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Editions RAMKAT




ANTISEMITICA

1

Aspects du processus de traduction des Protocoles

par Jacques Halbronn

   Extrait de la thèse d’Etat, Le texte prophétique en France. Formation et fortune, Paris X, 1999. Diffusion : Presses Universitaires du Septentrion, Villeneuve d’Ascq, 2002.

Ce texte complète notre travail paru chez Ramkat, Le sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle, en 2002.

   Nous nous sommes particulièrement intéressé aux enseignements liés au processus de traduction. Il convient de situer celui-ci dans le cadre de la dialectique chorématique / chronématique.

   La traduction d'un texte paru en une langue étrangère apparaît comme l'expression de la part des représentants de la langue vers laquelle la traduction doit se faire, d'une volonté d'appropriation d'un nouveau document; “nouveau” ne signifiant pas ici que le texte soit récent mais que l'urgence de l'intégrer au sein de la dite langue est alors ressentie.

   Si l'on assimile ce texte à un objet, on dira qu'il y a désir de celui-ci. Or, d'une part, il importe que cet objet soit perceptible comme tel, dans sa relative nouveauté et d'autre part, qu'il soit désormais accessible dans la langue dans le champ de laquelle il ne se trouve pas encore.

   Il y a là une certaine contradiction à gérer qui expliquerait, selon nous, les traces qui subsistent de l'origine du dit objet. Dans le cas d'une traduction, celles-ci correspondent au maintien d'un certain nombre de signifiants d'origine1, soit que ceux-ci existent déjà dans la langue de la traduction, soit en faisant figurer dans le texte les termes étrangers, au prix d'une translittération, d'une intégration plus ou moins précaire, étant entendu que de toute façon le lecteur replacera spontanément les dits termes dans le contexte sémantique et phonologique de la dite langue. En tout état de cause, le “nouveau” texte (pour la langue considérée) se placera au sein de la littérature parue dans cette “nouvelle” langue (pour le texte considéré).

   Une certaine ambigüité apparaît dans le cas de l'emprunt. Est-ce que c'est l'emprunteur qui s'approprie l'objet ou est-ce le “propriétaire” de l'objet qui mène une politique d'expansion ? Qui conquiert qui ? Il peut en effet fort bien y avoir emprunt à l'insu du dit propriétaire, dès lors que l'objet est reproductible. Si l'on prend le cas de la mode, une personne peut vouloir changer de coiffure et se conformer à un certain style ambiant. Cette coiffure doit être identifiable, au moins à ses yeux, sinon il ne vaudrait pas la peine de procéder à ce changement d'apparence (chronématique) mais elle s'intégrera peu ou prou dans la physionomie générale de la dite personne (chorématique). La personne montrera ainsi - pour elle comme pour les autres - qu'elle est bien “de son temps”, “dans le vent” (chronématique), qu'elle est membre d'un certain ensemble de gens marqués par une telle modernité.

   Il sera plus ou moins aisé de retrouver le modèle de référence en vigueur à un moment donné. Il conviendra de démontrer que les changements intervenus dans toute une série de champs organisés selon diverses structures, sont contemporains d'un certain événement, d'une rencontre que l'on puisse dater. Si un des éléments de l'équation devait manquer, l'on pourrait néanmoins tenter de le reconstituer. Encore conviendrait-il de préciser que les nouveaux développements peuvent s'appuyer sur un certain passé mais il faudrait alors expliquer pourquoi celui-ci revient soudain à la surface.

   Dans le cas de la traduction, le traducteur peut certes puiser dans le vivier de signifiants de la langue vers laquelle il opère, il sera alors loisible au chercheur de montrer que ce retour, cette réminiscence-ce choix de mots parmi tant d'autres possibles-interviennent précisément à un moment où un tel processus se situe dans une certaine mouvance.

   Si nous avons accordé quelque importance au processus de traduction, c'est parce que celle-ci est au coeur de la problématique de transmission et d'intégration. Par le biais de la traduction, des mots nouveaux peuvent être mis en circulation, profilés en accord avec les règles grammaticales en vigueur. Sous prétexte du passage vers une autre langue ou de modernisation, le texte d'origine est susceptible d'être modifié et actualisé. On rappellera le cas du Janus Gallicus et des disparités entre textes français et latin. La traduction - trahison - permet au texte de circuler dans l'espace et dans le temps2, d'une langue ancienne vers une langue moderne (Bible), d'une langue vernaculaire vers une autre (Protocoles).

I - La question des Protocols (sic)

   Outre le fait que les Protocoles ne sont probablement pas nés en Russie et qu'il convient donc de parler de leur réception dans ce pays, nous avons montré que la première vague de traductions des Protocoles avait concerné le tchèque et l'allemand, dans la période séparant les révolutions de 1905 et 1917. Après la Révolution d'Octobre, les Protocoles, dont le public connaît l'origine russe coïncidant avec la révolution bolchevique, seront traduits en anglais. Logiquement, c'est la forme allemande qui est aussi celle du Congrès de Bâle qui aurait du l'emporter - Protokoll - mais c'est-nous sommes au lendemain de la défaite des empires centraux-la forme anglaise Protocols qui s'imposera. Très tôt, le plagiat issu de Joly est connu à telle enseigne que l'on peut se demander si telle promptitude ne s'explique par la parution de la version allemande dès 1909. La dénonciation ne va guère freiner la diffusion des Protocoles.

   C'est ainsi qu'un texte d'origine française - pour la forme sinon pour le fond - mais l'antisémitisme absent chez Joly3 est très présent chez nombre d'auteurs français de la seconde partie du XIXe siècle - reviendra vers la France sous des habits russes et anglo-américains. La dimension prophétique des Protocoles est renforcée par l'ouvrage mystique de Nilous dans lequel ils ont été conservés.

   Les traductions anglaise et française semblent toutefois s'être effectué à partir de la brochure séparée de 1911 (et non du recueil complet de 1905 ou de 19114), ce qui explique que l'on ignore alors à peu près tout du véritable contenu du Grand dans le Petit ou des trois préfaces dans lesquelles Nilous explique la genèse de son travail. Le paradoxe tient au fait que les diverses éditions de Nilous ne mettent jamais les Protocoles en valeur et que ceux-ci sont insérés dans un ensemble sensiblement plus vaste, notamment dans l'édition de 1917. On pense à la Prophétie des Papes du pseudo-Malachie, à un certain stade, insérée au sein de volumes touchant à bien d'autres sujets. Ce qui est également certain, c'est que ces Protocoles, chez Nilous, figurent au sein d'une littérature antéchristique, comme le montrent les tirages séparés de 1911 et de 1917. Cette dimension sera plus ou moins évacuée par la suite au niveau des traductions qui ne concernent que les Protocoles sans même les commentaires de Nilous qui ne fut ni leur auteur (cela revient en substance à Maurice Joly en grande partie) ni même leur traducteur, encore qu'il ait eu apparemment accès à des ouvrages dont il cite les titres en français5.

   C'est en référence à l'édition anglaise de 1919 - The Jewish Peril6, que les Protocoles atteindront, sous leur forme intégrale, la France l'année suivante7, mais sans que cela signifie pour autant que l'on ait eu recours au texte russe. Le Times, dès 1921 (numéros des 16, 17, 18 août), sera le premier à signaler le “plagiat” à partir du Dialogue de Maurice Joly8, mais il fut aussi, un an plus tôt (8 mai 1920), largement responsable de son impact hors de Russie en Europe et aux Etats Unis en conférant quelque publicité à une récente édition anglaise intitulée The Jewish Peril.

   Le Times avait aussi contribué à faire connaître les Protocoles dans un large public, par un article de Wickam Steed9. On désigna alors le Dialogue entre Machiavel et Montesquieu de Joly, sous le nom de “Dialogues de Genève” (octobre 1864) du fait que l'avant propos de l'auteur portait cette mention10.

   C'est d'ailleurs le fait que le Times s'y soit intéressé qui semble avoir été décisif en France. On lit en gros caractères dans la Vieille France n°205 du 30 décembre (BNF, 8° Lc2 6434) sous le titre de “La conspiration juive contre les peuples” : “Le Times, le plus grand journal du monde demande si la France, l'Angleterre, l'Amérique n'ont abattu la domination mondiale de l'Allemagne que pour faire place à la domination mondiale des Juifs. Et le Morning Post proclame, dans les 23 articles11 qui seront rassemblés sous le titre de “The World Unrest” ;, que la Bible bolcheviste, « ce sont les Protocoles ou les Directives de Sages d'Israël (Procès verbaux de leurs réunions dans les Sanctuaires occultes) ». La Vieille France se plaint (n°204) que la publicité pour les Protocoles n'est pas acceptée dans & “171; l'abjecte presse française docile à l'ennemi qui le paye (et) refuse de faire connaître au peuple les Protocoles révélateurs ». Il convient toutefois de 1r que la revue La Vieille France, dès le mois de février 1920, donc avant l'article du Times, avait fait référence aux Protocoles dans son numéro 160 comme le rappelle Urbain Gohier12, donc directement à partir de la publication de l'édition anglaise parue peu auparavant.

   Mgr Maurice Landrieux, Maurice, évêque de Grenoble13, signale que dès le 25 mai 1920, Le Correspondant. se fait l'écho des Protocoles et les associent au nom de Nilous « russe attaché au département des religions étrangères à Moscou »14. En effet, un article, ou plutôt un compte rendu de lecture, signé François Lechannel François, et oublié des spécialistes, à la rubrique “à travers les livres étrangers” intitulé “Le péril juif”, titre calqué sur l'anglais (pp. 735 et seq.) comporte la traduction de larges extraits des Protocoles ou “conférences” - on n'insiste pas encore particulièrement sur ce titre - à partir de la traduction anglaise. Il s'agit là, pensons-nous, de la première apparition en France d'éléments de ce texte attribué à Nilous. On y note, pour notre sujet, une certaine terminologie significative : « une prédiction de la Russie des Soviets » (p. 739) ou encore, insistant sur la parution dès 1905 : « Ce n'est donc pas un ouvrage récent utilisant les événements actuels; bien au contraire, il les a annoncés et prévus il y a de longues années » (p. 736) La conclusion est typique : « Que sont ces “Protocoles15 ? Sont-ils authentiques ? En ce cas quelle assemblée malfaisante a machiné ces plans et s'est réjouie de les faire connaître ? S'agit-il d'un faux ? En ce cas, d'où vient cet étrange et inquiétant caractère de prophéties,prophéties en partie accomplies, en partie bien près de l'être ?“ (p. 740).

   L'article français - qui emploie la formule sans guillemets “les Elders de Sion” (sic) - ne manque pas de paraphraser avec force le texte provenant de Russie, tel le dernier protocole : « Les Juifs, déclarés véritables auteurs dans la coulisse de la Révolution française. Lorsque le monde chrétien sera près de disparaître, dans cette anarchie générale, alors se lèvera le règne impitoyable, logique, sage, rigide du “Roi de la race de David ».

   Cette influence anglaise est patente déjà par le titre que porteront au début les Protocols (sic)16 dans toutes les éditions en langue française du début des Années Vingt. Un mois plus tard, l'hebdomadaire L'Opinion publie (les 5, 12 et 19 du mois17) un article intitulé “Les origines du bolchevisme: procès-verbaux des Sages de Sion” et comportant des extraits des Protocoles jusqu'au n°15. Le dernier extrait publié s'achève par des propos méprisants de la part des auteurs des Protocoles pour ces goïm dont la nature est “animale”. C'est bien l'antigoyisme affiché dans les Protocoles qui va exacerber l'antisémitisme.

   On ne mentionne, est-il précisé, qu' « à titre de curiosité, ces documents qui font grand bruit en Angleterre »18. On lit cependant le chapeau suivant : « S'il s'agissait d'un ouvrage apocryphe, comment l'auteur aurait il pu avec une telle précision décrire les événements extraordinaires qui étaient survenus quinze ans après ». Mais le 19 juin, le journal annonce une protestation de Salomon Reinach Salomon de l'Institut laquelle paraîtra le 26 juin. En revanche, la publication des Protocoles ne se poursuivra pas19. L'historien juif signe un article intitulé “Les prétendus procès verbaux des doyens de Sion”. Il y cherche les sources des Protocoles, mais ne fait pas de rapprochement avec le Dialogue aux Enfers de Maurice Joly20.

   On retrouve les Protocoles in extenso cette fois, sous forme de feuilleton, dans le journal fondé par E. Drumont21. La Libre Parole durant l'Eté de la même année (27 juillet-21 août) sous le titre de “Le péril juif”22, traduction23 littérale du titre anglais - et sans numérotation des protocoles. En fait l'expression “péril juif“ n'est pas simplement une traduction de l'anglais. En 1891, étaient parus Les Rothschild et le péril juif de Jacques de Biez, J. de (BNF, Lb57 10790)24, puisque l'on aborde dès la fin du XIXe siècle la question du “péril protestant“25. Mais Drumont accueillera L'Etat Juif de Herzl en 1897, peut-être parce qu'il percevait tout ce qui dans cet ouvrage-dans son programme-pouvait se retourner contre les juifs, ce qui correspond aussi à la volonté de Herzl de prendre en compte le discours tenu sur les juifs, dans un certain espoir de dialogue. dans un certain espoir de dialogue.

   Dans un premier temps, deux traductions vont être commercialisées, au cours de l'année 1920, chacune dans le cadre d'une revue, la Vielle France et la Revue Internationale des Sociétés Secrètes (RISS). L'une à partir du russe, l'autre à partir de l'anglais. Les Protocoles des éditions Grasset n'entrent en lice que dans un deuxième temps.

   Pour commencer, Grasset publie un ouvrage de R. Lambelin, R intitulé Le Péril juif - Le règne d'Israël chez les anglo-saxons, ne comporte qu'un résumé des Protocoles. en son chapitre IV26. Nous sommes en juin 1921 et il n'est fait référence dans cet ouvrage (p. 86) en note qu'aux deux éditions françaises susmentionnées. Aucune allusion à cette date à un ouvrage paru ou à paraître sur les seuls Protocols chez cet éditeur. Un deuxième ouvrage paraîtra dans la série “Le péril juif” du même Lambelin : “L'impérialisme d'Israël”. Et voilà que vont paraître chez Grasset les “Protocols” des Sages de Sion avec une introduction de Roger Lambelin27. Apparemment, une nouvelle traduction du russe, non calquée sur celle de La Vieille France d'Urbain Gohier. On y trouve les chapeaux de la version des Protocoles de Nilous que la Vieille France n'avait pas cru bon de conserver de Nilous. On notera28 que cette revue préférera parfois le terme de “directives“ à celui de protocoles29, celle de Mgr Jouin, E., sous le titre Le péril judéo-maçonnique (Vol 1)30, une autre prise du russe, en 1921 chez l'éditeur Bernard Grasset31, avec une introduction historique de Roger Lambelin32, laquelle fera fortune tout au long du siècle puisqu'on la retrouve en 1967 dans une édition française de Beyrouth, au lendemain de la Guerre des Six Jours33. Cette traduction est fidèle au texte russe de Nilous dont elle reproduit les “chapeaux“ en tête de chaque protocole, mais on n'y retrouve cependant pas les notes en marge figurant en russe.

   Cette dernière traduction, parue chez Grasset, se distingue sur un point essentiel : on y rend le terme “goy” par “chrétien” alors que l'original russe comporte la forme “goy” qui correspondrait mieux à “Gentil” (comme le propose L'Opinion. Le terme “goy”, on le sait, vise toute personne non juive, par delà le critère religieux34. Or, précisément, l'antisémitisme, au XXe siècle, appréhendera la question juive bien au delà du plan religieux, ce qui est le corollaire de l'usage par les juifs du mot “goy”. Par ailleurs, les commentaires russes de Nilous en marge des Protocoles ne sont pas reproduits. Ainsi, l'édition Grasset transforme-t-elle les Protocoles en une affaire judéo-chrétienne.

   La dimension antéchristique, qui fut si présente dans la Prophétie du Frère Johannes, au début de la Grande Guerre sera par la suite évacuée comme d'ailleurs les références maçonniques pour ne plus laisser la place qu'au seul antisémitisme. Le titre de 1905 était parfaitement explicite Le Grand dans le Petit et l'Antéchrist comme possibilité politique immédiate (Notes d'un Orthodoxe, 2e édition corrigée et augmentée35). L'édition de 1911 sépare en revanche le titre en deux parties : Le Grand dans le Petit. L'Antéchrist qui approche et le royaume de Satan sur la Terre.

   Le feuilleton de la Libre Parole (21 août 192036) se concluait encore ainsi avec les paroles de Nilous : «  Je sens en mon coeur que l'heure est venue de convoquer le huitième concile oecuménique où se réuniront, oubliant les querelles qui les ont séparés depuis des siècles, les pasteurs et les représentants de toute la Chrétienté pour faire face à la venue de l'Antéchrist. FIN  ».

   Si c'est un faussaire, dit-on alors, c'est alors un prophète puisque tout était annoncé depuis 190537 ! Le succès des Protocoles serait ainsi dû à la rencontre entre un texte et un certain nombre d'événements qui semblent le confirmer. Est-ce par hasard si le terme Sion apparaît dans le titre même de ces Protocoles et vient recouper les espérances du mouvement sioniste ? Concours de circonstance qui fait de ces Protocoles vers 1920 la prophétie du sionisme38.

   Il y aurait, en effet, dans l'antisémitisme, une sorte de prophétisme: annoncer que les juifs feront ou ce qu'on les soupçonne de vouloir faire, nous fait assez vite basculer dans le champ d'un prophétisme assez pervers du type « &nbp;on vous l'avait bien dit !  », comme si tout propos tenu sur le monde attendait sa confirmation.

   Initialement, il n'était pas question, en France, de désigner les “Protokoli” par le terme “protocoles”. En tout cas pas dans la communauté des juifs de Russie résidant en France et dont l'organe se nommait “Tribune Juive, revue hebdomadaire consacrée aux intérêts des Juifs russes” (BNF, Jo 56366). Lorsque dans le numéro du 21 mai 1920, S. Poliakoff signe un article intitulé “Le Times et les procès verbaux sionistes”, il ne reprend pas l'expression “protocoles”. Encore en juillet 1920, dans la même publication, on trouve un article qui se nomme “Les prétendus procès verbaux des doyens de Sion” de S. Reinach Salomon (paru dans L'Opinion). C'est en fait sous l'influence anglo-saxonne que le terme de “protocoles” voire de “protocols” va s'imposer dans la Tribune Juive, au cours de l'année 1921. Le milieu juif russe a directement accès à l'original russe ou du moins à celui qui paraît dans la revue de langue russe, de Berlin, le rayon de soleil. En 1920, la revue La Vieille France choisit une formule intermédiaire : “Protocols (sic). Procès-verbaux de réunions secrètes des Sages d'Israël”39, pour devenir en 1924, aux mêmes éditions, sous la signature d'Urbain Gohier “Les Protocoles des Sages d'Israël”.

   S. Poliakoff, dans son article susmentionné témoigne qu'« en 1918, certains de ces messieurs du G (rand) Q(uartier) G(énéral) de l'armée des volontaires distribuèrent ces procès verbaux aux officiers étrangers sous prétexte qu'ils contenaient l'expression du bolchevisme russe ».

   Il n'en reste pas moins que la réception des Protocoles en France semble surtout liée à l'Angleterre et que les versions françaises seraient peu ou prou dépendantes des éditions anglaises tant il est vrai que les quatre traductions françaises de 1920-22 portent dans leur titre la forme anglo-saxonne Protocols. Nous nous arrêterons sur le travail de J. F. Moisan, J. F.: Contribution à l'étude des matériaux littéraires pro et antisémites en Grande Bretagne (1870 - 1983)40.

   Nul ne conteste que les Britanniques aient précédé les Français dans la publication des Protocoles, optant pour le titre, au demeurant calqué sur le russe de “Protokoli”, Protocols of the Learned Elders of Zion, introduit une connotation particulière où le sage est aussi un savant, un ancien. Après un premier tirage réalisé par Eyre & Spottiswoode, en 1919, les droits de la première traduction, celle de Shanks41, sont cédés aux Editions The Britons de Londres (qui deviendra “The Britons Publishing Society”)42. Dès 1920, reparaît, dans ce nouveau cadre, le Jewish Peril. Protocols of the Learned Elders of Zion, se présentant comme une seconde édition43. Les nouveaux éditeurs veulent profiter de la publicité faite par le Times du mois de mai 1920 aux Protocoles44 : en 1921 la nouvelle traduction anglaise circule45.

   Si le titre de la couverture est maintenu entre les diverses éditions et traductions, en revanche, le titre intérieur de la version Marsden Victorest Protocols of the Meetings of the Learned Elders of Zion, le terme protocole n'ayant pas semblé assez explicite par lui même. De même n'a-t-on pas conservé la formule “The Jewish Peril“46.

   J. F. Moisan exprime le désir de comparer les deux traductions mais il reconnaît ne pas avoir accès au russe. Or ne risque-t-il pas d'attribuer à l'un des traducteurs ce qui relève de Nilous ou de telle ou telle édition ? C'est ainsi que ce chercheur commettra un certain nombre de bévues qu'il nous a semblé intéressant de relever. Evidemment, Moisan part de l'hypothèse que la première traduction, celle de George Shanks George, est parfaitement conforme au russe et que toute différence entre Shanks et Marsden relève de la fantaisie de ce dernier.

   Moisan va donc attribuer à Marsden toutes sortes d'innovations à commencer par la numérotation des protocoles, sans savoir que Nilous lui même, à partir de 1911, a opté pour cette formule lancée par Boutmi47. La première traduction française, dans le journal L'Opinion, ne comporte pas une telle numérotation, fidèle en cela à son modèle anglais48.

   J. F. Moisan a remarqué que Marsden ne mentionne pas la police tsariste, l'Okrana, dans les Protocoles alors que Shanks le fait49 (Protocole 18). Ne songeant pas à vérifier au moins au niveau des traductions françaises dont certaines se veulent tenir du russe, il nous explique le procédé de Marsden :

   « Que Marsden ait recours aux termes plus généraux de secret defence au lieu d'okrana nous semble très révélateur. En mentionnant la police secrète tsariste, il aurait limité la portée du protocole 18 et des protocoles dans leur ensemble. Il aurait restreint le champ d'action des Sages à un pays particulier. Or le “complot” est censé être mondial et universel. De plus, la référence à l'Okrana aurait daté trop précisément la “conspiration” dont la réalisation était imminente au moment de la parution de la traduction de Marsden alors que l'Okrana avait disparu dans la tourmente révolutionnaire. Or, la traduction de Jouin, E., faite à partir de Shanks comporte la mention Okrana, mais en 1 celui ci précise que ce passage ne figure pas dans d'autres versions. En effet, Nilous n'emploie pas ce terme. C'est en fait l'inverse qui s'est produit : Shanks a apporté une précision qui ne figurait pas dans l'original. Mais en 1 celui ci précise que ce passage ne figure pas dans d'autres versions. En effet, Nilous n'emploie pas ce terme. C'est en fait l'inverse qui s'est produit : Shanks a apporté une précision qui ne figurait pas dans l'original. »

   Selon Moisan (p. 55), Marsden se permet d'introduire “une référence géographique inexistante” au protocole IX. Or, il n'en est rien, cette précision figure bel et bien chez Nilous et c'est Shanks qui a préféré l'évacuer. Marsden se voit reprocher des formules provocatrices comme de parler du génie du peuple juif (protocole 17) mais c'est Shanks qui, tout au contraire, a voulu atténuer le texte. Ce serait encore Marsden qui aurait préféré Goïm à Gentils alors que c'est le langage propre aux textes russes des Protocoles.

   Et le verdict tombe sur Marsden : « Il s'est efforcé par divers artifices - choix lexicaux, ajouts, suppressions - de rendre le texte des Protocoles plus violent, plus horrible, plus insupportable au lecteur et donc plus antisémite. Cette constatation peut expliquer le fait que dès le début des années 20 les éditeurs des Protocoles aient préféré la traduction de Marsden à celle de Shanks » (p. 97)50.

   En 192251, la première traduction avait été abandonnée par The Britons publishing Society et on présentait une nouvelle traduction52 à partir du russe de Nilous, due à Victor E. Marsden, ancien correspondant du Morning Post, le journal qui avait publié si largement sur le sujet en 1921. On y rappelle la familiarité du journaliste avec la Russie, lequel venait de décéder.

   La lecture de cette nouvelle traduction fait irrésistiblement penser à l'édition de 1911 de Nilous : présence de chapeaux en tête de chaque protocole dûment numéroté, point non relevé par Moisan. Or, nulle part, il n'est question dans l'ouvrage anglais d'une édition russe, autre que celle de 1905 alors que nous sommes en 1925.

   Par ailleurs, Marsden emprunte le développement de la Vieille France relatif à la Lettre de Constantinople aux Juifs d'Arles et ce sans citer ses sources. Sous le titre de “A Fifteenth Century “Protocol”, il traduit (p. 7) littéralement le texte de l'article du 20 juillet 1920 (p. 87 de l'édition française).

   Marsden ne reconnaît pas davantage ses emprunts à la précédente édition de Shanks. Il reproduit littéralement le texte anglais de la Prophétie du Serpent, prenant simplement la peine de mettre “serpent”, là où l'on avait traduit du russe (zmia) par “snake”. Il ne corrige pas l'erreur qui confondait Louis XVI avec Louis XIV53 dans la version russe54.

   On peut dire que Shanksa travaillé à partir de l'édition de Nilous de 1905 et Marsden à partir de l'édition du même Nilous de 1911, laquelle notamment comporte des chapeaux pour chaque protocole. Ce serait la véritable cause de la mise en oeuvre d'une nouvelle traduction.

   Il convient de dater la traduction de Victor Marsden: si l'édition en brochure séparée semble être de 1922, en revanche, des extraits de la traduction sont parus d'abord dans les colonnes du Morning Post55 en mai 1920, puis au sein du recueil regroupant tous les articles traitant de la “question” juive la même année sous le titre The Cause of the World Unrest, avec une introduction de l'éditeur du56 Morning Post Londres, Ed. Grant Richards (BDIC, S 7218). Ces textes sont d'abord paru anonymement, Marsden n'étant que l'un des collaborateurs57, sa traduction figure aux chapitres V, VI58 et VII du volume. Victor Marsden connaît l'existence de la première traduction (p. 89) : « Une traduction de ces Protocoles vient de paraître. Cette traduction que nous avons comparée avec l'édition russe de 1905 au British Museum est correcte dans l'ensemble mais pour une oeuvre de cette importance, nous avons préféré recourir à notre propre traduction: Une traduction de ces Protocoles vient de paraître. Cette traduction que nous avons comparée avec l'édition russe de 1905 au British Museum est correcte dans l'ensemble, mais pour une oeuvre de cette importance, nous avons préféré recourir à notre propre traduction ».

   Le titre anglais proposé par le Morning Post est celui que retiendra Marsden: Protocols of (the) Meetings of the Learned Elders of Zion59.

II - Influence des traductions françaises

   Mais sommes-nous à ce point certains que Marsden ne s'est pas servi de la traduction française figurant dans la Vieille France (que l'on désignera désormais par le sigle VF) ? Dans ce cas, il se serait contenté de traduire du russe les chapeaux négligés par la revue française et qui, on le sait, sont des apports tardifs de Nilous.

   L'examen de la disposition en paragraphes préconisée par Moisan fait apparaître un fort parallélisme entre Marsden et Nilous que l'on ne retrouve pas dans les traductions françaises. Marsden préserve par exemple les points de suspension en tête du premier protocole ce que ne fait pas VF.

   Toutefois, l'édition de la Vieille France ne comporte pas les particularités de la traduction Shanks, notamment en ce qui concerne la mention de l'Okhrana. Comme elle date de 1920, il semble exclus qu'elle ait pu s'inspirer du travail de Marsden. Le fait que Marsden ait mieux respecté certains dispositifs de Nilous suffit il à évacuer l'hypothèse selon laquelle il aurait pu s'inspirer de la traduction VF ?

   Force en tout cas est de constater que Marsden a traduit du français les annexes de VF des pages 87 à 88 : “La Revue des Etudes Juives financée par James de Rothschild a publié en 1880 deux documents qui montrent etc.” devient “The Revue des Etudes Juives financed by James de Rothschild published in 1889 (sic) two documents which showed etc.”

   On 1ra que le titre de Marsden reprend l'idée de “réunions” qui ne figurait pas dans la traduction de Shanks : “Protocols ”Procès verbaux de réunions secrètes des Sages d'Israël (VF), soit “Protocols of the meetings of the Learned Elders of Zion”.

   Marsden a repris l'italique qui ne figure pas chez Nilous mais qui est employé dans VF :

   « Dans cet ordre d'idée, je vais exposer notre système en me plaçant d'une part à notre point de vue et d'autre part au point de vue des goym. » (L'italique est dans le texte p.13, et ils seront mis en italique tout au long des 24 Protocoles dans les deux versions Marsden et VF)

   « What I am about to set forth, then, is our system from the two points of view that of ourselves and that of the goyim (i.e. non Jews)  ». L'italique est dans le texte (p.11).

   Que Marsden ait eu connaissance de VF semble à peu près acquis mais nous ne saurions contester qu'il ait eu accès à Nilous non seulement au niveau des chapeaux mais aussi parce que dans certains cas sa traduction est plus littérale que celle de VF.

   Qu'on en juge d'après la fin du dernier protocole.

   VF rend ainsi le russe :

   « Le Roi d'Israël ne devra pas être influencé par ses passions »

   Marsden donne la traduction suivante :

   « The King of the Jews must not be at the mercy of his passions »

   Or le texte de Nilous est plus proche de “King of the Jews” que de “Roi d'Israel”: Tsar Iudeiskiy, le “tsar” des Juifs et non le “tsar” d'Israël.

   Il n'est pas cependant exclus que des parentés existent entre Marsden et “Grasset-Lambelin”. Ainsi le protocole III qui est celui du serpent symbolique60 recourt à l'image de l'étau pour indiquer à quel point les Juifs vont parvenir à contrôler les Etats d'Europe. VF ne reprend pas cette image qui se trouve dans le texte russe et recourt à la formule « Quand ce cercle sera fermé, tous les Etats Européens y seront enserrés comme entre de solides griffes » (p.21), alors que Marsden colle davantage au texte russe (tiski: étau) :

   « When this ring closes all the States of Europe will be locked in its coil as in a powerful vice (anglais pour étau)  » (p.19).

   Et l'édition Grasset reste également proche du russe : « Quand ce cercle sera fermé, tous les Etats d'Europe y seront enserrés comme dans un fort étau » (p.20).

   Marsden a-t-il emprunté les chapeaux de Grasset ? La réponse est négative. Nous avons observé par exemple que pour le chapeau du Protocole XIII, Nilous avait mis des guillemets. On ne les retrouve pas dans l'édition Grasset et ils sont bel et bien placés chez Marsden qui n'aurait pu en introduire par hasard là où il le fallait si son modèle avait été français.

   Ch. XIII, Sommaire : le besoin du pain quotidien. Les questions politiques. Les questions industrielles. Les divertissements. Les maisons du peuple. La Vérité est une. Les grands problèmes. (The need for daily bread. Questions of the political. questions of industry, Amusements. People's palace. Truth is one. The great problems).

   Mais l'inverse est-il possible ? Il apparaît en effet que la version de Marsden parut dans le Morning Post, du moins partiellement, dès 1920 donc avant la publication des Editions Grasset.

L'influence américaine

   En 1920, paraît à Boston une édition en langue anglaise, différente de celles que connaît l'Angleterre.

   Or, dès le début du premier protocole, nous rencontrons une formule typique de deux éditions français, VF et Grasset, “Let us leave any phraseology”.

   VF : « Laissons de côté toute phraséologie »

   Grasset : «  Abandonnons toute phraséologie »

   Or, VF de 1920 cite assez longuement la version américaine (pp. 7-10) et y puise en fait tout un historique de plusieurs pages qui reprend le titre complet: The Protocols and World Revolution including a translation and analysis of the Protocols of the Meetings of the Zionist men of wisdom“ (Small, Maynard et Cie, édit. Boston 1920)61, CDJC 14176.

   En fait, les Protocoles de VF n'ont pas été réalisés à partir de l'édition de 1905 comme le montre la présence d'une numérotation des séances. Selon nous, ils ont été traduits à partir de l'édition de Boston et ont profité du travail de Boris Brasol62. Selon Cohn Norman, cette édition américaine serait due à l'initiative des Russes “Blancs”63, lesquels ont certainement joué un rôle clef dans la diffusion des Protocoles et ce, dès 1918. Les Protocoles apparaissent comme un élément essentiel de la propagande antibolshévique russe. La France a été particulièrement sensible au thème antéchristique niloussien, on se souvient alors du recours à une telle représentation autour de la Prophétie du Frère Johannès, chère au Sâr Péladan Joséphin au début de la Grande Guerre.

   Il est vrai que le passage du français à l'anglais ou l'inverse est infiniment plus aisé qu'à partir du russe, en raison notamment du nombre de signifiants quasiment identiques encore qu'on trouve une proportion non négligeable de mots français en russe.

   Si l'on prend les premières lignes du protocole 1 et les dernières lignes du protocole 24, la comparaison entre le texte américain et le texte de la Vieille France est flagrante: nous avons mis en italiques dans le texte français les termes semblables à l'anglais64.

   Protocole 1 :

   « Let us put aside phraseology and discuss the inner meaning of every thought; by comparisons and deductions, let us illuminate the situation. In this way, I will describe our system, both from our point of view and from that of the Goys »

   N° 1, Vieille France :

   « Laissons de côté toute phraséologie et discutons le sens intime de toute pensée; éclairons la situation par des comparaisons et des déductions. Dans cet ordre d'idées, je vais exposer notre système en me plaçant à notre point de vue et, d'autre part, au point de vue des Goym. »

   Autre exemple :

   « The King of Israel must not be influenced by his passions especially by sensuality. No particular element of his nature must have the upper hand and rule over his mind. Sensuality more than anything else upsets mental ability and clearness of vision by deflecting thought to the worst and more bestial side of human nature.

The Pillar of the Universe in the person of the World Ruler sprung from the sacred seed of David, must sacrifice all personal desires for the benefit of his people. Our sovereign must be irreproachable.  »

   N° 24, Vieille France :

   « Le Roi d'Israël ne devra pas être influencé par ses passions, surtout par la sensualité: aucun élément particulier de sa nature ne devra dominer chez lui et être maître de sa pensée ; or la sensualité, plus qu'aucune autre défaut, trouble les facultés mentales et la claire vision des choses en détournant la pensée vers les pires instincts et les plus vils de la nature humaine.

   Le Pilier de l'Univers en la personne du Dominateur du monde, issu de la race sacrée de David devra sacrifier tous désirs personnels au bien de son peuple.

   Notre souverain devra être irréprochable. »

   On ajoutera que la disposition en paragraphes est identique et que la VF utilise tout au long des protocoles le terme “goym” pour “goys” de la traduction de Boris Brasol.

   Dès lors que l'on sait que la Vieille France a fait paraître les Protocoles après l'édition de Boston qu'elle cite, il n'est pas question d'accepter l'hypothèse selon laquelle l'édition américaine aurait été calquée sur la française. Dans la mesure où Marsden, outre Manche, a pris connaissance de l'édition de la Vieille France, il aurait de ce fait, indirectement, eu accès à l'édition américaine. Selon un principe général d'économie, les relations entre ces six éditions, trois françaises et trois anglo-saxonnes, ont été assez fortes et il conviendrait presque de parler d'un ensemble anglo-français de traductions des Protocoles. La situation a sensiblement évolué depuis le début du XVIe siècle: alors, la traduction ne pouvait fonctionner que du français vers l'anglais et l'anglais a souvent eu accès à des textes européens (latin, italien, allemand) à travers les traductions françaises65. Au début du XXe siècle, nous sommes en pleine anglomanie d'où cet anglicisme “Protocols”.

La RISS66 et les traductions de l'anglais

   A titre de comparaison, étudions la traduction de la RISS en vis à vis de la première traduction anglaise. L'édition de la RISS est la seule des éditions françaises à ne pas comporter le terme “phraséologie” au début du premier protocole. On y trouve la même parenthèse pour définir le terme goyim alors que le texte de Nilous comporte un renvoi en bas de page. La seule originalité est, pour l'édition de la RISS, d'utiliser nombre de sous titres et de numéroter les Protocoles. Il n'en reste pas moins que Jouin du fait qu'il signale les variantes en 1s est un précurseur au même titre qu'un Anatole Lepelletier pour les éditions des Centurie, au siècle précédent.

   Un moyen efficace de mettre en évidence une influence consiste à repérer une erreur commise dans le texte utilisé et de montrer que celle ci se retrouve chez l'emprunteur. Prenons le cas de la première traduction anglaise; dans le dernier protocole, l'on trouve la phrase :

   « Sensuousness, more than any other passion, is certain to destroy all mental and foreseeing powers; it distracts men's thoughts toward the worst side of human nature » (p.87)

   Les versions françaises de 1920 ont traduit de façon plus complète le texte russe qui comporte deux épithètes et non pas un seul.

   Vieille France :

    « La sensualité, plus qu'aucun autre défaut, trouble les facultés mentales et la claire vision des choses en détournant la pensée vers les pires instincts et les plus vils de la nature humaine » (p. 81)

   Grasset :

    « La volupté agit d'une manière pernicieuse sur les facultés intellectuelles et sur la clarté des vues en détournant les pensées sur le côté le plus mauvais et le plus animal de l'activité humaine » (p.153)

   Or le texte de la RISS comporte la même lacune que le texte anglais à savoir un seul épithète :

   « La sensualité, plus que toute autre passion, détruit fatalement toutes les facultés de l'intelligence et de la prévoyance, elle dirige les pensées des hommes vers le plus mauvais côté de la nature humaine. »

   L'affaire des traductions entre le français et l'anglais allait connaître un nouveau rebondissement dans les années Trente. A partir de 1931, la Revue Internationale des Sciences Secrètes publie sous le sigle “RISS” une série d'ouvrages en français et en anglais. (BNF). The Jewish Question (BNF, 8°G 3716) rassemble les textes antisémites d'Henry Ford H. C'est ainsi qu'un ouvrage de Lesley.i. Fry Lesley Waters flowing eastward (BNF, 8° G 3715) comporte le texte des Protocoles bien que ne l'annonçant pas dans le titre. L'ouvrage paraît simultanèment en français, la même année 1931, sous le nom de Retour des flots vers l'Orient. Le juif notre maître67.

   L. Fry produit la traduction de Marsden dans l'édition anglaise mais, plutôt que de traduire Marsden en français, l'éditeur parisien préféra réutiliser la traduction que la RISS avait publiée en 1920 et qui, elle, était issue de la première traduction anglaise si bien que L. Fry annonce la traduction de Marsden et que dans l'édition française, pour des raisons d'économie, ce n'est pas cette version qui est donnée. Marsden en français, l'éditeur parisien préféra réutiliser la traduction que la RISS avait publiée en 1920 et qui, elle, était issue de la première traduction anglaise si bien que L. Fry annonce la traduction de Marsden et que dans l'édition française, pour des raisons d'économie, ce n'est pas cette version qui est donnée.

   Mgr Jouin reprend d'ailleurs en tête de la traduction le titre complet de la première édition anglaise: Protocols of the Elders of Sion. Toutefois, les protocoles y sont numérotés à la différence de ce qui se pratique dans la première édition anglaise car Jouin tient compte de l'édition allemande de 1920 de Nilousqu'il cite.

   En revanche, la RISS publia bien une traduction du russe des Protocoles dans la version Boutmi reproduisant deux pages en caractères cyrilliques. En 1934, cette version allait ressortir aux mêmes éditions (BNF, 4° G 5311). Ainsi la RISS fournissait-elle au lecteur français des années Trente, comme elle l'avait fait dans la décennie précédente, deux versions, et ce dans des traductions françaises présentant des différences rédactionnelles même pour les passages où le texte russe est absolument identique, ce qui ne permettrait pas au lecteur français d'en prendre conscience.

   Un des apports les plus remarquables de la RISS - outre qu'elle signale nombre de variantes entre les diverses traductions - aura été d'introduire une carte illustrant la Prophétie du Serpent dont nous avions signalé l'absence. Dans l'édition de 1922 figurait une carte de l'Europe sans lien avec le texte, en revanche pour l'édition de 1934, on a remplacé celle ci par une autre carte parcourue par un serpent, dans un esprit plus fidèle.

   Qu'est-ce qui distingue les versions de Boutmi et de Nilous au point que Mgr Jouin ait décidé de les faire traduire en français coup sur coup en 1920 et 1922 et de les faire toutes deux rééditer dans les années trente? En fait, l'édition Boutmi comporte des sous titres empruntés à l'édition Nilous parue aux mêmes éditions « pour faciliter la lecture ». A ce propos, il convient de 1r que les Ed. Grasset n'ont pas jugé bon de reporter les sous titres, ce qui serait une initiative assez malheureuse s'il s'avérait, comme nous le supposons, que ceux ci faisaient, du moins dans certains cas, partie de la version manuscrite.

Jacques Halbronn
Paris, le 10 août 2002

Notes

1 Par origine, on n'entend évidemment pas la langue première du texte, si tant est qu'on la connaisse, mais la langue à partir de laquelle s'effectue la traduction en question. Retour

2 Voir J. L. Cordonnier, Traduction et culture, Paris, Hatier-Didier, 1995, Traduction et traducteurs au Moyen Age, Dir. G. Contamine, Paris, CNRS, 1989, Traduire l'Europe, Dir. F. Barret-Ducrocq, Paris, Payot, 1992. Voir Halbronn, 1987. Retour

3 Il n'est toutefois pas exclus que Joly se soit inspiré pour sa thèse d'un modèle antijuif. L'ironie du sort aurait ainsi voulu que la dimension juive évacuée y soit replacée. Retour

4 En 1911 paraissent concuremment le recueil complet et le texte des Protocoles qui en est issu. Retour

5 Signalons que le Dialogue de Joly fut traduit très vite en allemand. Retour

6 C'est également de 1919 que date la publication de la traduction allemande (Charlottenbourg-Berlin). Retour

7 Voir bibliographie in Taguief, 1992, Vol. 1 in fine. Retour

8 Cf. Taguief, 1992. Dès septembre 1921 (n°7), Paix et Droit, l'organe de l'Alliance Israélite Universelle (BAIU, P 98 bis) présentera, en sa première année d'existence, un article, reprenant les textes de la presse anglaise, avec en parallèle les Protocoles et le Dialogue de Joly. On aurait fait un mélange avec Joly. Le livre de Joly aurait été trouvé dans la bibliothèque d'un ancien agent de l'Okhrana, la police secrète tsariste. L'article signale également Retcliff. Un autre article sur le sujet était paru dès mars 1921 dans la même revue. Voir aussi un dossier de coupures de presse (Bibl. AIU, J 9318 a A (20) notamment pour 1921 : Ere Nouvelle, 21 août 1921, “L'étrange aventure des protocoles de Sion” par Maurice Vernes. (Le Matin, 21 août 1921). Réaction de Léon Brunetaux “Faux ou mystification, l'étrange aventure des Protocoles des Sages de Sion” (25 août 1921, pas de référence de périodique pour ce texte dans le dossier). Le 4 septembre 1921 paraît dans Le Matin un article intitulé : “Les Protocoles des Sages de Sion sont l'oeuvre de faussaires”. Retour

9 Cf. “The Jewish peril. A disturbing pamphlet. A Call for Enquiry” (Un pamphlet dérangeant, demande d'enquête). Retour

10 Mais Victor .Marsden, dans le Morning Post, écrit dès 1920 : “These two opening protocols express a philosophy of government more cynical than Machiavelli's”, article repris in The Cause of World Unrest, Londres, 1920, p.102. Retour

11 Voir Moisan, 1992, précise que six journalistes différents contribuèrent à cette série de 1920. Retour

12 Les Protocols, op. cit., p. 9. Dans la Revue Mondiale de mars 1921, la Princesse Catherine Radziwill, dans un article intitulé “Les Protocoles des Sages de Sion” (pp 151 et seq) ira jusqu'à mettre en doute l'existence de Nilous. La Princesse avait publié en Février de la même année, dans American Hebrew, une interview sur ce sujet. L'article français sera repris peu après dans un recueil de différents auteurs intitulé Les Sages de Sion et l'opinion mondiale. Pref. Maurice Vernes, Le Buisson Ardent, 1921-22, W.L. Retour

13 Cf. L'Histoire et les Histoires dans la Bible - Les Pharisiens d'autrefois et ceux d'aujourd'hui, Deuxième édition, Paris, P. Lethielleux, 1921, pp. 95-97, Bibl. Astrol, ouvrage qui nous a été communiqué par le regretté G. Teboul (Lyon). Landrieux; reproduit (pp. 92 - 94) la “Réponse” des Juifs de Constantinople. La première édition de 1907, sans la seconde partie du titre, ne comportait évidemment pas un tel développement sur les Protocoles. Notons que cet ouvrage avait vocation pédagogique. et s'adressait à des enfants (BNF). Retour

14 Landrieux, passé évêque de Dijon, publiera en 1926, Le Second Avénement du Christ, Paris, BNF, D 92381. Retour

15 L'article du Correspondant ne restitue pas la forme anglaise sans “e”. Retour

16 Protocols et non les Protocoles. Retour

17 BNF, Microfilm m 22842. Retour

18 Cf. Le Morning Post publie sous le titre “The cause of World Unrest”, 23 articles, en juillet 1920 (du 12 au 30). Ils seront rassemblés sous un seul volume avec ce même titre, cette même année. Voir N. Cohn, 1992, p.155. Retour

19 Voir aussi à cette époque : Les Sages de Sion et l'opinion mondiale, op. cit. Cet ouvrage non daté comporte la traduction de plusieurs articles dont un de la Princesse Catherine Radziwill. Retour

20 Lazare Wolf 1920, cite un article de Arthur Waite, bien connu pour ses travaux sur le Tarot, dans la revue The Occult Review de septembre, 1920 : “Occult Free Masonry and the Jewish Peril” où est désavoué le lien entre Franc Maçonnerie et Protocoles. Roger .Lambelin dans sa présentation des “Protocols” (op. cit. p. XXVI) répliquera à Reinach Salomon et à Wolf. Retour

21 Drumont, marqué par l'occultisme, s'intéressa au cas Louis XVII.cas. Retour

22 Le terme “peril” figure en anglais. Mgr Jouin transformera ce titre en “péril judéo-maçonnique”. Le péril “juif” laissera ensuite la place après la Seconde Guerre Mondiale au “péril jaune”. Retour

23 Traduction de Mme de Tannenberg, née Funk Brentano. Retour

24 Paul Kerlor, Le Péril juif, comment le conjurer ? , Paris, 1889, BNF, 8° Lb57 10007. eorges Keszler (G. Romain), Le péril franc maçon et le péril juif, 1895, BNF, 8° H pièce 605. Voir H. R. Lottman, La dynastie Rotschild, Paris, Seuil, 1994, p. 90. Retour

25 Se référant au péril juif, E. Renauld, publie un Péril protestant, essai d'histoire contemporaine, Paris, Tolra, 1899, BNF, 8° Ld175 330, chez l'éditeur de Mgr de Ségur. E. Peyre-Courant répliquera à cette attaque par une lettre ouverte adressée à Mgr Sermonnet, archevêque de Bourges, intitulée “Du péril protestant”, 1899, BNF 8° Ld176 1442. Retour

26 En 1928, Grasset publiera Le Péril Juif - Les victoires d'Israël du même Lambelin lequel mentionne C. de Saint-André (qu'il n'identifie pas comme étant, comme nous le signale Pierre Barrucand, Chabauty), cité par Mgr Delassus dans Le problème de l'heure présente, Paris, 1905, pp. 389 - 90. Ce pseudonyme tient au fait que Chabauty était curé de Saint André en Poitou. Retour

27 Voir R. Lambelin, “Maurice Joly et les Protocoles” (à propos des révélations du Times) in La Revue Hebdomadaire du 17 décembre 1921. L'auteur indique que Grasset l'aurait contacté au Printemps 1921, pour une préface. L'ouvrage n'était jusque là paru que chez des éditeurs marginaux. Retour

28 L'édition de 1920 de la Vieille France portera le titre de “Protocols. Procès verbaux de réunions secrètes des Sages d'Israël” alors que l'édition Grasset comporte la formule classique mais néanmoins elliptique “Protocols des Sages de Sion”. Retour

29 En revanche, les informations fournies dans la Vieille France dès 1920 sont plus fiables, il semble qu'elles soient reprises de l'édition américaine de Boston reprenant les propos de l'édition anglaise et non allemande. Voir la brochure, parue aux mêmes éditions pp. 8 - 9. Retour

30 Traduction d'abord parue dans la Revue Internationale des Sociétés Secrètes, numéro d'octobre 1920. Cette traduction recourt largement à une subdivision de chaque protocole - comportant une succession de sous titres, empruntée à l'édition allemande de 1919 de G. zur Beek mais en fait traduits de l'édition Nilous lequel a placé en marges divers résumés ainsi repris. De même .Jouin présente les protocoles comme des “séances”, à l'instar des Sitzungen de mise dans la même version d'abord parue dans la Revue Internationale des Sociétés Secrètes, numéro d'octobre 1920. Cette traduction recourt largement à une subdivision de chaque protocole - comportant une succession de sous titres, empruntée à l'édition allemande de 1919 de G. zur Beek mais en fait traduits de l'édition Nilous lequel a placé en marges divers résumés ainsi repris. Retour

31 Cf. “Protocols” des Sages de Sion traduits directement du russe (...) avec une reproduction de la couverture de l'édition russe de 1912. Voir Georges Elia Sarfati, 1992, Vol. 2, op. cit., pp. 41 et seq., qui compare deux éditions françaises des années Vingt. Retour

32 Voir aussi de Lambelin, Le règne d'Israël, chez les Anglo-Saxons, Paris, 1921 ; voir Cohn, 1992, pp. 164 - 165. Retour

33 Voir Mgr Jouin, Le Péril Judéo-maçonnique, 5 volumes, Paris, 1921 - 1925 ; P. Birnbaum, Un mythe politique la “République juive”, op. cit., pp. 158 - 159. Retour

34 Voir sur le sens du terme “goy” l'introduction à la traduction allemande du livre de Nilous in recueil russe, Berlin, 1920, pp 105 - 106. Retour

35 Cf. BL, C 37 e 31. Retour

36 Cf. BNF, Périodiques, Quot. Lc2 4947. Retour

37 Déjà en 1906, Diomtchenko répliquait à ceux qui soutenaient qu'il s'agissait d'un faux. Retour

38 Les articles de La Libre Parole trahissent l'agacement des Français par rapport à la politique britannique dans la région. Les Français se trouvent en Syrie dont précisément la Palestine a été ôtée. Des rivalités politiques entre les deux puissances pèsent sur l'analyse de la situation. Retour

39 Le nom Israël est plus familier du public que celui de Sion. La Vieille France n'utilise même pas la forme “Les protocols” mais simplement “Protocols”, sans article. Retour

40 Thèse, Paris Nord, Villeurbanne, 1986 - 87. et antisémites en Grande Bretagne (1870 - 1983) Thèse, Paris Nord, Villeurbanne, 1986 - 87. Retour

41 Les premiers éditeurs n'étaient pas de simples imprimeurs comme on l'a dit. Retour

42 Curieusement, le premier tirage, dans ce nouveau cadre, est effectué par l'imprimerie de la Judaic Publishing Company, voir Bib. AIU, 8° U Br 3044. Lambelin se trompe (The Protocols, p. XV) lorsqu'il affirme que les "Britons" ne publieront que la nouvelle traduction. Retour

43 Chez Brittons, signalons un autre texte : “Four Protocols of Zion not the protocols of Zion”, 1921, BL, C 37 e 56. Ces quatre “protocoles” seraient la correspondance de Constantinople, la déclaration d'Adolphe Crémieux, quant à l'Alliance Israélite Universelle, fondée en 1860, le texte du Cimetière de Prague et un texte de 1919 lié à un certain Zunder. Retour

44 Voir Prefatory Note to the second edition qui cite aussi le Morning Post. Retour

45 Selon N. Cohn, 1992, p. 290, la traduction Marsden serait parue dès 1921. Dans les années Vingt, alors qu'en France, les diverses traductions rivalisent entre elles, en Angleterre, une traduction chasse l'autre. Signalons en juillet 1921, dans une série intitulée “Aids to Prophetic to study” n° 21, The Jewish peril and World Unrest, deux textes par Bendor Samuel et A. Hiorth, consacrés aux Protocoles. Retour

46 Un troisième titre connaîtra par la suite une certaine fortune en Angleterre : World conquest through world government. Protocols of the learned Elders of Zion. Retour

47 Nous ne comprenons pas la description de. Moisan lorsqu'il affirme que .Shanks a regroupé les protocoles 5 et 6, 8 et 9, 10 et 11,14 et 15 ou 22 et 23. La note de la p.95 de l'édition du Jewish Peril distingue bien les 24 protocoles même si ceux ci ne sont pas numérotés dans le cours du texte. Ceux-ci se répartiraient en trois séances : la première avec les protocoles 1 à 9, la deuxième 10 à 19 et la troisième 20 - 24 (cf. Les Protocoles des Sages de Sion, Ed CEA, c 1943, BNF 16 A 1299). Retour

48 L'édition des “Britons” propose néanmoins un tableau de correspondance in fine fournissant la page où débute chaque protocole. Retour

49 Une certaine Sonia Howe (Times, Londres, 11 mai 1920, p. 12) avait critiqué la traduction de Shanks et Moisan en avait conclu qu'il serait intéressant de vérifier le contenu des traductions. Apparemment, il a soupçonné le plus honnête. Retour

50 Moisan propose (p. 82), de façon ingénieuse, de compter le nombre de paragraphes au sein de chaque protocole et il attribue à Marsden le fait d'avoir restructuré le texte russe représenté à ses yeux par la première traduction anglaise (Shanks) : Protocole I Shanks (Sh) 18 paragraphes Marsden (Marsd) 27 paragraphes II Sh. 5 Marsd 5 III Sh. 13 Marsd. 20 IV Sh 4 Marsd. 5 V Sh. 17 Marsd. 11 VI Sh. 7 Marsd. 8 VII Sh. 6 42, XXI; Sh. 11 et Marsd. 11, XXII; Sh. 5 Marsd. 4, XXIII; Sh. 11 Marsd. 5, XXIV; Sh. 15, Marsd. 16. Or, la comparaison avec le texte russe montre que Marsden a été plus fidèle que Shanks. C'est donc, a contrario, Shanks qui aurait sensiblement remanié la présentation de Nilous. Retour

51 Nous n'avons pas d'édition de 1922. La première qui nous soit connue est de 1925, mais dans l'édition de 1936 (BCDJ), la date de 1922 apparait en tête de l'introduction. Retour

52 Bib. AIU, U 2066. Retour

53 Erreur signalée par Cohn, 1992, p. 284. Retour

54 Cohn signale la confusion (op. cit., p. 284) sans se rendre compte que l'erreur se situe dans la traduction anglaise et non dans l'original russe ! Retour

55 La traduction complète ne signale pas le précédent du Morning Post et il y est simplement précisé que Marsden fut correspondant en Russie pour ce journal. Retour

56 C'est-à-dire Gwynn. Retour

57 On y trouve un appendice de N. Webster, laquelle semble exercer une forte influence sur cette série d'articles qui ne traitent nullement uniquement des Protocoles. Retour

58 Le chapitre VII se nomme “Elders of Zion”, les Sages de Sion. Retour

59 La traduction du Morning Post est donc antérieure à la publication des Ed. Grasset datant de 1921. Il est possible que Marsden ait emprunté à l'édition française les chapeaux traduits de l'édition de 1911. En effet, Marsden ne signale pas l'édition de 1911 qui les comporte pour la première fois. Quant à la numérotation des protocoles, elle n'existe pas dans l'édition de 1905. Retour

60 Le serpent y est évoqué brièvement, mais justifie le commentaire plus ample placé hors protocoles. Retour

61 On ne peut donc dire que les Protocoles ont changé de nom, ils sont simplement présentés dans un cadre plus large tout en conservant leur intitulé. Retour

62 J. F. Moisan, 1992, n'aborde pas la question des interactions entre traductions anglo-saxonnes et françaises. Retour

63 Cf. Cohn, 1992, p. 290. Retour

64 Voir Halbronn, 1981.1. Retour

65 La comparaison avec les autres éditions françaises confirme qu'il s'agit bien là d'une sorte de “calque”. Retour

66 Cf. Revue Internationale des Sociétés Secrètes, RISS. Retour

67 Avant de le faire paraître à la RISS, dans le Retour des flot vers l'Orient, L. Fry avait publié dix ans plus tôt - ce que ne signale pas Taguieff dans sa bibliographie - aux Ed. de la Vieille France de Gohier, (WL, Z 172) un texte intitulé : L'auteur des Protocols est Achad ha Am et le Sionisme avec une préface de Gohier dont voici un extrait : « L'hypothèse du faussaire inspiré comme un prophète ne nous satisfait pas. Nous croyons qu'un homme peut voir l'avenir dans son ensemble, nous ne croyons pas qu'un homme puisse prédire jusqu'aux moindres détails d'un avenir assez éloigné. » Ce texte sera traduit de français en russe et publié dès 1922, à Berlin au sein d'un recueil intitulé Vsiémirniy taïniy zagovor,le complot secret mondial (BNF, 16° A 451). On annonce dans la deuxième de couverture de la brochure, un texte du romancier anglais H. G. Wells, H. G : “Pour rétablir l'ordre dans le monde”. Il pourrait s'agir d'une traduction française d'une série d'articles parus dans le Times et éditée en 1916 sous le titre “The elements of reconstruction” (BL, 9088 a 44) et parue anonymement sous les initiales D.P. Voir Herbert George Wells d'E. Guyot, Paris, Payot, 1920, p. 301. Mais nous n'avons pas eu l'occasion de le vérifier. Wells En 1921,dans la “Guerre qui tuera la Guerre” Trad. G. Bazile, Paris, BNF, 8° G 9613. Wells s'en prend à ce qu'il appelle le “kraftisme” (p. 52). Le texte français de L. Fry sera traduit en russe. On le trouve en 1922 à Berlin en introduction d'une édition russe des Protocoles (Vsiemirniy taïniy Zagovor, Le complot mondial secret, WL, Londres, 388/ Z 186), puis en 1923 en allemand à Munich “Achad Cham, der geheime Führer der Juden”. Toutefois, L. Fry écrivait en anglais et avait besoin d'un traducteur vers le français. Retour



 

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