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HYPNOLOGICA

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Animus et anima revisités

par Jacques Halbronn

    Jung considère qu’il y a en chacun de nous un élément masculin (animus) et un élément féminin (anima), mais encore faudrait-il savoir ce que l’on entend par “masculin” et “féminin” et c’est là que le bât blesse. On pourrait d’ailleurs en dire autant de la notion d’Inconscient Collectif qui reste bien peu explicitée.1

   On s’intéressera, ici, à la cohabitation d’une certaine dualité que l’on pourrait présenter comme un double ego : un ego masculin (ou ego supérieur) et un ego féminin (ou ego inférieur).

   Chez l’Homme - par opposition ici à la Femme - l’ego féminin - ou anima - est l’instance qui gère les affaires courantes, d’une façon assez routinière.2 Lorsque l’Homme perd de sa vitalité, de son tonus, au niveau de son ego supérieur, il tend à prendre appui sur son ego inférieur, qui exige une dépense d’énergie mentale beaucoup plus faible et qui relève essentiellement de processus de mémorisation et d’enregistrement de données. Nous côtoyons des hommes qui fonctionnent presque exclusivement par leur anima et agissent comme des robots. S’ils doivent écrire quelque chose, ce sera tout au plus un rapport : ils sont incapables de relier leur discours avec celui d’autrui, ce qui impliquerait de dépasser les limites de l’ego inférieur, qui est celui d’une revendication superficielle d’individualité, d’une volonté d’être sujet, et respecté comme tel par delà ce qui est dit. En revanche, l’ego supérieur3 tend à se fondre dans un ensemble qui le dépasse et passe par un certain oubli de son moi individuel au profit d’un objet.

   L’ego inférieur est celui qui entre en scène en situation de mimétisme, de répétition, d’imitation. L’anima n’a pas de scrupule à s’approprier des contenus, tant c’est le contenant, c’est à dire le sujet qui importe et qui est supposé transcender l’objet. Quand un texte est authentique, il ne recourt pas au plagiat ou à la compilation comme le ferait une contrefaçon.4

   Il y a certainement une source de conflit, de tension, chez un Homme entre son animus et son anima, ce qui correspond à un état androgynal qu’il lui importe de liquider, et ce notamment par le développement d’outils, par l’apprivoisement d’animaux, par la construction de machines tendant vers l’autonomie, comme c’est déjà le cas avec toutes sortes de moulins (à eau, à vent).

   Qu’en est-il de cette dualité chez la Femme ? Bien évidemment, l’ego inférieur y domine au point que l’on peut se demander s’il existe chez elle un ego supérieur (animus) sinon sous une forme artificielle. Il n’est pas si facile, en effet, d’identifier ponctuellement, dans certains cas, chacun des egos car l’ego inférieur est le reflet de l’ego supérieur, - comme la Lune est le reflet du Soleil - et peut tout à fait lui ressembler.

   Il y a dans l’ego inférieur quelque chose que l’on pourrait qualifier, littéralement, d’inhumain ou plutôt de non-humain et qui parfois l’emporte sur l’humain. Mais si comportement inhumain il y a chez l’Homme, c’est bien qu’il y a en lui une forme de dualité, d’affrontement intérieur, de choc entre animus et anima.

   Ce qui est ainsi qualifié d’inhumain serait donc en quelque sorte sous-humain, c’est à dire relèverait de l’ego inférieur ou anima. Est inhumain ce qui est correspond à l’application systématique et aveugle d’un principe, du fait notamment d’ un certain manque de sensibilité - ce qui peut dénoter une résistance remarquable - c’est d’attacher plus d’importance à la lettre qu’à l’esprit; perdre son humanité ; c’est faire preuve d’un égocentrisme qui enferme la personne dans son monde à elle, sans possibilité de vraie communication avec autrui. C’est une sorte de pilotage automatique.

   Pour la femme, le meilleur moyen d’être en prise avec l’ego supérieur passe par une relation privilégiée avec un homme, ce qui lui permettra de se connecter avec l’animus. Précisons que l’anima est ce qui conditionne nos tendances individualistes, nos manies.

   L’homosexuel a un anima hypertrophié, du moins pour un homme. Il semble que cela tienne à une oppression subie dans l’enfance et qui a exacerbé son besoin d’affirmer, à n’importe quel prix, son individualité. Il faut qu’il se manifeste, quitte à troubler le groupe par ses attitudes intempestives et qui tournent autour de ce qu’il a vu et entendu.. Car une des caractéristiques de l’anima, c’est la grande réticence à se fier à autrui, c’est chacun pour soi, c’est une autre idée de l’altérité. Au contraire, l’animus tend à déléguer et à s’appuyer sur une dynamique collective, quitte à renoncer à s’exprimer, il encourage à vivre par procuration.. En fait, l’enfant commence par accéder à son anima et il y a un stade à passer pour accéder à son animus, qui peut correspondre à un blocage, à un échec du sevrage, une nostalgie du temps où l’enfant se croyait le centre du monde et où il avait certains privilèges incompressibles: son biberon, sa poussette etc, sans qu’il ait à se battre pour cela.

   Il est clair que le champ de l’anima est beaucoup plus accessible à la machine que celui de l’animus.5 Cela peut sembler paradoxal car on imagine mal, a priori, qu’un appareil puisse avoir une individualité forte, mais force est de constater que c’est surtout l’animus qui permet de fonctionner en réseau, ce qui induit une forme de brassage auquel répugne l’anima, car il conduit à une nouvelle synthèse qui exige d’abandonner d’anciennes représentations auxquelles on a pu s’attacher et dont on fait une histoire personnelle.

   D’ailleurs un des symptômes d’une domination de l’anima chez un homme est la réticence, l’inhibition, à écrire dans la mesure où l’écriture est perçue comme une déperdition. Or, l’écriture correspond au transfert, à une transmission, de l’animus vers l’anima. Inversement, un fort animus excite, exacerbe, la tendance à écrire, à diffuser, à irriguer autour de soi de sorte que ce qui était à soi cesse très vite de l’être et tombe en quelque sorte dans le domaine public puisque la lecture n’exige pas la présence de l’auteur.

   On est là au coeur de la dialectique animus / anima : l’animus est relayé par l’anima et donc l’alimente. C’est comme du futur qui deviendrait presque aussitôt du passé (Cf. notre étude sur les femmes et la représentation du futur). Le temps grammatical de l’anima est le passé et celui de l’animus est le futur. L’anima craint pas de répéter et de se répéter tandis que l’animus improvise, échappe aux entraves de la mémorisation et au fardeau de l’observation immédiate et contingente des détails, il est dans la valeur ajoutée.

   Les sociétés humaines ne parviennent à choisir leurs meilleurs éléments qu’en maintenant vivant l’animus collectif. Quand elles échouent à ce faire, elles renoncent à leur chance de domination. Si la société française, sous la Révolution, n’avait pas eu un animus puissant, le Corse Napoléon Bonaparte ne serait jamais parvenu au pouvoir et on peut en dire de même, bien que cela puisse choquer, pour l’autrichien Adolf Hitler, dans l’Allemagne des années Trente et éventuellement pour l’avènement du général De Gaulle en 1958, en France. Quand une société ne sait pas mettre en avant ses forces les plus vives, elle est menacée par ses concurrentes, mieux loties, et ce d’autant que les forces ainsi inemployées vont générer des perturbations. Mais le système démocratique n’est qu’un moyen, pas forcément infaillible - le cas américain n’est pas si convaincant - de faire parler l’animus ; il y en a eu bien d’autres à travers les âges.

   Ainsi, le secret du vote ne nous semble pas forcément une bonne chose : on en arrive à des situations aberrantes où chacun vote dans son coin - ce qui est propre à l’anima - sans se faire une idée de la dynamique générale, sinon lorsqu’il est trop tard pour corriger le tir. On l’a vu lors des dernières élections présidentielles en France, même si les sondages permettent de se faire une idée. Il nous semble préférable que la polarisation sur une solution, sur un leader, s’effectue progressivement et consciemment. La présence de femmes dans les délibérations ou de personnes très marquées par leur anima peut faire obstacle au bon déroulement du processus sélectif et mettre en avant des critères peu pertinents, même s’ils ont l’avantage d’être parfois plus aisément perceptibles.

   Affirmer que chaque individu, homme ou femme, possède, sans d’ailleurs prendre la peine de les définir, un animus et un anima peut être source de confusion et alimenter l’illusion d’une égalité. La conflictualité entre ces deux instances ne se manifeste pas de la même façon chez l’homme et chez la femme. On pourrait d’ailleurs, identifier l’anima au Surmoi de Freud et nous avons souvent insisté sur le comportement surmoïque de la femme, de la mère.

   C’est notre anima-Surmoi qui brime et sur-veille l’animus. Ce Surmoi détecte les contradictions formelles, vérifie le respect des normes, des définitions du dictionnaire, sans souci de l’indexicalité et de la contextualité - ce qui serait trop “compliqué” - il a une valeur ancillaire, assure, comme disait De Gaulle, la logistique (qui “suivra”) ; le Surmoi est sous-tendu par des automatismes de toutes sortes mais sa caractéristique principale est que la Loi s’applique à tous indifféremment, de bas en haut de l’échelle, il ne s’intéresse qu’aux sujets en tant que tels, définis par leur enveloppe corporelle et non à leurs accomplissements respectifs.

   Il est intéressant de noter que Jung n’a pas, à notre connaissance, proposé le rapprochement anima / Surmoi. Le Surmoi est une instance qui est à la fois en nous, par le biais de l’anima, mais qui est aussi incarné socialement par la femme, dans notre environnement social. Mais inversement, l’animus féminin est relayé voire alimenté par l’Homme qui incarne l’animus au niveau social. Si Jung avait mieux investigué le psychisme féminin, il en aurait révélé la dimension intrinsèquement surmoïque mais il en est resté à quelques clichés et autres lieux communs sur ce qu’il fallait entendre par masculin et féminin.

   La notion d’Inconscient Collectif, au demeurant, semble comporter un élément surmoïque - anima - dans la mesure où il y est question du poids de certaines structures mais en même temps, on doit y trouver une dynamique de type animus du fait du processus collectif. Mais nous verrons que ce n’est là qu’une première approche.

   La notion d’I. C. est essentielle pour essayer de comprendre certains modes de transmission. En se branchant sur cette instance, l’on peut en effet imaginer que l’on court-circuite la transmission orale ou livresque ou la seule influence de l’environnement immédiat de type anima. C’est probablement pour cette raison que l’on rencontre souvent une telle opposition à l’idée d’un autre mode de transmission, de type animus, qui dépasse le niveau individuel et ne se conscientise que par le consensus, au sein de groupes masculins. Autrement dit, l’anima serait de l’ordre de phénomènes observables au premier degré - un monde pré-copernicien - de textes accessibles, stockés, dans les bibliothèques tandis que l’animus serait d’un ordre plus subtil, qui échapperait à la mainmise de l’anima.

   En effet, la plupart des questions abordées par ce que nous appelons l’anthropologie fonctionnelle nous semble relever d’une forme d’Inconscient Collectif. Un phénomène comme celui de la présence juive au monde en ferait partie, notamment ainsi que celui de notre rapport aux astres. Nous avons là en effet un décalage entre un discours livresque (la Bible, la tradition astrologique) et une réalité sociale qui n’en existe pas moins et qui ne coïncide pas vraiment avec ce qui nous est transmis par le truchement de la machine, c’est-à-dire ici du livre, des textes voire de la mémoire orale. Nous aurions donc une culture de l’anima, cristallisée en un certain nombre de supports externes et une culture de l’animus, véhiculée par l’Inconscient Collectif et émergeant en quelque sorte, à chaque génération, du collectif masculin. Bien plus, nous dirons que ce champ de transmission interne ne serait-il pas ce jardin secret qui se situe au delà de la zone du Tsélem (cf. infra) ? Autrement dit, l’Inconscient Collectif serait ce qui ne serait pas transmis à un support extérieur, qui ne dépendrait pas d’une préservation matérielle toujours aléatoire et fragile, vouée à l’erreur et à la corruption. Epistémologiquement, nous dirons que derrière le savoir figé de l’anima, il faut aller rechercher le savoir de l’animus, tel qu’il se manifeste au travers de l’Histoire et de la Société en marche.

Jacques Halbronn
Paris, le 1er mars 2003

Notes

1 Cf. notre étude sur ce sujet. Retour

2 Cf. notre étude de ce que nous avons appelé la zone du Tsélem, sur le site Ramkat.free.fr. Retour

3 Cf. notre étude sur le sujet et l’objet. Retour

4 Cf. notre étude sur les contrefaçons dans le corpus nostradamique. Retour

5 Cf. notre étude sur la Clef du féminin. Retour



 

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