est un fait, comme c’est aussi un fait qu’aucun Etat arabe n’était prévu en Palestine occidentale, à l’Ouest du Jourdain (cf. notre article sur le partage de la Palestine sur ce Site), c’est donc le droit du sol qui l’emportait qui n’impliquait cependant aucun droit politique. Là encore, refus des contreparties: on laisse les arabes sur cette terre mais à condition que par leurs revendications ils ne compromettent pas le processus engagé au profit des Juifs : faut-il rappeler que pour l’Europe, il fallait trouver une “solution” à la question juive en Europe, et que le mandat britannique en Palestine visait à résoudre les tensions judéo-chrétiennes en Europe. Et cela était demandé aux Arabes en échange de la solution du problème arabe enfin réglée par l’effondrement de l’empire ottoman. Mais là encore, constatons une certaine mauvaise foi de la part des Arabes qui n'acceptent pas de payer le prix des services et des avantages dont ils profitent. Affirmer la légitimité d’un Etat Juif en Palestine, c’est insister sur un droit du sol auquel il avait été renoncé. C’est vouloir refaire le monde. Comment dans ce cas les Arabes voudraient-ils être des interlocuteurs crédibles quand ils font preuve d’une telle schizophrénie. C’est bien le drame qui se joue présentement en Palestine : certains arabes raisonnent d’une certaine façon, d’autres revendiquent telle logique qui n’a rien à voir. On n’est pas dans le “ou bien” mais dans le “et encore”. Peut-être ne comprennent-ils pas que si l’on négocie, il faut parler d’une seule voix et assumer des choix douloureux et irrévocables. Avec les Arabes, il faut toujours redouter le retour du refoulé.

Jacques Halbronn
Paris, le 7 novembre 2002



 

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