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Editions RAMKAT




ANTISEMITICA

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Pour un antisémitisme assumé.
Vers un néo-sionisme

par Jacques Halbronn

    De la part d’un Juif, se scandaliser de l’existence d’un antisémitisme - mot valise - a quelque chose de surréaliste car comment, quelque part, ne serait-on pas antisémite ou d’ailleurs philosémite - ce qui quelque part revient au même - si les Juifs ont quoi que ce soit de spécifique ? C’est se faire une bien étrange idée de l’altérité que d’imaginer que celle-ci ne passe pas par une certaine conflictualité. Ce que d’ailleurs, nous comprenons, dans notre vécu individuel quotidien, dans notre rapport à notre environnement, comment se fait-il que nous fassions comme si nous ne le comprenions pas à l’échelle de l’Histoire ? Il y a des décisions impopulaires devant lesquelles nous ne reculons pas et qui ne sont pas sans provoquer quelque animosité de la part de notre prochain. Où se situe donc l’antisémitisme dans une réflexion sur l’altérité ?

   On s’interrogera sur les failles qui conduisent certains juifs à paniquer devant des manifestations de ce qu’ils jugent être, à tort ou à raison, de l’antisémitisme, si tant est que ce mot ait une signification univoque.

   Du point de vue de l’anthropologie fonctionnelle, il est clair que certains clivages ont leur raison d’être et doivent être assumés comme correspondant à une certaine nécessité, tout comme c’est aussi le cas pour certains stades par lesquels il faut passer, qu’on le veuille ou non.

   A contrario, dès lors que l’on ne se situe pas dans un cadre fonctionnel, toute dialectique risque fort d’être vécue sur un mode négatif. C’est notamment le cas de tout processus mimétique qui relèverait plutôt d’une logique non pas fonctionnelle mais fusionnelle.

   C’est pourquoi nous sommes en droit de nous demander si les juifs qui “craquent” face à une certaine hostilité, à une certaine résistance, ne sont pas marqués, peu ou prou, par l’immigration, itinéraire mimétique s’il en est.

   En revanche, le juif mieux enraciné dans une culture donnée, donc installé dans une certaine fonctionnalité, saura mieux gérer ce qu’on a coutume d’appeler “antisémitisme”.

   En effet, les clivages fonctionnels ne sont pas générateurs d’angoisse pas plus que le rapport du sommeil à l’éveil, sans qu’il faille parler de fatalisme : on fait la part des choses, comme on dit. Est-ce qu’il n’y a pas une tension entre le chaud et le froid, entre le sec et l’humide sans qu’il vienne à qui que ce soit l’idée de supprimer l’une de ces qualités ? On peut dire qu’il y a des “maux” nécessaires, et en ce sens le Juif est-il peut être un mal nécessaire comme d’ailleurs l’antisémitisme.

   Le sionisme trouve, parait-il, sa justification dans la persistance de l’antisémitisme. Mais ne voit-on pas qu’il y a là une instrumentalisation de l’antisémitisme pour légitimer un vieux rêve ? Comment ne pas se replacer dans une dynamique de couple avec ses hauts et ses bas, ses séparations et ses retours d’affection ? Ce qui pose problème avec le sionisme, c’est son caractère linéaire, ce qui peut sembler paradoxal pour un mouvement qui parle du Retour des Juifs sur la terre de leurs aïeux. Pour les Sionistes des premières décennies, en effet, il n’était pas question d’un départ définitif et sans retour, et c’est bien le sens du mot refuge ou asile qui fut alors employé. Que de temps à autre, les juifs puissent avoir besoin de respirer et de prendre une permission, pourquoi pas ? Mais il ne faut pas passer d’une extrême à l’autre et démissionner complètement de son rôle fonctionnel, c’est-à-dire s’exprimant au sein d’un ensemble plus vaste et nécessairement diversifié. Car la fonctionnalité implique l’altérité, c’est-à-dire la différence et certainement pas le repli sur soi - ce qui est le contraire de l’approche mimétique de type identitaire qui voit toute différenciation comme une marque de défiance voire de rejet ou comme le signe que l’on a été démasqué, tant il est vrai que l’immigré, pour ne parler que de lui, s’avance masqué, déguisé.

   Ce qui a en effet de rassurant dans l’approche fonctionnaliste de la société qui est la nôtre, c’est que l’on dispose d’une autre grille de lecture pour analyser la conflictualité. Pour reprendre notre distinguo entre étranger structurel et étranger conjoncturel, le premier sait qu’il est indispensable à la bonne marche du système, même si cela n’implique pas une permanence de chaque instant, tandis que l’autre n’est que toléré et en surnuméraire, en position de vacataire.

   Autrement dit, on ne peut selon nous gérer la présence juive au monde que dans une logique cyclique et d’ailleurs, la cyclicité est intrinsèquement liée à la fonctionnalité car cette dernière exige un tempo. Il y a un temps pour la semence et un pour la moisson et ainsi de suite et cela ne peut cohabiter que dans la durée et non simultanément, sauf à provoquer d’inutiles tensions.

   C’est pourquoi, au risque de contrarier certains beaux esprits, nous considérons que l’étude des cycles - voire d’une certaine forme d’astrologie - peut aider à mieux appréhender la question juive et la resituer dans les limites de sa fonctionnalité et donc en phase avec une certaine conflictualité.

   A propos de l’Etat d’Israël, il conviendrait d’ailleurs de se demander1 si l’on se situe dans une logique de fonctionnalité avec le monde arabe, faute de quoi, la conflictualité ne saurait être résorbéeque par l’assimilation et le mimétisme.

   En ce sens, il nous semble qu’il est probablement plus simple d’être juif de nos jours dans le monde chrétien que dans le monde musulman, étant entendu que nous plaçons tout de même Israël, du moins à un niveau collectif, dans la sphère musulmane.

   Le tort de Herzl est, nous semble-t-il2, de ne pas avoir réfléchi suffisamment au sens de la présence juive parmi les nations. Il est vrai qu’il a toujours rêvé soit d’une conversion de masse au christianisme, soit d’un exil tout aussi massif, un peu à la façon d’un Shabataï Zevi, au XVIIe siècle.

   En vérité, ce qu’il y a eu de pire dans la Shoa, c’est précisément cette volonté des nazis de mettre à une très ancienne fonctionnalité, au nom d’une volonté de puissance permettant de balayer les anciennes structures, c’est l’ignorance de la fonction juive ou plutôt son déni.

   Certes, dira-t-on, ne peut-on craindre un antisémitisme qui nie le rôle des juifs, qui ne veut plus se situer dans une logique fonctionnaliste ? Mais ne voit-on pas que le dit antisémitisme n’est pas constant, qu’il suit des phases ? Il est possible qu’à certains moments la présence juive doive évoluer et c’est à un tel changement périodique, notamment au niveau de leur visibilité, que l’antisémitisme inviterait les juifs. Autrement dit, on ne peut pas se figer dans un seule et unique posture juive3, et il serait urgent de modéliser les changements qui doivent s’opérer, à intervalles réguliers, dans le statut des juifs et ce sans proférer l’accusation d’antisémitisme, et ce d’autant plus que des attitudes opposées peuvent être qualifiées d’antijuives, soit que l’on nie leur différence, soit qu’on l’accentue et l'exagère.

   Dès lors, on comprend mieux quelle pourrait être la fonction de l’Etat d’Israël pour les Juifs, celle d’une halte et non d’une destination terminale, un lieu de passage et de ressourcement, mais fondé sur le principe non pas du retour mais de l’aller-retour, ce qui vaut aussi, précisons-le pour les juifs issus du monde arabe. Bien entendu, il y faut une structure permanente pour gérer ces flux de Juifs, mais leur séjour devrait être limité à quelques années, étant entendu qu’il faudrait ensuite les remettre dans le circuit, soit en les ramenant à leur point de départ soit, éventuellement, en leur assignant de nouveaux lieux de vie, au sein d’une autre communauté juive.

   Car, de la même façon, qu’Israël doit comporter une structure d’accueil, de même doit-il en être pour les communautés juives dans le monde, qui doivent s’organiser autour d’un noyau dur. Notre conception pourrait ainsi être décrite en tant que stratégie des noyaux.

   C’est ainsi qu’à certaines époques, les Juifs d’une communauté d’année pourraient avoir à partir pour d’autres horizons tout en maintenant sur place un tel noyau, constitué des éléments les plus enracinés dans la culture concernée. Il y aurait donc deux populations juives, l’une durablement enracinée dans un terroir, tant en Occident qu’en Orient et l’autre, plus mobile, plus errante probablement et constituant un volant. La mobilité d’une partie des Juifs contribuerait à atténuer certaines tensions et notamment les expressions d’antisémitisme.

   Au demeurant, face à ces manifestations d’antisémitisme, les Juifs réagissent diversement : ceux qui se sentent refoulés appartiennent à cette population supplétive, balançant entre plusieurs appartenances historico-géographiques, tandis que ceux qui se ressentent moins d’un tel climat, ne serait-ce qu’en raison même de leur enracinement local, se maintiendront sans trop de peine et leur petit nombre - le “reste”- ne pourra que faciliter les choses.

   On peut regretter que Théodor Herzl n’ait pas proposé, dans son Etat Juif, un tel modus vivendi. Qui sait si cela n’aurait pas permis de mieux juguler certains problèmes, tant en Europe qu’en Palestine ? La notion de provisoire, de temporaire, de cyclique, a certainement fait défaut dans le débat qui s’instaura tout au long du XXe siècle autour de la présence juive. Il eut suffi, pensons-nous, du moins dans certains cas, d’accepter l’idée de départs ou de séjours de Juifs pour une durée limitée pour que bien des drames eussent pu être évités. Mais il n’est certainement pas trop tard pour apprendre à maîtriser le temps pour gérer l’espace. Il n’y aura pas, prédisons-nous, de solution de la question juive sans élaborer une économie du temps. C’est pourtant sur une telle idée de la temporalité que fonctionnent les démocraties et il n’est pas étonnant que ce soient dans les pays les moins démocratiques, donc les moins confiants dans l’alternance et la limitation des expériences gouvernementales, notamment en Russie, en Allemagne, dans le monde arabe, que la question juive aura connu ses avatars les plus terribles.

Jacques Halbronn
Paris, le 28 février 2003

Notes

1 Cf. notre étude sur le double défi concernant les juifs face à la Chrétienté et à l’Islam. Retour

2 Cf. notre ouvrage Le sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002. Retour

3 Cf. les Cahiers du CERIJ sur “Discours identitaire et antisémitisme” et site Cerij.org. Retour



 

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