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SYMBOLICA

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L’acharnement oraculaire

par Jacques Halbronn

   La personne qui souhaite recourir aux services d’un voyant a une alternative : soit demander conseil, aide, pour résoudre son problème au mieux, soit chercher à savoir ce qui va se passer concrètement en fin de parcours.

   Dans le premier cas, celui qui conseille (consultant), en faisant appel notamment au tarot ou au Yi King, détermine la meilleure attitude à avoir face à la situation qui se présente. Mais il y a un hic : c’est qu’il faudra du temps avant de pouvoir apprécier si le conseil était ou non judicieux.

   Imaginons un conseiller expliquant à son client ce qu’il doit faire. Ce client commence à suivre les conseils, mais sans résultat palpable ni sans conclusion définitive en bien ou en mal. Que faut-il faire ? Faut-il recommander au client de poursuivre son effort, d’investir encore plus de temps ou d’argent dans l’opération ? Et ce d’autant que le conseiller, par ailleurs, se fait payer.

   Imaginons encore que ce conseiller ajoute que son client augmentera ses chances de réussite par telle ou telle pratique. Le problème, c’est que souvent on ne sait pas vraiment quand on arrive au bout du bout. On peut toujours espérer qu’à force on va parvenir à ses fins ou échapper aux embûches. Parfois, bien qu’ayant été découragé par le praticien, le client s’obstine et obtienne gain de cause.

   C’est pourquoi, l’activité de conseil n’est pas aussi évidente déontologiquement qu’on pourrait le croire au premier abord. Elle peut s’éterniser indéfiniment et coûter très cher au client, à divers titres. Ne peut-on ici parler d’acharnement oraculaire comme on parle d’acharnement thérapeutique ?

   Mais le problème, c’est que le praticien risque fort de peser sur le résultat final. S’il dit qu’il n’y a rien à attendre de telle opportunité, il est évident que si son client renonce, on aura du mal à savoir ce qui se serait passé s’il avait insisté à saisir l’occasion. Le praticien ainsi en étant négatif ne risque guère de se tromper dans la mesure où le processus aura été stoppé net par son intervention, du moins s’il est écouté. On peut évidemment faire remarquer que parfois le client ne suit pas les conseils, continue sur sa lancée et que cela se termine mal.

   A présent, considérons l’autre branche de l’alternative: une personne va voir un voyant non pas pour recevoir un conseil mais pour savoir quel sera le fin mot d’une affaire. Il ne s’agit plus, a priori, de lui dire quelle attitude avoir mais ce qui va lui arriver et de l’y préparer pour qu’il n’y ait pas de faux espoirs.

   Les choses, souvent, ne sont pas aussi tranchées: sous une prévision se dissimule volontiers un conseil : si telle affaire se termine mal, pourquoi donc l’entreprendre ou poursuivre ? Autant renoncer tout de suite! On tombe là dans un excès inverse : on risque de ne pas s’engager dans un processus intéressant; sachant que cela se terminera par un échec, une déception. En revanche, si on lui assure que l’issue sera positive, en dépit de tous les obstacles qui pourraient se présenter en cours de route, le client sera incité - on peut le supposer - à s’acharner; au vu du résultat final.

   Tout irait bien si l’on pouvait s’appuyer en toute sécurité sur ceux qui dispensent des conseils de faire ou de ne pas faire, mais on a parfois l’impression d’une partie de poker où il faut “suivre”, c’est-à-dire payer “pour voir” avec ce dilemme : soit je paie et je vois qui a la meilleure main, soit je ne paie pas et l’autre joueur ramasse la mise déjà déposée, sans même avoir à me montrer son jeu et je ne saurai jamais si j’aurais pu l’emporter.

   C’est donc accorder une bien grande confiance accordée à un praticien que de le faire intervenir dans nos affaires de coeur ou d’argent, notamment. D’autant qu’en se confiant à lui, on risque fort de renoncer à sa propre perception des choses avec laquelle va interférer le “regard” du voyant. On manquera de présence d’esprit, tant on croit déjà connaître la conclusion. On peut dire que nous perdons ainsi de notre autonomie et vivons en quelque sorte en symbiose, pour le pire et pour le meilleur, avec lui, ne pouvant plus faire un pas ou un geste sans nous référer à lui. Et il en est d’ailleurs à peu près de même quand nous consultons nous-même quelque oracle. L’art divinatoire ainsi utilisé par nos soins, même en l’absence d’un voyant, crée un rapport de dépendance et ce d’autant que l’on risque d’interroger sans cesse l’oracle.

   Voilà qui pose le problème de l’enseignement des arts divinatoires, l’astrologie y compris. Au lieu d’aller consulter de temps à autre un voyant, sans pour autant s’initier aux ficelles de son art, on va se plonger carrément dans ces pratiques et ce de façon prolongée et continue, sur un an ou plus. N’y a-t-il pas risque d’overdose et d’acharnement oraculaire, occasionné par les établissements d’enseignement divinatoire voire tout simplement par les manuels ?

   En effet, dès lors que l’étudiant en art divinatoire acquiert le maniement de certaines techniques et qu’il n’ a pas l’occasion de les appliquer autour de lui, auprès des personnes dont le destin ne le concerne pas, des excès sont à prévoir.

   Arrêtons-nous sur le comportement de son/ses professeur/s. Si l'élève déclare ne pas parvenir à la maîtrise de l’outil divinatoire, l’enseignant risque fort de lui conseiller d’insister, qu’il va y arriver. On est là en face d’un autre acharnement divinatoire / oraculaire de type pédagogique. L’outil est bon, c’est l'élève qui ne sait pas s’en servir. Quand on sait que les cours sur la base hebdomadaire habituelle finissent par se révéler assez coûteux, on n’est plus très loin du praticien qui conseille à son client de poursuivre son effort parce qu’à la fin cela marchera.

   En fait, ce qui fait problème avec ce que nous appelons l’acharnement oraculaire, c’est précisément qu’il introduit une rallonge. Au lieu d’une rencontre ponctuelle, il est des praticiens qui suscitent une suite et c’est ce suivi qui est en question alors que dans tant d’autres domaines, cela serait plutôt positif. Ce n’est donc peut-être pas par hasard si dans la plupart des cas une consultation divinatoire reste sans suite, à la différence de ce qui se pratique, par exemple, en psychanalyse; en psychothérapie.

   Consulter de façon ponctuelle peut en effet apparaître comme une aide à la décision, dont il ne faudrait pas abuser et le hasard, certains signes que nous interprétons à notre guise, ne jouent-ils pas de toute façon un certain rôle dans nos vies ? Mais aller au delà de ce “sondage”, qui nous marquera plus ou moins, et qui ne viendra pas par trop interférer avec notre façon de nous gouverner nous-même, peut sembler tout à fait discutable.

   La pratique astrologique, toutefois, nous semble devoir échapper à ce diagnostic, du moins une certaine astrologie débarrassée de sa dimension divinatoire. A partir du moment où l’on se trouve en face d’un outil d’investigation de soi, d’un travail sur son passé, et surtout à partir du moment où le patient est ramené à lui-même sans s’appuyer sur des béquilles, sans attendre un éclairage sur ce qui n’est pas encore advenu.

   On se décharge en allant chez le voyant et on pourra toujours s’en prendre à lui en cas de déconvenue, vu que son savoir n’est pas partagé par nous, que nous en restons au stade du profane. N’oublions pas que, du moins en Occident, le devin se place en marge de la société.

   En revanche, il est des conseillers qui, eux, sont parfaitement bien intégrés, on pense évidemment au psychanalyste lequel s’insère dans nos activités habituelles, ne relève pas de l’exceptionnel mais du récurrent. Ce faisant, il ne remplit pas la même fonction.

   L’astrologue, pour sa part, navigue entre le dedans et le dehors de la société tant l’astrologie est une auberge espagnole où chacun trouve ce qu’il y apporte. Nous pensons que l’astrologie pourrait parvenir au statut qui est celui de la psychanalyse, si elle évitait certains pièges et surtout si elle se délestait d’une partie de son arsenal.

   Nous sommes en faveur d’un bagage minimal en astrologie, au niveau technique, c’est-à-dire quelques repères bien maîtrises et éprouvés, de façon à ne pas emprisonner le client/patient dans un carcan par trop contraignant et spécifique. Il n’est en effet pas question que l’astrologue se substitue à son client, ce qui est manifestement le cas dès lors que l’on dresse le thème natal, pour son heure, son lieu, sa date de naissance.

   Le thème natal est quelque chose de singulièrement lourd : on a le même pour toute sa vie alors que la divination, en général, ne s’appuie sur rien de constant, sauf dans le cas de la numérologie. Le tirage divinatoire est de l’ordre de l'éphémère et se veut tel. Toujours en revenir au thème natal nous semble ainsi relever d’un certain acharnement oraculaire, à force de ressasser toujours et encore le même schéma lié à notre naissance. Et c’est pourquoi l’astrologie devrait évacuer cette structure et s’en tenir à l’étude des cycles ou encore d’une typologie sans prétention individualisante.

   Le mieux est l’ennemi du bien et à trop vouloir apporter à son client, l’astrologue finit par l’oppresser. En outre, très vite, l’astrologue s’épuise et de toute façon il n’aurait plus grand chose à dire au bout d’une séance ou deux. Au contraire, si l’astrologue conduit patiemment une investigation, cherche avec son client à faire ressortir certains souvenirs, à établir certains rapprochements, d’une époque à une autre, cela demandera du temps. L’astrologie nous fait penser à un microscope : il sert à examiner un monde extraordinairement varié, il ne nous contraint pas à rester braqué indéfiniment sur le même objet et surtout il ne sait pas à l’avance ce qui sera observé à travers lui.

   En psychanalyse non plus, le fait de disposer d’un modèle très général ne conduit pas à réduire chacun à ce modèle mais implique de le rechercher au sein de la complexité de la personnalité. Et c’est cela qui exige du temps. Il n’est plus question ici d’acharnement oraculaire en ce sens que l’on ne présente pas au client son portrait mais celui propre à l’Humanité dans son ensemble et à laquelle il est censé se rattacher. Il s’agira en fait de montrer à cet individu qu’il n’est pas tout seul dans son genre alors que l’approche divinatoire répond toujours peu ou prou à cette question: que va-t-il m’arriver à moi, et non pas à autrui ? La divination tend à éloigner, à isoler, l’individu de ses semblables tandis que l’astrologie et la psychanalyse qui, selon nous, sont voués à se rejoindre, un jour, conduit à le relier à la société et à relativiser son cas personnel, une fois celui-ci décanté.

Jacques Halbronn

 

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