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Etudes hypnologiques : la constitution des systèmes |
Tous, autant que nous sommes, notre existence s’inscrit au sein d’un système. Et par là il faut entendre un certain nombre d’automatismes et c’est pour là que, grosso modo, notre système marche.
Si nous considérons notre vie, nous pouvons la découper en un certain nombre de systèmes successifs, à commencer par la famille dans laquelle nous avons été élevés, sans trop nous poser de questions jusqu’à tel arrangement professionnel et ce jusqu’à la retraite qui constitue, également, une nouvelle étape systémique. Quant au passage d’un système au suivant, il a pu constituer une période critique, impliquant une nouvelle adaptation, puis les choses se sont à nouveau organisées d’une façon plus ou moins viable.
Un système de vie est donc un ensemble parfois assez complexe de rouages, qui peut éventuellement connaître quelque dysfonctionnement passager mais qui tient à peu près la route et, en tout cas, auquel nous nous sommes habitué, voire résigné, l’essentiel étant, au bout du compte, que l’on n’ait plus trop à y penser et que cela nous laisse l’esprit libre.
La plupart des personnes que nous côtoyons ont bel et bien un système, auquel ils sont littéralement attachés, même si nous en doutons et il nous faut souvent du temps pour en découvrir toute l’étendue, tous les aspects, parfois étranges, inattendus et qui permettent à chacun d’être somme toute heureux. Car être heureux, cela pourrait correspondre au fait de disposer d’un système bien huilé, qui tourne et qui nous évite d’avoir chaque jour à réinventer d’autres expédients, ce qui est usant. Même les personnes qui vivent dans les pires conditions -SDF compris - parviennent, tôt ou tard, à un modus operandi, à un modus vivendi et somme toute à une certaine routine. D’où une certaine résistance au changement dès lors qu’il y a risque que notre beau système en soit affecté.
Une fois engagés dans un système, il nous est d’ailleurs difficile d’en changer et les occasions qui se présentent sont souvent évacuées, ou du moins restent marginales pour ne pas compromettre un savant équilibre, un dosage qui est propre à chacun, ce n’est qu’ à des moments particuliers que l’on peut considérer de recourir à une nouvelle donne, à un new deal, selon l’expression de Franklin Roosevelt.
Un tel système, fort éclectique au demeurant, comporte une grande part d’automatismes, donc de confiance envers des tiers, des institutions, sur lesquels nous comptons pour qu’elles continuent à oeuvrer de la même façon et ce en quelque sorte indéfiniment car à un certain stade, on ne souhaite pas que les choses ainsi mises en place cessent, on voudrait même tout verrouiller. Au fond, nous bénéficions tous d’une sorte de rente de situation. C’est quoi ton système ?
Or, ce qui est vrai au niveau individuel ne fait qu’exprimer un besoin profond de l’Humanité dont il est essentiel de prendre conscience et cela vaut notamment pour la notion d'écosystème. Encore faut-il indiquer une différence de taille : avec le temps, un tel système devient inconscient, ce qui lui assure d’ailleurs une certaine pérennité et il n’est pas prêt de changer ou d’être sensiblement modifié.1 Aussi, ce que nous avons décrit au niveau individuel est-il nécessairement fonction de ces infrastructures quasiment immuables. Et il semble bien que le système dans lequel nous fonctionnons collectivement reste encore bien mal connu et que nous n’en avons pas cerné les tenants et les aboutissants.
La mort et la maladie sont souvent des causes d’un changement de système : une personne qui importait dans notre vie tombe malade, doit changer de vie, une autre décède, nous laissant un héritage, un bien, une rente. La guerre aussi est susceptible de nous contraindre à changer peu ou prou notre système. Cela dit, tôt ou tard, on réussira bien à mettre en place un nouveau système qui nous laissera l’esprit tranquille. Les périodes où nous n’avons pas de système au point sont, somme toute, assez brèves.
Bien entendu, le système se situe au delà du bien et du mal: tout n’est pas tout blanc dans un système, parfois on profite, on exploite autrui, cela se fait souvent aux dépens de quelqu’un qui néanmoins s’y retrouve, lui aussi, à son propre niveau, sinon, cela ne marcherait pas, n’est-ce pas ? Souvent quelque chose qui semblait provisoire perdure, ayant fait ses preuves, chacun des protagonistes s’en satisfait et surtout du fait même que cela tourne à peu près tout seul, ce qui est souvent la priorité, la raison d’être du système.
C’est dire ce que les systèmes, divers et variés, peuvent avoir d’arbitraire mais cet arbitraire est transcendé / transmuté par le temps, dès lors qu’il sert un objectif louable, qui est celui de la pensée et de la création, s’il permet à l’esprit de souffler. Mieux vaut probablement un mauvais système ou un système mauvais que pas de système du tout. Mieux vaut un lieu pour vivre que pas de lieu fixe. Cette notion même de SDF est parlante : le drame n’est pas tant de ne pas avoir de domicile, on en a toujours un par la force des choses, mais que ce domicile ne soit pas fixe, c’est à dire à peu près immuable, qu’on n’ait pas constamment à le chercher, à l’inventer, à l’improviser. C’est la non-fixité qui fait problème car elle est en conflit avec un certain art de vivre, fait, lui, d’une certaine fixité, et qui semble être une des valeurs permanentes de la civilisation. Or, si l’on plaint les SDF, en revanche on ne va pas pour autant louer ce qui est figé, sclérosé, ce qui montre bien qu’il y a là dualité voire synergie: la fixité permet la mobilité, à un autre niveau, en est une condition sine qua non.
L’établissement d’un système implique donc des choix, des compromis et l’on espère que les avantages de régularité que l’on en tirera compenseront leur caractère insuffisant. C’est pourquoi, dans la relation à l’autre, notamment, il convient qu’elle revête un caractère d’habitude voire de quotidien, tant il est vrai que nous instrumentalisons / instrumentons autrui. Il y a donc un processus de systématisation ou de systémation dans le rapport que nous gérons avec notre environnement. Autrement dit, le rapport à l’autre n’est pas une fin en soi mais un moyen, le but final étant notre épanouissement individuel ou collectif, si le groupe d’appartenance constitue une entité bien spécifique face aux autres. Il n’est pas certain, par conséquent, que le couple ne soit autre chose qu’un élément d’un système et que celui qui ne vit pas en couple ne puisse être appelé SPF, c’est à dire sans partenaire fixe. Le couple ne fait problème que s’il n’existe pas, mais quand il existe, il ne résout pas pour autant tous les problèmes existentiels et spirituels des protagonistes.
Mais en quoi précisément consiste cette liberté rendue possible par le système, par le fait de se décharger sur la machine, par le fait d’être représenté par autrui, voire remplacé puisque nous avons dit que le système ne nous enferme pas mais au contraire nous émancipe. Pour faire quoi ?
On connaît le vieux débat sur la civilisation dite des loisirs, permise précisément par le progrès technologique et l’on connaît l’adage l’oisiveté est la mère de tous les vices. On fera d’abord remarquer que les loisirs peuvent faire partie intégrante d’un système : c’est le cas de la télévision, elle est souvent une habitude et bien nombreux seraient ceux qui ne supporteraient pas d’en être privés, sevrés. Ce qui caractérise la télévision, c’est qu’elle existe en dehors de nous, qu’elle fait désormais partie de notre environnement. Et en cela elle est plus un moyen qu’une fin, sauf bien entendu pour ceux qui y trouvent un espace de créativité et qui font la télévision. D’ailleurs, le public fait partie, lui aussi, du système par le recours à l’audimat.
Il convient probablement d’opposer le mort au vif : le système est mort, il permet au vivant d’exister. Sans du mort, le vif est surchargé, saturé de tout ce qu’il y a réinventer. Le mort, c’est aussi la mémoire, le langage, la maison, les automatismes de toutes sortes, sans lesquels on ne peut vivre décemment. On parle en peinture de nature morte.
La femme, à plus d’un titre se situe du côté de la mort, du moins pour l’homme et un système sans femme à demeure est souvent insatisfaisant. Dans notre vie, la mort est la règle et la vie l’exception : nous nous épuiserions à ne fonctionner que dans le registre de la vie, comme un homme qui devrait éjaculer de façon répétée. Il importe que nous partagions avec l’autre des codes, des souvenirs, nous ne pouvons recommencer en permanence, faute de quoi nous deviendrions le Sisyphe décrit par Albert Camus. Il reste que cette tension vitale ne saurait être submergée par le poids de ce qui est figé. Chez la femme, parfois, même le moi semble comme cristallisé et elle en parle comme d’une réalité qui lui échappe, qui s’est verrouillée en elle, et dont elle est prisonnière, malgré elle. A l’homme de préserver à la femme cette étincelle de vie, cette vitalité ; c’est le conte de la Belle au Bois Dormant de Charles Perrault, lorsque le prince réveille la jeune femme de son sommeil métaphysique, du à une piqûre du rouet.
D’un point de vue éthique, celui qui a du temps libre, grâce au système qu’il s’est constitué ou dont il bénéficie, a des obligations. Il ne peut se laisser vivre. Il doit contribuer à la vie de la société, lui insuffler une dynamique par ses écrits, ses paroles, ses oeuvres, lesquels d’ailleurs très vite mourront, c’est à dire lui échapperont et le prolongeront. Le vivant génère nécessairement du mort et sans vivant, il n’y aurait pas de mort et vice versa, puisque grâce à la mort, au système, il y a aussi promesse de vie. Echange de bons procédés. Il reste qu’avant de mourir à l’esprit, de s’éteindre pour renaître au royaume des ombres, il y a un temps où la vie est bien présente, jaillissante, dans une sorte de big bang, même si cela ne devait durer que quelques secondées ou micro-secondes. Il est clair que la mort a une autre temporalité que la vie. Une fois l’euréka lancé, il est presque immédiatement absorbé par les mots, transmis à autrui, servi dans des livres, enregistré, récupéré, bref systématisé. C’est à peine si l’on peut le cerner, tant il est éphémère, telle une flamme / flambe exiguë, pour évoquer le premier quatrain des Centuries de Nostradamus. Il importe donc de distinguer la fin et les moyens : la mort conduit à la vie et il en est qui doivent mourir pour que d’autres vivent mais en même temps ceux qui servent le système se nourrissent de cette vie, c’est bien cela un écosystème. Mais quand ceux qui doivent incarner la vie, grâce à la mort d’autrui, ne sont pas à la hauteur de la tâche, il y a révolte des esclaves, révolution, c’est la crise du système hypno. Ce qui montre bien qu’un système qui n’est pas porteur de vie est voué à imploser.
Il semble, au vrai, qu’il y ait une justice immanente, une harmonie préétablie, et que ceux qui ont besoin d’un système viable pour pouvoir s’épanouir sachent le susciter, le mériter et qu’instinctivement, une certaine hiérarchie, une division / répartition des tâches, se mettent en place en leur faveur. En revanche, celui qui faillit à une telle mission est condamné à terme à accomplir des activités de routine pour que d’autres puissent poursuivre à sa place. Qu’est-ce que l’aliénation ? Ce n’est pas tant dépendre d’un système que de ne pas en profiter, ce qui nous détourne de nous-mêmes. En tout état de cause, celui qui profite du système en fait ipso facto parti, il en est l’âme.
Jacques Halbronn
Paris, le 1er juillet 2003
Note
1 Cf. nos études dans la rubrique Hypnologica, E. H. , Site Ramkat.free.fr. Retour
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