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HYPNOLOGICA

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Déni des clivages et crise de l’Histoire

par Jacques Halbronn

    L’Histoire est une science dont le statut a été souvent contesté et continue à l’être. On voudrait la réduire à une fonction subalterne d’enregistrement sans lui accorder une véritable colonne vertébrale. C’est précisément par rapport à cet enjeu qu’il convient de situer, en France, à partir de 1929, à l’instigation notamment du juif Marc Bloch (né en 1886 - fusillé en 1944 par les Allemands), l’Ecole dite des Annales (“Nouvelle Histoire”), dont le Larousse dit qu’elle veut “substituer à l’Histoire événementielle une histoire intégrée à l’ensemble des sciences humaines”.

   Nos travaux consacrés à l’Astro-Histoire1 ont pour objet de montrer qu’au XVIIe siècle, notamment, un rapprochement était envisagé entre astronomie et Histoire mais cela fit long feu.

   Nous voudrions ici aborder les conséquences d’une crise de la science historique, notamment au XVIIIe siècle sur les idées de la Révolution Française.

   Car il nous semble assez évident que les idées d’égalité qui ont alors prévalu font fi de toute pesanteur historique ; c’est comme si la science historique n’étudiait que des phénomènes mouvants.

   Imaginons que le XVIIIe siècle ait accouché d’une véritable science historique, articulée sur des paramètres rigoureux, aurait-on vu se manifester des idéologies conduisant à l’abolition et à l’arrachement face aux clivages traditionnels ? Autrement dit, la science historique (S.H.), au temps de Jean-Jacques Rousseau, n’était guère crédible et ne faisait pas le poids par rapport aux spéculations et vaticinations philosophiques.

   On peut d’ailleurs considérer que le négationisme d’un Faurisson à propos de la Shoa est également fonction de l’idée que l’Histoire n’existe pas en soi, qu’elle est ce que l’on veut en faire.

   Cette S. H. ne put ainsi jouer le rôle de garde-fou qui croyons-nous lui est imparti socialement et fonctionnellement. Plus généralement, c’est l’échec des Sciences Humaines ou du moins leur retard par rapport aux sciences dites dures qui marque l’ambiance intellectuelle de la seconde partie du XVIIIe siècle et voit se renforcer un pôle qu’il faut bien qualifier d’utopique.

   Inversement, le ressaisissement de la SH pourrait conduire au reflux de ces mouvements utopistes qui ont affecté la condition des femmes et des juifs, en particulier et plus généralement ont encouragé les processus migratoires au nom de l’universalité de la nature humaine.

   La SH a quitté ainsi l’ontologie pour se réfugier dans la phénoménologie où elle tend vers l’insignifiance. Les tentatives des XVIe et XVIIe siècles pour l’articuler sur l’astronomie avaient échoué, on l’a dit et avec elles la possibilité d’une anthropologie qui aurait eu à en rendre compte. Car on ne saurait séparer une SH d’une anthropologie fonctionnelle.

   En effet, il aurait fallu alors expliquer comment les hommes et les astres avaient pu se relier, ce qui aurait mis en avant la question de la capacité de l’Humanité à se structurer, à se programmer à sa guise, du fait de l’instrumentalisation laquelle ne considère pas l’objet en soi mais seulement selon l’usage que l’on peut en faire.

   De fil en aiguille, par delà la question de l’astro-histoire auraient été abordée la question de la sexuation et on aurait compris que la technologie se situait dans la lignée de la sexuation, que la sexuation n’avait pas pour seule fin l’engendrement.

   Si la S.H. avait su établir un lien entre sexuation et histoire des techniques, nous n’en serions évidemment pas là et le féminisme n’aurait pas pris l’ampleur qui aura été la sienne. On confondait ainsi le sommet de l’iceberg avec l’iceberg, le signifiant avec le signifié.

   En effet, le signifiant “Femme” - c’est-à-dire la différence visible, perceptible, qui permet d’affirmer que “c’est une femme” ouvre la voie au signifié du féminin qui, pour nous, est lié au couple Homme/machin dont l’Histoire devrait être retracée.

   Il faut en effet comprendre que toute fonction doit être signalisée, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elle se réduise à la nature même de cette signalisation. Le problème, c’est que parfois nous sommes en face de signalisations dont nous ignorons à quoi elles renvoient et dont nous croyons, en désespoir de cause, circonscrire la fonction par l’étude de ce qui nous est donné à voir, tout comme certains croient pouvoir connaître le contenu d’un livre par son titre, le caractère d’une personne par son prénom, la signification d’un signe zodiacal par son symbole et ainsi à l’avenant.

   Une telle façon de procéder - confondre signifiant et signifié - est susceptible de générer une quantité infinie de contresens dont notamment les sciences humaines font les frais.

   Tout se passe comme si , en un temps où la linguistique a suffisamment montré ce qu’il en était, on souhaitait que le signifiant épuise le signifié, c’est-à-dire le reflète fidèlement, ce qui est une gageure Quand je pénètre dans une pièce non éclairée, est-ce que le bouton, l’interrupteur, sur lequel j’appuie me dit ce qui va se déclencher et est-ce que cela ne dépend pas de circuits qui peuvent changer ?

   C’est ainsi que l’observation des astres, aujourd’hui, ne me dit de quoi ils sont des signifiants et s’ils en sont. Ce n’est pas en étudiant la nature de ces astres que je serai mieux fixé car dans ce cas c’est en tant que signifiés que je les aborderai, ce qui n’est pas ici la question, tout signifiant pouvant être en soi un signifié du fait même que j’aie à percevoir son existence.

   Si l’on réfléchit sur la signification de la femme en tant que signifiant, il ne s’agit pas de se contenter de ce qu’elle est en tant que signifié, c’est-à-dire de ce qui permet de la reconnaître et de la distinguer d’autres signifiants. Il s’agit de déterminer ce qui a été constitué au cours des âges autour de ce signifié pour en faire du signifiant. Et c’est là que nous retrouvons l’Histoire autour du facteur Temps.

   Car si le signifié ne change pas, le signifiant, lui, peut changer et considérablement tout comme un mot peut se charger de sens qu’il n’avait pas initialement, ce qui rend souvent assez vaine l’approche étymologique qui voudrait en cerner la vérité (etumos en grec signifie vrai) intrinsèque. L’Histoire ne s’invente pas, elle ne se réduit pas aux origines, elle est créatrice de nouveaux faits à prendre en compte.

   Ainsi, si le signifié initial qu’est la femme est associé à la procréation, la question est de savoir ce qui s’est ajouté, par la suite, ce qui en a dérivé. On nous objectera que ce qui a été associé, par la suite, à la femme est une construction qui peut être déconstruite ; c’est un peu vite dit ! C’est là que l’on saisit le déni de l’Histoire: quelque chose qui se fait et se défait, au gré des fantaisies des uns et des autres. C’est là prendre l’Histoire bien à la légère et faire preuve de beaucoup de présomption.

   Pour en rester sur le terrain linguistique, on notera que les langues sont la preuve que les choses ne changent pas si facilement, quand bien même le voudrait-on. Les langues ne sont-elles pas marquées par l’Histoire ? Peut-on comprendre, par exemple, la formation de l’anglais moderne sans le recours au français et peut-on tout simplement de nos jours envisager la langue anglaise sans ses emprunts au français ? ¨Est-il concevable que l’on forge demain un nouvel anglais débarrassé de ses éléments français qui constituent une proportion considérable de l’anglais actuel ? Dès lors, si les sociétés ne sont même pas capables de gérer à leur guise les langues qui les représentent, que penser de projets de transformation infiniment plus ambitieux ?

   Comment donc déterminer le champ “sémantique” d’un signifié devenu signifiant si cela ne découle pas de son observation? Comment savoir ce que tel astre signifie pour l’Humanité s’il ne suffit pas d’observer le dit astre pour ce faire ? Comment d’ailleurs savoir si du signifiant est attaché à tel signifié, vu que tout signifié peut éventuellement servir ou avoir servi de signifiant et dans les acceptions les plus diverses et les moins prévisibles, du fait même d’un certain arbitraire du signe ? Et comment savoir si cette assignation a perduré ? Car le rôle de l’Historien, selon nous, n’est pas seulement d’explorer le passé mais de déterminer ce qui en reste, ce qui continue à peser de ce passé aujourd’hui.

   Autrement dit, comment relier d’anciens signifiants à de nouveaux signifiés qui peuvent concerner le fonctionnement même des sociétés, étant donné que le dit fonctionnement ne peut pas faire l’économie de signifiants ? Comment savoir si un signifié est toujours actif, fait toujours sens ? On notera d’ailleurs que pour formuler un tel questionnement, il aura fallu quelque peu repenser le rapport du signifié au signifiant.

   En quelque sorte, on aurait des signifiés pouvant être signifiants dont on ignorerait le champ fonctionnel et des fonctions dont on n’aurait pas identifier les vecteurs, et qui ne seraient appréhendées qu’empiriquement, ce qui dénote une pensée magique. Il y a bien là une crise de civilisation dans la mesure où l’on n’établit pas certains liens de causalité entre signes et fonctions. Symptomatique, l’accusation de racisme, d’antisémitisme ou de mysoginie dès lors que l’on ose conférer à un signifiant repérable, selon tel ou tel critère objectif (couleur de la peau, anatomie, etc.) la moindre signification allant au delà de la perception immédiate, ce qui revient à interdire à un signifiant de signifier autre chose que le signifié qui en est le support.

   C’est ainsi que Jean Bodin, dans une perspective que nous qualifierons d’astro-historique, à la fin du XVIe siècle, se demandait déjà, dans un chapitre (IV, 2) dans un des Six Livres de sa République, si les mutations que l’on pouvait observer correspondraient à un processus astronomique, ce qui d’ailleurs ferait que les dites mutations obéissant ainsi à un certain modèle s’avéreraient se situer dans une logique fonctionnelle et ne relèveraient pas du hasard et du caprice.

   D’une part, en effet, nous pouvons phénoménologiquement identifier, repérer un certain nombre de processus sociaux, sociétaux, en oeuvre dont nous ignorons le véritable mode de fonctionnement et de l’autre nous disposons d’un ensemble de signes distinctifs marquants certains acteurs de la vie sociale et qui ne sont pas décryptés. Or, seul le décalage diachronique peut rendre compte d’un tel désordre synchronique, c’est-à-dire que cette déperdition mais aussi cette prégnance de sens serait le fait du Temps.

   Il nous apparaît clairement que l’Histoire butte sur la question de la Femme, soit elle la résoudra et résoudra par la même certains obstacles épistémologiques, soit elle n’y parviendra pas et elle persistera dans son marasme tout en entraînant d’ailleurs, par la même occasion, notre civilisation terrestre dans sa chute, à sa perte.

   Il s’agit là de la question non élucidée des clivages synchroniques et diachroniques et qui a conduit à un volontarisme qui pourrait se révéler à terme suicidaire et qui consiste à poser la Loi - ce qui a conduit notamment à l’intense activité juridique sous l’Empire, autour de ce qu’on a longtemps appelé le Code Napoléon - face à l’Histoire. Le juriste, en effet, croit qu’il lui suffit de légiférer pour que les choses soient comme on voudrait qu’elles soient mais il y a des choses qui ne se décrètent point. Fausse opposition d’ailleurs en ce que l’Histoire nous rend compte du travail des juristes d’autrefois, dont les décisions auront marqué durablement et peut-être irréversiblement les structures de nos sociétés et ce jusqu’à ce jour inclus. Bataille de juristes, en quelque sorte: les uns voulant défaire l’oeuvre de leurs lointains prédécesseurs. Problème donc de philosophie du Droit, à savoir est ce que le Droit ne sécrète-t-il pas du réel dont l’Histoire a à savoir et qui échappe à terme à ceux qui l’ont actionné ? Autrement dit, une fois la structure mise en place, une fois le signifié instrumentalisé en du signifiant intériorisé par l’Homme, est-ce que les juristes modernes n’en sont pas réduits à opérer quelques replâtrages de fortune ? Au fond, le Droit peut-il encore longtemps sérieusement s’émanciper des Sciences de l’Homme et singulièrement de la science historique, telle que nous l’avons reformulée sinon refondée ? Il semble qu’il serait enfin temps que le Droit rentrât dans le rang, mettant un terme à sa veine démagogique, peu ou prou irresponsable, véritable miroir aux alouettes.2 Le mot Loi, en Droit, lui-même est ambigu puisqu’il fait pendant à l’usage scientifique, confusion nullement innocente. Il n’est peut-être pas indifférent de rappeler que Théodore Herzl, celui qui conféra au sionisme tout son élan, était docteur en droit, titre qui figure d’ailleurs sur la couverture de son Judenstaat (1896). En pratique, il semble bien, au niveau de l’astro-histoire qu’alternent des phases marquées par le juridisme et le dépassement des clivages et des frontières et d’autres par ce que l’on pourrait appeler l’historicisme, où il s’agit d’assumer un certain héritage, ce qui expliquerait, par exemple, que tantôt le sionisme supposait que la Terre Promise serait celle que les Juifs s’assigneraient de leur propre volonté et tantôt qu’il ne pouvait ne pas s’inscrire dans une continuité géographique.

Jacques Halbronn
Paris, le 4 mars 2003

Notes

1 Cf. sur le Site Cura.free.fr, “De l’astrologie à l’astro-histoire”. Retour

2 Cf. notre article sur les “populations manipulées”. Retour



 

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