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HYPNOLOGICA

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Equilibre du monde et filiation mimétique

par Jacques Halbronn

    Ce dont nous disposons nous vient soit par héritage, soit par emprunt et il est tentant de faire passer ses dettes envers autrui pour un legs qui nous est dû, d’où la tentation de revendiquer des filiations plus ou moins douteuses.

   La devise républicaine, Liberté, Egalité, Fraternité, revendique ce droit à la filiation, avec son troisième terme, Fraternité : si tu es mon frère, nous avons le même père, donc la même filiation. Et on conçoit dès lors que fraternité puisse accompagner égalité : si nous avons les mêmes origines, nous avons ipso facto les mêmes droits (du citoyen). Quant à la Liberté, elle tient précisément au fait que si je m’affranchis de mes dettes envers autrui, je ne lui suis pas / plus redevable.

   On aura compris combien peut nous paraître suspecte toute affirmation de filiation quand il s’agit pour l’autre de s’approprier notre filiation, ce qui revient à passer littéralement par dessus notre tête.

   Un cas typique est celui des anglo-saxons qui, lorsque l’on évoque la délicate question des emprunts de l’anglais moderne au français nous parlent du latin. Il paraît d’ailleurs que les Anglais s’intéressent beaucoup au latin et que cela leur sert à mieux comprendre leur langue. Autant dire que l’anglais est une langue latine !

   Un tel manège filiatoire n’est, on s’en doute, nullement innocent et vise à occulter une certaine vérité, c’est le contraire d’une reconnaissance de dette, son déni.

   Car affirmer que l’anglais dérive directement du latin relève largement de l’imposture, au sens propre du terme. L’anglais n’est pas une langue latine ou en tout cas elle ne l’est pas au même titre que les langues dites latines (espagnol, italien, français, roumain etc). Ce qu’elle a en commun avec le français ne tient pas à sa filiation par rapport au latin ; c’est par le truchement du français que l’anglais s’est latinisée. Il vaudrait mieux dans ce cas parler d’une influence franco-latine tout comme on pourrait désigner le résultat comme du franco-anglais. Le nombre de mots orthographiés exactement de la même façon entre les deux langues est frappant. Or ce n’est pas le cas entre langues latines qui ont chacune évolué différemment tant par rapport au latin que l’une par rapport à l’autre.

   Mais si l’on peut suivre d’assez près les processus qui ont conduit l’anglais à se transformer en un franco-anglais - le franglais, cher à René Etiemble, auteur d’un retentissant Parlez-vous franglais ?, recouvrant, pour sa part, l’influence de l’anglais en français - découlant notamment de la conquête franco-normande du XIe siècle, voilà bientôt 1000 ans, il est des cas sensiblement plus complexes où une affirmation de filiation est également symptomatique d’un certain malaise / mal être. La revendication d’une seule et même origine va dans le même sens, elle vise à minimiser l’importance des relations transversales, latérales, alors que précisément le mimétisme joue à plein par rapport au voisin. Assimilation abusive des rapports de voisinage à des rapports familiaux. Encore faut-il préciser que le mariage entre dans une telle logique : la femme portant le nom du mari et s’inscrivant, de fait, dans une nouvelle filiation qui, originellement, n’est pas la sienne. Mais on pourrait en dire autant de l’étranger cherchant à s’approprier une nouvelle identité nationale, celle des natifs, le mot nation étant à rapprocher de naissance, donc de filiation. En remontant au déluge, on pense neutraliser son créancier.

   On ne saurait surestimer le rôle du juridique dans la mise en scène et la consécration de ce genre de basculement, de dérive (shift) et de transformation (switch), depuis l’adoption jusqu’à la naturalisation. Dialectique nature / culture, en quelque sorte, si l’on considère l’hypno-culture comme de l’ordre de la nature.1

   On conçoit que tout renvoi à une origine commune relève de cette tentative d’assimiler emprunt et héritage, de n’en faire qu’une seule et même réalité, d’écraser et de télescoper un certain nombre de chaînons historiques, au nom de perspectives plus larges, plus englobantes. On a vu que c’était exactement ce qui se passait avec les anglophones dans leur discours quelque peu pervers sur le rapport de l’anglais au français, mais l’on pourrait en dire autant au niveau des rapports judéo-chrétiens, qui s’articulent sur une question alambiquée de filiation, de généalogie, sans parler de cette étrange revendication de la part de Jésus d’être “fils de Dieu”, que les Juifs se refusent, à juste titre, d’entériner. Le christianisme serait en fait issu d’un gnosticisme et les éléments judaïques seraient somme toute superficiels. Quant à Jésus, il peut s’être agi de la récupération par une population non juive d’un prophète en délicatesse avec la communauté juive.

   Mais lorsque les femmes revendiquent la filiation par rapport à l’Homme, avec H majuscule, font-elles autre chose que de masquer leur mimétisme et leur dette à l’égard des hommes, avec un petit h ?. Elles ne leur doivent rien puisque c’est un héritage commun ! Qu’est ce qu’assumer ? C’est accepter de réaliser ce pour quoi on s’est engagé, c’est-à-dire de se conformer au rôle que l’on a accepté implicitement de jouer en empruntant une certaine posture mais. chassez le naturel, il revient au galop, il y a là un tour de passe passe ! La femme qui singe l’homme, qui se donne certains airs, a vite fait, en cas d’urgence, de revenir à ce qu’elle sait le mieux faire et qui relève non pas de la nécessité mais de la contingence, non pas de suivre la ligne droite mais des chemins de traverse, au petit bonheur la chance.

   Le problème, c’est qu’une telle revendication fausse les représentations : on occupe la place d’un autre de façon artificielle. C’est ainsi que le français était la langue d’une population et d’un pays occupant une place centrale en Europe, il est né de cette situation. Or, à partir du moment où l’anglais prend la place du français, il crée une situation en porte à faux, décalée et somme toute déstabilisante pour l’équilibre européen puisque la France est dépouillée de sa centralité linguistique tour en maintenant d’autres modes de centralité objectifs. Voilà donc l’anglais moderne, mâtiné de français, langue d’un peuple “insulaire”, situé au nord, en marge du “continent” européen et revendiquant une certaine centralité et qui empêche la France d’assumer pleinement sa mission ; elle qui est située pleinement entre le Nord et le Sud, entre la germanité et la latinité ! Et n’en est-il pas de même pour les relations judéo-chrétiennes, quand des populations s’affirment comme le Nouvel Israël sans être prédisposées pour autant, par l’histoire voire par la géographie, à assumer un tel rôle ? Et est-ce que là encore, un tel subterfuge pseudo-généalogique ne contribue-t-il point à déstabiliser le monde ? Idem pour les prétentions féminines qui ne parviennent pas à faire de la femme un homme et qui la mettent en situation fausse en maintes occasions, et cela aux dépends, une fois de plus, de l’harmonie civilisationnelle. Voilà ce que c’est que de vouloir devenir l’autre tout en restant, par la force des choses, soi-même.

   On en dirait autant des processus migratoires2 qui font que l’on parle une langue sans la comprendre, que l’on se fait passer pour un natif alors qu’on n’en a pas les automatismes et la formation, ce qui, là encore, fausse - comme on dit qu’un instrument est faussé - les représentations sociales et conduit à les transformer de façon appauvrissante et minimale. Nos ancêtres, les Gaulois.

   Que dire d’ailleurs de ces juifs3 qui, en trop grand nombre, désormais, sont issus d’une immigration récente ? En France, les Juifs immigrés - qui font fi des juifs de souche française - revendiquent une filiation abusive par rapport à l’histoire du judaïsme français alors qu’ils ne sont pas réellement en situation d’incarner les valeurs liées à une présence séculaire dans ce pays. Bien plus, on peut se demander s’ils sont encore juifs, par delà une pratique traditionnaliste qui peut s’acquérir à court terme.

   On trouverait d’autres exemples chez les astrologues mythologisés et polythéisés4 qui prenant la place d’une véritable astrologie, ayant d’autres assises, disposent d’ outils différents des siens lesquels ne leur permettent pas d’assurer les services de la véritable astrologie, d’où un compromis visant à changer son signifié, avec le passage d’une astrologie mondiale, axée sur les mutations collectives vers une astrologie individuelle et liée au moment de la naissance. D’où un savoir qui fait problème et qui, quelque part, introduit des décalages épistémologiques fâcheux. Que dire de ces religions qui associent, acrobatiquement, le monothéisme avec la pluralité des dieux planétaires ?

   Méfaits du syncrétisme et du mimétisme que l’on retrouve dans des genres bâtards comme l’opéra, issu du théâtre, ou la messe - notamment chez un Richard Wagner - qui combine les voix et les instruments, produisant de l’inclassable, ce qui explique que l’on ne retient le plus souvent que les ouvertures orchestrales, comme chez Berlioz, Beethoven, Rossini voire Mozart.

   Que dire, enfin, de ces régimes politiques hybrides qui se donnent des apparences qui ne correspondent pas à la réalité, tant diachronique que synchronique et qui débouchent par exemple vers une forme de césarisme napoléonien qui revendique un pouvoir héréditaire et impérial sans avoir traversé l’Histoire à l’instar de la monarchie. D’une certaine façon, le président de la République relève d’une forme d’imposture, en tant que substitut du souverain. Il ne constitue pas un point fixe, indépendamment des élections législatives : on l’a bien vu avec le couplage des élections présidentielles et législatives en 2002 et la réduction du septennat en quinquennat. Le roi incarne l’étoile fixe et le parlement le monde planétaire mobile. Or, l’élection du président au suffrage universel direct ou indirect met fin à ce statut de fixité nécessaire.

   La France, en cela, par la nature républicaine de son régime, depuis les années 1870, a certainement fragilisé sa situation et une fois de plus par rapport à l’Angleterre qui a maintenu en place une institution qui avait été illustrée par la monarchie française avec un certain prestige, d’où une fâcheuse solution de continuité. L’Europe, d’une façon générale, a perdu, au lendemain de la Première Guerre Mondiale une grande part de ses structures monarchiques ou impériales - même si la France a continué à désigner, quelque temps, ses colonies sous le nom d’Empire Français. Cette France monarchique, au coeur de l’Europe est donc devenue républicaine, elle a en outre perdu son hégémonie linguistique unificatrice.

   Le cas de la maladie est particulièrement édifiant: celui qui est malade ressemble à celui qui est bien portant mais il ne sera pas pour autant en mesure d’accomplir les tâches qui lui incombent, dès lors qu’on le croit en bonne santé. Ce n’est pas tant ici que le malade veuille faire croire qu’il avait changé, comme pour l’immigré, mais qu’il dissimule le changement, provisoire ou non, qui s’est opéré en lui. Autrement dit, le malade revendique une filiation qui n’est plus ce qu’elle était.

   Mais le problème est encore plus large puisque, par le langage, chacun peut jouer un rôle qui n’est pas le sien sans pouvoir / vouloir en assumer les conséquences. Rien n’est plus facile que de s’approprier la parole de l’autre ; on plagie comme on respire. L’enfant, dès sa naissance, apprend ainsi à donner le change.

   L’équilibre du monde serait donc compromis qui exige une dualité, celle de la balance avec ses deux plateaux, celle des vraies complémentarités; on va donc vers des sociétés schizophréniques qui se sont clivé en ce qu’elles se sont approprié l’autre. Peut-on ainsi impunément et innocemment remplacer autrui, tout en restant peu ou prou soi-même ? Qu’est ce que cet amour du prochain qui consisterait à devenir lui et qui est la devise d’un christianisme lequel s’est lui-même tant approprié ce qui appartenait à autrui et aux Juifs en particulier ?

   Nous sommes ainsi placés dans un monde de plus en plus imprévisible, puisque ceux qui affichent une certaine identité correspondent à une autre fonction que celles qu’ils sont censés assurer. Il y a toujours un moment où les masques tombent.

   Alors que le monde de la technologie est éminemment prévisible, les appareils étant fabriqués en série, celui des hommes qui incarne, en quelque, une technologie première, une pré-technologie hypnologique (cf. supra), n’offre plus de lisibilité fiable : sous l’étiquette, le produit ne correspond pas et l’individualisme syncrétique, a achevé de brouiller les pistes. Que l’on ne vienne pas justifier cet état de choses et que l’on cherche plutôt à y remédier en restaurant un équilibre compromis par des malversations multi-identitaires.

   Peut-on revenir en arrière, à ce stade où l’hypno-savoir est encore en gestation - où rien ne va plus - et où les signifiés sociaux sont fixés et transmis ? Il existe certes une petite marge de manoeuvre qui autorise précisément les supercheries mimétiques mais au bout du compte tout rentre dans l’ordre et les choses continuent statistiquement à se passer comme prévu si tant est que l’on sache de quoi il retourne, quelle est la mission impartie à chaque ensemble. Rien n’est plus déplaisant, en tout cas, que de voir la montagne - signifiant accoucher d’une souris - signifié.

Jacques Halbronn
Paris, le 22 juin 2003

Notes

1 Cf. nos études sur le concept “hypno”, Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr, rubrique Hypnologica. Retour

2 Cf. notre “Psychanalyse de l’étranger”, Homme & Faits, Site Faculte-anthropologie.fr. Retour

3 Cf. notre étude “les pièges de la représentativité en milieu juif laïc”, Hommes & Faits, Site Faculte-anthropologie.fr. Retour

4 Cf. notre étude sur “Astronomie et culture, culture des astrologues”, Encyclopaedia Hermetica, Site Ramkat.free.fr, rubrique Astrologica. Retour



 

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