BIBLIOTHECA HERMETICA


Accueil ASTROLOGICA NOSTRADAMICA PROPHETICA

PALESTINICA JUDAICA ANTISEMITICA KABBALAH

AQUARICA HYPNOLOGICA GALLICA

Editions RAMKAT




HYPNOLOGICA

11

La femme et la représentation du futur

par Jacques Halbronn

    La femme serait, selon nous, plus à l’aise dans le passé que dans le futur1 et cependant, elle va, plus volontiers que l’homme - c’est un fait bien connu - consulter des voyants, des astrologues et autres marchands d’avenir. Comment expliciter un tel paradoxe ?

   Dire que la femme préfère le passé au futur signifie que le passé lui parait épistémologiquement plus palpable : cela a eu lieu, on est passé des potentialités aux réalités, de la nécessité à la contingence, c’est-à-dire à la manifestation concrète de ce qui restait virtuel. En revanche, le futur, dans ce qu’il pourrait offrir de novation / innovation, reste abstrait, inaccessible, il lui échappe, et c’est pour cela que cela l’interpelle et qu’elle a besoin de faire appel à quelque savoir d’un autre ordre et en quelque sorte non humain.

   Ce qui intéresse la femme dans le futur ce n’est pas la répétition du passé, ce qui ne lui fait guère problème, mais ce qui comporterait des éléments inédits, inouïs. Et pourtant, pour la femme d’aujourd’hui, le futur est riche de promesses concernant l’évolution de son statut, la progression de ses perspectives. Le féminisme annonce notamment que demain les choses ne seront plus comme avant, qu’il en sera tout autrement.

   La femme attend, espère, un changement et elle est à l’écoute de tous ceux, plus ou moins démagogues, qui le lui annoncent et le lui promettent. La femme aurait donc, selon nous, un rapport de complémentarité avec ce futur dont elle attend la révolution, elle qui assure pourtant mieux ce qui est révolu.

   Mais si la femme attend tant du futur, n’est-ce pas là que l’homme doit se situer ? En effet, une fois le manque défini, il importe de déterminer qui est en mesure de le combler ; il faut relier le manque avec l’autre. L’altérité se définit selon nous par une absence sinon une carence et Freud définissait, analogiquement; le masculin par ce qui manque à la femme, à savoir le phallus.

   A contrario, donc, avec le futur, l’homme serait dans son élément - sur les cimes - et en même temps ce serait, quant à lui, le passé et plus généralement ce qui est répétitif, ce qui le perpétue, dont il voudrait se décharger sur l’autre, c’est-à-dire, notamment, sur la femme.

   Au niveau du couple, nous dirons que l’homme est pour la femme une ouverture, une brèche, vers l’infini (le Ein Soph de la Kabbale), c’est à dire au fond le futur - le monde à venir -le Olam HaBa)- tandis que la femme est pour l’homme un aboutissement, le passage de l’infini au fini.

   En réalité, la femme a ses exigences par rapport à une représentation du futur. Elle voudrait que l’on lui en parlât comme s’il s’agissait du passé, comme si on lui racontait quelque chose qui a déjà eu lieu. Traiter du passé en termes de pluralité la frustre et l’insécurise, elle veut savoir qu’est ce qui va vraiment se passer, en fin de parcours, quel est le “résultat des courses”. Une telle représentation factuelle du futur, de par une demande exorbitante de précision, échappe à la science et relève de la divination2, dont la particularité est de ne pas distinguer le passé et le futur.

   Pourquoi le futur échappe-t-il à la femme au point qu’elle a besoin de l’autre pour pouvoir espérer s’en saisir ? On notera qu’il en est de même pour la machine plus à l’aise, elle aussi, dans un monde déjà bien balisé, où ce qui a été sera. Mais la femme, elle, a conscience qu’il existe cet infini du futur et cela l’angoisse. Car ce futur, il s’accomplit sans elle alors que chacun peut s’approprier le passé, ce qui est achevé, comme un enfant qui a fini par naître, qui est né.

   Le futur échappe à la femme parce qu’il est en quelque sorte le domaine réservé des hommes et c’est pourquoi la femme est si sensible à leurs promesses concernant son avenir tant collectif qu’individuel3.

   Du fait que la femme reste étrangère au futur, on concevra qu’elle ne compte guère parmi les pionniers, les défricheurs, qu’elle en est plutôt à glaner. Mais en même temps, la femme parle du futur comme d’une sorte de paradis et disons-le dans un registre plutôt magique sinon miraculeux. Car n’oublions pas que les prédictions / prévisions ne se réalisent, ne s’exaucent pas forcément.

   Le rapport des hommes au futur nous semble plus mûr et finalement moins chimérique. Il ne s’agit pas de tout bouleverser, de tout dépasser, par un coup de baguette. Gérer le futur implique de faire des choix et donc de mener à bien une sélection des hommes et des idées, ce que dans les sociétés traditionnelles on appelle le Collège des Anciens, voué aux délibérations. Autrement dit, les hommes passent beaucoup de temps à débattre, à organiser des joutes, ce qui peut sembler temps perdu aux yeux des femmes. Le futur se prépare dans le choc des idées, dans une mystérieuse alchimie dont la femme est exclue dont elle ne fait que ramasser et gérer les miettes, dès que le futur a accouché, un futur au demeurant toujours en mouvement et plein de surprises. Le jour où le futur ne sera que répétition du passé, qu’une programmation indéfiniment ressassée on cessera d’être dans la dualité et la femme sera enfin rassurée, une fois pour toutes. Notons que le futur se transforme presque immédiatement en passé et donc que le passé ressemble terriblement au futur, dès lors que l’on ne tient pas compte du décalage diachronique.

   Mais qu’en serait-il si la femme pouvait avoir accès au futur sans passer par l’Homme ? N’est-ce pas ce rêve que l’astrologie, pour ne parler que d’elle, incarne ? Et si, grâce à l’astrologie / astromancie, les femme, puisqu’elles en constituent le gros de la clientèle4.

   Ainsi, quelque part, l’astrologue apparaît comme celui qui pourrait délivrer la femme du pouvoir masculin. En effet, si à l’avance nous savions ce que les choses seraient, cela rendrait bien vaine l’activité masculine. C’est pourquoi on a souvent présenté, à juste titre, astrologie comme une contre-culture, comme un mode subversif et c’est bien, finalement à ce titre, que l’astrologie est rejetée, refoulée par une intelligentsia qui reste largement masculine.

   Une astrologie qui, soulignons-le, fait écran entre les personnes: on va voir l’astrologue non pas pour qu’il nous étudie mais - du moins en théorie- pour qu’il étudie notre thème natal, structure fixée et figée dès la naissance et quelque part morte. Et quant à l’astrologue5, son discours est censé / supposé contrôlé par sa science et nullement spontané : la consultation appartient à un monde crépusculaire.

   Cela dit; comme on l’a fait remarquer, la femme est bien la proie de contradictions puisqu’elle attend du futur qu’il fasse sauter certaines barrières, certains clivages, donc certaines programmations. Et ce faisant, on parviendrait à un futur parfaitement chaotique qui n’aurait rien de très engageant pour la femme et qui, tout au contraire, conférerait, plus que jamais, le pouvoir aux hommes. N’oublions pas en effet que toute programmation est un renoncement de la part des hommes à un certain pouvoir, ainsi délégué. Il y a donc là pour la femme un réel dilemme.

   Nous restons, en ce qui nous concerne, tout à fait sceptiques en ce qui concerne l’abandon ou le dépassement de ce clivage fondamental qui sépare l’homme de la femme et en ce qui concerne la précognition du futur, elle nous semble tout aussi aléatoire et chimérique.

   Cependant, comme on le sait, nous sommes en faveur d’une certaine astrologie, nullement divinatoire, qui permettra de mieux baliser le futur et donc de résorber un tant soit peu le fossé entre le passé et le futur.

   Cet accomplissement à venir de l’astrologie - astrologie du futur, futur de l’astrologie - devrait ainsi calmer les esprits exacerbés / exaspérés mais la complémentarité Homme / femme ne s’en maintiendra pas moins du fait que cette nouvelle astrologie ne sera pas divinatoire et ne traitera pas du futur au passé, comme prétend le faire la voyance. Il serait d’ailleurs souhaitable que l’astrologie sortît bientôt de son ghetto et soit réintégré dans le monde masculin, après trois siècles de bannissement, depuis le XVIIIe siècle, une fois débarrassée de certains oripeaux.

   La femme n’aime pas le futur, disions-nous et le futur - la postérité - ne l’aiment guère non plus, ses oeuvres intellectuelles ne lui survivent pas. Il y a là un paradoxe en ce que la femme est souvent plus originale, inclassable que l’homme, dans ses comportements mais il s’agit là plutôt d’un certain maniérisme qui fait que les femmes ont bien du mal à coopérer en un projet commun. En revanche, les hommes sont souvent marqués par leurs activités professionnelles et se fondent dans un moule commun mais, en même temps, ils suscitent, collectivement, l’émergence d’une sorte de surhomme, qui les incarne tous et qui n’est pas broyé, lui, par le futur.

   Le futur est la vie, le passé est la mort. La vie débouche sur la mort mais la mort imite la vie, lui ressemble comme un légume cuit évoque le même légume cru. La mort succède à la vie mais peut se substituer à elle. Ce qui est mort peut rester animé, hanter les vivants, comme le rappellent tant de mythes (fantôme, vampire, mort vivant (zombie), esprit (spiritisme, chanelling, tables tournantes de l’Outre Tombe chères à Victor Hugo). La technologie (le golem sujet de nombreux films) est le projet d’animer ce qui est mort, elle permet de dissimuler la mort par un simulacre de vie. Science fiction et film fantastique cohabitent ainsi dans un film comme Solaris.

   L’homme, traditionnellement, a affaire avec le vivant, notamment lors de la chasse: il ramène le gibier mort à la femme qui l'accommode; la cuisine est un cimetière. La femme préfère communiquer avec l’homme par le détour du livre, à travers le film, l’Internet, média aseptisés, ce qui évite un contact trop direct avec l’autre quand cet autre risque d’être trop vivant; elle a un penchant pour les êtres dont la présence est rassurante, inoffensive de par leurs hésitations, leurs tâtonnements, évoluant au ralenti (enfants, personnes âgées, malades, handicapés, étrangers, immigrés, animaux de compagnie etc, représentant une (pseudo)humanité quelque peu châtrée, dépouillée de ce qui pourrait la menacer, elle qui, sans cesse, se protège. D’où l’importance de la sexualité, de la présence masculine, pour que la femme puisse se rattacher au vivant.

   Celui qui est mort a son avenir derrière lui, en fait il n’a plus de futur. Mais en même temps, quelque part l’Homme, de par son appartenance à un collectif, à la différence de la femme, ne meurt jamais puisqu’il ne se réduit pas à son individualité, puisqu’il est membre d’un ensemble qui le dépasse. La femme, en revanche, à la personnalité bien marquée et incompatible avec d’autres, est un être fondamentalement seul, voué à la mort si elle n’est pas liée à l’homme, alors que la réciproque n’est pas vraie. Il y a chez la femme un certain manque de vraie sociabilité, elle se met fréquemment en porte à faux par rapport à la société masculine pour laquelle elle éprouve une animosité mal dissimulée derrière un certain mimétisme et qui offre un certain caractère de suicide voire de sabotage social du fait même de son aptitude à la solitude qui lui sert de position de repli.

   Le futur est un acte collectif tout comme la vie laquelle doit s’adapter à de nouvelles situations et où il faut se battre pour ne pas être écrasé tandis le passé est figé comme la mort et est isolement ; si la femme enfante, elle le fait selon un processus immuable. La femme se fait une autre idée de la communication que l’homme: elle voudrait que chacun -tous ceux qui sont présents - s’exprimât, à tour de rôle, ce qui est souvent d’un mortel ennui alors que les hommes parviennent à une certaine polarisation qui fait ressortir les thèmes les plus forts et les leaders les plus toniques. On peut se demander si ce qui motive une telle obsession et insistance à ce chacun donne en quelque sorte signe de vie, en s’exprimant, n’est pas précisément la présence lancinante d’un sentiment de mort. Il faut dès lors absolument (dé) montrer aux autres et à soi-même que l’on existe en s’agitant, en provoquant, voire en se faisant haïr. Inversement, l’homme, du fait qu’il n’est pas obsédé individuellement par la mort - la guerre est un lieu, plus ou moins interdit aux femmes, où cet oubli de soi se manifeste - peut accepter de se taire, de ne pas fonctionner, bouger, en permanence, de se faire remarquer par une réflexion intempestive - rappel à l’ordre par exemple6 - qui casse le rythme créatif du collectif.

   Le rapport au langage est particulièrement significatif : chez la femme, les mots ont un sens bien défini, et déclenchent, une fois détectés par l’analyse, des (ré)actions plus ou moins stéréotypées tandis que chez les hommes, les mots sont constamment à replacer dans une contextualité7, et c’est le sens global du discours qui importe - ce qui exige une synthèse et passe par un processus d’interprétation - et non un mot en particulier. Chez l’homme, le mot est un signifiant, chez la femme, il est toujours en passe de renvoyer à un signifié dont il se détache mal. On retrouve donc dans le rapport au mot, le statut de l’individualité.

   En ce sens, la communication entre femmes ou éléments féminisés passe par un lexique univoque et con-sensuel tandis que la communication entre hommes exige des ajustements qui prennent du temps et qui sont au coeur même du débat. Chez la femme, le débat s’établit à partir des mots, chez l’homme le débat a pour enjeu leur redéfinition et c’est à celui qui imposera aux autres “son” sens.

   On ne peut pas être à la fois marqué par le poids du passé - et le repli individuel - et entraîné dans la spirale du futur - et l’immersion dans le collectif et vice versa. Parler d’égalité de chances entre hommes et femmes par rapport au futur est l’expression d’une ignorance quant à ce qui justifie l’existence même de ces deux mondes et il serait bon que chacun restât à sa place ! Il n’est nullement dans notre propos de condamner la femme, elle est nécessaire à l’homme mais comment ne se rend-elle pas compte qu’elle ne peut devenir lui, sans cesser d’être elle - et nous voudrions l’aider, dans nos différents textes, à se connaître pour prendre conscience d’une telle impossibilité - tant les logiques s’opposent ?

Jacques Halbronn
Paris, le 21 février 2003

Notes

1 Cf. nos textes sur “la clef du féminin” et sur la “grammaire”. Retour

2 Cf. notre étude à ce sujet. Retour

3 Cf. notre étude sur l’Inconscient Collectif. Retour

4 Cf. l’enquête dirigée par Edgar Morin, Le retour des astrologues, Cahiers du Nouvel Obs, 1971, réédition sous le titre La croyance astrologique moderne, Ed. L’Age d’homme, 1982. Retour

5 Cf. notre brochure L’astrologue face à son client, Paris, Ed. La Grande Conjonction, 1995. Retour

6 Cf. notre étude du Tsélem. Retour

7 Cf. nos études sur le féminin, à la rubrique Clivages, sur le Site Faculte-anthropologie.fr. Retour



 

Retour Hypnologica



Tous droits réservés © 2003 Jacques Halbronn