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Culture existentielle et culture ontologique |
Il y a ce que nous disons et il y a ce que nous sommes. Ce que nous disons n’a pas nécessairement de rapport avec ce que nous sommes. C’est là tout le problème.
Une des raisons de ce décalage est le mimétisme qui nous fait adopter les propos d’autrui. Cela est source de constants malentendus. Et ce d’autant que celui à qui l’on a emprunté a pu les emprunter à un tiers et ainsi de suite.
On parlera de culture existentielle pour désigner ce que la personne ou le groupe s’est approprié et dont elle fait son beurre, et ce sans préjudice des enjeux ontologiques.
On peut donc distinguer les gens selon leur culture existentielle, mais de tels clivages ne coïncident nullement avec ce que l’on proposera d’appeler culture ontologique.
Une culture existentielle peut rassembler des personnes relevant de cultures ontologiques fort diverses, à commencer par les hommes et les femmes mais aussi les juifs et les non juifs.
Inversement, des membres d’une même culture ontologique peuvent appartenir, ponctuellement ou durablement, à des cultures existentielles différentes.
Il est temps de ne pas accéder à la parole une fonction ontologique et de distinguer le sujet et l’objet. Ce que dit le sujet ne le définit qu’existentiellement, voire identitairement, non point ontologiquement. Nous sommes tous capables de jouer, plus ou moins bien, tel ou tel rôle, à des fins existentielles.1
Les religions nous apparaissent comme des tentatives d’accéder à une certaine dimension ontologique. Elles traversent, en effet, les clivages nationaux tout comme la sexuation. Cette dimension transexistentielle est en effet un critère pour cerner ce que nous avons appelé la culture ontologique. Mais en ce sens, les religions ne nous parlent pas tant de l’essence du divin que de l’essence de l’humain et il conviendrait de les resituer sur ce plan. La question est de savoir si d’ailleurs les dieux des uns et des autres sont ontologiquement différents : est-ce que le dieu des Juifs est ipso facto, parce que l’on se sert du signifiant dieu, le même que le dieu des Chrétiens ou celui des Musulmans ?
En vérité, les clivages ontologiques sont assez bien repérés, on l’a dit : hommes et femmes, juifs et non juifs en ce qu’ils transcendent les clivages propres à la culturalité existentielle.
Ce qui vient créer quelque confusion est la notion de conversion. Peut-on changer de culture ontologique ? A cette question, nous répondrons par la négative et cela explique que les Juifs n’encouragent pas le prosélytisme, à la différence du catholicisme, du protestantisme ou de l’Islam.
On ne change pas de culture ontologique comme l’on change de culture existentielle. Ce qui signifie qu’il y a un ancrage de la culturalité ontologique sur lequel nous n’avons pas prise et qui nous échappe, tandis que nous maîtrisons beaucoup mieux le champ de la culturalité existentielle.
Car il convient de souligner que la dimension ontologique est avant toute chose fonctionnelle, et que la fonctionnalité implique une spécialisation. Un marteau qui ne serait plus un marteau ne servirait plus à grand chose. Une telle exigence d’efficacité et de complémentarité n’existe pas au niveau de la culturalité existentielle dont le caractère gratuit est assez flagrant. En fait, la diversité des cultures existentielles mettrait paradoxalement l’accent sur l’universalité, à un niveau superficiel, de l’humanité, du fait même que l’on peut passer d’une culture existentielle à une autre, tout comme un homme peut féconder une femme, quelles que soient sa race, son ethnie, la couleur de sa peau.
En ce qui concerne les rapports judéo-chrétiens2, bien des malentendus persistent. Certes, Juifs et Catholiques partagent-ils des éléments d’une certaine culture existentielle mais, comme nous l’avons dit, le clivage entre les uns et les autres ne relèvent pas fondamentalement de la culturalité existentielle mais de la culturalité ontologique qui ne se manifeste pas par les mêmes voies / voix ue la culturalité existentielle.
Par delà les convergences apparentes qui peuvent apparaître dans les discours existentiels des uns et des autres, nous ne retiendrons qu’une chose, fondamentale : ils continuent, à travers les siècles, à ne pas se confondre en tant que populations, tout comme les hommes et les femmes restent, en tant que sujets, en tant que signifiants, suffisamment distincts, lisibles, et identifiables comme tels. Et c’est la persistance de tels clivages par delà les convergences propres au registre de la culturalité existentielle qui seule nous importe.
Il est un fait qu’en pratique, le christianisme a emprunté au judaïsme, les femmes aux hommes et cela égare plus d’un observateur. En réalité, tant les juifs que les hommes ne sont guère liés à une dimension existentielle, à la différence des chrétiens et des femmes.
Entendons par là que contrairement à certaines apparences, il n’y a pas de judaïsme en soi sauf à considérer un discours à vocation ontologique qui expliciterait ce qu’est la condition juive, ce qui est précisément le propre d’une culture ontologique et qui relève, peu ou prou, du mode d’emploi : à quoi et comment servons-nous ? La fonction des juifs est synchronique, c’est-à-dire qu’elle relève avant tout de la transmission, par delà tout contenu. Ce que l’on appelle judaïsme est le plus souvent l’effet d’une erreur qui confond le messager avec le message. Il n’y a pas de message proprement juif, pas plus que l’hébreu n’est une langue juive, par exemple, mais simplement sémitique, au même titre que l’arabe, d’où la formule impropre d’antisémitisme. Le fait de partager avec les musulmans des langues d’une même famille ne constituent aucunement un signe de proximité ontologique, pas davantage que le fait pour judaïsme et christianisme d’être marqués par certains concepts proches. Comme l’a montré Freud, le monothéisme serait une idée égyptienne et nullement juive en soi (Moïse et le monothéisme, 1939). D’ailleurs, si l’on prend le cas d’Abraham, on voit bien qu’il est invité à quitter la Mésopotamie pour aller porter ailleurs la culture dont il est le réceptacle mais qui n’est pas pour autant sienne. C’est pourquoi l’Histoire des Juifs est beaucoup plus pertinente, sur le plan ontologique, que tout texte qui se voudrait judaïque.3
La culture ontologique, autrement dit, aurait directement à voir, on l’a dit, avec la fonctionnalité et ne serait pas transmissible à celui qui n’en relève pas intrinsèquement, même si l’on ne peut empêcher que d’autres se l’approprient au niveau existentielle. Or, en quoi le mode d’emploi d’une machine A peut-il servir à actionner une machine B ?
Il n’y a pas non plus de culture existentielle des hommes en tant que tels, entendons-nous qui soit transmissible en tant que telle. Car la fonction des hommes est diachronique, c’est-à-dire qu’elle est liée au progrès, au futur, c’est-à-dire à quelque chose d’indéfinissable, voire d’ineffable.4
Il y aurait donc une culture ontologique masculine de type diachronique et une culture ontologique juive de type synchronique, étant entendu que l’on peut être à la fois homme et juif. Cette diachronicité et cette synchronicité sont marqués par le passage d’un état à un autre et non pas par les états eux-mêmes. On ne peut pas être Newton, avec l’oeuvre qui fut la sienne, au XXIe siècle, cela ne fait pas sens, à moins qu’entre temps, la recherche en physique n’ait pas évolué. Le contexte est essentiel : tout est relatif; il y a simplement un passage de relais.
Face à l’Homme, la Femme doit être appréhendée autrement. Sa dimension ontologique ne se situe probablement que dans le prolongement de celle de l’Homme et finalement, c’est elle qui se situe pleinement dans la culturalité existentielle. Existe-t-il une femme juive, stricto sensu ? Dans l’état actuel de nos réflexions, c’est une erreur que de faire passer la filiation juive par la voie matrilinéaire, la femme n’étant que porteuse (cf. infra). La Femme n’accèderait, ne se rattacherait, à la dimension ontologique que par procuration, c’est-à-dire à travers l’Homme. N’oublions pas que dans le champ ontologique, il n’y a pas de doubles emplois et il n’y a pas d’emplois identiques pour des populations distinctes. Il est quand même étonnant que dans un monde aussi technologique que le nôtre, on ne veuille pas comprendre que le bouton rouge n’est pas le bouton vert ! L’humanité n’est pas un jouet d’enfant qui n’est que l’apparence du réel et où les distinctions qui y figurent ne correspondent à rien parce que le jouet n’est pas censé marcher, fonctionner. Telles sont d’ailleurs les limites du mimétisme, on emprunte mais sans intention de rembourser, d’assumer.
Deux plans donc bien différents : l’existentiel et l’ontologique. Epistémologiquement, l’ontologique ne s’apparente à aucun discours exportable et transposable. Quand c’est le cas, c’est que l’on s’est polarisé sur une intersection entre les deux ensembles, en figeant un moment particulier de l’activité ontologique avec l’illusion de pouvoir se l’approprier en tant que telle. Adopter un moment particulier de l’activité juive pour s’imaginer que l’on devient ipso facto juif est chimérique et voué à la caducité à terme. Bien des erreurs sont dues au hasard, aux coïncidences liées à de telles intersections, ce qui conduit à des impasses, à des voies de garage.
La culturalité existentielle n’existe pas sans la culturalité ontologique, elle est la mort par rapport à la vie, elle est résiduelle, elle est la mémoire de ce qui à un moment a été transmis, a été conçu.
Revenons sur un certain nombre de distinguos : si la fonction ontologique juive est de mettre deux cultures existentielles en contact5, celle dont il est issu par une présence séculaire - on ne parle pas ici d’un mythe palestinien des origines mais à une présence historique diasporique - et celle qu’il va côtoyer, de par sa migration, en revanche, la fonction non juive est plus statique, elle est d’être constitutive de telle ou telle culture existentielle et non pas, comme la fonction juive projective. On pourrait certes débattre de l’oeuf et de la poule et arguer du fait que la fonction juive est fonction des cultures existentielles qu’elle met en contact.
Il importe de souligner que le juif ne se contente pas de transmettre, il incarne la culture dont il est issu et c’est précisément pour cela qu’on a parfois assimilé le juif à la culture dont il était le dépositaire. Le terme transmission peut donc prêter à confusion, le juif serait celui qui expanse les cultures existentielles, qui leur permet de rayonner, de s’étendre, tout en restant fidèle à la culture d’origine. En revanche, le non juif tend irrésistiblement à s’assimiler dans la culture environnante et s’il s’expatrie, il n’a pas d’autre issue que de revenir vers sa patrie ou de disparaître dans le creuset d’une autre culture existentielle. On ne saurait sous estimer l’importance du fait suivant : à savoir que ces juifs qui représentent les cultures existentielles les plus diverses sont amenés à se rencontrer et c’est notamment par la rencontre entre des juifs personnifiant des cultures différentes que s'opère, d’abord et avant tout, la connexion. On le voit notamment en France, aux Etats Unis et en Israël.
On pourrait dire que le juif est un catalyseur. On peut ainsi concevoir que le christianisme, en tant que culture existentielle mais non en tant que culture ontologique, pourrait être le résultat de la culture véhiculée, à un moment donné, par les / des juifs et les données d’une autre culture, étant entendu d’ailleurs qu’il peut y avoir des Juifs dans chaque camp.
On terminera par cette interrogation : les membres des religions chrétiennes et musulmanes sont-ils ontologiquement distincts ? Ne peut-on les placer les uns et les autres dans la catégorie des non juifs ? Si, en effet, comme on n’a cessé de le répéter, on ne doit pas tenir compte à ce niveau de discours relevant de culturalités existentielles, c’est-à-dire en l’occurrence de leurs théologies, qu’est-ce qui les distingue en ce qui concerne leur fonctionnalité ? Force est de constater que les juifs se sont trouvé en dialectique avec les uns comme avec les autres6 et qu’ils ont d’ailleurs mis en contact les diverses cultures existentielles chrétienne et musulmane.
Jacques Halbronn
Paris, le 12 mars 2003
Notes
1 Cf. l’existentialisme de Jean-Paul Sartre. Retour
2 Cf. les Deuxièmes Rencontres Européennes entre Juifs et Catholiques, Paris, Mars 2003. Retour
3 Cf. nos études sur le site Ramkat.free.fr sur le juif comme ambassadeur et sur Culture et Juifs, également sur le site Faculte-anthropologie.fr. Retour
4 Cf. les analyses du philosophe juif Vladimir Jankélévitch (1903 - 1985), Le Je ne sais quoi et le presque rien, 1957. Retour
5 Cf. notre étude Le juif comme ambassadeur. Retour
6 Cf. notre article sur Le double défi sur Ramkat.free.fr et sur Cerij.org. Retour
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