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PALESTINICA

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Un parallèle Arafat - Jospin :
sur les causes de leurs échecs

par Jacques Halbronn

    A l’heure où paraît le journal “interrompu” de la femme de l’ancien Premier Ministre, il semble opportun de réfléchir à nouveau sur les raisons d’un échec.

   Comparons à ce qui se produisit, environ trente ans plus tôt, en juin 1971 ; lors de la création, au congrès d’Epinay, du Parti Socialiste, sur les ruines de la SFIO de Guy Mollet. Le PS fut le résultat de la fusion d’un certain nombre d’entités distinctes, unies structurellement derrière un seul et même chef, marchant comme un seul homme.

   Or, en 2002, Lionel Jospin ne disposait pas d’une telle formation dûment unifiée mais d’une “majorité plurielle” qui se présenta en ordre dispersé aux élections, chaque formation de la dite majorité présentant son leader aux présidentielles.

   A contrario, le projet d’une UMP impliquera bel et bien une telle fusion, aux législatives de divers partis et notamment du RPR et de Démocratie Libérale, sans parler d’une partie de l’UDF.

   Tout se passe comme s’il y avait eu une prime donnée par l’électorat aux formations exprimant l’idée d’une concentration des pouvoirs et au contraire un blâme envers ceux qui laissaient oeuvrer les forces centrifuges.

   En revanche, en 1997, quand Jospin constitua sa majorité plurielle, cela lui permit de gagner les élections législatives et de devenir Premier Ministre de cohabitation. Alors, ce pluralisme avait plu et avait gagné. Les temps changent !

   Il y aurait donc des périodes où l’électorat se montrerait favorable à des “mariages” et d’autres où il préfère les “unions libres” entre formations politiques. L’effet d’annonce pourrait favoriser, à certaines époques, le camp des “jeunes mariés” par rapport à celui des “concubins” et inversement à d’autres. On dira que dans tel cas l’électorat va préférer plus d’ordre, plus de rigidité, davantage d’encadrement et pénaliser ceux qui se présentent en ordre dispersé tandis que dans tel autre, on se contentera d’étiquettes, d’alliances, assez lâches. Il semble qu’il y ait là une forme d’alternance entre ces deux options qui prévalent tour à tour.

   Il se pourrait d’ailleurs que la même “loi” prévale au niveau des particuliers et qu’il y ait un temps pour se marier et un autre pour vivre en “union libre” et que tantôt la solution la plus viable, la mieux vouée au succès, serait celle-ci et tantôt celle-là. Et c’est probablement parce que la société civile projette ses pulsions de mariage ou d’union libre, au niveau de la vie citoyenne, qu’elle favorisera le mariage ou l’union libre entre formations politiques.

   L’erreur de Jospin serait donc de n’avoir point pour le moins esquissé un projet impliquant une forme de fusion, de dépassement des différences au sein d’un ensemble qui en serait en quelque sorte l’émanation. Il y aurait là comme le besoin de la part de l’électorat d’assister à une sorte d’accouchement. Et c’est bien ce que la droite a proposé avec l’UMP, aux législatives tandis que la gauche semblait vouloir se contenter d’une simple combinaison électorale.

   Au fond, il serait logique que les préoccupations individuelles se répercutent sur les votes aux élections et vice versa. Le fait que Jospin n’ait pas su ou voulu unifier sa majorité, après cinq ans d’exercice en commun du pouvoir, n’est pas si différent si on le transpose dans le cadre de la vie privée. C’est comme quelqu’un qui refuserait d’officialiser une relation au bout de cinq ans de concubinage, c’est un certain refus d’assumer. Au fond, Jospin a été perçu par la France comme un amant irresponsable qui ne se donnait pas les moyens d’aller de l’avant, de passer un cap, du fait d’un certain manque de volonté ou d’imagination.

   Sur le moment, le projet coaché par Alain Juppé de constituer une Union Pour la Majorité a pu apparaître comme un gadget électoral. En réalité, il était en phase symboliquement avec une certaine attente de la population vers plus d’intégration et moins de marginalisation, vers un certain dépassement des clivages.

   On observe généralement que si les partis constituant la majorité “Jospin” s’étaient présentés autour d’un seul candidat, les choses auraient été tout autres et l’ancien Premier Ministre aurait été, en tout cas, présent au second tour des présidentielles. Mais, plus profondément, c’est cette avancée en ordre dispersé qui aura déplu en soi, avec tout ce qu’elle implique.

   Au niveau de la sociologie politique, il convient de distinguer les alliances électorales ou gouvernementales et les alliances conduisant à une fusion des composantes ou au rassemblement autour d’un homme. L’idée de l’UMP se révèle a posteriori fortement chargée de sens et faisant écho dans la population et ce n’est probablement pas par hasard que, parallèlement, depuis quelques années, les gens tendent à se marier de plus en plus.

   Le temps est aujourd’hui à un certain culte du chef et on a longtemps parlé aussi du “chef de famille”. Autour du chef peuvent se rassembler des forces très diverses, que l’on songe au rôle de l’empereur austro-hongrois, au XIXe siècle ou à celui, de nos jours, du roi des Belges dans un Etat partagé linguistiquement. Le gaullisme n’a pas été autre chose qu’une volonté de dépasser les clivages et en ce sens l’UMP a une dimension gaulliste. Mais Mitterrand aussi avait une telle dimension que n’avait plus Jospin qui n’a pas su convaincre son partenaire communiste, notamment, de fusionner au sein d’un nouveau parti plutôt que de se maintenir, assez pathétiquement, comme groupuscule, au nom d’un passé révolu, de lignes de clivage dépassées. Et quid d’un Chevénement, ancien du PS, devenu électron libre tout en se revendiquant de la majorité Jospin ? Avec Chevénement, on était plutôt dans le divorce que dans le mariage et sa candidature a du être perçue emblématiquement comme l’expression d’une impuissance politique de la part de Jospin.

   On comprend dès lors que Jean-Marie Le Pen ait fait un bon score, lui qui incarne de façon assez caricaturale, le leader sinon le führer, et dont la fille, mise en avant, Marine, serait comme l’esquisse d’une dynastie, donc d’une continuité.

   Jospin, quant à lui, ne personnifiait ni la cohérence dans l’espace ni celle dans le temps. Il a été puni par là où il avait péché, à savoir par un certain laxisme dans la finalité de son action politique, par son incapacité à modifier la géographie des partis.

   Même face à l’UMP, les anciens partis “Jospin” ne se sont nullement ressaisis et n’ont pas mis en place un processus fusionnel voire sacrificiel du même ordre, autour d’un chef charismatique.

   Le plus grand reproche que l’on aura fait à Arafat, c’est de ne pas savoir tenir ses troupes, d’être débordée par elles, laissant la bride sur le coup aux “terroristes”, comme Jospin, dans son genre, a été dépassé par les initiatives des chefs de sa majorité plurielle. Un Chevénement serait une sorte de kamikaze !

   Cela dit, il est des époques où la diversité paie davantage. L’Histoire n’est pas linéaire, les solutions ne sont jamais bonnes une fois pour toutes. Il est des époques où il faut comme on dit ratisser large, avancer en ordre dispersé et cela paie et où cela rassure car cela se présente comme aux antipodes du fascisme, où cela montre le respect des différences, même au prix d’une certaine autonomie.

   Mais cela aussi n’a qu’un temps et toute la question est se rendre compte que telle formule est devenue caduque, qu’il faut passer à un autre stade, impliquant une certaine (re)structuration. Et inversement, après une phase de fusion, le moment arrive de rebasculer vers un certain libéralisme politique et des alliances entre partis préservant leur leadership respectif. Et ainsi de suite.

   L’incapacité du chef à se faire respecter par ses propres troupes est aujourd’hui devenue rédhibitoire. Face à un Yasser Arafat, président de l’Autorité Palestinienne, débordé par ses “alliés” et par sa société civile, un Etat israélien qui maintient son unité, un Ariel Sharon qui sait se faire obéir, qui contrôle la situation et dirige un gouvernement d’union nationale qui intègre des hommes des partis les plus différents, à commencer par le socialiste Shimon Peretz, l’ennemi politique d’hier.

   Le problème Le Pen, c’est précisément celui d’une société civile qui se sent oubliée, délaissée, et qui cherche des moyens de se faire entendre. Le succès de Le Pen est une sorte d’Intifada à la française. Jospin a manqué l’intégration tant au sein de sa majorité que dans la société civile française, il n’a pas su rassembler les énergies autour d’un vrai consensus.

   Arafat devrait-il créer un Etat Palestinien ? Ne serait-ce pas en effet en phase avec ce besoin de formalisme que nous évoquions? Il y aurait en effet là une certaine logique à le faire d’un point de vue symbolique mais qui se heurte à la logique de l’adversaire. Israël n’a pas su, en temps utile, intégrer la Cisjordanie au sein de l’Etat Hébreu, au lendemain de la Guerre des Six Jours (juin 1967) et cela explique la première Intifada de la fin des années 1980. Les gouvernements israéliens successifs ont maintenu les arabes dans un statut à part, tant ceux des territoires “occupés” que les arabes dits israéliens. Or, il y a des moments où une telle politique ne fonctionne plus, où il faut faire avancer les choses vers une forme plus centralisée tout comme il y a des moments qui impliquent au contraire de concéder plus d’autonomie aux composantes d’un ensemble. Comme dit l’Ecclésiaste, il y a un temps pour chaque chose. Encore faut-il qu’il y ait défi, rapprochement des contraires: un Etat palestinien ne comportant que des arabes est-il un vrai challenge ? Cela ne ferait avancer l’histoire que dans le cadre d’un véritable accord de paix voire d’une union économique avec l’Etat Hébreu sinon au sein d’une structure fédérale.

   Pour en revenir à la sphère privée, le fait de réussir à partager un même espace, à demeurer en un lieu unique, en une même maison, voire en un même lit, à résorber ainsi les distances, d’harmoniser les relations entre ceux qui habitent le dit espace, est un enjeu essentiel à certains moments. Ne pas y parvenir est source de frustration. Inversement, il peut sembler, en d’autres circonstances, souhaitable de montrer une capacité à délocaliser, à dé-formaliser, tout en maintenant un certain lien plus ou moins virtuel, par le biais de l’internet, du téléphone etc.

   A quoi tiennent de telles attentes contradictoires ou du moins alternées ? On est là probablement au coeur de la vie des sociétés humaines, selon le principe latin solve coagula.

   Tantôt les êtres humains ont besoin d’une représentation sociale aussi concrète que possible, avec éventuellement le culte du chef, du parti unique, tantôt ils sont en quête d’une appartenance plus abstraite, plus lâche, moins définie, moins bien délimitée en raison d’une difficulté à cohabiter plus étroitement.

   C’est ainsi que le bloc communiste en Europe Orientale a longtemps consisté en un lien assez vague censé primer sur les entités nationales au sein de cet empire. De même pour l’empire colonial français fonctionnait sur une idée d’appartenance à un large ensemble. Et puis vient un moment où les distances apparaissent comme trop grandes et où l’on recherche un cadre à la fois plus restreint et plus contraignant quant à son mode de fonctionnement interne et cela aboutit au démembrement de tels empires. Paradoxalement, ce passage vers un espace plus restreint implique une meilleure intégration locale.

   On ne saurait donc, à l’heure actuelle, sous estimer les effets d’annonce concernant tel ou tel rapprochement entre des formations longtemps séparées, tel ou tel dépassement d’anciens clivages, obstacles qui devront être surmontés en raison d’un vivre ensemble à venir alors qu’à d’autres moments, l’on s’appuierait plutôt sur des déterminismes hérités du passé et donc n’exigeant pas la mise en place d’un creuset.

Jacques Halbronn
Paris, le 6 octobre 2002



 

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